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25/10/2017 | FRANCE | N°15/05328

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 25 octobre 2017, 15/05328


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 25 OCTOBRE 2017



R.G. N° 15/05328



AFFAIRE :



[Y] [R]





C/

SAS TESSI GED









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT



N° RG : 15/00720





Copies exécutoi

res délivrées à :



Me Bertrand CASTEX

Me Laurent CLEMENT-CUZIN





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Y] [R]



SAS TESSI GED







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 25 OCTOBRE 2017

R.G. N° 15/05328

AFFAIRE :

[Y] [R]

C/

SAS TESSI GED

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° RG : 15/00720

Copies exécutoires délivrées à :

Me Bertrand CASTEX

Me Laurent CLEMENT-CUZIN

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [R]

SAS TESSI GED

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Bertrand CASTEX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R059

APPELANT

****************

SAS TESSI GED

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Françoise PIETRI-GAUDIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

M. [Y] [R] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 juillet 1990 par la société Cegedim aux droits de laquelle est venue la société Tessi Ged SAS en 2007, en qualité d'analyste programmeur, statut agent de maîtrise.

Il occupait en dernier lieu le poste de chef de projets, statut cadre 8A, pour un salaire mensuel brut de 5.182 euros (sur les 12 derniers mois).

La société, qui emploie plus de dix salariés, est spécialisée dans l'édition et la commercialisation de logiciels de gestion de contenus et d'archivage électroniques. Elle applique la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Le 6 janvier 2015, M. [R] a été informé de son affectation, à compter du 1er mars suivant, à des fonctions de membre support au sein d'un nouveau pôle dédié.

M. [R] a été placé en arrêt maladie à compter du 12 février 2015 pour 'stress lié à l'emploi' et ce jusqu'à son licenciement pour inaptitude le 7 avril 2016.

M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt le 27 avril 2015 aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et diverses sommes, au titre notamment des heures supplémentaires et de la prime qualitative.

Par jugement rendu le 1er octobre 2015, le conseil de prud'hommes a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes, lequel a interjeté appel.

En dernier état, il demande à la cour :

- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Tessi Ged, subsidiairement, de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la société Tessi Ged à lui verser les sommes suivantes :

- 20.728 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.072 euros de congés payés afférents ;

- 124.739 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2.072,81 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

- 3.165 euros à titre de rappel de prime qualitative pour 2014 et 316,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 116.869,90 euros à titre de rappel de salaires lié aux heures supplémentaires et 11.686 euros au titre des congés payés afférents,

- 50.727 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent,

- 31.092,12 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal.

La société Tessi Ged conclut à la confirmation du jugement et demande la condamnation de M. [R] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur les heures supplémentaires

M. [R] fait valoir que la convention de forfait-jours figurant dans son contrat de travail est nulle car elle ne prévoit, comme l'accord collectif applicable au sein de l'entreprise, aucune mesure de nature à protéger la santé et le droit au repos.

En application de l'article L. 3121-39 du code du travail, la convention de forfait doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement (ou, à défaut, par une convention

ou un accord de branche) qui détermine 'les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions', les stipulations de l'accord collectif devant assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des temps de repos, journalier et hebdomadaire.

Par avenant à son contrat de travail du 16 janvier 2002, il était prévu que le salarié serait soumis à un forfait annuel de 215 jours de travail maximum avec 13 jours de RTT, l'amplitude d'une journée de travail effectif étant d'un minimum de 8 heures et d'un maximum de 10 heures.

L'accord cadre du 11 février 2000 applicable au sein de l'entreprise prévoit que compte tenu de la spécificité de leur fonction, le temps de travail des cadres sera décompté en forfait jours, ne dépassant pas 215 jours par an et que l'amplitude de travail effectif quotidienne est de 8 heures à 10 heures. L'article 6 de l'accord sur 'le suivi du temps' précisait qu'il se ferait par l'utilisation des pointeuses pour les activités équipées et sous forme déclarative pour les autres, avec la mise en oeuvre d'Intradim pour assurer le suivi des congés, RTT et des jours de présence.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, ces dispositions ne permettent pas d'assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des temps de repos, puisqu'elles se bornent à prévoir une amplitude de travail effectif et un mécanisme déclaratif reposant sur le salarié, sans organisation d'un contrôle par le supérieur de la réalité du temps de travail et de la charge de travail, la seule tenue d'un entretien annuel étant insuffisante à cet égard.

En conséquence, la convention de forfait jours est nulle et M. [R] peut se prévaloir d'un temps de travail de 35 heures hebdomadaires et solliciter le paiement des heures accomplies au delà avec les majorations prévues à l'article L. 3121-22 du code du travail.

