La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2017 | FRANCE | N°13/00448

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 novembre 2017, 13/00448


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES






6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 24 OCTOBRE 2017 PROROGE AU 21 NOVEMBRE 2017

R. G. No 16/ 00658

AFFAIRE :

SAS L & L INVESTISSEMENTS




C/

Jérémie X...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

No RG : 13/ 00448




Copies exécutoires délivrées à :

la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGN

EAU

Me Céline ZOCCHETTO




Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS L & L INVESTISSEMENTS

Jérémie X...


le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 24 OCTOBRE 2017 PROROGE AU 21 NOVEMBRE 2017

R. G. No 16/ 00658

AFFAIRE :

SAS L & L INVESTISSEMENTS

C/

Jérémie X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

No RG : 13/ 00448

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU

Me Céline ZOCCHETTO

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS L & L INVESTISSEMENTS

Jérémie X...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant le 24 Octobre 2017 prorogé au 21 novembre 2017 dans l'affaire entre :

SAS L & L INVESTISSEMENTS

207 avenue Charles de Gaulle

92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par Me Nicolas CHAIGNEAU de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0230 substituée par Me Sophie MORTREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1230

APPELANTE

****************

Monsieur Jérémie X...

...

représenté par Me Céline ZOCCHETTO, avocat au barreau de PARIS,

vestiaire : C0214

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD,

FAITS ET PROCÉDURE

M. Jérémie X...a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 21 juin 2004 par société Food Concept en qualité de serveur. Par avenant du 17 septembre suivant à effet au 1er septembre, il a été soumis à un temps complet.

Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de salle.

L'entreprise comptait au moins onze salariés.

La relation de travail était régie par la convention collective Nationale des hôtels, café restaurant.

A la suite de la cession du fonds de commerce à la société L & L Investissements, le contrat de travail du salarié a été transféré à celle-ci à compter du 3 juillet 2012.

M. Jérémie X...a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2012 ainsi libellée.

« Je suis victime depuis le changement de direction de juillet 2012, de pressions morales de la part de la hiérarchie ainsi que de conditions de travail fortement détériorées.

Je suis salarié depuis plus de huit ans au sein de la société que vous avez reprise et n'avez jamais eu jusqu'alors à souffrir d'un harcèlement moral.

Depuis le changement de direction, je subis directement les effets néfastes du climat délétère volontairement entretenu par l'équipe d'encadrement de la société.

Une atmosphère pesante s'est instaurée et qui n'a que pour seul but de me faire « craquer » selon vos termes et de provoquer ainsi un départ spontané de ma part.

En juin dernier, à titre d'exemple pour ne pas tous les citer, la prise de mon poste a été proposée à une de mes collègues.

La deuxième semaine de juillet 2012 ensuite, Madame Alzira Y..., faisant partie de l'équipe d'encadrement de la société L & L Investissements, diffusait l'information de ce qu'un choix devait être fait entre mon poste et celui de mon collègue Sylvain Z....

À la fin du mois de juillet 2012, Madame Y... faisait également comprendre aux employés qu'il serait fait en sorte que certains d'entre nous s'en aillent et sur notre propre initiative.

De la même manière, le 30 août dernier, j'ai été convoqué dans le bureau de la direction par le directeur administratif et financier (Monsieur Pascal A...). En ma présence il était notifié oralement mon collègue, Monsieur B..., son licenciement immédiat. Quelques minutes plus tard, je me suis moi-même vu annoncer sur-le-champ et verbalement mon licenciement.

Ce n'est que le lendemain, alors que je me présentais spontanément à mon poste de travail, afin d'obtenir en définitive des explications censées, qu'il m'a été indiqué que mes fonctions étaient en réalité maintenues. Il m'a cependant été confirmé que ma direction ne souhaitait plus travailler avec moi.

Ces faits prennent place dans un contexte hostile de rumeurs diffusées par l'équipe d'encadrement relativement à une volonté de remaniement du personnel. En l'espace de quatre mois, plusieurs de mes collègues ont été « invités » à quitter la société ou ont fait l'objet d'une mesure de licenciement.

Je viens ici avec l'angoisse permanente de perdre mon emploi et avec le sentiment que mon départ est recherché.

Ces actes, constituant un harcèlement moral en inadéquation avec mon contrat de travail, ont entraîné un préjudice moral ayant un impact certain sur ma santé.

Je fais, en effet, l'objet d'arrêts de travail successifs depuis le 5 septembre 2012 et un traitement aux antidépresseurs en raison de mon état dépressif.

