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22/01/2018 | FRANCE | N°15/07426

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 22 janvier 2018, 15/07426


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 75B



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JANVIER 2018



N° RG 15/07426



AFFAIRE :



Mme [X] [A] veuve [F]

...



C/

Société DOMAXIS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7ème

N° RG : 13/05218



Expéditions exécutoiresr>
Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Patricia MINAULT



Me Roger LEMONNIER



Me Matthieu LEROY













REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 75B

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2018

N° RG 15/07426

AFFAIRE :

Mme [X] [A] veuve [F]

...

C/

Société DOMAXIS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7ème

N° RG : 13/05218

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Roger LEMONNIER

Me Matthieu LEROY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [X], [B], [T] [A] veuve [F]

née le [Date naissance 1] 1928 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [L], [N] [F]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20150430 vestiaire : 619

Représentant : Maître Stéphane DAYAN de l'AARPI ADVOCACY4, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : P 0418

APPELANTS

****************

Société DOMAXIS 'Société Anonyme d'Habitations à Loyer Modéré' S.A. d'HLM'

N° Siret : 322 315 557 R.C.S. PARIS

Ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Roger LEMONNIER de la SCP LEMONNIER- DELION- GAYMARD - RISPAL, avocat postulant et plaidant du barreau de PARIS, N° du dossier 1303004 vestiaire : P 0516

Société UNION FINANCIERE DE FRANCE BANQUE 'S.A.'

N° Siret : 473 801 330 R.C.S. PARIS

Ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Matthieu LEROY de la SELAS IDRAC ET ASSOCIES, avocat postulant et plaidant du barreau de PARIS, N° du dossier 20130055 vestiaire : P0586

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Novembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, président, et Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,

Madame Céline MARILLY, Conseiller,

Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

*****************

FAITS ET PROCEDURE :

La société civile d'attribution Le Jardin Modèle, créée en 1985, avait pour objet social d'acquérir un terrain à [Localité 7] (Hauts de Seine) et de le donner en location selon bail à construction au sens de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation. Les statuts ont été déposés le 15 mai 1985.

Au mois d'avril 1985, M. et Mme [U] [F] ont acquis 45 parts sociales de la société civile d'attribution Le Jardin Modèle, en cours de formation, correspondant aux lots n°146 (un appartement) et n°402 (un emplacement de stationnement) moyennant un prix de 177 750 francs. Il était prévu que lorsque la société accéderait à la propriété des bâtiments édifiés, elle aurait droit à la jouissance des locaux composant les dits lots et, lors de la dissolution, à l'attribution en propriété des locaux.

M. et Mme [F] indiquent avoir été démarchés par le groupe Union Financière de France.

Par actes signés le 19 juillet 1985, la société civile d'attribution (SCA) Le Jardin Modèle a acquis un terrain à [Localité 7] et a consenti à la société d'HLM de l'agglomération parisienne (SAHLMAP), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société d'HLM Domaxis, un bail à construction sur le terrain pour une durée de 25 ans. Le preneur s'engageait à y faire édifier plus de 200 logements, à entretenir les constructions et éventuellement louer les logements pour la durée du bail, qui devait prendre fin le 18 juillet 2010.

Par suite d'un acte de donation-partage reçu par notaire le 21 juin 2000, les époux [F] ont attribué la nue-propriété de leurs parts sociales à leur fils, M. [L] [F], et en ont gardé l'usufruit.

La société Domaxis a encore donné à bail l'appartement des consorts [F], la dernière fois selon contrat du 23 janvier 2009, à M. [V] [Y].

A l'approche du terme du bail à construction, la S.A. d'H.L.M. Logement Français a présenté une offre d'acquisition de l'ensemble de la résidence Le Jardin Modèle.

Les consorts [F] ont refusé de vendre leurs parts et, selon acte de retrait partiel de la société Le jardin modèle dressé par notaire le 12 juin 2011, ils sont devenus propriétaires de l'appartement correspondant à leurs parts sociales.

Estimant que la société Domaxis et la société Union Financière de France Banque, intermédiaire financier, avaient manqué à leurs obligations contractuelles, Mme [X] [F] et M. [L] [F] ont fait assigner ces sociétés le 25 février 2013 afin d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le 10 novembre 2014, ils ont fait assigner en intervention forcée la société Ufifrance Patrimoine, nouvelle dénomination de la société DM Investissement, filiale de la société Union Financière de France Banque (le dossier n'a pas été joint à l'affaire).