Au fond, il sera rappelé qu'en application de l'article L. 3171-4 du code du travail, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Ainsi, le salarié n'a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, mais revêtant suffisamment de précision quant aux horaires effectivement réalisés afin que l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

Monsieur [R] fait valoir qu'il arrivait rarement après 9 heures à son travail, qu'il quittait ses fonctions rarement avant 19 heures et qu'il prenait très peu de temps pour déjeuner. Il estime avoir accompli 9 h 15 de travail par jour (compte tenu d'une pause de 45 minutes), soit 46 h 15 par semaine et 11 h 15 d'heures supplémentaires, pour une somme qu'il évalue à 117.210 euros sur la période de 2010 à 2015.

Le salarié produit ses agendas 2013 et 2014 et des mails qu'il a envoyés entre février 2014 et février 2015.

La cour constate en premier lieu que le salarié ne produit pas de décompte établi jour par jour et semaine par semaine mentionnant ses horaires de prise et de fin de poste avec la durée de la pause méridienne et ne communique aucune pièce sur les années 2010 à 2012.

S'agissant des pièces produites, sur les 28 mails, seuls 6 portent une heure antérieure à 9h ou postérieure à 19 heures. Quant aux agendas, leur lecture permet de constater un début de journée régulièrement à 9 heures ou postérieurement et une fin de journée à 18h ou 18h30, étant rappelé en outre que les heures supplémentaires s'apprécient sur la semaine et non jour par jour. Enfin, il apparaît que le salarié a régulièrement pris des jours de RTT, qui venaient compenser certaines heures effectuées au delà de la durée légale du travail.

Les éléments produits sont donc insuffisamment précis pour étayer la demande de M. [R].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ainsi que les demandes subséquentes en paiement de dommages et intérêts au titre du repos compensateur et d'indemnités pour travail dissimulé et pour violation des dispositions relatives aux durées maximales de travail.

- Sur la résiliation judiciaire

En application de l'article 1184 du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.

Au soutien de sa demande, M. [R] fait valoir, outre le non respect de la réglementation relative au temps de travail qui n'a pas été retenu par la cour, la modification unilatérale de ses fonctions et la réduction injustifiée de sa rémunération variable.

S'agissant de la rémunération variable, M. [R] s'est vu attribuer pour l'année 2014 une prime qualitative de 1.500 euros sur une prime de base maximale de 4.665 euros.

Lors de son entretien annuel d'évaluation du 2 février 2015, M. [H], directeur des opérations a estimé que 'l'année a été difficile avec des projets dont la gestion et le pilotage n'ont pas été à la hauteur des objectifs définis'.

Toutefois, comme relevé par le salarié, la cour constate une incohérence entre l'évaluation réalisée et les notes attribuées, puisque notamment s'il est évalué en 'maîtrise' pour la réactivité, il est noté à 0 pour le calcul de la prime correspondante. De même, alors qu'il est évalué pour les 6 critères du 'savoir être' en maîtrise ou expertise, il ne lui sera alloué qu'un seul point sur trois (objectif partiellement atteint) quant à 'sa participation active et son état d'esprit'.

Compte tenu de ces éléments, il sera allouée au salarié la prime moyenne perçue sur les années précédentes soit la somme de 2.750 euros et en conséquence un reliquat dû par l'employeur de 1.250 euros, outre les congés payés y afférents, ce grief n'étant toutefois pas de nature à justifier une résiliation du contrat, eu égard au montant du rappel.

S'agissant de la modification des fonctions, M. [R] expose, sans être contredit, qu'entre 2010 et 2015, il a exercé les fonctions de chef de projets qui consistaient notamment à identifier les besoins précis des clients une fois le logiciel vendu et de l'adapter, en coordonnant le travail des techniciens, formateurs et programmeurs ; qu'il était ainsi en charge du pilotage du projet, de sa gestion administrative, de l'accompagnement et de la rédaction.

Il estime que même s'il n'avait pas de fonction d'encadrement, le fait de pouvoir coordonner des équipes et de décider de l'intervention d'autres salariés était une responsabilité substancielle qui ne pouvait lui être retirée et que son intégration à un pôle 'support projet' avec des missions de formation, de packaging et documentation, d'assistance et de réalisation de maquettes avant vente, entraînait une rétrogradation.