Des séances régulières auprès d'un psychiatre s'avèrent également nécessaires, puisque je développe des idées noires et ai perdu l'estime de moi-même. Je suis désormais incapable de me projeter dans l'avenir et souffre d'insomnies sévères.

À cela s'ajoutent les multiples irrégularités figurant sur les fiches de paie.

Je ne suis toujours pas destinataire de la prime sur TVA concernant des années 2011 et 2012, lesquelles me restent dues au titre des obligations que vous avez reprises de mon ancien employeur. De la même manière, je n'ai pas été remboursé de titre de transport depuis juillet 2012.

Il apparaît, en outre, que mes deux journées de travail effectives du 1er et du 2 juillet ne m'ont toujours pas été rémunérées.

Le principe du maintien de mon salaire pendant mon arrêt de travail n'est pas non plus respecté dans sa globalité.

De nombreuses anomalies figurant sur les fiches de paie ne sont pas résolues.

L'avantage acquis consistant me faire bénéficier d'une sixième semaine de congés payés m'a été, sans préavis, retiré.

Ces irrégularités perdurent malgré plusieurs courriers de relance adressés en recommandé avec accusé de réception depuis juillet 2012 et auxquelles vous ne daignez pas répondre ".

Contestant cette mesure, M. Jérémie X...a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la fixation au passif de la société des créances suivantes en sa faveur :

-44 460 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-14 820 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

-4 940 euros d'indemnité de préavis ;

-494 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

-4 199 euros d'indemnité légale de licenciement ;

-849, 34 euros de rappels de prime sur la TVA pour les années 2011 2012 ;

-76, 25 euros de remboursement de frais de transport pour les mois de juillet et août 2012 ;

-1 480, 80 euros de solde de congés payés ;

-2 470 euros de dommages-intérêts pour toute perte de chance d'effectuer le DIF ;

-2 470 euros en réparation du préjudice résultant de la non régularisation des éléments de paie et de la non remise des documents de fin de contrat ;

-7 410 euros de dommages-intérêts pour non-respect des règles d'hygiène en matière de tabac ;

-2 000 euros en application article 700 du code de procédure civile.

Le demandeur entendait également voir ordonner :

- la remise par le défendeur de toute convention régularisée entre elle et la société Food Concept dans le cadre de la reprise du fonds de commerce sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

- la remise de la copie du registre du personnel de la société L & L Investissements sur la période écoulée depuis juillet 2012 ainsi que de la copie du registre du personnel de la société Food Concept pour la période écoulée de juin 2012 à juillet 2012, à peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard.

L'employeur s'est opposé à l'ensemble de ses prétentions et a demandé l'allocation de la somme de 2000 euros au titre du préavis non exécuté par le salarié et la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 décembre 2015, il a été dit que la prise acte s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la société L & L Investissements a été condamnée à payer à M. Jérémie X...les sommes suivantes :

-14 820 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-4 940 euros d'indemnité de préavis ;

-494 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

-4 199 euros d'indemnité de licenciement ;

-839, 34 euros en paiement de la prime sur la TVA pour les années 2011 et 2012 ;

-76, 25 euros de remboursement de frais de transport pour les mois de juillet et août 2012 ;

-1 476, 30 euros de soldes de congés payés ;

-1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement pour les dommages-intérêts et à compter du jour de la saisine du conseil pour les salaires.

Il était également ordonné la remise des feuilles de salaires, solde de tout compte, certificat travail et attestation pôle emploi conformes à la décision rendue.

M. Jérémie X...a été débouté de ses autres demandes ainsi que la société L & L Investissements des siennes.

Appel a régulièrement été interjeté par la société 29 janvier 2016, après que la décision de première instance avait été notifiée par lettre recommandée remise le 13 janvier.

A l'audience du 16 juin 2017, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile.

M. Jérémie X...prie la cour de confirmer la décision sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents, et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le rappel sur prime de TVA, l'indemnisation des titres de transport et le solde de congés payés. En revanche, il sollicite l'infirmation pour le surplus et la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de14 820 euros de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral, de 2 470 euros en réparation du préjudice résultant de la non régularisation des éléments de paie et de la non remise des documents de fin de contrat, 7 410 euros de dommages-intérêts pour non-respect des règles d'hygiène et de sécurité et 2 500 euros au titre des frais irrépétibles. Il maintenait également sa demande de remise des registres du personnel de la société L & L Investissements et de la société Food Concept pour les périodes évoquées plus haut et sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

