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14/11/2017 | FRANCE | N°16/05485

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 14 novembre 2017, 16/05485


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 56B



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 NOVEMBRE 2017



R.G. N° 16/05485



AFFAIRE :



SELARL AB AVOCATS





C/

SASU [D] [J] IMMOBILIER









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 11

N° Section :

N° RG : 2014F00983



Expéd

itions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle RESSOUCHES



Me Martine DUPUIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 56B

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 16/05485

AFFAIRE :

SELARL AB AVOCATS

C/

SASU [D] [J] IMMOBILIER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 11

N° Section :

N° RG : 2014F00983

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle RESSOUCHES

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SELARL AB AVOCATS

N° SIRET : D52 989 183 0

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Isabelle RESSOUCHES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 197 - substituée par Me Julia IVANCOVSKY

APPELANTE

****************

SASU [D] [J] IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1656334

Représentant : Me Audrey LANCESSEUR de l'AARPI NOTA BENE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0521

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Septembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l'appel déclaré le 19 juillet 2016 par la Selarl AB Avocats (Selarl AB Avocats.) contre le jugement prononcé le 10 juin 2016 par le tribunal de commerce de Pontoise, dans l'affaire qui l'oppose à la société par actions simplifiée [D] [J] Immobilier (société [D] [J] Immobilier.) ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions présentées le :

- 21 juin 2017 par la société AB Avocats, appelante à titre principal et intimée à titre incident,

- 29 juin 2017 par la société [D] [J] Immobilier, intimée à titre principal et appelante à titre incident ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces présentés par chaque partie.

SUR CE

La Cour, se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige

La société AB Avocats, cabinet d'avocats, a le 1er avril 2010, signé avec la société [D] [J] Immobilier qui exerce une activité d'agent immobilier spécialisé dans la vente de biens immobiliers en viager, une convention-cadre d'honoraires aux termes de laquelle, cette dernière société entend bénéficier d'assistance et de conseils juridiques dans le cadre de son activité et de ses contentieux, en contrepartie du paiement d'une somme forfaitaire mensuelle de 4 000€ hors taxes outre, un honoraire de résultat calculé sur des bases pré-définies à l'article 2 de cette même convention.

Fondateur de la société [D] [J] Immobilier, M. [Q] [O] a le 19 juin 2013, cédé la totalité des actions qu'il détenait dans cette société. Le cessionnaire a ensuite prétendu, ne pas avoir eu lors de cette cession, communication de la convention-cadre d'honoraires précitée.

Un différend est survenu à propos de l'opposabilité de cette convention-cadre aux nouveaux dirigeants de la société [D] [J] Immobilier. La société AB Avocats a sollicité le règlement de ses honoraires en imputant à faute à la société [D] [J] Immobilier la rupture unilatérale de la convention litigieuse et en motivant sa demande en paiement, par le constat d'une diminution substantielle du volume d'affaires transmises.

Faute d'obtenir ce règlement, la société AB Avocats a le 28 mars 2014, assigné la société [D] [J] Immobilier devant le tribunal de commerce de Paris en paiement, sur le fondement de la convention d'honoraires du 1er avril 2010, de 30 000€ hors taxes en exécution de l'article 6 de cette convention outre, 48 000€ hors taxes à titre d'indemnité de résiliation et 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [D] [J] Imobilier a immédiatement contesté la présentation des faits résultant de cette assignation et parallèlement, émis les plus expresses réserves sur l'authenticité de la convention-cadre du 1er avril 2010.

L'affaire a été radiée du rôle du tribunal de commerce de Paris à l'issue de l'audience du 17 mai 2014 au cours de laquelle, la société AB Avocats ne s'est ni présentée ni fait représenter. L'affaire rétablie, a été renvoyée devant le tribunal de commerce de Pontoise au visa de l'article 47 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses demandes, la société AB Avocats a prié le tribunal de :

- vu l'article 1147 du code civil ;

- vu les pièces versées aux débats ;

- déclarer la Selarl AB Avocats recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- en ce faisant,

- rejeter l'exception de sursis à statuer excipé par la société [D] [J] Immobilier ;

- dire et juger que la société [D] [J] Immobilier a résilié abusivement la convention-cadre du 1er avril 2010 ;

- en conséquence,

- condamner la société [D] [J] Immobilier à payer à la Selarl AB Avocats la somme forfaitaire et définitive de 30 000€ hors taxes en vertu de l'article 6 de la convention du 1er avril 2010 ;

