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14/11/2017 | FRANCE | N°14/00819

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 2017, 14/00819


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2017

R. G. No 16/ 04042

AFFAIRE :

Abdelhamid X...


C/
SAS TORANN-FRANCE

Syndicat SNEPS-CFTC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de NANTERRE
No chambre :
No Section : AD
No RG : 14/ 00819

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Tiziana TUMINELLI de l

'AARPI AD HOC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
M. Y... MounirREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2017

R. G. No 16/ 04042

AFFAIRE :

Abdelhamid X...

C/
SAS TORANN-FRANCE

Syndicat SNEPS-CFTC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de NANTERRE
No chambre :
No Section : AD
No RG : 14/ 00819

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Tiziana TUMINELLI de l'AARPI AD HOC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
M. Y... MounirREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Abdelhamid X...

né le 13 Mars 1984 à KOUBA (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne

...

Représenté par M. Y... Mounir, délégué syndical ouvrier

APPELANT

****************

SAS TORANN-FRANCE
No SIRET : 343 321 618
26 rue du Moulin Bailly
92250 LA GARENNE-COLOMBES
Représentant : Me Tiziana TUMINELLI de l'AARPI AD HOC AVOCATS, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0309- No du dossier 2014. 419

INTIMEE
****************
Syndicat SNEPS-CFTC
34 quai de la Loire
75019 PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juillet 2017, Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORDFAITS ET PROCEDURE,

Le 2 janvier 2011 M. X...a été embauché par la société Torann France selon un contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de sécurité incendie, moyennant un salaire qui s'élevait en dernier lieu à 1602, 40 € brut/ mois (3 derniers mois).

Il était affecté au site du siège social de la société Louis Vuitton en horaires de jour.

Par lettre du 20 septembre 2011, la société lui adressait une mise en garde pour ne pas l'avoir avisée de son absence le 31 août.
Le 24 janvier 2013 un avertissement lui était notifié pour absence de signalement de son absence le 23 janvier 2013 avant sa prise de poste le matin à 7h.

Le 29 janvier 2013 M. X...refusait d'exécuter un ordre du chef de site.
Le client, la société Louis Vuitton, ne souhaitant plus que M. X...travaille sur le site, la société Torann France devait rechercher à ce dernier un autre emploi.
Par lettre du 19 février 2013 la société lui notifiait un rappel à l'ordre pour avoir parlé au chef du site Louis Vuitton de manière irrévérencieuse et autoritaire le 29 janvier 2013, en refusant d'effectuer le recensement des locaux techniques du site, au motif que sa vacation se terminait bientôt.

A compter du 11 février 2013 M. X...était alors affecté sur le site de l'Institut de Sciences politiques de Paris en horaires de nuit, où il recevait une formation avant de prendre des congés.
A son retour le 1er mars 2013 la société était contrainte, pour nécessité de service, d'affecter M. X...sur le site de la société Bollore, 7 h par jour puis 24h 6 fois par mois à compter du 28 mai 2013.

Par lettre du 25 juin 2013, la société notifiait à M. X...une mise en demeure, suite à ses absences injustifiées les 19, 20, 21 et 23 juin.

Par lettre du 16 décembre 2013, la société adressait un nouvel avertissement à M. X...pour absence injustifiée le 11 décembre, en précisant que ses absences répétitives causaient une désorganisation importante.

Le 24 janvier 2014, la société avertissait M. X...d'un changement de planning et d'affectation ; à compter du 5 février 2014 il était affecté au site du centre commercial de Bois Senart, loin de son domicile.
Toutefois, la société le convoquait pour un entretien le 4 février afin de discuter de sa nouvelle affectation ; elle lui proposait une autre affectation comme agent de sécurité incendie sur le site de la société Moet Hennesy à Paris, plus proche de son domicile.
Toutefois, ce dernier refusait cette nouvelle affectation, de sorte que la société le maintenait sur le site du centre commercial de Bois Senart, mais M. X...ne se présentait pas sur ce site le 5 février.
Par lettre du 6 février 2014, la société lui confirmait son affectation au site du centre commercial de Bois Senart, tout en lui envoyant le planning de février.

Contre toute attente, M. X..., par lettre du 5 février 2014, refusait cette affectation, invoquant le temps de trajet et les horaires de travail, mais aussi la fonction d'agent de sécurité alors qu'il était agent de sécurité incendie comme le précisait le planning.
C'est ainsi que par lettre du 11 février la société le mettait en demeure de se présenter sur le site et de justifier de son absence depuis le 5 février.

Par lettre du 17 février 2014, elle le convoquait à un entretien préalable devant se tenir le 27 février, tout en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 4 mars 2014 la société lui notifiait son licenciement pour faute grave pour absences injustifiées du 5 au 15 février, malgré mise en demeure du 11 février.

Le 18 mars 2014, il saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre, lequel, par jugement du juge départiteur du 29 juillet 2016, dont M. X...a formé appel le 11 août 2016, l'a débouté de sa demande principale, estimant que le licenciement pour faute grave était justifié, et a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
-500 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail et des temps de pause,
-500 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,
-504, 54 € (rectifié d'office par la cour, à la place de 505, 54 € comme mentionné par erreur) à titre de rappel de salaires sur le solde de tout compte, outre les congés payés afférents, laissant les dépens à la charge de la société.