La société L & L Investissements adopte la même position qu'en première instance et formule la même demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Considérant sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier du DIF ou sur la demande de communication de la convention de cession du fonds de commerce, que le salarié déclare renoncer à ces prétentions ; que par conséquent la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils l'ont débouté de ces chefs ;

Sur le paiement d'un solde de congés payés

Considérant que le salarié sollicite le paiement de la somme de 1 480, 80 euros d'indemnité de congés payés correspondant à un reliquat de congés payés 13, 5 jours ;

Considérant que la société répond qu'elle n'a pas à régler les créances nées antérieurement au transfert du contrat de travail par cession du fonds et qu'en outre le nouvel employeur ne saurait être tenu d'indemniser une sixième semaine de congés payés accordée bénévolement par l'ancien employeur ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1224-2 du code du travail le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent aux obligations qui incombaient à l'ancien à la date de la modification du contrat de travail sauf en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou le liquidation judiciaire ou en cas de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ;

Que toutefois, la cession du fonds est intervenue le 3 juillet 2012 avant l'ouverture de la procédure collective par jugement du 30 octobre 2012 ; que la substitution d'employeurs résulte d'un acte de cession ; que les congés payés accordés par l'ancien employeur fût-ce de manière bénévole restent dues ; que dans ces conditions il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 1 480 euros d'indemnité de congés payés, ce montant n'étant pas contesté dans son calcul ;

Sur le paiement des primes sur TVA des années 2011 et 2012

Considérant que M. Jérémie X...sollicite le paiement de la somme de 849, 34 euros en paiement de la prime sur TVA des années 2011 et 2012 en application des avenants 2 et 5 de la convention collective des cafés hôtel restaurant, alors qu'il avait pourtant communiqué à son nouvel employeur les feuilles de paie correspondant à cette période pour lui démontrer la réalité de la dette ;

Considérant que la société L & L Investissements oppose comme à propos de l'indemnité de congés payés qu'il n'est pas tenu des dettes de la société cédante et sollicite la communication de tous éléments relatifs aux sommes que le salarié a pu percevoir dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Food Concept ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il s'est acquitté de sa dette, ce qu'il ne fait pas ; qu'il lui appartenait au moment de la cession du fonds de recueillir les preuves de l'état des créances impayées de M. Jérémie X...; que pour le même motif que celui développé au sujet de l'indemnité de congés payés, le nouvel employeur est tenu des dettes de l'ancien ; que la cour fera droit à la demande dont le calcul n'est pas critiqué ;

Sur le remboursement des titres de transport

Considérant que le salarié sollicite le paiement de la somme de 76, 25 euros représentant 50 % des titres de transport des mois de juillet et août 2012 que la société L & L Investissements refuse de lui payer malgré l'envoi de justificatifs ;

Considérant que la société répond que ce montant a été réglé à la suite de la condamnation du conseil des prud'hommes ;

Considérant qu'ainsi la société L & L Investissements ne conteste pas le bien fondé de la demande de paiement ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement aux règles d'hygiène

Considérant que le salarié sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 2 470 euros pour avoir autorisé les salariés à fumer dans les locaux après la fermeture de l'établissement ;

Considérant que M. Jérémie X...ne donne aucune information précise sur les circonstances de cette autorisation et sur les nuisances qu'il aurait subies en conséquences ; que dés lors son préjudice n'est pas démontré et sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

Sur le harcèlement moral

Considérant que le salarié allègue avoir été victime d'un harcèlement moral qui se serait manifesté ainsi :

- entretien dans l'établissement d'un climat d'inquiétude avant même le rachat du fonds de commerce par la société L & L Investissements en juin 2012, avec grande rotation du personnel,- sa mise à l'écart, les nouveaux dirigeants le traitant avec distance, ne le tenant plus informé et le limitant à un rôle de " barman " sans égard pour ses responsabilités antérieures dans l'organisation des soirées ;

- mauvaise gestion des personnes ou tenue non satisfaisante de l'établissement, au point que la clientèle était moins satisfaite du bar ;

- congédiement verbal vexatoire le 30 août 2012 au soir, même si le lendemain il lui a été indiqué qu'il était en réalité conservé dans les effectifs ;

- des propos diffamatoires, discriminatoires et dénigrant à son égard, eu égard à son homosexualité et à son allure caractérisée par la tête rasée, une barbe et le port d'un anneau à l'oreille ;

- ce traitement étant à l'origine d'angoisse, d'insomnie et d'un état dépressif avec suivi d'un psychiatre et arrêts de travail répétés ;

