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07/12/2017 | FRANCE | N°16/04401

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 07 décembre 2017, 16/04401


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre

Renvoi après cassation



ARRET N°



RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE



DU 07 DÉCEMBRE 2017



R.G. N° 16/04401



AFFAIRE :



[X] [U]





C/

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ILE DE FRANCE

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° Section :

N° RG : 10/00556



Copies exécutoires délivrées à :



Me David METIN

la AARPI RMF Avocats Associés





Copies certifiées conformes délivrées à :



[X] [U]



CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ILE DE FRANCE, CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 07 DÉCEMBRE 2017

R.G. N° 16/04401

AFFAIRE :

[X] [U]

C/

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ILE DE FRANCE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° Section :

N° RG : 10/00556

Copies exécutoires délivrées à :

Me David METIN

la AARPI RMF Avocats Associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

[X] [U]

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ILE DE FRANCE, CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIES, ASSOCIATION POUR LE RÉGIME DE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES SALARIES, ASSOCIATION GÉNÉRALE DES INSTITUTIONS DE RETRAITE DES CADRES- CAPIMMEC- GROUPE MALAKOFF

le : 8 décembre 2017

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 05 octobre 2016 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 15 septembre 2016 cassant et annulant l'arrêt rendu le 22 janvier 2015 par la cour d'appel de Versailles (5ème chambre)

Monsieur [X] [U]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 - N° du dossier 10.202 substitué par Me Christelle LONGIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 268 - N° du dossier 10.202

DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe RAMOGNINO de l'AARPI RMF Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0380

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIES

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe RAMOGNINO de l'AARPI RMF Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0380

ASSOCIATION POUR LE REGIME DE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES SALARIES

[Adresse 4]

[Localité 4]

non comparante

ASSOCIATION GÉNÉRALE DES INSTITUTIONS DE RETRAITE DES CADRES- CAPIMMEC- GROUPE MALAKOFF

[Adresse 5]

[Localité 5]

non comparante

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Octobre 2017, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi, après avoir entendu , avocat général en ses réquisitions,

dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

Dans le courant de l'année 2006, M. [U] a procédé en application de l'article R.351-11 du code de la sécurité sociale au rachat de huit trimestres de cotisations de retraite auprès de la Mutualité sociale agricole d'Île de France ( la MSA) au titre d'une activité agricole exercée sur les périodes courant du 1er juillet au 30 septembre 1965 et du 1er juillet au 30 septembre 1966, pour un montant de 928,44 euros.

Le 24 mai 2007, la MSA lui a attribué une pension de vieillesse à compter du 1er juin 2007.

La Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse ( la CNAV) lui a également notifié, le 24 mai 2007, l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er juin 2007.

Le 19 février 2009, en suite d'un contrôle a posteriori des rachats effectués, la MSA a annulé les huit trimestres de cotisations attribués à M. [U], et a sollicité le remboursement de 577,73 euros correspondant au montant des cotisations versées depuis le 1er juin 2007.

Le 23 février 2009, M. [U] a saisi la commission de recours amiable de la MSA, qui, le 25 mars 2009, a confirmé la décision de la caisse.

Le 15 mai 2009, M. [X] [U] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale des Yvelines afin de contester la décision de la commission de recours amiable.

Le 19 mai 2010, la CNAV, informée par la MSA de l'annulation du rachat des cotisations de M. [U], a notifié à M. [U] l'annulation de sa retraite personnelle à la suite de la modification de son relevé de carrière, et lui a réclamé un trop perçu de 38 822,31 euros pour la période du 1er juin 2007 au 30 avril 2010.

Le 6 août 2010, la société Malakoff Médéric a informé M. [U] de l'annulation des droits Arrco qui lui avaient été attribués pour la période du 1er décembre 1965 au 31 décembre 1966, objet du rachat auprès du régime de base.

Par décision notifiée le 30 novembre 2010, le président du tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné l'intervention dans la cause de l'ARRCO I REC - Groupe Malakoff, de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse et de l'AGIRC CAPIMMEC - Groupe Malakoff.