Le juge départiteur a débouté M. X...de ses demandes relatives à la clause de non concurrence, à sa mutation du 11 février 2013, à des primes d'agent polyvalent, à la modification de son contrat de travail, à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et à l'indemnité de tenue de travail.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 4 juillet 2017, auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

M. X...soulève l'irrecevabilité de l'appel incident et des conclusions de la société, en raison des règles de postulation non respectées ; il demande la confirmation du jugement quant aux demandes de dommages et intérêts et de rappel de salaire alloués, mais l'infirmation pour le surplus.
Il a abandonné en appel sa demande au titre de la nullité de la clause de non concurrence, dont il a été débouté.
Modifiant en partie ses demandes de première instance, se fondant sur la nullité du licenciement à titre principal pour atteinte à la liberté d'agir en justice et pour discrimination syndicale, il demande l'annulation des avertissements des 24 janvier et 26 décembre 2013 (demandes nouvelles) et de sa mutation du 11 février 2013 sur le site de Sciences Po, sa réintégration sur le site de Bolloré avec un salaire de 1609, 60 € brut/ mois, et la condamnation de la société à lui payer, avec le bénéfice de la capitalisation des intérêts, les sommes suivantes :

A titre principal au titre de la nullité :
-1485, 40 € à titre de rappel de salaires du 4 au 31 mars 2014, outre les congés payés afférents, et 64 384 € pour la période d'avril 2014 à juillet 2017, outre les congés payés afférents,
et au titre de la nullité de la mutation du 11 février 2013 sur le site de Sciences Po,
-6000 € à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,
A titre subsidiaire pour utilisation abusive de la clause de mobilité lors de cette mutation :
-6000 € à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive de la clause de mobilité,
-728 € à titre de rappel de prime de mars 2013 à février 2014, outre les congés payés afférents, outre la somme de 1100 € à titre de rappel de salaire sur retenue illégale de congés payés, outre les congés payés afférents.

En tout état de cause, il sollicite le paiement des sommes suivantes :
-4000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale journalière (demande nouvelle) et hebdomadaire du temps de travail,
-3000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire (demandes nouvelles) et des temps de pause,
-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,
-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-1500 € à titre de dommages et intérêts pour mention erronée du montant du DIF sur le certificat de travail, demande nouvelle,
-402, 46 € à titre de rappel de salaire pour l'absence maladie, outre les congés payés afférents,
-501, 47 € à titre de rappel de salaire pour absence injustifiée de février 2014,
-50, 45 € au titre des congés payés sur la retenue de salaire au titre du solde de tout compte, demande nouvelle,
-3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

3 219, 20 € à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents,
1 019, 20 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
50, 14 € au titre des congés payés afférents (sans précision),
30 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
6 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral pour utilisation abusive de la clause de mobilité,
728, 01 € à titre de rappel de prime de mars 2013 à février 2014, outre les congés payés afférents,
1 100 € de retenue illégale sur congés payés, outre les congés payés afférents,

Le syndicat SNEP CFTC, intervenant volontaire pour la première fois en appel, sollicite la condamnation de la société à lui payer la somme globale de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Torann France, ci-après la société, soulève l'irrecevabilité des demandes du syndicat, qui ne justifie pas d'un grief, et des demandes nouvelles de M. X...invoquant l'article 564 du code de procédure civile.
Elle conclut à la confirmation du jugement, sauf quant aux condamnations prononcées à son encontre, et au débouté de M. X...en toutes ses demandes, sollicitant la somme de 2000 € pour procédure abusive et celle de 7410 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les irrecevabilités :

Sur la postulation et les demandes nouvelles en appel :

Selon l'avis de la Cour de Cassation en date du 5 mai 2017, les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loino71-1130 du 31 décembre 1971 ne sont pas applicables en matière prud'homale devant la cour d'appel, les parties pouvant être représentées par un avocat ou un défenseur syndical, ce qui vient confirmer les termes de la circulaire du 27 juillet 2016.
Maître Tuminelli, avocat au barreau de Paris, a donc qualité pour représenter la société devant la cour d'appel de Versailles.

L'article R. 1452-6 du Code du travail qui prévoyait l'unicité de l'instance devant le conseil de prud'hommes est abrogé à compter du 1er août 2016, selon la combinaison des articles 8 et 45 du décret 2016-660 du 20 mai 2016.
Aux termes de cet article toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.
La suppression de cette règle de l'unicité de l'instance implique l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel : en effet, l'application des règles de droit commun de la procédure rendra applicable l'article 564 du Code de procédure civile, qui prévoit « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Cependant, cette règle n'étant applicable qu'aux instances introduites devant le conseil à compter du 1er août 2016, et M. X...ayant saisi le conseil avant cette date, soit le 18 mars 2014, ses demandes nouvelles en appel sont recevables.

La cour rejette donc ces deux exceptions d'irrecevabilité soulevées par chacune des parties.

Sur l'irrecevabilité des demandes du syndicat :

Selon l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice concernant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, le syndicat, intervenant volontaire en appel, vient au soutien de l'action d'un salarié qui est syndiqué et qui soulève l'existence d'une discrimination syndicale en lien avec son licenciement.
En l'espèce, par lettre du 17 février 2014, le syndicat est intervenu auprès de la société pour soutenir M. X...qui contestait sa mutation au centre commercial de Bois Sénart.
Le syndicat agissant dans l'intérêt des salariés, qu'il représente au sein de l'entreprise, et notamment dans l'intérêt de M. X..., dont il défend la profession conformément à son statut, est recevable à invoquer les dispositions du code du travail destinées à protéger les droits des salariés à ne pas subir de discrimination en raison de leur adhésion à un syndicat.
Il y a donc lieu de rejeter cette exception et de déclarer l'action du syndicat recevable.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail :

1. Sur les temps de travail et de repos :

Sur le non respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail et des temps de pause :

* Sur la durée maximale hebdomadaire de travail :
Selon l'article L. 3121-35 du code du travail, la durée maximale hebdomadaire de travail est fixée à 48h, mais en cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser ce seuil pendant une période limitée, sans toutefois que ce dépassement ait pour effet d'excéder 60h.

