COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
SM
Code nac : 50D
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 JANVIER 2018
N° RG 16/05260
AFFAIRE :
SARL EL AUTOMOBILE
C/
SAS PORSCHE DISTRIBUTION
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° chambre : 04
N° Section : 0
N° RG : 2014F035
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT
Me Michèle DE KERCKHOVE
Me Caroline VARELA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL EL AUTOMOBILE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20160245
Représentant : Me Caroline LERIDON de la SCP SCP LERIDON & BEYRAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0095
APPELANTE
****************
SAS PORSCHE DISTRIBUTION
N° SIRET : 420 94 7 5 333
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26
Représentant : Me Jean-jacques LE PEN de la SELAS LPLG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0114
SARL GARAGE LECLERC
N° SIRET : 487 51 2 6 344
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Caroline VARELA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 282 - N° du dossier 2016.38
Représentant : Me Léon DAYAN de la SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0423
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2017, Madame Sylvie MESLIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvie MESLIN, Président,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY
Vu l'appel déclaré le 8 juillet 2016 par la société à responsabilité limitée EL Automobile (société EL Automobile), contre le jugement prononcé le 3 juin 2016 par le tribunal de commerce de Versailles, dans l'affaire qui l'oppose à la société par actions simplifiée Porsche Distribution (société Porsche) ainsi qu'à la société à responsabilité limitée Garage Leclerc (société Garage Leclerc) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :
- 3 février 2017 par la société Garage Leclerc, intimée sur appel principal ainsi que sur appel incident,
- 23 juin 2017 par la société EL Automobile, appelante,
- 28 juillet 2017 par la société Porsche, intimée sur appel principal et appelante sur appel incident ;
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.
1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige
La société El Automobile exerce une activité d'achat et de vente de véhicules automobiles neufs ou d'occasion et a pour principal fournisseur, la société Porsche Distribution. Elle a ainsi le 14 juin 2011, acquis auprès de celle-ci, un véhicule d'occasion de marque Bentley de type Continental GT pour 59 000€ toutes taxes comprises. La société Garage Leclerc lui a remis la carte grise correspondante datée du 11 mai 2011 ainsi que le certificat de situation administrative du 9 juin suivant. La société Garage Leclerc avait elle-même acheté ce véhicule auprès de la société California Metasport, en mars précédent. Le véhicule a circulé sans difficultés pendant plus d'un an.
La société El Automobile ayant en effet été informée selon lettre de la Direction Générale de la Police Nationale du 11 octobre 2012, que ce véhicule en provenance des Etats-Unis, figurait sur une liste de véhicules ayant fait l'objet d'une immatriculation frauduleuse lors de leur importation en France et qu'ainsi, son immobilisation avait été inscrite au système d'immatriculation des véhicules (SIV) et bloquait toute opération de quelle que nature que ce soit, a par lettre du 22 novembre 2013, mis la société Porsche en demeure, de reprendre le véhicule litigieux et de lui en rembourser en contrepartie le prix.
La société Porsche a par lettre du 2 décembre suivant, refusé de donner suite à cette demande et rappelé qu'aucun grief ne pouvait lui être opposé dès lors notamment, que la vente litigieuse était intervenue entre professionnels exerçant la même activité.
Par acte du 30 décembre 2013, la société El Automobile a donc assigné la société Porsche devant le tribunal de commerce de Versailles en indemnisation du préjudice subi et en résolution judiciaire de la vente du véhicule litigieux pour vice caché, manquement à l'obligation de délivrance ou manquement à l'obligation de garantie d'éviction. La société Porsche a de son côté, fait assigner le 19 février 2014 la société Garage Leclerc en intervention forcée aux fins, de la voir condamnée à la garantir de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge au titre du véhicule cédé.
Le 16 mars 2015, la société El Automobile a, du fait de l'immobilisation du véhicule litigieux, été contrainte de le vendre en pièces détachées pour le prix de 18 000€ à la société à responsabilité limitée Util Auto (société Util), informée de l'interdiction de circuler.