Par jugement du 28 septembre 2012, le tribunal a :

- déclaré irrecevable comme forclose la demande de M. [U] tendant à contester la décision de la commission de recours amiable de la caisse nationale d'assurance vieillesse en date du 19 mai 2010 ayant procédé à l'annulation de la retraite personnelle de l'intéressé,

- rejeté la fin de non-recevoir de prescription soulevée par M. [U],

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [U] à payer à la caisse de mutualité sociale agricole d'Île de France (C.M.S.A), la somme de 577,73 euros,

- condamné M. [U] à payer à la C.M.S.A la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] à payer à la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (C.N.A.V) en deniers et quittances valables la somme de 22.622,31 euros correspondant au solde arrêté au 1er novembre 2011 de la retraite indûment versée à l'intéressé du 1er juin 2007 au 30 avril 2010,

- condamné M. [U] à payer à la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (C.N.A.V) la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit la décision opposable à l'Association pour le Régime de Retraite Complémentaire des Salariés (A.R.R.C.O) et l'Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres ( A.G.I.R.C) et rejeté les demandes formées à rencontre de celles-ci par M. [U].

Le jugement a été notifié aux parties par courrier daté du 12 octobre 2012, reçu le 13 octobre 2012 par M. [U].

M. [U] en a relevé appel le 18 octobre 2012, par voie électronique.

Par arrêt du 22 janvier 2015, la cour d'appel de Versailles (cinquième chambre) a :

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le montant du solde dû par M. [U] à la caisse nationale d'assurance vieillesse s'élève à la somme de 21.009,13 euros, dont il conviendra de déduire les remboursements qui seraient intervenus dans le temps de l'appel,

- débouté M. [X] [U], la caisse de mutualité sociale agricole et la caisse nationale d'assurance vieillesse de leurs demandes respectives d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

Par arrêt du 15 septembre 2016, la Cour de cassation, deuxième chambre civile, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Par requête du 5 octobre 2016, M. [U] a saisi la cour d'appel de Versailles en qualité de cour de renvoi.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [U] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale,

à titre principal :

- de dire et juger que le contrôle effectué par la MSA, et par conséquent la décision d'annulation de rachat de cotisation, sont nuls,

- de dire et juger que le rachat de trimestres de cotisations est régulier ;

en conséquence,

- d'ordonner le rétablissement de ses droits à retraite,

- de condamner la CMASIDF, la CNAV, l'ARRCO et l'AGIRC au remboursement des sommes perçues à titre de remboursement d'indu,

- de condamner la CMSAIDF à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

à titre subsidiaire :

- de dire et juger que la CMSAIDF, la CNAV, l'ARRCO et l'AGIRC ne peuvent prétendre à un remboursement que sur les sommes versées les deux années précédant leur première demande de remboursement,

- de constater la prescription des demandes portant sur les périodes antérieures,

en conséquence,

- de réduire le montant des sommes réclamées par ces caisses d'assurance vieillesse à titre de remboursement de l'indu :

pour la .M.S.A IDF: 456,24 euros

pour la C.N.A.V.: 25.511,81 euros

en tout état de cause :

- de condamner la C.M.S.A IDF à lui verser la somme de 12.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre 35 euros au titre de l'article 1635 bis G du code général des impôts,

- de condamner la C.M.S.A IDF aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir,

- de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CNAV, l'ARRCO et l'AGIRC.

Il fait valoir que les caisses de retraite ne peuvent annuler le rachat des trimestres de cotisations que dans l'hypothèse où la fraude est établie, et que dès lors que la caisse n'établit pas la preuve d'une fraude, elle ne peut annuler le rachat de cotisations qu'elle a de surcroît accordé.

Il soutient que le contrôle effectué par la MSA est nul faute de respect de la procédure prévue par l'article D.724-9 du code rural et de la pêche maritime, la MSA ayant procédé à l'annulation du rachat de ses trimestres sans l'informer préalablement qu'un contrôle était effectué, ni recueillir ses observations et souligne que la Cour de cassation, dans son arrêt du 15 septembre 2016, dont les termes lient la présente cour, a jugé que la cour d'appel avait violé ce texte par refus d'application. Il ajoute que la nullité du contrôle et de la décision d'annulation subséquente découle également du manquement de la MSA à l'obligation d'information et de communication

lui incombant en application de l'article L.114-21 du code de la sécurité sociale. Le contrôle et la décision d'annulation subséquente étant entachés de nullité, il en déduit que le rachat de cotisation qu'il a effectué doit être considéré comme valable, et qu'il doit en conséquence être rétabli dans ses droits.