Selon la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, la semaine de travail ne peut excéder 4 fois 12 h, soit 48h, et sur 12 semaines consécutives elle ne peut dépasser 46h, un jour de repos devant être ménagé toutes les 48h de service.

M. X...produit ses plannings de travail qui démontrent que son temps de travail hebdomadaire est, outre les deux semaines retenues par le juge départiteur (en février et décembre 2012), supérieur à 48h pour 7 autres semaines, en février, mars, avril, mai, juin et octobre 2011, pendant lesquelles apparaît un temps de travail hebdomadaire compris entre 48, 5 et 65 h.

La société soutient qu'il n'y aurait eu que deux dépassement exceptionnels en février et décembre 2012, et qu'en tout état de cause l'article 2 de l'annexe I de l'accord de branche du 18 mai 1993 autoriserait des temps de travail hebdomadaires allant jusqu'à 72h dans les services spécifiques de la sécurité incendie, ce qui serait conforme à la directive européenne 2003/ 88/ CE du 4 novembre 2003 relative à l'aménagement du temps de travail.

Cet article 2 stipule : " Vu les us et coutumes et la spécificité de la profession et suivant les exigences du service, les services IGH ou pompiers 24-72 sont désormais autorisés ", avec un renvoi à une note indiquant " sous réserve du respect de l'article L. 212-1 ancien du code du travail (recodifié en L. 3121-34) " prévoyant que la durée quotidienne de travail ne doit pas dépasser 10h sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.

Or par 24/ 72h, il faut comprendre 24h de travail continu suivi de 72 h de repos, ce qui a été le cas de M. X...à certaines périodes (de mai 2013 à janvier 2014), ce qui contrevient à l'article L. 3121-24 précité.

Par conséquent, sauf à ce que la société démontre avoir été autorisée à dépasser le seuil de 48h, ce qu'elle ne fait pas, il apparaît bien que M. X..., au vu des plannings produits, a travaillé au delà de 48h, et même au delà de 60h par semaine à 2 reprises (63h du 28 février au 6 mars 2011, 65h du 7 au 13 mars 2011).

* Sur la durée maximale journalière de travail (demande nouvelle) :

Selon les articles L. 3121-34 et D. 3121-19 du code du travail, la durée maximale de travail journalier est de 10h, mais peut être portée à 12h par des dispositions conventionnelles.

Or, il est établi au vu des plannings que M. X...pouvait travailler 14h par jour, comme en février et mars 2011 à 11 reprises, et le 9 février 2012. Le juge départiteur a omis de statuer de ce chef.
Le dépassement de la durée maximale journalière de travail est donc établi.

Le seul fait d'avoir travaillé avec des dépassements réguliers du temps de travail hebdomadaire, et ponctuellement avec des dépassements de la durée maximale journalière de travail constitue à l'évidence un préjudice de santé, vu la fatigue nécessairement engendrée par ce rythme de travail.
Le médecin du travail a d'ailleurs noté dans sa fiche de suivi que M. X...se plaignait de la fatigue engendrée par la station debout prolongée, fatigue certes aggravée par sa prise de poids.

* Sur les temps de pause :

La charge de la preuve du respect du temps de pause, lequel est de 20 mn toutes les 6h, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, en application de l'article L. 3121-33 du code du travail, incombe à l'employeur.
La société soutient que dans la mesure où M. X...bénéficiait de primes de panier et diposait d'une heure de repas par vacation de 12h, cela impliquait qu'il avait des temps de pause.
Or le temps de pause diffère du temps de repas.
La société affirme que lorsque des pauses apparaissent sur les plannings cela signifierait qu'il s'agit de pauses qui s'ajoutent à la pause légale et à la pause prévue pour le repas, ce qu'elle ne prouve pas.
Or, comme le soutient valablement M. X..., ces plannings de travail, à l'exception de son temps d'affectation sur le site de Sciences Po, ne comportaient pas de mention de temps de pause.
Par ailleurs, la société ne produit aucune note de service ou tout autre document qui établirait l'existence de ces temps de pause, hors pause repas.

Dès lors la cour confirmera le jugement y compris sur le montant des dommages et intérêts justement évalués à la somme de 500 € au titre du non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail et des temps de pause, la cour y ajoutant celle de 200 € au titre du non respect de la durée maximale journalière de travail.

Sur le non respect des temps de repos journalier et du jour de repos conventionnel après 48h (demandes nouvelles) :

La société soulève l'irrecevabilité de ces demandes relatives aux années 2011 à janvier 2014, qui seraient prescrites car formées le 5 février 2017, alors que le délai limite de contestation s'achevait le 16 juin 2015.

M. X...soutient qu'il a formé ces demandes dans ses conclusions du 10 novembre 2016 et que la prescription n'est pas acquise.