[U] [F] est décédé le [Date décès 1] 2015.

Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- rejeté la demande de jonction du présent dossier avec l'affaire enregistrée sous le n° 14/13064 concernant la société Ufifrance Patrimoine,

- rappelé que la société Ufifrance Patrimoine n'étant pas partie à l'instance, aucune condamnation ne pouvait être prononcée contre elle,

- débouté M. [U] [F], Mme [X] [F] et M. [L] [F] de l'ensemble de leurs demandes présentées contre la société d'HLM Domaxis et la société Union Financière de France Banque à hauteur de 130 797 euros, 8 520 euros, 11 148 euros et 13 165 euros, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. [U] [F], Mme [X] [F] et leur fils M. [L] [F] à payer à société d'HLM Domaxis et la société Union Financière de France Banque, chacune, la somme de 3000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Par déclaration du 27 octobre 2015, Mme [X] [A] veuve [F], usufruitière de l'appartement, et son fils, M. [L] [F], nu-propriétaire, ont interjeté appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 15 avril 2016, Mme [X] [F] et M. [L] [F] demandent à la cour de :

- Réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau,

- Constater que la société Domaxis a manqué à son obligation de bonne foi, de loyauté, de cohérence et de coopération envers son bailleur, la société Le jardin modèle et les locataires occupant l'appartement (lot n°146 et 402) situé [Adresse 5], et ce, à leur préjudice, au visa des articles L.251- 1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et des articles 1134, 11147, 1382, 1984 du code civil,

- Constater que la société Domaxis a manqué à ses obligations tant légales que conventionnelles :

- de conservation et de restitution en bon état d'entretien des lots n°146 et 42 à leur préjudice, qu'elle est pleinement responsable de l'état de délabrement constaté dans ces lots,

- de remise au terme du bail à construction des biens libres de toute occupation, et qu'elle doit réparer leur préjudice,

- Constater les manquements graves imputables à la société Union financière de France banque, laquelle, n'a pas respecté l'obligation de conseil et le devoir d'information et de coopération auxquels elle demeurait soumise,

En conséquence, condamner, in solidum, les sociétés Domaxis et Union financière de France banque, à leur verser :

- 130 797 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers du fait de la dévalorisation de leur appartement,

- 8 520 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'absence de remise d'un bien en parfait état d'entretien,

- 11 148 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers résultant de l'occupation, au terme du bail à construction conclu entre la société Le jardin modèle et la société Domaxis, d'occupants sans droit ni titre,

- 13 165 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'exonération de la plus- value en cas de cession,

En tout état de cause

- Débouter les sociétés UFF et Domaxis de toutes leurs demandes,

- Condamner les sociétés Union financière de France Banque et Domaxis à leur payer chacune la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 24 février 2016, la société Union financière de France Banque, intimée, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il ne l'a pas mise hors de cause, au visa de l'article 1147 et suivants du code civil, et de l'article 9 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

- Confirmer le jugement entrepris,

- Rejeter toutes les demandes des consorts [F],

- Condamner Mme [X] [F] et M. [L] [F] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 15 décembre 2016, la société d'HLM Domaxis, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré,

- Débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes,

- Les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 septembre 2017

'''''

LA COUR :

Il est rappelé pour la compréhension du litige que la société civile d'attribution Le Jardin Modèle a signé un bail à construction le 19 juillet 1985, avec la société d'HLM de l'agglomération parisienne. Cette société d'HLM s'engageait à y faire édifier plus de 200 logements, à entretenir les constructions et éventuellement louer les logements pour la durée du bail de 25 ans. Le contrat prévoyait la restitution des biens le 18 juillet 2010, chaque porteur de part de la société civile d'attribution devenant alors propriétaire.

M. et Mme [U] [F] ont acquis, le 4 avril 1985, 45 parts de la société civile Le Jardin Modèle correspondant aux lots n°146 (un appartement) et n°402 (un emplacement de stationnement) au prix de 177 750 francs.

A l'issue de la période de 25 ans, M. [L] [F] est devenu propriétaire de l'appartement et de l'emplacement de parking, ses parents en conservant l'usufruit.