Contestant toute fraude, il fait valoir qu'ayant travaillé sur différentes exploitations agricoles en 1964, 1965 et 1966, et, s'agissant de faits anciens, il a commis une erreur sur le nom de son employeur lorsqu'il a demandé le rachat de trimestres. Invoquant l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, il fait valoir qu'il a été poursuivi pour escroquerie devant le tribunal correctionnel de Paris, en suite d'une plainte de la MSA, et qu'il a été relaxé par cette juridiction, qui a considéré qu'il s'était 'simplement trompé', dans un jugement du 9 décembre 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 septembre 2013, devenu définitif. Aucune fraude n'ayant été reconnue, d'une part le rachat de trimestres de cotisations est parfaitement régulier, et, d'autre part, la MSA et la CNAV, qui ont été déboutées par le juge pénal de leurs demandes tendant à le voir condamné à leur rembourser le montant des prestations prétendument indues, au titre de leur préjudice matériel, ne sont pas recevables à réitérer les mêmes demandes devant le juge civil. Arguant de sa bonne foi, M. [U] dit démontrer qu'il a travaillé en 1965 et en 1966, M. [T], dont l'attestation est corroborée par deux témoins, attestant l'avoir employé durant les congés scolaires des années 1965 et 1966. Son rachat de cotisation étant parfaitement valable, puisque conforme à la loi, les demandes de remboursement d'indu formées par les différentes caisses d'assurance vieillesse ne sont pas justifiées, et la CNAV, qui lui a imposé de procéder à des remboursements nonobstant les actions en cours, doit restituer les sommes perçues.

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts, il soutient qu'il a été traité comme un escroc, que ses témoins initiaux ont fait l'objet de pressions de la MSA, que cette dernière a refusé d'examiner les éléments qu'il produisait, que l'annulation injustifiée de son rachat de cotisations lui a causé un important préjudice financier et a eu des répercussions sur l'ensemble de ses droits à retraite auprès de la CNAV, de l'AGIRC et de l'ARRCO, les différentes caisses dont il dépend lui réclamant aujourd'hui le remboursement d'un indu de plusieurs dizaines de milliers d'euros.

A titre subsidiaire, si la cour ne reconnaît pas la validité du rachat, il fait valoir que certaines sommes réclamées par les caisses d'assurance vieillesse sont prescrites en vertu de l'article L.355-3 du code de la sécurité sociale. Contrairement à ce qu'affirme la MSA, c'est bien la prescription biennale prévue par ce texte qui doit être appliquée, et non la prescription quinquennale, la MSA ne pouvant se fonder sur l'adage fraus omnia corrumpit dès lors que le juge répressif a conclu à l'absence de fraude. Ainsi, la MSA, qui lui a adressé une mise en demeure de rembourser 536,76 euros le 4 septembre 2009, peut seulement demander le remboursement des sommes versées à compter du 4 septembre 2007, ce qui réduit le montant de l'indu à 456,24 euros, la CNAV, qui a adressé la première demande de remboursement le 19 mai 2010, ne peut demander de remboursement que pour les sommes versées à compter du 19 mai 2008, en sorte que le montant de l'indu n'est que de 25 211,81 euros, et l'AGIRC et l'ARRCO, qui l'ont seulement informé des différentes conséquences possibles sur ses droits de l'annulation intervenue, par un courrier qui ne constitue pas une mise en demeure valable, ne pourront demander de remboursement que sur les sommes versées dans les deux années précédant leur mise en cause dans l'action en justice en cours, qui est interruptive de prescription.

A l'appui de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. [U] produit diverses factures émanant de son avocat.