Or, depuis la loi du 14 juin 2013 ayant modifié l'article 3245-1 du code du travail, toute action en paiement ou répétition de salaires se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Ces DIspositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans.
En l'espèce, M. X...a saisi la juridiction prud'homale le 18 mars 2014, principalement pour contester son licenciement, mais en vertu du principe d'unicité de l'instance encore en vigueur à cette époque, il convient d'appliquer à toutes ses demandes nouvelles les règles de la prescription applicables au jour de la saisine initiale du conseil. Or, ces demandes de rappels de salaires susvisées concernent les années 2011 à janvier 2014, remontant à moins de 5 ans avant la saisine du conseil, à une date où son action n'était pas encore prescrite puisqu'elle était en cours au 16 juin 2013, de sorte que son action est recevable.

En application de L. 3131-1 du code du travail le temps de repos journalier est de 11h consécutives, sauf à ce qu'en application de l'article D. 3131-5 dudit code l'employeur informe l'inspecteur du travail qu'il ne respecte pas ce temps de repos en cas de travaux urgents.
Or, la société ne rapporte pas cette preuve de travaux urgents.
Les plannings de travail produits par M. X...établissent effectivement qu'il n'a pas eu de repos de 11h, mais de 10h, la nuit du 16 au 17 février 2011, ce qui est également le cas à 6 reprises en mars 2011.
Le fait qu'il ait assuré des vacations de 24h, de mai 2013 à janvier 2014 sur le site de la tour Bolloré, sans prise de repos journalier, est également établi, au vu des plannings.

Du fait du non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail susmentionnée, il est résulté aussi un non respect du temps de repos hebdomadaire après plus de 48h de travail.

Pour les raisons susmentionnées, ces non respects des temps de repos, qui ne se retrouvent toutefois que ponctuellement sur certaines périodes, ont entraîné un préjudice de santé pour M. X..., que la cour évalue à la somme de 1000 €.

2. Sur l'obligation de sécurité :

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité du travail, des actions d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
Cette obligation de l'employeur est méconnue lorsque l'employeur, averti de la situation de danger, s'est abstenu de prendre les mesures adaptées pour y mettre fin.

M. X...fait valoir qu'outre les non respect des dispositions légales sur les temps de travail et de repos, la société n'a pas respecté les dispositions relatives aux visites médicales d'embauche et aux visites périodiques, notamment celles prévues tous les 6 mois pour les travailleurs de nuit.

En effet, embauché le 2 janvier 2011, M. X...n'a bénéficié de la visite d'embauche que le 31 mai 2011 ; la visite périodique et celle au titre du travail de nuit qui aurait dû intervenir le 31 mai 2012 s'est déroulée le 21 novembre 2012.
Ces manquements revêtent une importance particulière, au regard du métier à risques que constitue la fonction d'agent de sécurité/ agent de sécurité incendie et au regard des problèmes de santé de M. X...dont le médecin de prévention fait état.
Si M. X...avait pu voir plus souvent le médecin de prévention, il aurait eu plus de chances d'améliorer sa santé et prévenir ses problèmes de santé.
Au vu de ce préjudice de santé, la cour lui allouera la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts, étant précisé qu'une partie du préjudice est déjà indemnisé au titre du non respect de la législation sur le temps de travail, confirmant ainsi le jugement.

3. Sur l'indemnité d'entretien de l'uniforme de travail :

L'article L. 4321-4 du code du travail prévoit que l'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de protection individuels appropriés et lorsque le caractère salisssant ou insalubre des travaux l'exige, les vêtements de travail appropriés, qu'il fournit gratuitement.
L'article L. 4323-95 précise que l'employeur assure le bon fonctionnement et le maintien dans un état hygiénique satisfaisant les équipements de protection individuels et des vêtements de travail appropriés mentionnés à l'article L. 4321-4 par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires.

M. X...sollicite une indemnité pour l'entretien de sa tenue de travail que la société lui a fournie et qui est obligatoire. Il estime que sa fonction d'agent de sécurité incendie l'amène à être confronté à des risques incendie et à effectuer des travaux salissants, notamment par la vérification des extincteurs et des robinets d'incendie et son intervention dans des locaux techniques.
La société soutient que cet entretien n'est à la charge de l'employeur que si les fonctions exercées ont un caractère particulièrement insalubre et salissant, ce qui ne serait pas le cas pour un agent de sécurité.

Or, il apparaît qu'à partir du moment où le port d'une tenue de travail est obligatoire et fournie par l'employeur, il appartient à ce dernier d'en assurer l'entretien et le remplacement ou de verser au salarié une indemnité d'entretien, ce qui est le cas dans toutes les professions qui assurent l'entretien d'éléments ou objets techniques, telles que celle d'agent de sécurité incendie, où le travail expose même ponctuellement à des salissures.
En l'absence de fixation du montant d'une telle indemnité d'entretien de tenue professionnelle par le contrat de travail ou les dispositions conventionnelles, le juge en évalue le montant.
En l'espèce, cette tenue, portée quotidiennement sur le lieu de travail, exige un lavage plusieurs fois par mois, de sorte que la demande de M. X...d'un montant de 825 € pour une durée de trois ans n'est pas excessive.
La société devra lui payer cette somme, et la cour infirmera donc le jugement.