Estimant qu'ils n'avaient pas reçu restitution de l'appartement en bon état d'entretien et libre de tout occupant au terme convenu du mois de juillet 2010, les consorts [F] ont assigné la société Domaxis et la société UFF pour manquement à leurs obligations contractuelles afin d'obtenir réparation de leur préjudice financier.

Le jugement critiqué a reconnu un manquement à l'obligation d'information de la société UFF sur les risques inhérents à l'opération d'investissement (le risque de maintien dans les lieux des locataires, devenus occupants sans droit ni titre et le risque d'évolution du régime fiscal de l'opération) ainsi qu'un manquement à l'obligation de conseil de la société Domaxis à l'égard de M. et Mme [F] mais il a rejeté les demandes d'indemnisation aux motifs que la preuve du maintien de l'occupant des lieux, la valeur de vente et la valeur de l'appartement s'il avait été mis sur le marché sans les manquements constatés n'étaient pas démontrées. Le jugement a exclu un défaut d'entretien, faute de preuve de l'état de l'appartement à la restitution par le locataire.

Sur les limites de l'appel :

Le débat devant la cour se présentant dans les mêmes termes que devant les premiers juges, il est expressément référé pour l'exposé des prétentions des parties et des moyens qui les soutiennent, au jugement déféré qui les a développés.

Sur la responsabilité de l'Union Financière de France Banque :

Les consorts [F] prouvent par la production des plaquettes du « groupe de l'Union Financière de France » qui leur ont été remises en 1985 (pièces 2, 13, 19) que la souscription des parts de la SCA le Jardin Modèle leur a été proposée par cet organisme. Les dossiers « client » et « conseiller » mentionnent en effet « Le Jardin Modèle, programme immobilier sélectionné par l'Union Financière de France » et comporte le projet des statuts de la SCA Le Jardin Modèle et un projet de bail à construction entre la SCA et un bailleur non encore désigné.

C'est à bon droit et par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que la société Union Financière de France Banque assignée, qui exerce sous le nom commercial Union Financière de France, doit répondre des informations et conseils précontractuels remis par le conseiller en gestion financière du « Groupe de l'Union Financière de France », intervenu à titre d'intermédiaire entre M. et Mme [F] et la SCA le Jardin Modèle. La décision est également confirmée en ce qu'elle a jugé que les relations entre les parties sont régies par les articles 1134 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, relatifs à la responsabilité contractuelle.

Les consorts [F] soutiennent que cette société a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil de bonne foi en annonçant un programme de « standing » tout en omettant de l'informer d'une part, que les appartements seraient loués par un bailleur social, ce qui est à l'origine de l'occupation des appartements par des locataires devenus occupants sans droits ni titre au jour de la remise des lieux, et d'autre part, que la revente de ses parts à l'issue de la période de 25 ans serait soumise à une imposition sur la plus-value. Ils soutiennent plus particulièrement que la société UFF a volontairement caché les risques inhérents à une telle opération notamment quant à l'existence d'occupants sans droit ni titre à l'issue du bail à construction.

Toutefois, ces manquements allégués à l'égard de la société UFF ne sont pas démontrés : d'une part, l'identité du preneur, un bailleur social, la société HLM Aedificat, était bien mentionnée dans l'une des plaquettes remises par l'UFF (pièce 19), la substitution de la société HLMAP, autre organisme social, n'a pas modifié la nature sociale du preneur, ni aggravé le risque de l'opération ; d'autre part, la fiscalité avantageuse de l'opération était envisagée dans les plaquettes remises concernant cette opération, soit de manière vague, soit sous conditions, ainsi que l'a justement mentionné le jugement déféré. Les consorts [F] ne peuvent reprocher à la société UFF des informations figurant dans les brochures relatives à une autre opération à [Localité 7] dénommée Flachat à laquelle ils n'ont pas souscrit. Il faut également rappeler que la fiscalité résultant de la loi de finances votée chaque année, ils ne pouvaient ignorer qu'il n'était pas possible en 1985 d'indiquer clairement les conditions d'imposition des plus-values 25 ans plus tard. En tout état de cause, sur ce dernier manquement, les consorts [F] qui ont conservé leur appartement n'ont pas payé d'imposition au titre de la plus-value et ne peuvent donc démontrer de préjudice financier à ce titre.