- condamner la société [D] [J] Immobilier à payer à la Selarl AB Avocats une indemnité de 48 000€ hors taxes au titre de la résiliation abusive du contrat à durée déterminée renouvelé le 1er avril 2014 au 31 mars 2015 ;

- condamner la société [D] [J] Immobilier à payer à la Selarl AB Avocats une indemnité de 15 000€ en réparation de son préjudice résultant du comportement dilatoire de la défenderesse ;

- condamner la société [D] [J] Immobilier à payer à la Selarl AB Avocats 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir ;

- condamner la société [D] [J] Immobilier aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet AB Avocats agissant par Maître [U] sur le fondement des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 10 juin 2016, le tribunal de commerce de Pontoise a tranché le litige en ces termes :

- vu l'article 1134 du code civil ;

- vu l'article 1147 du code civil ;

- vu les pièces versées aux débats ;

- rejette les notes en délibéré reçues par ce tribunal après la clôture des débats ;

- dit la société [D] [J] Immobilier infondée en sa demande de sursis à statuer, l'en déboute

- dit la Selarl AB Avocats infondée en sa demande de dommages intérêts pour non-respect de préavis contractuel, l'en déboute ;

- dit la Selarl AB Avocats infondée en sa demande de dommages intérêts pour comportement dilatoire de la société René [J] Immobilier, l'en déboute ;

- dit la Selarl Avocats infondée en toutes ses autres demandes, fins et conclusions et l'en déboute ;

- déclare la société [D] [J] Immobilier mal fondée en sa demande de dommages et intérêts, l'en déboute ;

- condamne la Selarl AB Avocats à payer à la société [D] [J] Immobilier 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la Selarl AB Avocats aux dépens de l'instance liquidés à la somme de 151, 32€ ainsi qu'aux frais d'actes et de procédure d'exécution s'il y a lieu ;

- dit sans objet l'exécution provisoire de la présente décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er août 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 12 septembre 2017 tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire, a été mise en délibéré à la date de ce jour.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société AB Avocats demande qu'il plaise à la Cour de :

- vu l'article 1147 du code civil,

- vu les pièces versées aux débats,

- déclarer AB Avocats recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions;

- dire et juger que [D] [J] Immobilier a résilié abusivement la convention-cadre du 1er avril 2010 ;

- en conséquence,

- condamner [D] [J] Immobilier à payer à AB Avocats la somme forfaitaire et définitive de 30 000€ HT en vertu de l'article 6 de la convention du 1er avril 2010 ;

- condamner [D] [J] Immobilier à payer à AB Avocats une indemnité de 48 000€ HT au titre de la résiliation abusive du contrat à durée déterminée renouvelé du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 ;

- condamner [D] [J] Immobilier à payer à AB Avocats une indemnité de 15 000€ en réparation de son préjudice résultant du comportement dilatoire de la défenderesse ;

- condamner [D] [J] Immobilier à payer à AB Avocats la somme de 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [D] [J] Immobilier aux entiers dépens dont distraction au profit de AB Avocats, sur le fondement de l'article 696 et suivants du code de procédure civile.

La société [D] [J] Immobilier prie la Cour de :

- vu l'article 1134 du code civil ;

- vu l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ;

- vu l'ancien article 1147 du code civil ;

- vu la jurisprudence de la Cour de cassation ;

- A titre principal ;

- dire et juger que la société [D] [J] Immobilier n'est pas à l'initiative de la rupture de ses relations avec la Selarl AB Avocats ;

- dire et juger que la société [D] [J] Immobilier n'a commis aucune faute contractuelle au préjudice de la Selarl AB Avocats de nature à justifier la décision de cette dernière de mettre un terme à leurs relations ;

- dire et juger que la Selarl AB Avocats ne justifie pas sa décision de rompre ses relations avec la société [D] [J] Immobilier ;

- dire et juger, en conséquence, que la rupture des relations entre la Selarl AB Avocats et la société [D] [J] Immobilier n'est pas imputable à la société [D] [J] Immobilier ;

- dire et juger que la Selarl AB Avocats a mis fin brutalement à sa mission sans informer en temps utile la société [D] [J] Immobilier lui causant un préjudice certain ;

- en conséquence

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Pontoise le 10 juin 2016 en ce qu'il a rejeté les demandes de la Selarl AB Avocats et l'a condamné au paiement à la société [D] [J] Immobilier de la somme de 5 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise en ce qu'il a rejeté la demande de la société [D] [J] Immobilier en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution fautive par la Selarl AB Avocats de ses obligations ;

