COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
4e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 JANVIER 2018
N° RG 15/06695
AFFAIRE :
Société ENTREPRISE PICHETA
C/
Société IMMO VAUBAN
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2015 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 4ème
N° RG : 2014F00397
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphane CHOUTEAU
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA
Me Bruno ADANI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE QUINZE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société ENTREPRISE PICHETA
Ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 002489 vestiaire : 620
Représentant : Maître Michael CONRAD, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : P 0429
APPELANTE
****************
Société IMMO VAUBAN
N° Siret : 401 194 345 R.C.S. PARIS
Ayant son siège [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 018131 vestiaire : 52
Représentant : Maître Solën GUEZILLE de l'AARPI CHATAIN & Associés, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : R 137
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE LE BOUQUET 'ASL'
Ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 3]
agissant poursuites et diligences de son secrétaire trésorier la société FONCIA VAUCELLES
Ayant son siège [Adresse 4]
[Adresse 4]
elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Bruno ADANI de la SELARL ADANI, avocat postulant et plaidant du barreau du VAL D'OISE, N° du dossier 206070
vestiaire : 183
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Novembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, président, et Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Madame Christel LANGLOIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,
****************
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Immo Vauban était propriétaire de plusieurs parcelles de terre [Adresse 5]. Elle a fait réaliser des études et diagnostics pour y réaliser un lotissement à usage d'habitation comprenant 42 lots à bâtir destinés à la vente afin de s'assurer de la possibilité de réaliser ce lotissement sur ce site anciennement occupé par une briqueterie, installation classée.
Sont intervenus sur ce chantier :
- la société Bureau d'étude technique (BET) Schéma, en charge d'une mission de maîtrise d'oeuvre suivant contrat du 25 avril 2006,
- la société Picheta, en charge du lot 'terrassement et VRD', suivant contrat conclu le 14 mai 2007.
Le 30 septembre 2009, une inspection télévisée des réseaux VRD a révélé de nombreuses fissures, un éclatement des tuyaux et deux emboîtements insuffisants.
Le maître d'ouvrage a refusé de signer le procès-verbal de réception des travaux qui avait été préparé et signé le 7 octobre 2009 par la société Picheta et par le maître d''uvre.
Suite à la conclusion d'une promesse de vente sur le lot 36, le 7 août 2009, l'un des potentiels acquéreurs a fait réaliser une étude géotechnique de type G12 par la société Armasol aux termes de laquelle la réalisation de fondations spéciales s'avérait nécessaire en lieu et place de fondations légères. La société Armasol en a informé la société Immo Vauban le 20 octobre 2009.
Par ordonnance de référé du 18 février 2010, le Président du tribunal de commerce de Pontoise a désigné M. [J] [Y], en qualité d'expert judiciaire. La mission de l'expert a été étendue à la question de la date de réception des travaux par ordonnance de référé du 19 juillet 2012. L'expert a déposé son pré-rapport relatif à la réception des ouvrages le 26 mars 2013 et son rapport final le 9 juillet 2014.
C'est dans ces circonstances que la société Immo Vauban a fait assigner le 21 mai 2014, la société Entreprise Picheta afin de fixation des dates de réception des ouvrages avec diverses réserves.
Par jugement contradictoire du 1er juillet 2015, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- donné acte à l'Association syndicale libre Le Bouquet de son intervention volontaire à l'instance,
-fixé au 7 octobre 2009 la réception des travaux de terrassement et voirie confiés par la société Immo Vauban à la société Picheta avec une réserve générale relative à la portance des sols,
- fixé au 7 octobre 2009 la date de réception des travaux d'assainissement confiés par la société Immo Vauban à la société Picheta avec des réserves qui sont maintenant levées,
- fixé au 25 septembre 2013 la date de réception de l'équipement de relevage des eaux confié par la société Immo Vauban à la société Picheta, sans réserve,
- dit que les dépens de la présente instance, liquidé à la somme de 104,52 euros, seront supportés par moitié par chacune des parties sociétés Immo Vauban et Picheta.
Par déclaration du 23 septembre 2015, enregistrée le 24 septembre suivant, la société Entreprise Picheta (SAS) a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 octobre 2017, la société Entreprise Picheta demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au 7 octobre 2009 la date de réception des travaux relatifs aux réseaux d'assainissement et au 25 septembre 2013 la date de réception des éléments d'équipement de relevage des eaux confié par la société Immo Vauban à la société Entreprise Picheta, le tout sans réserves,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au 7 octobre 2009 la réception des travaux de terrassement et de voirie avec une réserve générale relative à la portance des sols.