4. Sur la violation de l'accord sur les qualifications professionnelles des métiers de la prévention et de la sécurité, le non respect du principe " à travail égal salaire égal " (demandes nouvelles) et l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail :

M. X...expose avoir subi un préjudice du fait que la société l'a fait travailler à plusieurs reprises (2 jours en décembre 2011, 2 jours en janvier 2012, 1 jour en février, 2 jours en mars 2012, 1 jour en août et en octobre 2012, 2 jours en février 2014) comme agent de sécurité principalement sur le site LVMH, alors que son contrat de travail mentionne sa fonction d'agent de sécurité incendie et assistance à personne SSIAP 1, et ce sans son accord et sans bénéficier des avantages financiers des agents polyvalents (prime de 150 €, remboursement total des frais de transports).
Il précise qu'il avait des missions d'accueil, de contrôle d'accès et vidéo surveillance, de remise de badges, d'accompagnement et de surveillance, missions qui relèvent des agents de sécurité.

Il est établi par les mentions sur les plannings et les attestations de témoin produites par M. X...qu'il a ponctuellement exercé sur plusieurs sites des fonctions polyvalentes, à la fois agent de sécurité incendie et agent de sécurité, ce qui était compatible avec sa qualification et son contrat de travail, lequel mentionnait la faculté de l'affecter à des fonctions polyvalentes ; eu égard au caractère ponctuel et limité de cette polyvalence, il ne peut être retenu que cela constitue une violation de la règlementation relative aux agents de sécurité incendie et assistance à personne SSIAP 1, ni même une dévalorisation y compris financière, dans la mesure où M. X...avait un coefficient correspondant à sa qualification la plus élevée d'agent de sécurité incendie SSIAP 1 même lorsqu'il travaillait ponctuellement comme agent de sécurité.

Concernant la demande de rappel de prime et d'avantages au titre des frais de transport, la société fait justement valoir que la fonction d'agent de sécurité polyvalent correspond à une fonction spécifique, correspondant à un agent de sécurité qui répond à un besoin de remplacement urgent et immédiat, justifiant de par les contraintes d'intervention en urgence le versement d'une prime de 150 € et le remboursement intégral des frais de transport ; cette fonction donne droit au coefficient 140 (le même que celui de M. X...) et se trouve officialisé par un avenant au contrat de travail, ce qui n'est pas le cas de M. X....
Dans ces circonstances, M. X..., qui n'effectait pas de remplacements en urgence et n'était donc pas placé dans la même situation que ces agents de sécurité polyvalents, ne peut avoir droit à ces avantages au titre du non respect du principe " à travail égal salaire égal ".

Il sera donc débouté de ses demandes salariales nouvelles en appel liées au principe " à travail égal salaire égal " (y ajoutant), ainsi que de ses demandes au titre de la violation de l'accord sur les qualifications professionnelles des métiers de la prévention et de la sécurité et de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Sur les demandes connexes du syndicat (demandes nouvelles) :

En conséquence, le syndicat, intervenant pour la première fois en cause d'appel, est recevable mais mal fondé à invoquer le non respect de l'accord sur les qualifications professionnelles des métiers de la prévention et de la sécurité, mais recevable et fondé au titre du non respect des dispositions légales et conventionnelles sur le temps de travail, non respect qui porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés dont il défend le statut négocié par lui et les autres syndicats.
A ce titre, la société devra verser au syndicat la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession d'agent de sécurité incendie. (y ajoutant)

5. Sur l'annulation des avertissements des 24 janvier et 26 décembre 2013, demandes nouvelles :

Sur l'avertissement du 24 janvier 2013 :

Le 24 janvier 2013 la société notifiait à M. X...un avertissement pour absence de signalement de son absence le 23 janvier 2013 avant sa prise de poste le matin à 7h.
La société fait valoir que M. X...n'a pas téléphoné pour prévenir de son absence, mais a été joint par elle vers 11h, prenant alors connaissance qu'il était malade et devait voir son médecin le soir à 18h30.
M. X...soutient que son absence pour maladie n'était pas prévisible puisqu'il était malade, de sorte qu'il n'a pas pu prévenir la société.

Or, au vu du certificat médical d'arrêt de travail pour le 24 janvier et daté du 23 janvier, il apparaît que la maladie de M. X...était réelle le 23 janvier et qu'il a consulté un médecin le jour même. Il est donc admissible que du fait de sa maladie, pouvant être assimilée à un cas de force majeure, il n'ait pas prévenu son employeur avant sa prise de poste à 7h, ne répondant aux appels de son employeur que vers 11h.
Au vu de ces éléments, l'avertissement était disproportionné et sera annulé.
La somme de 100 € sera alloué à M. X...à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral s'agissant d'une sanction abusive.

Sur l'avertissement du 26 décembre 2013 :

Par lettre du 16 décembre 2013, la société adressait un avertissement à M. X...pour absence injustifiée le 11 décembre.
M. X...fait valoir que son absence s'expliquait par sa fatigue liée à son rythme de travail, puisqu'à l'époque il travaillait en horaire de 24h sur le site du client Bolloré, et ce depuis fin mai 2013, ce qui apparaît bien sur ses plannings.
Il soutient qu'en raison de ce travail de nuit il avait rencontré le médecin de prévention lors d'une visite périodique le 27 juin 2013, le médecin demandant à le revoir en décembre 2013, mais la société n'a pas demandé l'organisation de cette visite.
La société argue du fait qu'elle n'avait pas connaissance du contenu du dossier médical de M. X..., et qu'en tout état de cause ce dernier devait justifier de son absence.

En effet, si M. X...relève à juste titre que la société a manqué à son devoir d'organiser une visite périodique en décembre 2013 au titre du travail de nuit, manquement faisant déjà l'objet
d'une indemnisation, cela ne dispensait pas M. X...de justifier de son absence pour raison de fatigue par la production d'un certificat médical ou de tout autre document.
C'est pourquoi, faute pour le salarié de justifier de la cause de son absence, il n'y a pas lieu d'annuler cet avertissement.