Dans le dernier état de ses demandes, la société El Automobile a demandé aux premiers juges de :
- vu les articles 1641 et suivants du code civil, vu les articles 1604 et suivants du code civil, vu les articles 1625 et suivants du code civil, vu l'article 1184 du code civil,
- A titre principal:
- dire et juger que l'immatriculation frauduleuse du véhicule Bentley acheté constitue un vice caché de la chose, ouvrant droit à garantie à l'égard de la société El Automobile;
- en conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011 ;
- dire et juger que la restitution en nature est devenue impossible depuis la revente du véhicule pour ses pièces détachées en date du 16 mars 2015,
- condamner la société Porsche Distribution à verser à la société El Automobile 61 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
- à titre subsidiaire :
- dire et juger que la société Porsche Distribution a failli à son obligation de délivrance,
- en conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011 ;
- dire et juger que la restitution en nature est devenue impossible depuis la revente du véhicule pour ses pièces détachées en date du 16 mars 2015,
- condamner la société Porsche Distribution à verser à la société El Automobile 61 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
- à titre très subsidiaire :
- constater que les conditions ouvrant droit pour la société El Automobile à la garantie d'éviction sont réunies,
- en conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011;
- condamner la société Porsche Distribution à verser à El Automobile la somme de 41 000€.
- en tout état de cause,
- condamner la société Porsche Distribution à payer à la société El Automobile une indemnité de 5.000 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir;
- condamner la société Porsche Distribution aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Versailles a tranché le litige en ces termes :
- déboute la SARL El Automobile de l'ensemble de ses demandes.
- condamne la SARL El Automobile à payer à la SAS Porsche Distribution et à la SARL Garage Leclerc la somme de 3 000€ chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit n'y avoir lieu à exécutions provisoire.
- condamne la SARL El Automobile aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 203, 38€.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu : 1) sur la demande de la société El Automobile au titre du vice caché, - le vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, s'identifie à une défectuosité interne à la chose elle-même,l'empêchant de rendre le service que l'on attend;
- ce vice ne saurait provenir de facteurs étrangers à la chose ; - concernant les produits manufacturés, il s'agit de défauts de fonctionnement de la chose et en l'espèce, la société El Automobile ne démontre pas le mauvais fonctionnement du véhicule litigieux ; 2) Sur la demande subsidiaire faite au titre de l'obligation de délivrance, l'avis d'immobilisation notifié par la Direction Centrale de la Police Judiciaire précise, que la société El Automobile se devait, d'effectuer la mise en conformité du véhicule lequel, devait faire l'objet d'une visite d'homologation ; - la société El Automobile ne démontre pas avoir entrepris les démarches nécessaires auprès des sociétés Porsche ou Garage Leclerc pour obtenir cette homologation, se bornant à affirmer que celle-ci est impossible dans la mesure où son obtention implique la production du certificat d'immatriculation du pays de provenance (USA.) ; - il n'est ainsi pas démontré, que les sociétés Porsche ou Garage Leclerc ont refusé de fournir ce document ; - le manquement à l'obligation de délivrance n'est donc pas de ce point de vue, caractérisé ; - il ne l'est pas davantage du fait que la facture établie par le vendeur indiquait que le véhicule avait parcouru 58 793 km alors que, deux ans auparavant, le carnet d'entretien faisait déjà état de 43 040 miles, soit 69 266 km; - s'agissant d'une vente entre professionnels de même spécialité, la société El Automobile ne démontre pas que le vendeur lui a caché cette information ; - la société El Automobile sachant que le véhicule litigieux provenait des Etats-Unis, pouvait en effet, vérifier toutes les informations le concernant et donc, en refuser l'acquisition si elle estimait que ces informations ne correspondaient pas à ce qui avait été convenu ; 3) Sur la demande très subsidiaire faite au titre de la garantie d'éviction, - cette garantie a pour objet de permettre au propriétaire d'un bien d'en jouir pleinement sans que ce droit puisse lui être contesté ; - le vendeur doit donc lui délivrer la chose et en garantir la possession à l'acquéreur ; - il n'est tenu à cette garantie du fait des tiers, que lorsque le fait générateur de la garantie est antérieur à la vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; - ce chef de demande sera également écarté.