La MSA Île de France, par conclusions écrites soutenues à l'audience, demande à la cour de :

- recevoir l'appel interjeté par M. [U] mais le déclarer mal fondé,

- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 28 septembre 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que M. [U], faute de disposer des moyens de preuve permettant de corroborer l'existence d'une activité salariée réalisée pour le compte d'un exploitant agricole, a produit au soutien de sa demande une attestation sur l'honneur, contresignée par deux témoins, mais qui dans le cadre de l'enquête effectuée par un agent assermenté, n'a été confirmée par aucun témoin oculaire. Elle soutient que quand bien même il serait considéré que les enquêtes menées par la MSA sont affectées de nullité, il existe des éléments détachables et étrangers à ces enquêtes, qui font obstacle au rétablissement de M. [U] dans ses droits, l'annulation de la procédure n'ayant pas pour effet d'authentifier la déclaration sur l'honneur faite par l'assuré, ni de corroborer le salariat revendiqué si d'autres éléments étrangers ou détachables du contrôle permettent de remettre en cause le rachat opéré. En l'espèce, dans plusieurs documents dont il est l'auteur et qui sont étrangers à l'enquête, M. [U] reconnaît avoir effectué une fausse déclaration. Ainsi, alors qu'il soutient s'être trompé en citant M. [V] au lieu de M. [T], il n'a pas fait mention de ce dernier dans les différents courriers adressés à la MSA le 23 février 2009 et le 25 février 2009, et n'a invoqué de confusion sur le nom de l'exploitant mentionné en 2006 que dans un courrier du 3 mars 2009. L'erreur de M. [U], à supposer qu'elle en soit une, si elle a pu l'exonérer de responsabilité pénale, ne saurait retirer son caractère de fausseté à l'attestation sur l'honneur originelle ; la relaxe dont M. [U] a bénéficié est sans incidence sur l'issue de la présente espèce, et la reconnaissance d'une erreur par le juge pénal établit ipso jure que l'attestation sur l'honneur constitue une fausse déclaration puisque ce document ne correspond en toute hypothèse pas à la réalité. Dès lors que M. [U] n'a pas hésité à lui communiquer une attestation sur l'honneur mentionnant de fausses informations, elle était fondée à annuler la décision de rachat initiale, et la cour doit donc confirmer l'appréciation des premiers juges. L'opération de rachat initiale étant frauduleuse en ce qu'elle repose sur une fausse attestation, M. [U], en vertu de l'adage fraus omnia corrumpit, est empêché tant de formuler des réclamations devant la cour que de tenter de régulariser sa situation : sa démarche frauduleuse le prive désormais du bénéfice des dispositions de l'article R.351-11 du code de la sécurité sociale. Dans l'hypothèse où la cour lui reconnaîtrait la faculté d'établir l'existence d'un salariat, M. [U] ne verse aux débats aucun élément prouvant l'existence d'une prestation de travail accomplie pour le compte de M. [V] au cours des périodes mentionnées dans l'attestation sur l'honneur, et de surcroît, à supposer que la cour considère qu'il s'est trompé de nom d'exploitant, l'activité salariée auprès de M. [T] n'est pas établie. Les témoignages versés aux débats par M. [U] pour tenter d'établir l'existence de cette activité, d'une part ne sauraient être accueillis par la cour, alors que M. [U] a initialement établi, au moins sur le plan civil, une fausse attestation, et en tout état de cause, ne démontrent pas une activité salariée.

Elle oppose à la prescription invoquée par M. [U], qui selon elle prétend qu'elle ne pouvait pas procéder à l'annulation de la régularisation de cotisations prescrites compte tenu de l'expiration du délai de prescription, une jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle l'expiration des délais du recours contentieux ainsi que celle de la prescription biennale applicable à son action ne sont pas opposables en cas de fraude ou de fausse déclaration, seule pouvant être opposée la prescription quinquennale.

Elle conteste avoir pu engager sa responsabilité à l'égard de M. [U], dans la mesure où celui-ci ne démontre aucune faute qui lui serait imputable et où l'annulation du rachat litigieux est intervenue dans le cadre d'une procédure régulière et rigoureuse, avec le souci d'assurer la pérennité du dispositif fixé par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale en veillant à l'application de la procédure mise en place par la loi.