Les consorts [F] se prévalent également d'un défaut d'information et de conseil caractérisée par l'étude financière réalisée par l'intermédiaire financier. Cette étude annonce pour un capital investi de 177 750 francs, une valeur prévisionnelle d'appartement au terme du contrat, de 477 632 euros alors que leur appartement occupé a été évalué le 18 février 2010 au prix de 153 000 euros par la société Logement Français (pièce 22). Cette étude très précise mentionne plus précisément qu'un capital investi de 177 750 francs, représenterait 25 ans plus tard une valeur prévisionnelle pour l'appartement de 2 955 722 francs soit 450 000 euros.

Cette étude comporte certes des informations précises mais elle comporte la mention « document non contractuel » et « valeur prévisionnelle », ce qui permet de constater que ces informations étaient assorties d'une certaine prudence. Ces mentions conduisent à écarter le grief relatif au défaut d'information et de conseil de la société UFF.

Au surplus, le préjudice né de ce défaut de conseil n'est pas établi puisque les consorts [F] ne prouvent pas de perte financière. Ils ne démontrent pas que cette simulation a été déterminante dans le choix de cet investissement et qu'ils auraient investi cette somme de manière plus profitable s'ils n'avaient pas eu connaissance de ce tableau.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des consorts [F] contre la société Union Financière de France.

Sur la responsabilité de la société Domaxis :

M. et Mme [F] invoquent deux manquements aux obligations de la société Domaxis. Il lui appartient de démontrer les fautes contractuelles commises ainsi que le préjudice en résultant.

- Sur le manquement à l'obligation de restitution des locaux vides :

- L'obligation de restitution des locaux vides est contestée par la société Domaxis qui soutient que le bail à construction ne prévoyait pas cette obligation. Elle estime avoir satisfait à ses obligations en envoyant un courrier le 12 mars 2009 informant les locataires que le bail cessait à compter du 19 juillet 2010.

Le tribunal a rappelé à juste titre que le contrat de bail à construction mentionnait que le bailleur pourrait louer les constructions pour une durée ne pouvant excéder celle du bail. Cette disposition est conforme à l'article L. 251-6 du code de la construction et de l'habitation qui prévoit que les contrats de location consentis par le preneur d'un bail à construction s'éteignent à l'expiration du bail.

La société d'HLM ne disposait de droits sur les immeubles que jusqu'au 19 juillet 2010, date d'expiration du délai contractuel de 25 ans figurant au contrat de bail à construction du 19 juillet 1985. Il s'en déduit qu'au-delà du 19 juillet 2010, le preneur devait restituer les lieux dans l'état dans lesquels il les avait obtenus, et donc libérés de tout occupant. Le tribunal a retenu à bon droit que l'obligation de restitution du bien loué vide au terme du contrat résulte de l'obligation de loyauté du preneur vis-à-vis du bailleur, la société civile d'attribution, et de ses porteurs de parts. L'obligation de restituer les lieux libre s'imposait à la société Domaxis ainsi qu'à tous les occupants de son chef, étant rappelé qu'elle seule pouvait fixer le terme des baux qu'elle consentait sur les appartements.

La société Domaxis fait valoir que l'article 1743 du code civil prévoit que le bailleur qui vend la chose louée ne peut expulser le locataire. Cette disposition n'est pas applicable en l'espèce puisque le bailleur initial, la société civile d'attribution, ne vend pas les lieux mais en obtient restitution conformément à un bail à construire dont le terme est connu depuis 25 ans. Cette disposition n'est pas plus applicable à la relation entre Domaxis, bailleur, et les locataires des appartements puisque le contrat conclu n'était pas un contrat de vente.

En outre, il faut rappeler que le dispositif législatif applicable à cette époque garantissait la reprise des lieux libérés des occupants puisque l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation prévoyait en 2010 que le droit au maintien dans les lieux des locataires sociaux en cas de transfert de propriété de leur logement recevait exception en cas de bail à construction. Ce dispositif permettait en effet de garantir aux investisseurs qui avaient apporté des fonds permettant la construction des logements d'habitation de pouvoir entrer en possession des lieux afin de les occuper personnellement ou de les louer au terme du contrat, sans se voir opposer le maintien dans les lieux des occupants en vertu d'un bail social précédemment conclu.