Sur la mutation abusive du 11 février 2013 :

M. X...soutient que la société l'a muté de manière abusive à titre de sanction disciplinaire, en le retirant du site Vuitton pour l'affecter au site de Sciences Po, prétextant une demande expresse du client dont il ne rapporte pas la preuve.

Or les échanges de courriel produits par la société font bien état du mécontentement du client Vuitton suite au refus de M. X...d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié.
Par ailleurs, d'autres manquements étaient évoqués, tels que des retards réguliers et un problème de respect de la hiérarchie.
La société a légitimement exercé son pouvoir de direction, en changeant M. X...d'affectation pour éviter des tensions supplémentaires avec le client, et ce dans l'intérêt de la société et du salarié, tout en lui notifiant un rappel à l'ordre.
Les demandes de dommages et intérêts et de rappel de salaire à ce titre seront donc rejetées,
la cour confirmant le jugement.

Sur les demandes au titre du licenciement :

Sur la nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d'agir en justice et discrimination syndicale (demande nouvelle) :

Selon l'article 1134-4 du code du travail est nul le licenciement d'un salarié faisant suite à une action de justice qu'il a engagé sur le fondement d'une discrimination, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice.
En l'espèce, M. X...n'invoque pas ce texte, puisqu'à la date du 17 février 2014 il n'avait pas encore saisi le juge prud'homal, mais l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, consacrant la liberté fondamentale du salarié d'ester en justice, ainsi que l'article L. 1132-1 du code du travail sur les discriminations.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses
caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application
du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Devant le conseil, M. X...avait sollicité la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour modification injustifiée de son contrat de travail par sa mutation sur le site de Bois Sénart, ce qui rendaient ses absences sur ce site non fautives.
En appel, il sollicite la nullité de son licenciement, soutenant que son licenciement avait pour but de l'empêcher d'agir en justice au sujet de sa mutation sur le site du centre commercial de Bois Sénart qu'il estimait injustifiée.
Il objective ce fait par la concomitance entre d'une part la date d'envoi à la société de sa lettre du 17 février 2014 dans laquelle il contestait sa mutation et évoquait la saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre, et d'autre part la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable.

La société objecte qu'elle a envoyé la lettre de convocation à l'entretien préalable le 17 février, alors qu'elle a reçu la lettre de M. Y..., défenseur syndical assistant M. X..., seulement le 19 février, date à laquelle elle lui a répondu par lettre recommandée du 19 février envoyée le même jour.

Or, il apparaît que la société n'avait pas encore reçu la lettre du défenseur syndical quand elle a envoyé à M. X...la lettre de convocation à l'entretien préalable, de sorte que cet argument n'est pas valable.

Par ailleurs, M. X...soutient que cinq salariés agents de sécurité de la société n'ont pas fait l'objet de licenciement comme lui, alors qu'ils ont comme lui refusé une mutation respectivement en octobre 2013, juillet 2014, juin 2015, septembre 2015 et octobre 2016, et que deux d'entre eux avaient déjà eu un avertissement pour d'autres faits.
Il allègue que cette différence de traitement serait liée à son appartenance syndicale.

La société réplique qu'elle a exercé son pouvoir d'individualisation des sanctions disciplinaires, la situation des autres salariés ayant refusé une mutation étant différente de celle de M. X...; elle ajoute qu'à chaque fois qu'une mutation était refusée elle a reçu les salariés et au vu de leurs explications leur a proposé une autre affectation, ce qu'elle a fait aussi pour M. X..., en lui proposant une affectation au site de Moet Hennesy à Paris, que ce dernier a refusé.

Or, au vu des explications données par la société pour chacun des salariés avec lesquels M. X...se compare, il apparaît qu'elle a individualisé les sanctions disciplinaires vis à vis de chacun, ces derniers n'ayant pas la même ancienneté, n'ayant pas le même passé disciplinaire, ni le même comportement général ; en outre, la société s'est efforcée de proposer une autre affectation à M. X..., sur le site Moet Hennesy à Paris, plus proche de son domicile que le site de Bois Sénart.
Ce dernier ne pouvant valablement invoquer la discrimination syndicale comme origine de la procédure de licenciement, il sera donc débouté de sa demande de nullité du licenciement de ce chef.

Sur le licenciement pour faute grave, la modification du contrat de travail et l'utilisation abusive de la clause de mobilité :

L'article L1235-1 du code du travail stipule que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que la faute grave est celle qui non seulement empêche la poursuite de la relation contractuelle, mais rend également impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis de par la perturbation importante que son maintien en activité apporte au fonctionnement de l'entreprise,

Aux termes de la lettre de licenciement il est reproché à M. X...d'avoir refusé de se rendre sur son nouveau lieu de travail sur le site du centre commercial de Bois Sénart du 5 au 15 février 2014, malgré une mise en demeure par lettre recommandée du 11 février, et sans justifier de ses absences, et alors qu'un avertissement lui avait été adressé le 16 décembre 2013 pour absence injustifiée le 11 décembre.

M. X...soutient qu'il a refusé ce nouveau poste, car son affectation sur le site du centre commercial de Bois Sénart (à Cesson en Seine et Marne) constituait une modification de son contrat de travail et une utilisation abusive de la clause de mobilité, en ce que ce nouveau lieu de travail était éloigné de son domicile, concernait pour partie une mission d'agent de sécurité et prévoyait un passage d'horaires de nuit en horaires de jour.