Elle sollicite enfin le remboursement du trop perçu versé à M. [U], correspondant au montant des pensions reçues du 1er juin 2007 au 1er février 2009, et en conséquence la confirmation du jugement sur ce point.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse demande à la cour de  :

- recevoir l'appel interjeté par M. [U] mais le déclarer mal fondé,

- en conséquence, confirmer le jugement rendu le 28 septembre 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles en toutes ses dispositions relatives à la CNAV à l'exception du montant du trop-perçu versé à M. [U] par la CNAV,

- condamner M. [U] à lui rembourser la somme de 17 360,59 euros, représentant le solde arrêté au 18 octobre 2017 de la retraite indûment à lui versée du 1er juin 2007 au 30 avril 2010,

en tout état de cause, de :

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, elle soulève l'irrecevabilité des réclamations de M. [U] à son encontre. M. [U], informé aux termes de sa lettre du 19 mai 2010 qu'il disposait d'un délai de deux mois pour contester sa décision devant la commission de recours amiable, n'a pas usé de cette faculté, et faute d'avoir satisfait à cette formalité substantielle, qui constitue un préalable obligatoire aux termes des articles R.142-1 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est fondée à opposer la forclusion, en application des dispositions des articles R.142-17 et suivants, tant pour sa demande tendant au remboursement des sommes perçues au titre de remboursement d'indu que pour celle tendant à faire juger la créance de la CNAV à son égard partiellement prescrite. Elle soutient que sa décision est aujourd'hui définitive et ne peut plus faire l'objet d'une quelconque contestation devant l'autorité judiciaire. La cour ne peut donc que confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et déclarer irrecevable toutes prétentions de M. [U] à son égard.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que si M. [U] a pu justifier des conditions lui permettant d'obtenir la liquidation de sa retraite à taux plein avant l'âge légal de départ, notamment en raison du début d'une activité agricole alléguée à partir de 1965 constituée par 169 trimestres cotisés, dont 8 ayant fait l'objet d'une procédure dite de 'rachat' auprès de la MSA, elle n'a eu d'autre choix, en suite de l'annulation du rachat de ces 8 trimestres, que d'annuler elle-même la retraite personnelle de M. [U]. Sa décision du 19 mai 2010 est donc parfaitement fondée, puisqu'à cette date, M. [U] ne justifiait plus de la condition de début d'activité avant 16 ans. Elle ajoute que M. [U] a déposé une nouvelle demande de retraite, le 11 juin 2010, qui a donné lieu à l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er juin 2010.

Elle fait valoir, par ailleurs, que M. [U] a indûment perçu 38 822,31 euros, représentant la retraite versée du 1er juin 2007 au 30 avril 2010, et précise qu'un échéancier de remboursement a été conclu, à hauteur de 800 euros par mois, dont le solde s'élève à 17 360,59 euros. Elle sollicite donc la confirmation du jugement entrepris sur ce point quant au principe, et la fixation du montant du trop-perçu à cette dernière somme. En réponse à la prescription biennale soulevée par M. [U], elle fait valoir que l'expiration des délais du recours contentieux et celle de la prescription biennale applicable à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de prestations indûment versées ne sont en application d'une jurisprudence constante pas opposables en cas de fraude ou de fausse déclaration, que dans une telle hypothèse, seule la prescription quinquennale peut être opposée, et qu'en l'espèce, il appert que M. [U] a établi une fausse déclaration, laquelle établit l'existence d'une fraude, qui l'empêche d'opposer la prescription.

Bien qu'ayant signé les avis de réception des lettres de convocation adressées par le greffe de la cour, l'Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres et l'Association pour le Régime de Retraite Complémentaire des Salariés n'a pas comparu.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la nullité du contrôle effectué par la MSA et ses conséquences dans les relations avec la

MSA :

M. [U] a fait l'objet d'un contrôle des attestations sur l'honneur établies pour le rachat de ses cotisations par un contrôleur assermenté de la MSA, qui a conclu à l'existence d'une fraude, le 16 janvier 2009.

L'article D724-9 du code rural et de la pêche maritime, qui est applicable au litige, dispose qu'à l'issue du contrôle, la caisse de mutualité sociale agricole adresse aux personnes contrôlées au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception, ou les agents mentionnés à l'article L. 724-7 leur remettent en main propre contre récépissé, un document rappelant l'objet du contrôle et mentionnant les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle et, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature et du mode de calcul des redressements d'assiette et de taux envisagés, ou du montant des prestations à reverser, tels que connus à cette date, que la personne contrôlée dispose d'un délai de trente jours pour faire part de sa réponse à ces observations à la caisse de mutualité sociale agricole, et qu'aucun recouvrement des prestations indues, des cotisations, des pénalités et des majorations de retard ne peut intervenir avant le terme de ce délai de trente jours. Il en découle que la lettre d'observations constitue une formalité substantielle, destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense, et que son absence entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente.