La société El Automobile a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 10 octobre 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 28 novembre suivant tenue en formation collégiale pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été renvoyée à l'audience de ce jour pour plus ample délibéré.
2. Dispositifs des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
La société El Automobile prie la Cour de :
- vu les articles 1641 et suivants du code civil,
- vu les articles 1604 et suivants du code civil,
- vu les articles 1625 et suivants du code civil,
- vu l'article 1184 du code civil,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 3 juin 2016 en toutes ses dispositions ;
- Et en conséquence :
- A titre principal :
- dire et juger que l'immatriculation frauduleuse du véhicule Bentley acheté constitue un vice caché de la chose, ouvrant droit à garantie à l'égard de la société El Automobile ;
- En conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011 ;
- dire et juger que la restitution en nature est devenue impossible depuis la revente du véhicule pour ses pièces détachées en date du 16 mars 2015,
- condamner la société Porsche Distribution à verser à la société El Automobile la somme de 41 000€ en restitution partiel du prix de vente ;
- condamner la société Porsche Distribution à payer à la société El Automobile 10 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
- A titre subsidiaire :
- dire et juger que la société Porsche Distribution a failli à son obligation de délivrance,
- En conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011 ;
- dire et juger que la restitution en nature est devenue impossible depuis la revente du véhicule pour ses pièces détachées en date du 16 mars 2015,
- condamner la société Porsche Distribution à verser à la société El Automobile 41 000€ en restitution partiel du prix de vente ;
- condamner la société Porsche Distribution à payer 10 000€ à la société El Automobile à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
- A titre très subsidiaire :
- constater que les conditions ouvrant droit pour la société El Automobile à la garantie d'éviction sont réunies,
- En conséquence,
- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011 ;
- condamner la société Porsche Distribution à verser à El Automobile la somme de 41 000€.
- En tout état de cause :
- condamner in solidum les sociétés Porsche Distribution et Garage Leclerc à payer à la société El Automobile une indemnité de 7 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés Porsche Distribution et Garage Leclerc aux entiers dépens.
La société Porsche demande à la Cour de :
- vu les articles 1641 et suivants du code civil,
- vu les articles 1626 et suivants du code civil,
- vu l'article 1615 du code civil,
- vu les articles 66 et 331 et suivants du code de procédure civile,
- recevoir la société Porsche Distribution en ses présentes écritures et la dire bien fondée ;
- A titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a débouté la société El Automobile de l'intégralité de ses demandes au titre de la garantie ;
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a débouté la société El Automobile de l'intégralité de ses demandes au titre de l'obligation de délivrance conforme; - confirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a débouté la société El Automobile de l'intégralité de ses demandes au titre de la garantie d'éviction ;
- A titre subsidiaire,
- débouter la société El Automobile de l'intégralité de ses demandes indemnitaires ;
- Plus subsidiairement, pour le cas où la Cour de céans estimerait devoir accueillir tout ou partie des demandes de la société El Automobile, quel que soit le fondement retenu,
- condamner la société Garage Leclerc, sans approbation des fins de la demande principale dirigée contre le requérant à relever et garantir la société Porsche Distribution de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens, qui viendraient à être prononcées contre la Société Porsche Distribution à la demande de la société El Automobile ;
- En tout état de cause,
- condamner la société El Automobile à verser à la société Porsche Distribution la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société El Automobile aux entiers dépens.
La société Garage Leclerc demande à la Cour de :
- vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
- vu les articles 1626 et suivants du Code Civil,
- vu l'article 1615 du Code Civil,
- recevoir la société Garage Leclerc en ses présentes écritures et la dire bien fondée ;
- A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 juin 2016 par le tribunal de commerce Versailles.