- statuant à nouveau de ce chef ;

- condamner la Selarl AB Avocats à payer à la société [D] [J] Immobilier 30 000€ de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'abandon brutal et fautif par la Selarl AB Avocats des missions qu'elle lui avait confiées ;

- à titre subsidiaire ;

- dire et juger que la Selarl AB Avocats ne peut pas à la fois reprocher à la société [D] [J] Immobilier une violation des obligations prévues par l'article 5 de la convention d'honoraires qu'elle lui oppose et par l'article 6 de cette même convention qui concernent des situations différentes ;

- réviser à la baisse le montant des indemnités sollicitées par la Selarl AB Avocats au titre du pouvoir de modération prévu par les dispositions de l'article 1152 du code civil dès lors qu'elles sont manifestement excessives au regard du préjudice subi ;

- dire et juger que la Selarl AB Avocats ne rapporte pas la preuve du prétendu comportement dilatoire de la société [D] [J] Immobilier ni même l'existence d'un quelconque préjudice qu'elle aurait subi du fait de la durée de la procédure ;

- en tout état de cause ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la Selarl AB Avocats ;

- condamner la Selarl AB Avocats au paiement de la somme de 15 000€ à la société [D] [J] Immobilier au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Selarl AB Avocats au paiement des entiers dépens de l'instance.

- dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

1.La Cour statue sur le mérite d'une demande d'indemnisation présentée par un cabinet d'avocats spécialiste en droit immobilier, se prévalant du préjudice corrélatif à la rupture unilatérale des relations d'affaires nouées avec une société commerciale spécialisée dans la vente de biens immobiliers en viager avec qui, il a signé une convention-cadre d'honoraires en contrepartie de prestations d'assistance et de conseil dans le cadre du développement de l'activité de cette société commerciale et de ses contentieux.

Sur le mérite de l'appel principal

2.La société AB Avocats expose au soutien de sa réclamation que : - si de par son ardeur déployée dans sa mission d'assistance au bénéfice de la société [D] [J] Immobilier, celle-ci a acquis une réelle solidité juridique et financière, de nombreuses factures sont cependant, nonobstant le parfait accomplissement des diligences réalisées au soutien des intérêts de cette cliente, demeurées impayées postérieurement au changement de l'équipe dirigeante ayant suivi la cession massive des actions de la société ; - malgré de nombreuses mises en demeure, la société [D] [J] Immobilier a refusé de régulariser le solde de ces honoraires et a finalement, brutalement rompu toutes relations d'affaires avec elle ; - elle était donc fondée à saisir le tribunal pour obtenir la condamnation de son adversaire à lui payer les sommes dues sans avoir jamais entendu, fonder cette réclamation sur l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ; - elle se réfère en effet, aux seules stipulations de la convention litigieuse aménageant un mécanisme contractuel sur la rupture de la relation d'affaires et se fonde ainsi, sur les dispositions des anciens articles 1134 et 1147 du code civil ; - la société [D] [J] Immobilier est responsable de la rupture abusive de la convention litigieuse puisqu'elle s'est abstenue d'exécuter celle-ci en dépit des nombreuses relances et mises en demeure qui lui ont été adressées.

Elle précise que : - elle s'est trouvée dans la nécessité d'interroger la partie adverse sur ses intentions par l'envoi d'une lettre datée du 15 janvier 2014 d'autant que le volume d'affaires qui lui était transmis avait subi un net effondrement ; - faute de réponse, elle a selon lettre recommandée avec accusé réception, logiquement pris acte de la rupture brutale des relations d'affaires existant entre elles, intervenue sans aucun préavis ni respect des formes prescrites par la convention-cadre du 1er avril 2010 ; - la société [D] [J] Immobilier a alors élevé des griefs fantaisistes pour justifier sa position et argue pour les seuls besoins de la cause, ne pas avoir entendu rompre la convention-cadre du1er avril 2010; - en droit, la rupture d'une relation d'affaires procède cependant nécessairement du comportement passif du cocontractant, refusant de solliciter des prestations de services ou de passer des commandes ; - le changement de direction et la modification dela politique commerciale de la société [D] [J] Immobilier ne sont pas, assimilables à des causes étrangères et en réalité, du propre aveu de cette société, la cessation des commandes procède d'un changement de politique de l'équipe de direction renouvelée en son sein : - la société [D] [J] Immobilier se devait cependant, de respecter les mécanismes contractuels convenus entre elles, aménageant la fin des relations d'affaires entretenues de longue date entre les parties à la présente cause.