La MSA ne justifie pas avoir remis, à M. [U], par lettre recommandée avec avis de réception ou en main propre contre récépissé, le document exigé par l'article D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime et qu'il a été mis en mesure de faire valoir ses observations en réponse. Le non respect de ces formalités substantielles entraîne la nullité du contrôle, par suite de la procédure subséquente et donc du redressement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tenant au manquement de la MSA à ses obligations d'information et de communication résultant de l'article L.114-21 du code de la sécurité sociale. Le redressement étant nul en raison du défaut de respect des formalités substantielles présidant au contrôle, le moyen tiré de prétendus actes détachables, susceptibles de justifier la décision de la MSA, est inopérant.

Il sera ajouté surabondamment que M. [U] ayant été relaxé, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 septembre 2013 devenu irrévocable, du chef d'escroquerie pour avoir produit des attestations de complaisance dans un dossier de rachat de trimestres de cotisations vieillesses, l'autorité absolue à l'égard de tous relativement à ce qui a été jugé par cette décision pénale, quant à l'existence des faits incriminés et la culpabilité de celui auquel les faits sont imputés, exclut qu'il puisse être retenu une quelconque intention frauduleuse dans la production par M. [U] des attestations critiquées par la MSA.

Du fait du défaut de respect des formalités prévues à l'article D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime, la MSA ne peut pas procéder au recouvrement de prestations indues, la nullité du contrôle entraînant la nullité du redressement. De son côté, M. [U], qui ne justifie pas avoir effectivement procédé à un remboursement d'indu auprès de la MSA en suite des demandes de cette dernière, sera débouté de sa demande en remboursement des sommes versées à ce titre.

M. [U] ne démontre pas que les témoins qu'il avait initialement cités à l'appui de sa demande de rachat seraient revenus sur leurs déclarations à la suite des pressions exercées par la MSA lors de son enquête. Au surplus, il est établi que les attestations initiales de ces personnes étaient erronées, M. [U] admettant lui-même n'avoir pas travaillé dans l'exploitation de M. [V], mais dans celle de M. [T]. Le fait pour la MSA, qui avait déposé une plainte à la suite de laquelle une juridiction pénale a été saisie, de refuser d'examiner les nouvelles pièces produites par M. [U] à l'appui de sa demande de rachat de cotisations, et le fait que l'annulation du rachat de cotisations effectué par M. [U] soit injustifié ne suffisent pas à caractériser un comportement fautif de la part de la MSA, susceptible d'engager sa responsabilité. M. [U] doit en conséquence être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les conséquences dans les relations avec les organismes Agirc et Arrco :

La société Malakoff Médéric a informé M. [U] par courrier du 6 août 2010 que les droits Arrco qui lui avaient été attribués pour la période du 1er décembre 1965 au 31 décembre 1966 étaient annulés, en suite de l'annulation des périodes rachetées auprès du régime de base et de l'annulation rétroactive de sa pension vieillesse attribuée au titre des 'carrières longues'. Elle a en outre indiqué à M. [U] qu'il ne remplissait plus les conditions nécessaires à l'obtention de ses droits à retraite complémentaire Agirc et Arrco, et lui a proposé compte tenu de sa nouvelle situation soit un maintien de la date d'effet initiale de ses droits, avec application d'un abattement définitif, soit de choisir une autre date d'effet pour ses droits à retraite complémentaire liquidés

avec abattement, soit de formuler une nouvelle demande de retraite lorsqu'il aurait atteint l'âge lui permettant d'obtenir la liquidation de ses droits sans abattement.

La nullité de la décision d'annulation des huit trimestres de cotisation attribués à M. [U] doit conduire à rétablir celui-ci dans ses droits à l'égard de l'Agirc et de l'Arrco. M. [U], qui ne justifie pas avoir effectivement procédé à un quelconque remboursement d'indu au titre de ses droits à retraite complémentaire, doit être débouté de sa demande de condamnation de l'Arrco et l'Agirc au remboursement des sommes qu'elles auraient perçues à ce titre.