Or, comme l'indique la société, la clause de mobilité inclue dans le contrat de travail de M. X...autorisait une affectation du salarié sur l'ensemble de la région Ile de France, ce qui n'apparaît pas abusif, à condition que les temps de trajet domicile/ travail ne soient pas excessifs et de nature à affecter sa santé et sa vie familiale.
Selon les données de transport collectif et le planning, les temps de trajet de M. X..., qui habite Saint Denis, seraient passés de 25 mn (du site Bolloré) à 1h/ 1h52 selon les heures, s'il avait accepté sa nouvelle affectation, et en outre certains jours il n'aurait pas disposé de transport collectif à sa fin de service à 22h ; cependant, le trajet en voiture ou en moto prenait 1heure et son coût aurait pu être remboursé par la société, comme elle établit cet usage pour certains salariés contraints d'utiliser ce moyen de transport individuel en l'absence de transports collectifs.
M. X...s'est plaint de cet éloignement sans toutefois invoquer les conséquences sur sa vie de famille, ce qu'il n'a fait qu'en appel, précisant qu'il gardait son enfant pendant que sa femme travaillait.

La société avait d'ailleurs conscience de cet éloignement et des difficultés que cela pourrait engendrer pour M. X..., c'est pourquoi elle lui a proposé une autre affectation sur le site Moet Hennesy à Paris, plus proche de son domicile (à 30 mn) et en tant qu'agent de sécurité incendie au siège de la société Moet Hennesy, ce qu'il a refusé, prétextant que le poste proposé était celui d'agent de sécurité-arrière caisse dans un magasin, ce qu'il n'établit pas.
M. X...sera donc débouté de sa demande au titre de l'utilisation abusive de la clause de mobilité.

Concernant la modification de la qualification du poste, la société objecte à raison que le planning sur le site de Bois Sénart concernait essentiellement le poste d'agent de sécurité incendie et ponctuellement celui d'agent de sécurité (12, 5 heures sur 121h) soit environ 10 %, ce qui ne dénaturait donc pas les termes du contrat de travail, qui prévoyait certes son embauche en tant qu'agent de sécurité incendie, mais aussi une mobilité de nature de fonctions selon les besoins de la société. Son affectation ponctuelle en tant qu'agent de sécurité n'était donc pas abusive et correspondait à sa qualification, un agent de sécurité incendie étant un agent de sécurité avec des compétences spécifiques.

S'agissant de la modification de ses horaires de travail, le contrat de travail, comme le prévoit les dispositions conventionnelles (accord du 18 mai 1993 et avenant du 25 septembre 2011), stipulait que M. X...pouvait être employé selon des horaires de jour ou de nuit et de manière alternative, moyennant de respecter un délai de prévenance d'au moins 7 jours. Or, ce délai a été de 12 jours.
Le passage d'horaires de nuit en horaires de jour était en tout état de cause plus favorable au salarié, car moins fatiguant, M. X...ayant mal supporté sa période de travail de nuit sur le site de Bolloré, comme il l'expliquait lui-même, lors de son absence du 11 décembre 2013, au sujet de laquelle il invoquait sa fatigue liée à son rythme de travail.

Enfin, M. X...soutient que ce changement d'horaires allait lui faire perdre des majorations de nuit, ce qui ne constitue par une modification de son contrat de travail mais de ses conditions de travail, son contrat de travail n'ayant pas prévu qu'il soit affecté à des horaires de nuit de manière exclusive.

Par conséquent, la seule modification qui pouvait affecter le contrat de travail concernait l'éloignement géographique du site par rapport au domicile de M. X...et à son ancien site d'affectation, ce qui a été pris en compte par la société qui lui a fait une autre proposition d'affectation plus proche, proposition qu'il a refusée.
Dès lors, le refus de M. X...de rejoindre son poste sur le site de Bois Sénart n'est pas justifié, dans la mesure où la société pouvait lui rembourser ses frais de transport, qu'il était principalement affecté au poste d'agent de sécurité incendie et que le changement d'horaires tenait compte de sa fatigue liée à ses horaires de nuit, et qu'en outre la société lui avait fait une autre proposition plus adaptée qu'il a refusée.

Ce refus de prise de poste, qui a persisté malgré une mise en demeure, a occasionné des perturbations ponctuelles dans l'organisation de la société, qui a dû remplacer en urgence M. X...sur le site de Bois Sénart, dans la mesure où ce dernier n'avait pas averti de son absence le premier jour de sa prise de poste le 5 février 2014.
En effet, ce n'est que par lettre du 5 février qu'il refusera explicitement son changement d'affectation.
En outre, comme l'a relevé valablement le juge départiteur, le salarié savait que ce type de comportement (absence injustifiée) pouvait entraîner des sanctions disciplinaires, ayant déjà été sanctionné pour cela en septembre 2011 et décembre 2013.
Toutefois, les mois précédents, la société n'avait elle-même pas respecté les dispositions légales sur les temps de repos ; par ailleurs, c'est de bonne foi que M. X...a contesté son changement de poste, en invoquant la modification de son contrat de travail qui s'est avérée non établie.
Au vu de ces éléments, le licenciement pour faute grave sera requalifié par la cour en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et il s'en suit que la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied sera accueillie.
En revanche, au vu de la solution apportée par la cour concernant le licenciement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande nouvelle de rappel de salaire au titre des absences injustifiées (501, 47 € et les congés payés afférents) avant la mise à pied.