3.La société [D] [J] Immobilier répond que : - la convention litigieuse, qui n'a pas été communiquée aux nouveaux actionnaires, est vraisemblablement un faux grossier rédigé pour les besoins de la cause ; - elle n'a pas pris l'initiative de la rupture des relations ayant existé avec la société adverse, qui tente d'accréditer la thèse selon laquelle elle aurait été victime d'une stratégie globale et concertée des nouveaux actionnaires, visant à écarter les anciens partenaires de la société ; - en lui imputant la rupture de leurs relations d'affaires, du fait d'une diminution substantielle du volume des affaires transmises, la société AB Avocats se réfère naturellement aux dispositions de l'article L.442-6, I , 5° du code de commerce pourtant inapplicable aux circonstances de la présente cause dès lors que celle-ci intéresse les relations entre un avocat et son client ; - n'ayant jamais fait part à la société AB Avocats de sa volonté de mettre un terme à leurs relations, elle ne saurait se voir attribuer la responsabilité de la rupture alléguée, dont la partie adverse s'est crue autorisée de prendre acte ; - la société AB Avocats est en réalité, seule responsable de la cessation du contrat litigieux et ne peut, lui opposer les stipulations des articles 5 et 6 de cette convention d'autant qu'elle n'a commis aucune faute de nature à justifier la décision de la partie adverse de mettre brutalement un terme à leurs relations ; - la société AB Avocats ne peut ainsi prétendre justifier cette rupture en se prévalant de son refus de régulariser les nombreux paiements au titre de prestations accomplies alors qu'elle admet que la somme initialement réclamée à hauteur de 25 058, 69€ hors taxes était injustifiée et partant, que son refus de payer était parfaitement légitime ; - la convention d'honoraires litigieuse ne prévoyant aucune obligation à la charge de la société [D] [J] Immobilier, sur un quelconque volume d'affaires transmises, la seule diminution du nombre de litiges donnant lieu à une procédure judiciaire concernant la société [D] [J] Immobilier qui est en partie, la conséquence d'une amélioration de ses procédures internes à l'initiative de ses nouveaux dirigeants, ne peut correspondre à l'inexécution de la convention d'honoraires litigieuse ; - quoi qu'il en soit, cette convention-cadre n'est pas un contrat-cadre de commandes de prestations juridiques mais bien, une convention portant sur le montant des honoraires facturés par la société AB Avocats ; - elle ne peut maîtriser le nombre de litiges susceptibles de survenir avec ses clients ou ses fournisseurs, ce nombre étant par nature totalement aléatoire; - la diminution des litiges, auxquels la société [D] [J] Immobilier a été confrontée à compter de 2013, ne saurait dans ces conditions, résulter de sa volonté délibérée de refuser de solliciter des prestations de services ou de passer des commandes à la société AB Avocats.

4.Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 dès lors que l'article L. 442-6, I, 5° ayant vocation à régir les seules ruptures de relations commerciales impliquant des producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au registre des métiers, n'a en effet pas vocation à appréhender les relations d'affaires entre une société commerciale et un cabinet d'avocats.

5.Il ressort des éléments portés aux débats et soumis à la discussion des parties que la convention d'honoraires conseil et assistance régissant les relations d'affaires entre les parties fixait une durée d'application pour trois ans soit jusqu'au 1er avril 2013, reconductible tacitement pour 12 mois renouvelable d'année en année sauf dénonciation par le client par notification d'une lettre recommandée avec accusé de réception au moins trois mois avant le 1er avril de chaque année, sous peine de devoir verser à l'avocat une indemnité compensatrice correspondant à la rémunération mensuelle et forfaitaire qu'il aurait perçue jusqu'à la fin de la convention reconduite annuellement - article 5 du contrat litigieux.

6.L'article 6 de ce même contrat précise que ' les parties conviennent que la résiliation de la Convention sera soumise aux formalités suivantes et ce, afin d'atténuer la désorganisation du cabinet résultant de la rupture. Les parties conviennent d'un délai de préavis minimum de : - 6 mois lorsque la convention est exécutée depuis au moins 36 mois (...)./Faute de respecter le délai de préavis, il sera dû une indemnité forfaitaire, par la partie défaillante, une somme forfaitaire de 30 000€ HT et ce, sans préjudice des responsabilités encourues en cas de rupture abusive de la présente convention.' .