La société Domaxis fait également valoir que ses baux étaient conclus pour une durée d'un mois tacitement reconductibles afin de permettre la libération des lieux. La société Domaxis soutient avoir mentionné cette information dans les baux qu'elle a conclus mais elle ne produit qu'un seul bail daté du 10 mars 2008 qui n'est pas celui de l'appartement de Mme [A] et de M. [F] et qui concerne un appartement situé à une autre adresse.

Les consorts [F] présentent l'état locatif de la résidence à la date du mois de mai 2009 qui établit que l'appartement a été loué selon un bail conclu le 23 janvier 2009 pour un loyer mensuel de 747,39 euros (pièce 12).

En tout état de cause, il est établi par le courrier adressé par l'association de défense des locataires daté du 25 mai 2009 et adressé à la SCI Le Jardin Modèle que les baux rédigés par la société Trois Vallée à laquelle la société Domaxis a succédé ne mentionnaient pas la date du terme du bail et que les locataires n'ont découvert que par le courrier adressé par la société Domaxis le 12 mars 2009 qu'ils deviendraient occupants sans droits ni titre à compter du 19 juillet 2010 s'ils ne quittaient pas les lieux.

- Le manquement à cette obligation est contesté par la société Domaxis qui estime que les consorts [F] ne démontrent pas avoir réalisé des démarches pour obtenir l'expulsion des occupants sans droit ni titre, ni la date de leur départ. 

La société Domaxis débitrice de l'obligation de remettre les lieux libres afin de permettre au propriétaire de pouvoir en disposer, a l'obligation de démontrer qu'elle a satisfait à son obligation. En l'espèce, il n'est pas contesté que les clés de l'appartement n'ont pas été remises par la société Domaxis au propriétaire malgré les lettres recommandées adressées par M. [U] [F] les 3 juin, 27 juillet et 2 août 2011, et par M. [L] [F] le 25 juin 2011, si bien que ce dernier a été contraint de faire forcer la porte pour entrer dans son appartement par un serrurier et de changer la serrure. La société Domaxis ne produit aucun courrier en réponse à ces demandes légitimes et multiples.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a écarté ce manquement.

- Sur le manquement à l'obligation d'entretien :

- L'obligation d'entretien contractée concernant tant les parties communes que les parties privatives n'est pas contestée par la société Domaxis. L'obligation de conserver les lieux en bon état d'entretien résulte clairement du paragraphe « entretien des constructions » figurant en page 55 du contrat de bail à construction qui indique que le preneur s'engage à effectuer à ses frais et sous sa responsabilité toutes les réparations nécessaires, y compris les grosses réparations définies par l'article 606 du code civil, y compris le ravalement. Le contrat renvoie à l'article L. 251 du code de la construction qui mentionne expressément l'obligation d'entretien du preneur.

- Le manquement à cette obligation est en revanche contesté puisque la société Domaxis soutient avoir entretenu les lieux et avoir réalisé des frais d'entretien des parties communes et de remise en état à chaque changement de locataire.

Les consorts [F] démontrent le défaut d'entretien des parties privatives par les photographies prises en juillet 2011 dans l'appartement après le départ des locataires et l'ouverture des portes par un serrurier. Les lieux sont sales, les portes de placard coulissantes ne sont plus fixées, et le carrelage cassé en plusieurs endroits. La société Domaxis qui affirme avoir réalisé des travaux dans les appartements ne produit pas de justificatif concernant l'appartement des époux [F].

Les consorts [F] démontrent également le défaut d'entretien des parties communes par :

- le courrier de l'association de défense des locataires daté du 25 mai 2009 qui indique que « la résidence a été le fleuron du quartier mais suite à un mauvais entretien, une maintenance médiocre, une absence de sécurité, depuis plusieurs années, ce lieu est devenu un ghetto où règlent incivilité, insalubrité et vandalisme »,

- le rapport d'estimation en valeur vénale de Foncier Expertise en juillet 2009 qui note un état d'entretien passable mais également de nombreux désordres en façade, nécessitant un ravalement et une reprise d'étanchéité, et des parties communes nécessitant un rafraîchissement.

La société Domaxis justifie avoir fait réaliser des travaux dans les parties communes en produisant les situations de travaux définitives datant du mois de juillet 2010 pour les travaux d'étanchéité, et une facture de ravalement du 30 juin 2010 qui prouvent que ces travaux étaient achevés à cette date. Toutefois, l'évaluation des offres par la société Logement Français a été réalisée en février 2010, au vu de l'état de l'immeuble visité en juillet 2009. Ce manquement sera donc retenu dans la mesure où il a contribué à une offre d'achat plus faible de cet organisme.