- A titre subsidiaire,
- Si la Cour venait à accueillir tout ou partie des demandes de la société El Automobile dirigées à l'encontre de la société Porche Distribution :
- dire et juger que l'action en garantie diligentée par la société Porsche Distribution à l'encontre de la société Garage Leclerc est irrecevable et mal fondée ;
- débouter en conséquence la société Porsche Distribution de sa demande dirigée contre la société Garage Leclerc d'appel en garantie de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens, qui viendraient à être prononcées contre la société Porsche Distribution à la demande de la société El Automobile ;
- En tout état de cause,
- condamner la société El Automobile à verser à la société Garage Leclerc la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société El Automobile aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
CELA ETANT EXPOSE,
1.Il y a lieu de statuer, sur le bien-fondé d'une demande de résolution d'un contrat de vente d'un véhicule automobile d'occasion de provenance étrangère intervenue entre deux professionnels, présentée par l'acquéreur final (société El Automobile.) contre son vendeur immédiat (société Porsche.), à titre principal pour vice caché, à titre subsidiaire pour manquement à l'obligation de délivrance et à titre très subsidiaire, pour manquement à la garantie d'éviction.
2.La Cour est également saisie, du mérite de la demande en garantie formée par le vendeur professionnel contre son propre vendeur (société Garage Leclerc.) qui prétend l'avoir lui-même acquis auprès d'une autre société (société California Motorsport.) Qui en aurait assuré l'importation.
Sur la demande principale de la société El Automobile contre la société Porsche
En ce qui concerne le principe de la garantie des vices cachés
3.La société El Automobile soutient que : - les premiers juges ont, en contrariété avec la lettre et l'esprit de l'article1641 du code civil, écarté le grief de vice caché au sens de cet article dès lors que, le défaut allégué ne correspond pas à une défectuosité interne de la chose vendue ; - un vice au sens de cet article, porte sur une des qualités de la chose vendue qui, nécessaire à l'usage auquel l'acquéreur destinait celle-ci, la rend impropre à cet usage ou diminue tellement celui-ci, que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un prix moindre s'il l'avait connu ; - la société Porsche a en l'espèce, vendu un véhicule qui en raison d'une immatriculation frauduleuse, a fait l'objet d'une immobilisation administrative et n'a ainsi plus pu être mis en circulation ; - ce véhicule n'a pas pu être cédé comme véhicule pouvant circuler normalement alors, qu'ayant pour activité, l'achat et la revente de véhicules dans le but de les revendre et bien entendu, de dégager une marge substantielle sur ces ventes, elle l'avait précisément acquis dans ce but ; - la levée de l'immobilisation administrative qui l'affecte s'est par ailleurs avérée être impossible, en l'absence des documents originaux d'immatriculation et donc, de l'impossibilité d'obtenir une carte grise régulière ; - confrontée à une situation financière très difficile, elle n'a donc pas eu d'autre choix, que de se résoudre, à revendre ce véhicule à un coût très faible, à une société qui, informée du vice découlant de son immatriculation frauduleuse, s'est dite intéressée mais uniquement, pour acquérir ses pièces détachées.
Ell ajoute que : - ce vice est quoi qu'il en soit, antérieur à la cession incriminée ainsi que cela ressort de la note de la Direction Générale de Police Nationale du 11 octobre 2012 expliquant que, lors de son importation en France, ce véhicule a fait l'objet d'une immatriculation frauduleuse ; - le vice dénoncé n'est pas l'immobilisation administrative mais bien, l'immatriculation frauduleuse ayant préexisté à la vente et révélée postérieurement à celle-ci servant de fondement à cette immobilisation ; - si un acheteur professionnel est présumé connaître un tel vice, cette présomption est une présomption simple alors que pèse sur le vendeur professionnel une présomption irréfragable selon laquelle, il avait nécessairement connaissance des vices cachés affectant la chose vendue ; - cette irréfragabillité est logique et permet, en cas de ventes en chaîne comme dans les circonstances de la présente espèce, de pouvoir remonter au vendeur initial ; - ayant obtenu les documents administratifs officiels attestant de la bonne situation administrative du véhicule, elle n'avait pas à rechercher plus avant la régularité de cette immatriculation en remettant en cause, la régularité d'un acte établi par l'autorité publique ; - rien n'empêche la société Porsche, condamnée en tant que vendeur professionnel, de demander à son tour, en tant qu'acquéreur professionnel, la restitution du prix envers son propre vendeur.