Et statuant à nouveau :
- Prononcer la réception sans réserve des travaux de terrassement réalisés par la société Entreprise Picheta à la date du 7 octobre 2009 ou, à défaut, à la date du 11 mai 2010,
- Condamner la société Immo Vauban au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.
- Réserver les dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 octobre 2017, la société Immo Vauban demande à la cour de :
In limine litis, dire n'y avoir lieu à sursis à statuer,
A titre principal, et sur le fondement de l'article 1792- 6 du code civil,
- Fixer au 11 mai 2010 la date de réception des ouvrages de terrassement et de voiries et réseaux divers, objet de l'acte d'engagement du 14 mai 2007, avec 3 réserves :
* relative aux travaux de terrassement généraux objets des opérations d'expertise diligentées par M. [Y],
* relative aux 4 défauts subsistant sur les canalisations,
* relative au chemin à l'ouest du lot 14,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 1er juillet 2015 en ce qu'il a fixé au 25 septembre 2013, la date de réception de l'équipement de relevage des eaux confiées par la société Immo Vauban à la société Picheta,
A titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 1er juillet 2015, en toutes ses dispositions ;
- En tout état de cause, condamner la société Picheta au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel en ce compris les honoraires d'expertise à hauteur de 6 257,19 euros.
Par ses dernières conclusions signifiées le 22 février 2016, l'Association syndicale libre Le Bouquet demande à la cour de :
- Lui donner acte de son intervention volontaire à la présente instance,
- La dire et juger recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
- Statuer ce que de droit quant aux dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 octobre 2017.
'''''
SUR CE :
Sur les limites de l'appel :
Le jugement critiqué a fixé deux dates de réception pour les travaux confiés par la société Immo Vauban à la société Picheta :
- le 7 octobre 2009, pour la réception des travaux de terrassement et voirie avec une réserve générale relative à la portance des sols, et pour la réception des travaux d'assainissement avec des réserves qui sont maintenant levées,
- le 25 septembre 2013 pour réception de l'équipement de relevage des eaux, sans réserve.
Dans leurs dernières conclusions, les société Picheta et Immo Vauban demandent la confirmation de la dernière réception du 25 septembre 2013 concernant la pompe de relevage des eaux. Aucune contestation n'étant soulevée sur cette réception, le jugement sera confirmé sur ce point.
L'appel est ainsi limité à la question de la réception judiciaire des travaux de terrassement, VRD et d'assainissement en ses deux volets : la date de la réception et les réserves éventuelles.
Il sera donné acte à l'association syndicale libre le Bouquet de son intervention volontaire, étant précisé qu'elle ne forme aucune demande.
Il convient de rappeler que la demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Pontoise a été abandonnée par la société Picheta dans ses dernières conclusions, ce jugement ayant été rendu le 15 septembre 2017 et produit aux débats.
Sur la réception judiciaire des travaux de terrassement, VRD et d'assainissement :
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.(')».
La réception des travaux a pour objet de constater l'achèvement des travaux conformes aux règles de l'art et au contrat conclu, ou le cas échéant, la nécessité de reprendre certaines malfaçons ou non conformités constatées sous forme de réserves. Lorsque des réserves sont formulées, l'entreprise de construction est tenue de les reprendre dans l'année de parfait achèvement conformément à l'article 1792-6 du code civil. La date de réception a également pour effet de faire débuter la garantie décennale des constructeurs de l'article 1792 du code civil.
En l'espèce, le maître d'ouvrage, la société Immo Vauban, a refusé de réceptionner les travaux en octobre 2009 considérant que les travaux étaient affectés de non conformités (remblais rendant impossible la construction des maisons au moyen des fondations classiques et nécessitant des fondations par micro-pieux) ou de malfaçons (tuyaux fuyards). Faute de réception expresse, le maître d'ouvrage a sollicité la réception judiciaire des travaux.
S'agissant de la date de la réception, les parties s'opposent quant à la date à retenir : la société Immo Vauban sollicite la réception à la date du 11 mai 2010, date de commercialisation des terrains et la société Picheta au 7 octobre 2009, comme l'a retenu le jugement.