La société Tessi Ged rétorque qu'à la fin de l'année 2014, elle a décidé de mettre en place une nouvelle équipe au sein du service opérations auquel appartient M. [R], intitulée 'support projets', avec des missions d'animation de l'atelier découverte du logiciel standard durant la phase de lancement des projets, de formation des clients sur les produits de la société, de maintien à niveau du packaging d'installation du logiciel Docubase et de la documentation associée, d'assistance de l'équipe avant-vente au travers de la réalisation de maquettes, avec l'objectif d'améliorer les livrables mais également la relation avec les clients. Elle considère que le changement de poste de M. [R] n'impliquait aucune modification de sa qualification, de son niveau de responsabilité et d'autonomie et de sa rémunération et qu'il s'agissait uniquement d'un changement d'organisation du service opérations impliquant une redistribution des missions de chacun. Elle précise que les nouvelles missions confiées à M. [R] lui permettait d'être toujours en lien avec les clients, notamment dans le cadre de la dispense de formations et de l'assistance avant-vente et que contrairement à ce qu'il indique dans le tableau comparatif des missions qu'il produit, le contrôle de la qualité des livrables et de la gestion de la relation interne devait être poursuivi au sein du nouveau service. Enfin, si les missions relatives au pilotage de projets ne

faisaient plus partie du périmètre du poste, l'employeur considère que ses nouvelles missions étaient équivalentes en terme de responsabilités et que M. [R] ne se serait pas trouvé sous la subordination du service avant-vente, sa mission d'accompagnement technique constituant en outre une forte valeur ajoutée.

Comme rappelé à juste titre par la société Tessi Ged, l'employeur peut être amené à procéder à des aménagements de poste ou à modifier les tâches attribuées au salarié dans le cadre de son pouvoir de direction et sa décision s'impose au salarié, excepté lorsque celle-ci a pour incidence de modifier le contrat de travail.

Ainsi, si le changement de poste du salarié ne modifie pas son degré de subordination, que sa rémunération, sa qualification et son niveau hiérarchique sont conservés, l'affectation du salarié à un nouveau département constitue un simple changement de ses conditions de travail. La circonstance que la tâche donnée à l'intéressé soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement ne caractérise pas en soi une modification du contrat de travail, dès l'instant où elle correspond à sa qualification et il n'y a modification du contrat que si le poste proposé au salarié ne comporte pas des responsabilités équivalentes à celles de son poste antérieur.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'entre 2010 et 2015, M. [R] a exercé les fonctions de chef de projets et que pour exercer ses fonctions, il se déplaçait directement dans les locaux du client et coordonnait les différentes étapes de la mise en place du logiciel commercialisé, et en conséquence l'intervention de plusieurs professionnels, tels les formateurs pour former les équipes du client à l'utilisation du logiciel, les technico-commerciaux afin d'installer et de paramétrer le logiciel aux besoins des clients et/ou les programmeurs chargés de créer de nouveaux modules nécessaires dans le logiciel.

En sa qualité de chef de projets, et même s'il n'était pas directement le supérieur hiérarchique de ces divers intervenants, il était chargé de coordonner leurs activités et de décider s'ils devaient intervenir et dans quelles conditions, ce qui caractérise une responsabilité substantielle, étant rappelé, qu'étant cadre classification 8A, la convention collective applicable précisait que : 'sont classés dans ce niveau les salariés dont les activités requièrent une qualification permettant l'étude et la résolution de problèmes complexes dans une discipline complète ainsi que ceux qui participent à l'élaboration d'une politique ou à la définition des objectifs et moyens nécessaires à sa réalisation puis à sa mise en 'uvre effective au niveau de l'entité qu'ils dirigent'.

Or, il ressort de la description des nouvelles fonctions du salarié, telle que produite aux débats, que celui-ci n'aurait plus été amené à coordonner une équipe mais à effectuer des tâches éparses, à la demande, pour certaines, d'un chef de projets dont il exerçait auparavant les missions.

En outre, force est de constater l'absence de fiche de poste décrivant précisément les fonctions attachées à ce nouveau pôle 'support projet', ce que les trois salariés affectés ont relevé, après l'organisation d'une réunion le 5 janvier 2015 en présence de M. [H] directeur des opérations et de Mme [Y], directrice générale, en leur transmettant le 29 janvier 2015 le résultat de leurs 'réflexions, questions et remarques'.

M. [R] déplorait à titre individuel l'absence d'information quant au contenu précis et au périmètre d'intervention de chacun, dans des mails des 5, 8 et 23 janvier 2015 et soulignait son désaccord pour le changement annoncé, notamment dans son mail du 13 février 2015 avisant son supérieur de son arrêt de travail.

M. [N] (un des salariés affecté au nouveau pôle) indiquait encore dans un email du 10 février 2016 que : 'Suite à l'entretien individuel 2015, vous avez annoté que les fiches de poste des acteurs du nouveau service « support projet » restaient à définir. Or à ce jour aucune fiche de poste n'a été remise aux membres de l'équipe support projet. Cependant les missions qui m'ont été confiées sont plus en relation avec mes anciennes fonctions de TC [technico-commercial] que mes nouvelles fonctions au sein de l'équipe support projet'.