7.La société AB Avocats a selon lettre du 14 février 2014 - voir pièce 6 de son dossier, sur constat d'une résistance réitérée de son adversaire en dépit de plusieurs mises en demeure adressées pour le paiement des honoraires qui lui sont dûs, entendu prendre acte de ce refus et de 'la diminution drastique des dossiers transmis ' valant 'rupture brutale [des] relations d'affaires' existant entre elles et a en conséquence, requis le règlement de 48 000€ HT au titre de la réalisation abusive du contrat outre, 30 0000€ HT au titre du non respect du délai de prévenance de 6 mois et 25 058, 69€ hors taxes au titre de l'arriéré d'honoraires restant dû.

8.Dès lors cependant qu'il est constant, que la société [D] [J] Immobilier n'a aux termes de la convention litigieuse portant non sur des commandes de prestations juridiques mais sur le montant des honoraires facturés par la société AB Avocats, pris aucun engagement de volume envers son partenaire, il ne peut être considéré que la diminution même importante des demandes de prestations de ce dernier qui peut s'expliquer par une meilleure qualité du fonctionnement de ses services et de ses procédures internes, doit nécessairement être interprétée comme une volonté exprimée par l'intimée de rompre les relations d'affaires entretenues avec la société AB Avocats alors même, que des factures d'honoraires de cette dernière restaient impayées d'autant qu'il s'est ensuite avéré, que le montant des arriérés réclamés ne correspondait pas à la réalité puisque dans ses dernières écritures, la société AB Avocats fait simplement grief à la partie adverse d'avoir refusé de payer l'abonnement mensuel forfaitaire de 4 000€ sur la période du 12 décembre 2013 au 13 février 2014 'au titre de la mise à disposition des compétences du cabinet AB Avocats sur toutes les questions juridiques précontentieuses' et non plus, d'être redevable d'un arriéré de 25 058, 69€ hors taxes.

9.Au demeurant, le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris saisi a selon décision du 8 juillet 2014, fixé le montant des honoraires dûs par la société [D] [J] Immobilier à la société AB Avocats à la somme de 6 657, 10€ hors taxes.

10.Il suit de là que faute pour la société [D] [J] Immobilier d'avoir engagé sa responsabilité dans la rupture des relations d'affaires ayant existé entre elle et la société AB Avocats, cette dernière qui est en réalité seule responsable de la rupture des relations d'affaires litigieuses, n'est pas fondée à obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de la convention-cadre litigieuse.

11.Le jugement entrepris sera de ce chef confirmé.

Sur le mérite de l'appel incident

12.La société [D] [J] immmobilier observe qu'au mépris de ses obligations déontologiques issues de l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, son adversaire s'est en réalité, brutalement dessaisi le 13 mars 2014 de l'ensemble des dossiers qui lui avaient été confiés et s'est abstenu de l'en informer en temps utile afin de lui permettre de faire le choix de l'un de ses confrères pour lui succéder ; - ce contexte lui a occasionné un préjudice puisqu'elle s'est trouvée contrainte de consacrer dans l'urgence un temps considérable à la prise de connaissance d'une vingtaine de dossiers et au choix d'un nouveau conseil qui lui-même a du reprendre également dans l'urgence, l'analyse intégrale de tous les dossiers ; - elle est fondée à obtenir l'indemnisation du surcoût qui en est résulté pour elle, ce surcoût pouvant être raisonnablement évalué à 1 500€ hors taxes par dossier.

13.En l'absence de protestation de la société AB Avocats formée à titre subsidiaire, le préjudice de la société [D] [J] Immobilier apparaît être établi.

14.Ce chef de réclamation sera accueilli sauf à s'entendre toutes taxes comprises.

Sur les autres demandes

15.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

16.La société AB Avocats, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct en faveur de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiée [D] [J] Immobilier de sa demande de dommages-intérêts.

STATUANT de nouveau dans les limites de cette réformation prononcée.

CONDAMNE la Selarl AB Avocats à régler à la société par actions simplifiée [D] [J] Imobilier trente mille euros (30 000€.) toutes taxes comprises à titre de dommages et intérêts.

CONDAMNE la Selarl AB Avocats aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la Selarl AB Avocats à verser à la société par actions simplifiée [D] [J] Immobilier une indemnité de huit mille euros (8 000€.) à titre de frais irrépétibles d'appel.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/05485
Date de la décision : 14/11/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/05485 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-14;16.05485 ?
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