La date de la réception judiciaire doit être fixée à la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être reçu, soit la date à laquelle il était habitable s'il s'agit d'un logement ou s'il s'agit comme en l'espèce d'un terrain à construire, la date à laquelle les travaux de terrassement et VRD ont été achevés. L'expert a relevé que les travaux de terrassement et VRD ont été achevés en octobre 2009. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de la réception judiciaire de ces travaux à la date du 7 octobre 2009.
S'agissant des réserves existantes à cette date, la charge de la preuve du non-respect du contrat ou des règles de l'art justifiant d'effectuer des réserves incombe à la société Immo Vauban. En l'espèce, elle présente l'acte d'engagement au titre des travaux Terrassements et VRD signé par les parties le 14 mai 2007 qui est trop imprécis pour constater l'étendue des obligations de la société Picheta concernant notamment des remblais. Elle ne produit pas le CCTP comportant les clauses contractuelles détaillées du marché conclu. Elle ne cite dans ses conclusions aucune norme de construction précise qui n'aurait pas été respectée.
La société Immo Vauban produit le pré-rapport de l'expert judiciaire.
L'expert avait relevé pour les travaux d'assainissement des fissures sur les tuyaux d'évacuation des eaux usées et eaux pluviales le 30 septembre 2009 lors d'une inspection télévisée du réseau. La société Picheta y a remédié en cours d'expertise ainsi que l'expert l'a noté à la date du 15 mai 2012 (page 35 du pré-rapport d'expertise). Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une réception de ces travaux avec des réserves levées au jour de la décision.
L'expert a indiqué pour les travaux de terrassement que la société Picheta avait utilisé un remblai d'une qualité ne permettant pas de réaliser des fondations classiques mais nécessitant des fondations par micro-pieux plus onéreux pour 7 parcelles sur 42. Cependant, en l'absence de preuve d'une norme non respectée ou d'une clause du marché de travaux prévoyant des dispositions particulières imposées à la société Picheta concernant le remblai, il n'y a pas lieu de constater de non-conformité ou malfaçon justifiant une réserve.
La société Immo Vauban sollicite qu'une réserve soit mentionnée concernant le chemin longeant le lot 14, à l'ouest, au motif que des malfaçons étaient visibles en octobre 2009 comme en attesteraient les photographies fournies pendant l'expertise. Toutefois, elle produit le pré-rapport sans les annexes, donc sans photographies. Ces photographies figurent dans l'exemplaire fourni par la société Picheta (annexe A 17) en noir et blanc de mauvaise qualité. Le rapport n'indique pas la nature des malfaçons qui affectaient ce chemin. Le CCTP n'a pas été produit. Faute de ces précisions, aucune réserve ne peut être faite. Il faut en effet rappeler que les réserves ont pour objet d'obliger l'entreprise de construction à reprendre ses travaux pour les rendre parfaitement conformes au contrat et aux règles de la construction.
Il n'existe pas de contestation quant au paiement du solde du prix si bien qu'il convient de considérer que les travaux ont été intégralement payés. Il n'est pas contesté que les maisons ont été construites et vendues à compter du mois de mai 2010. Il n'y a donc plus de nécessité d'effectuer des réserves dès lors qu'elles ne pourraient être levées dans l'année de parfait achèvement, ni donner lieu à retenue sur le coût des travaux.
Le jugement déféré sera donc :
- confirmé en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire à la date du 7 octobre 2009 avec des réserves concernant les évacuations des eaux pluviales et eaux usées, réserves qui ont été levées le 15 mai 2012,
- infirmé en ce qu'il a indiqué une réserve sur la portance du sol afin de prévoir une réception sans réserve concernant le terrassement.
Sur la demande au titre des dépens et la demande d'indemnité de procédure
L'équité conduira à écarter les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à partager pour moitié les dépens entre la société Picheta et la société Immo Vauban. En effet, les travaux qui devaient être en principe achevés sans réserve en 2009 ont été réceptionnés ultérieurement après la levée de certaines réserves tenant à des malfaçons, ce qui justifie que la société Picheta conserve une part des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt contradictoire,
Donne acte à l'association syndicale libre Le Bouquet de son intervention volontaire,
Confirme le jugement en ce qu'il a fixé la date de réception concernant la pompe de relevage des eaux au 25 septembre 2013, sans réserve,
Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a fixé la réception des travaux de terrassement avec une réserve sur la portance du sol,
Statuant à nouveau,
Dit que la réception judiciaire des travaux de terrassement et VRD le 7 octobre 2009 est sans réserve,
Confirme pour le surplus le jugement,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la société Entreprise Picheta et la société Immo Vauban conjointement aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,