Le jugement qui a écarté tout manquement de la société Domaxis sera donc infirmé.

Sur les préjudices résultant de ces manquements :

Les consorts [F] sollicitent la condamnation in solidum des intimés à leur verser :

- 130 797 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers du fait de la dévalorisation de leur appartement, correspondant à la différence entre le prix de vente moyen des appartements à [Localité 7] en juillet 2010 et le prix d'achat proposé par la société Logement Français,

- 8 520 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais de réparation de l'appartement du fait de l'absence de remise d'un bien en parfait état d'entretien,

- 11 148 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte des indemnités d'occupation qui n'ont pas été payées par l'ancien locataire devenu occupants sans droit ni titre à compter du mois de juillet 2010 et ce, jusqu'au mois de juillet 2011, date à laquelle le propriétaire a pu entrer dans l'appartement.

- 13 165 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'exonération de la plus- value en cas de cession,

Le préjudice lié à la dévalorisation de l'appartement du fait de la dégradation, notamment des parties communes, et de l'occupation du bien s'analyse en une perte de chance d'avoir pu vendre l'appartement puisqu'il n'est pas contesté que l'appartement est toujours la propriété de M. [L] [F] et que Mme [F] en a conservé l'usufruit. Compte tenu de l'offre de la société Logement Français pour le bien de 156 400 euros (cité dans le courrier de la ville d'[Localité 7] du 26 mai 2009-pièce 29), du coût de l'appartement vacant après impôt sur la plus-value et frais de commercialisation évalué à la somme de 164 800 euros TTC, le préjudice résultant de la perte de chance de vendre cet appartement dans de meilleures conditions, sera fixé à la somme de 7 000 euros.

La société Domaxis est seule responsable de cette dévalorisation pour avoir omis de mentionner dans les baux la date précise du terme et pour avoir omis de veiller à l'entretien des lieux.

Le coût de remise en bon état de l'appartement sera fixé à la somme de 8 520 euros correspondant à la facture du 24 novembre 2011 de 7 500 euros TTC pour les travaux de peinture, pose de carrelage et parquet (pièce 27) et à la facture d'ouverture de la porte et de changement de serrure le 19 juillet 2011 pour la somme de 1 020 euros TTC. Ce coût ne correspond pas à une remise à neuf de l'appartement mais à des réparations rendues nécessaires par le mauvais état de l'appartement qui aurait dû être supporté par la société Domaxis afin de rendre l'appartement en état convenable en juillet 2010.

La perte des indemnités d'occupation d'août 2010 à août 2011 est indéniable. Le loyer s'élevait à la somme de 747,39 euros. L'indemnité d'occupation aurait dû être équivalente, ce qui représente une perte locative pour les consorts [F] sur 12 mois de 8 968,68 euros.

Il n'y a pas lieu d'examiner le préjudice né de l'absence d'exonération de la plus- value en cas de cession puisque ce manquement n'a pas été retenu.

La société Domaxis sera condamnée à verser ces sommes à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les indemnités de procédure :

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer la décision des premiers juges en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante supportera les dépens de la procédure de première instance et d'appel. L'équité conduira à condamner la société Domaxis au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles aux consorts [F].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des consorts [F] à l'égard de la société Domaxis relative au préjudice résultant du défaut de remise de l'appartement en bon état et libre de tout occupant, et en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Domaxis à payer à Mme [X] [A] veuve [F] et à M. [L] [F] les sommes suivantes :

' 7 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la dévalorisation de l'appartement,

' 8 520 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du coût de reprise du défaut d'entretien de l'appartement,

' 8 968,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte locative,

Confirme pour le surplus le jugement,

Y ajoutant,

Condamne la société Domaxis à payer à Mme [X] [A] veuve [F] et à M. [L] [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Domaxis et la société UFF de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société Domaxis aux dépens de première instance et d'appel,

Accorde aux avocats qui en a fait la demande le droit de recouvrer les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision directement contre la personne condamnée conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 15/07426
Date de la décision : 22/01/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°15/07426 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-22;15.07426 ?
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