Sur les conséquences dans les relations avec la CNAV :

Par décision du 19 mai 2010, la CNAV a procédé à l'annulation de la retraite de M. [U] et déterminé un trop-perçu de 38 822,31 euros. La lettre de notification précisait l'obligation pour l'assuré de saisir la commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de cette notification. M. [U], qui, dans ses conclusions reconnaît avoir reçu la demande de remboursement du 19 mai 2010, ne justifie pas avoir saisi la commission de recours amiable dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 142-1 du code de sécurité sociale, de sorte que sa contestation de la décision de la CNAV est effectivement forclose.

La CNAV demande, de son côté, la condamnation de M. [U] à lui payer la somme de 17 360,59 euros représentant le solde arrêté au 18 octobre 2017 de la retraite à lui versée.

Cette demande de remboursement d'indu n'a pas le même objet que celle qui a été soutenue par la CNAV en qualité de partie civile devant les juridictions pénales, qui constitue une demande d'indemnisation des conséquences d'une infraction pénale dont elle se prétendait victime. En conséquence, le rejet de la demande de la CNAV par le tribunal correctionnel, puis par la cour d'appel de Paris à la suite de la relaxe prononcée à l'égard de M. [U], ne rend pas irrecevable la demande de la caisse devant les juridictions de sécurité sociale.

M. [U] étant forclos pour contester la décision de la CNAV, il n'est pas recevable à contester le montant qui lui est réclamé aux termes de cette décision, y compris en invoquant une prescription.

Il doit donc être fait droit à la demande en paiement de la CNAV pour son entier montant, soit 17 360,59 euros.

Sur la demande de déclaration d'arrêt commun :

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la CNAV, à l'Arrco et à l'Agirc, celles-ci étant parties à la procédure.

Sur les indemnités de procédure et les dépens :

Le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à payer à la MSA et à la CNAV une indemnité de procédure.

Celles-ci doivent également être déboutées de leurs demandes d'indemnité de procédure en cause d'appel.

Il apparaît équitable d'allouer à M. [U] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge de la MSA, M. [U] étant débouté de sa demande à l'égard de la CNAV.

M. [U] doit être débouté de sa demande de condamnation de la MSA aux éventuels frais d'exécution du présent arrêt, dont le sort est régi par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution. Quant à la demande portant sur la somme de 35 euros au titre de l'article 1635 Bis Q du code général des impôts, la procédure étant gratuite et sans frais, ainsi qu'il résulte de l'article R. 144-10, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les éventuels frais de timbre exposés en application de ce texte entrent dans les prévisions de l'article 700 du code de procédure civile et sont compris dans la somme allouée à ce titre.

La procédure étant gratuite et sans frais, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme forclose la demande de M. [U] tendant à contester la décision de la commission de recours amiable de la caisse nationale d'assurance vieillesse en date du 19 mai 2010 ayant procédé à l'annulation de la retraite personnelle de l'intéressé,

Statuant à nouveau,

Annule le contrôle des attestations sur l'honneur établies pour le rachat de cotisations effectué par la Caisse de mutualité sociale agricole Île de France à l'égard de M. [U],

Annule la décision d'annulation de rachat de cotisations subséquente de la Caisse de mutualité sociale agricole Île de France,

Dit que M. [U] est en conséquence rétabli dans ses droits à retraite à l'égard de la Caisse de mutualité sociale agricole Île de France, de l'Arrco et de l'Agirc,

Déboute M. [U] de sa demande de condamnation de la Caisse de mutualité sociale agricole Île de France, de l'Arrco et de l'Agirc au remboursement des sommes perçues à titre de remboursement d'indu,

Déclare irrecevable les demandes de M. [U] de rétablissement dans ses droits à la retraite à l'égard de la CNAV et de condamnation de la CNAV au remboursement des sommes perçues à titre de remboursement d'indu,

Déclare recevable la demande de remboursement d'indu de la CNAV,

Condamne M. [U] à payer à la CNAV la somme de 17 360,59 euros au titre du remboursement des prestations de retraite à lui versées du 1er juin 2007 au 30 avril 2010,

Déboute M. [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la Caisse de mutualité sociale agricole Île de France à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes au titre des indemnités et frais de procédure,

Rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite et sans frais,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04401
Date de la décision : 07/12/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°16/04401 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-07;16.04401 ?
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