4.La société Porsche conclut au débouté des demandes formées à son encontre et objecte à cette fin que : - son adversaire ne cesse de se placer en victime mais ne s'est jamais donné la peine d'engager les démarches nécessaires à la levée de l'immobilisation administrative de son véhicule ; - aucun vice caché n'est caractérisé au sens des dispositions légales applicables, un tel vice s'entendant comme étant un vice propre à la chose et non pas propre, à une cause extérieure à celle-ci même si, cette cause est inconnue de tous ; - à supposer même, que le vice caché résulte de l'immatriculation frauduleuse du véhicule concerné, ce vice ne rendait quoi qu'il en soit pas ce véhicule, impropre à l'usage pour lequel il était destiné ; - l'immobilisation administrative étant en effet intervenue, un an et quatre mois après l'achat du véhicule litigieux, la société El Automobile a utilisé celui-ci sans aucune difficulté au cours de cette première période ; - le vice caché doit être antérieur à la vente alors qu'en l'espèce, le véhicule concerné a a posteriori, fait l'objet d'une immobilisation inscrite au S.I.V, bloquant toute opération à la suite d'une commission rogatoire délivrée le 21 septembre 2012 ; - quoiqu'il en soit, pour l'hypothèse où l'existence d'un tel vice était retenu, la société El Automobile est, en tant que professionnelle de l'automobile, présumée en avoir eu connaissance et il lui appartenait, d'effectuer les diligences basiques inhérentes à la vente d'un véhicule automobile, en vérifiant son immatriculation ; - elle ne démontre pas, avoir procédé à ces diligences.
5.La société Garage Leclerc réplique, en défense à l'action en garantie formée contre elle par la société Porsche que : - la société El Automobile ne demande plus la restitution en nature de la chose vendue contre remboursement mais seulement, une réparation indemnitaire nouvelle, correspondant à la différence entre le prix de vente du véhicule en pièces détachées (18 000€.) et le prix d'acquisition de ce dernier ; - selon la jurisprudence établie au visa de l'article 1644 du code civil, l'impossibilité de restituer la chose vendue fait obstacle à toute action en résolution de la vente ; - la demande indemnitaire de l'acquéreur s'analyse nécessairement en une demande estimatoire et non pas, en une action rédhibitoire nécessitant l'existence d'un vice caché antérieur à la vente qui en l'espèce, n'est pas démontré ; - la société El Automobile disposait des documents administratifs nécessaires, attestant de la situation administrative officielle du véhicule ; - le vice, est apparu le 21 septembre 2012, à la suite de la commission rogatoire ayant eu pour conséquence, l'immobilisation a posteriori du véhicule acquis lequel, ne présente dans sa substance, aucun défaut.
6.Vu l'article 1641 du code civil dont il ressort, que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou, qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
7.C'est à tort que dans les circonstances de cette espèce, les premiers juges ont écarté l'existence d'un vice caché au sens de ces dispositions légale dès lors qu'il s'infère de l'ensemble des éléments portés aux débats et soumis à la discussion des parties que le véhicule acquis par la société El Automobile, spécialisée dans le négoce de véhicules automobiles, présente une inaptitude fondamentale à la circulation par suite d'une immatriculation frauduleuse lors de son importation et s'est ainsi trouvé, un an après son acquisition, impropre à l'usage que l'on reconnaît à tout véhicule automobile et pour lequel il avait été acquis par cette société, peu important que le défaut dénoncé ne porte pas sur le véhicule en lui-même puisqu'il porte sur la carte grise, élément accessoire indissociable lui permettant de circuler.
8.La qualité de professionnel de l'acheteur ne saurait en effet en elle-même, priver celui-ci du droit à la garantie des vices cachés de la chose vendue.
9.Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet dans les circonstances de cette espèce, de considérer que cette qualité de professionnel exerçant son activité dans le négoce de véhicules automobiles neufs ou d'occasion pouvant provenir d'un pays étranger, dans le même domaine d'activité que le vendeur, aurait dû permettre à la société El Automobile de déceler au moment de la vente, le vice litigieux puisque seule, une enquête administrative ayant révélé des faits de corruption de fonctionnaires, a ultérieurement permis de le mettre à jour une année plus tard. Il est en effet constant, que la cession du véhicule dont s'agit était accompagnée de documents administratifs officiels à jour, présentant toutes les apparences de régularité, ces documents s'étant a posteriori avérés être des faux car délivrés, sur la base de procès-verbaux techniques falsifiés par des fonctionnaires de la sous-préfecture émettrice.