Sur le niveau de responsabilité de M. [R], sa collègue Mme [Z], également affectée à ce nouveau service et déléguée du personnel, a fait part de son incompréhension quant à la situation dans les termes suivants les 12 mars 2015 et 1er avril 2015:

'J'ajouterai enfin qu'humainement parlant, me retrouver coordinatrice d'une équipe où figure M. [R] dont j'ai dépendu lors de certaines phases de ma carrière en particulier lorsqu'il était

responsable qualité, me semble illogique, voire vexatoire. Je ne peux par mon acceptation cautionner ce que sous-entend cette relégation d'un homme de vingt ans d'expérience, qui pour moi a toujours été l'image de la conscience professionnelle' et 'Même si vous expliquez à M. [R] l'importance de son rôle, alors qu'il se retrouve bien relégué au même niveau qu'un technico-commercial qu'il a géré, et sous la dépendance de quelqu'un qui a été dans ses équipes (moi-même), agir ainsi envers quelqu'un qui a été responsable qualité, a géré toute une équipe de production, le service de Hotline, et a été des années chef de projet, véhicule la notion de rétrogradation aux yeux des collaborateurs. Vous aviez la possibilité de lui affecter la responsabilité de cette équipe, mais cela ne correspondait pas à la stratégie de la réorganisation'.

De même, M. [L], ancien salarié rappelait que M. [R] avait dirigé les équipes du back office (une quinzaines de salariés)et M. [G], directeur général de 1992 à 2005 de la société Docubase (rachetée par Tessi Ged) précisait avoir promu M. [R] au poste de 'responsable du back office en charge notamment des activités de support hotline et surtout de production qui était l'activité montante de la société' et qu'à ce titre, il était 'membre à part entière du comité de direction auquel il participait régulièrement apportant son expérience des situations terrains'.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les nouvelles fonctions de M. [R] caractérisaient bien une rétrogradation à un poste sans commune mesure avec son expérience et ses responsabilités passées, qui aurait dû faire l'objet d'un accord exprès du salarié, peu important que du fait de son arrêt pour maladie il ne les ai jamais exercées puisque la modification avait été actée par l'employeur, notamment dans l'organigramme diffusé en mars 2015 et que dès le 18 février 2015, une demande de maquette était adressée au nouveau service 'support projet'.

Ce manquement de l'employeur, en ce qu'il touchait à un élément essentiel du contrat de travail, était effectivement de nature à empêcher la poursuite de celui-ci, ce qui rend bien fondée la demande de résiliation judiciaire qui sera fixée au 7 avril 2016, date du licenciement.

- Sur les demandes pécuniaires liées à la rupture du contrat

La résiliation judiciaire du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant en premier lieu de l'ancienneté de M. [R], celle-ci est de 25 ans et 9 mois puisque les interruptions de travail pour maladie d'une durée totale inférieure à 6 mois par an sont prises en compte dans l'ancienneté en application de l'article 23 de la convention collective applicable, soit un reliquat d'indemnité de licenciement de 2.072,81 euros, selon le calcul détaillé du salarié non contesté.

M. [R] bénéficie en outre d'un préavis de 4 mois, nonobstant son arrêt maladie puisque la rupture du contrat a été prononcée aux torts de l'employeur. Il sera donc également fait droit à sa demande à hauteur de 20.728 euros, outre les congés payés y afférents.

Enfin, M. [R], ayant une ancienneté de plus de deux ans dans l'entreprise qui employait habituellement au moins onze salariés, peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son ancienneté (25 ans), de son âge, de sa situation (perception d'allocations pôle emploi justifiée jusqu'en juin 2017) et de la rémunération qu'il percevait, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer son indemnisation à la somme de 70.000 euros.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la société Tessi Ged aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [R] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de 6 mois.

- Sur les autres demandes

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de jugement (directement saisi), soit le 4 mai 2015 et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne,

Partie succombante, la société Tessi Ged sera condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre au salarié la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes relatives au temps de travail,

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de M. [R] à la date du 7 avril 2016, laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Tessi Ged à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- mille deux cent cinquante euros (1.250 euros) à titre de rappel de prime qualitative pour 2014,

- cent vingt cinq euros (125 euros) au titre des congés payés y afférents,

- vingt mille sept cent vingt huit euros (20.728 euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- deux mille soixante douze euros (2.072 euros) de congés payés y afférents,

- deux mille soixante douze euros et quatre vingt un centimes (2.072,81 euros) à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

- soixante dix mille euros (70.000 euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

RAPPELLE que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2015 et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne,

ORDONNE le remboursement par la société Tessi Ged aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à M. [R] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois ;

CONDAMNE la société Tessi Ged à payer à M. [R] la somme de :

- trois mille euros (3.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA DEBOUTE de sa demande formée sur le même fondement ;

CONDAMNE la société Tessi Ged aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats et à l'avis de prorogation, en application de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Dominique DUPERRIER, président, et Mme Brigitte BEUREL, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05328
Date de la décision : 25/10/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°15/05328 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-25;15.05328 ?
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