- des irrégularités manifestées par le refus de répondre aux courriers du salarié s'en plaignant ;

- la méconnaissances des règles d'hygiène et de sécurité en ce que la nouvelle direction autorisait les salariés à fumer dans les locaux après la fermeture, alors que M. Jérémie X...n'était pas fumeur ;

Considérant que la société L & L Investissements conteste l'existence d'un harcèlement moral en rappelant que M. Jérémie X...n'était resté à son poste à la suite de la cession du fonds de commerce qu'un mois, à la suite de quoi il ne s'était plus présenté à raison d'un bref congé sans solde et d'arrêts maladie ; que les faits allégués ne sont pas prouvés, puisqu'ils se référeraient en réalité à un climat qui résultait du refus de la nouvelle direction de laisser perdurer d'anciennes pratiques telles que des paiement de salaire en espèces ou des ventes de cigarettes par les salariés au sein de l'établissement à son propre bénéfice ; que la société L & L Investissements estime que les attestations produites sont, soit partiales soit inopérantes comme rapportant des faits non pertinents ou de simples rumeurs ou encore des faits auxquels les témoins n'ont pas assisté, que la société soutient avoir répondu point par point aux réclamations de M. Jérémie X...d'ordre salarial qui étaient infondées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que l'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'il ressort de plusieurs courriers ou messages des 10 novembre 2011, 2 mai 2012, 14 juillet 2012, 10 septembre 2012, et d'autres encore postérieurs à la prise d'acte que le salarié sollicitait des rappels de prime de TVA, des indemnités de transports, des indemnités journalières et de maintien de salaires ; que toutefois, une lettre du salarié lui-même du 11 décembre 2012, révèle que si les créances objets de ces réclamations étaient pour partie fondées, ainsi que cela ressort des développements qui précèdent, le salarié était en réalité débiteur de l'employeur en raison de trop payé lié à la perception d'indemnités journalières directement de la caisse primaire d'assurance maladie, alors que l'employeur lui payait celles-ci comme subrogé dans les droits de l'intéressé ; que de plus une seule de ces correspondances a trait à la période de gestion de la société L & L Investissements à qui est imputée le harcèlement ; qu'il s'en déduit que ce fait ne peut caractériser un agissement de nature à caractériser un harcèlement moral ; que par suite le non paiement des sommes dont le salarié obtient condamnation selon les motifs qui précèdent ne permettent pas de caractériser un agissement de nature à faire présumer un harcèlement moral ;

Considérant que doivent être écartés les témoignages qui se limitent à décrire une dégradation des conditions de travail et une inquiétude du personnel du fait de la cession du fonds de commerce, ou à rapporter des confidences des nouveaux dirigeants relatives à l'homosexualité du salarié, ou au fait que ceux-ci ne souhaitaient pas d'homosexuels dans leurs établissement ; qu'en effet, d'une part ces révélations relèvent souvent de rumeurs transmises par des intermédiaires et d'affirmation non circonstanciées, d'autre part elles ne traduisent pas la manifestation de décision en défaveur de l'intéressé de ce seul fait, ni même ne disent que des propos ont été portés à la connaissance de l'intéressé lui-même ; que ne peuvent pas plus être pris en considération les propos tenus par la direction selon lesquels on hésitait à licencier M. Jérémie X..., dès lors qu'il n'apparaît pas que celui-ci en ait eu connaissance et ait eu à en souffrir ; que n'est pas plus pertinent au regard de l'objet du litige le fait que la nouvelle direction ait autorisé les salariés après la fin du service de fumer dans l'établissement dès lors que M. Jérémie X...ne donne aucune information sur les circonstances de cette autorisation de nature à traduire un préjudice personnel, qui permettrait de caractériser harcèlement au regard des critères de l'article L 1152-1 du code du travail ;

Qu'en revanche, sur le licenciement qui aurait été notifié verbalement au salarié pour être dès le lendemain remis en cause, aucun témoin n'a assisté à la notification d'une telle décision qui au demeurant aurait été peu régulière, les auteurs des attestations se bornant à répéter ce qu'il ont entendu dire notamment par M. Jérémie X...lui-même ; qu'en revanche la société produit deux attestations émanant respectivement de M. C..., employé, et de M D..., chef de cuisine au restaurant bar en cause démontrant l'existence de paiement en numéraires sou s l'ancienne direction et la vente par M. Jérémie X...de cigarettes commandées par l'employeur et figurant sur son livre de commandes, mais dont il conservait les bénéfices en sus de chèques cadeaux de la part du fabriquant de cigarettes Malboro, sous réserve d'un partage avec des collègues ; que M. D...certifie avoir assisté à l'entretien au cours duquel aurait eu lieu le licenciement, sans faire état d'une telle notification ; que se témoin rapportait par contre que l'entrevue avait porté sur ces pratiques que le nouvelle direction entendait faire cesser, de sorte que le salarié n'avait qu'à démissionner si'l ne l'acceptait pas ; que ce licenciement verbal n'est donc pas établi ;