10.Des défauts de cette nature sont nécessairement indécelables, y compris par un acquéreur professionnel tel que la société El Automobile. La société Porsche n'est donc pas fondée à se prévaloir de la clause de non-garantie qui, insérée à l'acte de vente du 14 juin 2011, se trouve être formulée comme suit : 'véhicule vendu à marchand dans l'état où il se trouve et sans garantie' d'autant que cette clause n'apparaît pas, avoir elle-même procédé à la vérification qu'elle reproche à la société El Automobile de ne pas avoir effectuée dans le cadre de sa propre acquisition du même véhicule auprès du vendeur précédent, la société Garage Leclerc, à l'encontre de laquelle elle s'estime par surcroît, en droit d'exercer un recours en garantie en cas de condamnation prononcée contre elle.
11.Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a écarté la société El Automobile, du bénéfice de la garantie du vice caché.
12.Pour les mêmes raisons que celles qui sous-tendent l'issue de l'action exercée par la société El Automobile contre la société Porche, cette dernière est fondée, à se retourner contre son propre vendeur lequel ne saurait davantage s'exonérer de sa responsabilité, en se prévalant de la qualité d'acheteur professionnel de son adversaire dès lors qu'il n'est nullement établi que la société Garage Leclerc serait la société importatrice du véhicule considéré et que partant, aucun élément ou circonstance de la présente cause, ne permet de considérer que la société Porsche aurait en qualité d'acheteur professionnel, pu déceler le vice litigieux ou aurait été à l'origine de celui-ci.
13.Sur ce deuxième point, le jugement entrepris recevra également infirmation.
Sur les conséquences du vice caché
14.N'étant pas en mesure de restituer la chose vendue puisqu'il est constant qu'elle l'a revendue, la société El Automobile exerce une action indemnitaire et conclut d'une part, à la résolution du contrat de vente dont s'agit et à la restitution subséquente d'une partie du prix, égale à la différence entre le prix d'acquisition du véhicule (59 000€) et le prix de vente des pièces détachées de celui-ci à une société tierce (18 000€) ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts.
Elle indique que : - la société Porsche qui était son fournisseur principal, refuse désormais de lui vendre des véhicules ; - la dernière vente à elle consentie, remonte ainsi au 29 novembre 2013 soit, quelques jours à peine après la mise en demeure adressée à la société Porsche ; - n'ayant acquis que 33 véhicules entre janvier et novembre 2014 alors que, à la même période en 2013, elle en avait déjà acquis le double soit 67 au total dont la majorité provenait de la société Porsche, son chiffre d'affaires a baissé de plus de la moitié sur les quatre premiers mois 2014 en comparaison des quatre premiers mois 2013 ; - elle a encore, effectué en pure perte, d'importants travaux sur le véhicule Bentley dans la mesure où, ce véhicule n'a pas pu être vendu
Elle précise ne pas s'être constituée partie civile dans la procédure pénale ouverte consécutivement, à la découverte d'immatriculations frauduleuses et avoir vainement sollicité auprès du greffe du tribunal correctionnel la copie, du jugement prononcé dans le souci de mettre fin aux insinuations de son adversaire soutenant qu'elle a vraisemblablement déjà reçu indemnisation en qualité de partie civile.
15.Pour s'opposer à ces demandes indemnitaires, la société Porche explique que : - son adversaire ne peut sérieusement prétendre à la résolution de la vente et à la restitution d'une partie du prix sans contrevenir à l'article 1645 du code civil, ces deux solutions étant strictement alternatives ; - elle ne peut ainsi, réclamer la résolution de la vente du véhicule qui implique nécessairement une restitution de la chose au vendeur, cette restitution en l'état étant en effet totalement impossible puisque, la société El Automobile l'a revendue sans attendre la fin de la procédure ; - il convient au demeurant, de vérifier que la société El Automobile n'a pas été indemnisée par le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Nanterre ; - le manque à gagner dont elle se prévaut n'est quoi qu'il en soit que la conséquence de sa défaillance à obtenir l'homologation par la DREAL, du véhicule en cause et de sa volonté de s'en débarrasser pour la somme dérisoire de 18 000€.