La société estime que le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement doit être fixé à la moyenne des 12 derniers mois, soit la somme de 1 420, 34 € brut/ mois, alors que M. X...retient la moyenne des 3 derniers mois (novembre, décembre et janvier) soit la somme de 1602, 40 € brut.
Or, il s'avère que la moyenne des 12 derniers mois de travail à temps complet précédant le licenciement est moins favorable que celle des 3 derniers mois, cette dernière moyenne étant de 1609, 60 €. M. X...demandant la fixation de ce salaire de référence à la somme de 1602, 40 € brut, la cour retient cette somme, ne pouvant statuer au delà de la demande.
Au vu des bulletins de salaire des mois de novembre, décembre et janvier, il faut retenir un salaire de référence de 1609, 60 € brut pour le calcul de l'indemnité de préavis.

La cour infirmera donc le juge départiteur qui a estimé que le licenciement pour faute grave était justifié et allouera à M. X...les sommes suivantes :
-173, 58 € brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied, outre celle de 17, 35 € brut au titre des congés payés afférents,
-3219, 20 € brut à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 321, 20 € brut au titre des congés payés afférents,
-1019, 41 € à titre d'indemnité légale de licenciement, calcul non contesté par la société.
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014, date de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation.

Sur les autres demandes :

Sur la retenue de salaire au titre du solde de tout compte :

La société soutient qu'elle pouvait retenir la somme de 504, 54 €, somme allouée en première instance à M. X...au vu des motifs du jugement (une erreur s'étant glissée dans le dispositif qui mentionne la somme de 505, 54 €), au titre de la régularisation des heures supplémentaires sur le premier trimestre de 2014.
Or, comme l'a valablement indiqué le juge départiteur, la société ne peut retenir sur le salaire de base des heures supplémentaires qui n'auraient pas été effectuées, ni même retenir le salaire au titre de la mise à pied déjà déduit.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Vu l'absence d'explication chiffrée de M. X...sur sa demande de rappel de congés payés sur la retenue de salaire sur le solde de tout compte (somme de 50, 45 €), cette demande nouvelle sera rejetée.

Sur la retenue de salaire au titre de l'arrêt-maladie, demande nouvelle :

La société a retenu sur le bulletin de salaire de février 2014 la somme de 402, 46 € au titre de l'arrêt maladie du 18 au 28 février 2014, alors qu'elle avait déjà notifié à M. X...le 17 février 2014 une mise à pied conservatoire, de sorte que ce dernier soutient que la société aurait dû appliquer le régime de la mise à pied et non celui de l'arrêt maladie.

Sur ce point, la mise à pied ayant précédé l'arrêt-maladie, il y a lieu d'appliquer le régime de la mise à pied plus favorable et à faire droit à la demande de rappel de salaire et congés payés afférents de M. X..., en lui allouant la somme de 402, 46 € et celle de 40, 24 €.

Sur la mention erronée du DIF sur le certificat de travail, demande nouvelle :

Selon l'article D. 1234-6 du code du travail, dans sa version encore en vigueur jusqu'au 1er janvier 2015 (selon le décret du 2 octobre 2014), l'employeur doit mentionner sur le certificat de travail le nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation (DIF) et le montant de son solde, ce que la société a fait mais en portant une mention erronée (solde de 0) alors que le droit DIF était de 62 heures, ce que la société a indiqué dans la lettre de licenciement.
La société ne le contredit pas, mais faute pour M. X...de justifier d'un préjudice, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires :

La cour fera droit à la demande de capitalisation des intérêts de M. X....

Au vu des solutions apportées par la cour aux demandes de M. X..., la société sera déboutée de toutes ses demandes, comme cela a été jugé en première instance.

La somme de 1500 € sera allouée à M. X...en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, la cour confirmant l'absence d'application de cet article en première instance.
La somme de 800 € sera allouée au syndicat de ce même chef.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société, à l'instar des dépens de premier instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

Constate que le juge départiteur a omis de statuer sur la demande relative au dépassement de la durée maximale journalière de travail ;

Confirme le jugement du juge départiteur du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 29 juillet 2016, sauf en qui concerne la requalification du licenciement pour faute grave et ses conséquences, ainsi que sur l'indemnité de tenue de travail,
et statuant à nouveau de ces chefs et du chef omis,

Requalifie le licenciement pour faute grave de M. X...en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamne la société Torann France à lui payer les sommes suivantes :
-828 € à titre d'indemnité de tenue de travail,
-173, 58 € brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied, outre celle de 17, 35 € brut au titre des congés payés afférents,
-3219, 20 € brut à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 321, 20 € brut au titre des congés payés afférents,
-1019, 41 € à titre d'indemnité légale de licenciement, calcul non contesté par la société,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014,

Et y ajoutant,

Annule l'avertissement du 24 janvier 2013, et condamne la société Torann France à payer à M. X...la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

Condamne la société Torann France à lui payer les sommes suivantes :
-1000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des temps de repos,
-200 € à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale journalière de travail,
-402, 46 € montant de la retenue de salaire au titre de l'arrêt-maladie et celle de 40, 24 € au titre des congés payés afférents,

La condamne à payer au syndicat SNEP CFTC la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession d'agent de sécurité incendie, outre celle de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Déboute M. X...de ses autres demandes,

Met les dépens d'appel à la charge de la société Torann France.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame HAMIDI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 14/00819
Date de la décision : 14/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-14;14.00819 ?
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