Considérant qu'en revanche plusieurs attestations régulières en la forme rapportent que pendant le mois d'août, M. Jérémie X...a vu réduire ses responsabilités en ce qu'il n'était plus responsable des ventes d'alcool, ni des plannings, n'était plus tenu informé au premier chef comme manager du service du soir, se trouvant en résumer réduit au rôle de serveur, quoiqu'il ait réussi dans ses fonctions antérieurs ; qu'il s'agit d'un agissement unique qui exclut donc le harcèlement moral ; que le salarié sera donc débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Sur la demande de remise des registres du personnel

Considérant que M. Jérémie X...sollicite la condamnation de la société L & L Investissements à lui remettre les registres du personnel du fonds de commerce de juillet 2012 pour illustrer l'importante rotation des salariés ; que cette demande sera rejetée comme dénuée d'intérêt, puisque la rotation du personnel n'est pas un élément de nature à caractériser la situation individuelle du salarié au regard du harcèlement moral ;

Sur la prise d'acte de rupture

Considérant qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiait, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Qu'il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du Code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ;

Considérant qu'à l'appui de la prise d'acte le salarié invoque les faits déjà allégué à l'appeui de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral ;

Considérant que l'analyse faite plus haut sur ce point démontre que seul la rétrogradation est suffisamment grave pour justifier que le contrat de travail ne puisse se poursuivre, en ce qu'elle constitue une modification du contrat de travail qui n'a été justifiée d'aucune manière ; que dans ces conditions le licenciement sera déclaré dénué de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières de la rupture

Considérant que dès lors que la prise d'acte ne produit pas les effets d'une démission, l'employeur doit être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour non exécution du préavis ;

Considérant qu'eu égard à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, il sera alloué au salarié les sommes non contestées dans leur calcul qu'il demande à titre d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés y afférents ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1245-3 du Code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Qu'aux termes de l'article L 1235-5 du Code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Qu'il justifie avoir obtenu un contrat à durée déterminée le 2 avril 2013 lui assurant un salaire de 1 610, 01 € brut par mois et avoir été admis au chômage auparavant ;

Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versé à M. Jérémie X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-5 du Code du travail, une somme de 17 000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

Sur le retard dans " la non régularisation des éléments de paie " et la remise des documents sociaux

Considérant que le paiement tardif des éléments de paie évoqués ci-dessus est réparé par l'allocation des intérêts de retard ; qu'aucune somme supplémentaire ne peut être accordée en l'absence d'évocation d'un préjudice distinct du retard et de la preuve de la mauvaise foi du débiteur ;

Considérant que le salarié sollicite l'allocation de la somme de 2 470 euros en réparation du retard dans la remise des documents de fin de contrat en ce que cela l'a laissé sans ressources pendant de nombreux mois ; que la société L & L Investissements s'y oppose ;

Considérant que les explications des parties sur ce point sont des plus vagues ; qu'il est versé aux débats une attestation Pôle Emploi du 21 décembre 2012 et un certificat de travail non daté mais qui paraît correspondre à la même date ; qu'il n'est pas justifié d'un retard dans le prise en charge de l'intéressé par Pôle-Emploi ; que dans ces conditions M. Jérémie X...ne justifie pas de son préjudice et sera débouté ;

Sur les intérêts

Considérant que les condamnation portant sur des créances contractuelles porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation soit le 11 mars 2013 et à compter du jugement s'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Considérant qu'en application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de confirmer le jugement sur ce point et de condamner en sus la société L & L Investissements à payer à M. Jérémie X...la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; que la société qui succombe sera déboutée de ses prétentions de ces chefs et condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré mais uniquement sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la L & L Investissements à payer à M. Jérémie X...la somme de 1 7 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Condamne la L & L Investissements à payer à M. Jérémie X...la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Déboute la L & L Investissements de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la L & L Investissements aux entiers dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame HAMIDI Rachida, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 13/00448
Date de la décision : 21/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-21;13.00448 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award