Elle ajoute que : - la responsabilité d'un dommage subi par l'acquéreur d'un véhicule, ne peut être imputée à un vendeur professionnel sans rechercher, s'il existe un lien de causalité suffisamment caractérisé par les juges du fond, entre l'anomalie dénoncée et le dommage invoqué ; - ce lien de causalité n'est en l'espèce pas caractérisé ; - la société El Automobiles, ne démontre en effet pas qu'elle serait son principal fournisseur et qu'elle aurait cessé de lui vendre des véhicules en raison de la présente procédure ainsi qu'elle le prétend ; - la baisse du chiffre d'affaires allégué, peut avoir de nombreuses cause compte tenu du climat économique actuel mais ne peut, certainement pas résulter de l'immobilisation administrative du véhicule vendu par la société Porsche ; - les factures de travaux, prétendument réalisés sur le véhicule Bentley litigieux, ne se réfèrent pas à celui-ci à l'exception de celle, portant sur 2 515,55€ ; - enfin, rien n'indique qu'en l'absence d'immobilisation administrative, la société El Automobile aurait effectivement revendu le véhicule litigieux ; - aucun lien n'est donc rapporté, entre l'immobilisation du véhicule et sa prétendue dépréciation ; - le kilométrage n'a par ailleurs, rien d'erroné ; - si celui-ci était avéré, la différence de km parcourus serait d'environ 10 500 km, ce qui en soi ne saurait justifier, un préjudice financier de 10 000€ ; - la société El Automobile, doit donc être déboutée de l'intégralité de ses demandes.
16.L'action rédhibitoire et l'action estimatoire pour cause de vice caché de la chose vendue, procèdent de la même cause et en l'espèce, il est clair que, seule l'action estimatoire reste ouverte à l'acquéreur qui ne peut en effet plus, restituer le véhicule litigieux après avoir revendu celui-ci en pièces détachées et à qui il ne peut être reproché de n'avoir pas tenté de minimiser le dommage. Dans un tel contexte, l'action estimatoire n'empêche pas l'exercice d'une action en résolution de la vente, elle ne saurait aboutir à une indemnisation supérieure au prix versé.
17.La société El Automobile sera donc, dans les termes du dispositif ci-après, déclarée fondée en sa demande en paiement de 41 000€ (59 000€ - 18 000€.), aucun élément du Dossier ne permettant de penser que cette société a déjà été indemnisée en qualité de partie civile.
18.En l'absence de circonstances particulières sérieusement établies justifiant la demande de dommages-intérêts complémentaires de 10 000€, elle sera en revanche, déboutée de ce dernier chef de demande. Une baisse de chiffres d'affaires ne peut en effet à elle seule, être imputée à la vente du véhicule litigieux affecté d'un vice caché.
Sur les dépens
19.Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
20.Les sociétés Porsche et Garage Leclec, parties perdantes au sens de ces dispositions, seront in solidum condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel, précision étant faite que la société Garage Leclerc sera condamnée à garantir la société Porsche de la condamnation prononcée contre elle de ce chef.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris, celles afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens.
STATUANT DE NOUVEAU ET YA JOUTANT :
PRONONCE la résolution judiciaire de la vente intervenue le 14 juin 2011.
CONDAMNE la société par actions simplifiée Porsche Distribution ainsi que la société à responsabilité limitée Garage Leclerc, à verser à la société El Automobile, une somme de quarante et un mille euros (41 000€.), en restitution partielle du prix de vente.
CONDAMNE in solidum la société par actions simplifiée Porsche Distribution ainsi que la société à responsabilité limitée Garage Leclerc aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum la société par actions simplifiée Porsche Distribution, ainsi que la société à responsabilité limitée Garage Leclerc, à payer à la société à responsabilité limitée El Automobile, une indemnité de cinq mille euros (5 000€) à titre de frais irrrépétibles de première instance et d'appel.
DEBOUTE les parties, de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,