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23/10/2017 | FRANCE | N°16/01627

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 23 octobre 2017, 16/01627


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 OCTOBRE 2017



R.G. N° 16/01627



AFFAIRE :



Société ANTUNES





C/

Société MMA IARD











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7ème

N° RG : 08/02941



Expéditions exécutoires
>Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Patricia MINAULT



Me Irène FAUGERAS- CARON







REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affa...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 OCTOBRE 2017

R.G. N° 16/01627

AFFAIRE :

Société ANTUNES

C/

Société MMA IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 7ème

N° RG : 08/02941

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Irène FAUGERAS- CARON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 29 septembre 2015 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles 4ème chambre le 10 mars 2014 et APPELANTE du jugement rendu le 05 Juin 2012 par le tribunal de grande instance de Nanterre

7ème chambre civile

Société ANTUNES

Ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20160103 vestiaire : 619

Représentant Maître Virginie MIRE avocat plaidant du barreau de PARIS vestiaire : G 156

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI ET INTIMEE

Société MMA IARD venant aux droits de la société WINTERTHUR ASSURANCES

Ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant Maître Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 619208,vestiaire : 068

Représentant Maître Véronique GACHE GENET, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : B 0950

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juillet 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Président

Madame Guylaine SIXDENIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

FAITS ET PROCEDURE,

La société Rivepar, ayant fait construire un immeuble de bureaux à [Localité 3], a chargé la société Sogea, aux droits de laquelle est venue la société Vinci Construction France, et sa filiale la société Sicra, assurée auprès la société UAP aux droits de laquelle se trouve la société Axa Corporate Solutions, de la réalisation des travaux tous corps d'état, à l'exclusion des lots menuiseries extérieures et chauffage- climatisation- ventilation.

La société Sogea par l'intermédiaire de sa filiale la société Sicra, a sous-traité suivant contrat du 10 juillet 2000 à la société Antunes, assurée auprès de la société Winterthur devenue la société MMA Assurances Iard, les travaux de ravalement extérieur et de revêtement de façades.

La société Antunes a mis en oeuvre , courant septembre-octobre 2000, un enduit de type "Marmorella" fabriqué par la société Settef, et fourni par la société CEDF assurée auprès de la société AGF, aujourd'hui la société Allianz ; un phénomène de claquage de l'enduit est apparu dans les semaines qui ont suivi.

La réception des travaux de ravalement est intervenue, avec réserves, le 19 juin 2001 et, le même jour, avec les mêmes réserves, la livraison de l'immeuble et la remise des clés .

Les désordres affectant le ravalement s'aggravant, la société Rivepar a demandé en référé une mesure d'expertise judiciaire ; M. [A] , commis par ordonnance du 28 janvier 2002 a procédé aux opérations d'expertise et a déposé son rapport le 22 septembre 2006 .

Par jugement réputé contradictoire du 5 juin 2012, le tribunal de grande instance de Nanterre a, entre autres dispositions qui ne concernent pas la présente procédure sur renvoi après cassation partielle, fixé la part de responsabilité de la société Antunes dans la survenance des désordres à 70% , mis hors de cause la société Allianz au titre de la police unique de chantier et mis hors de cause la société MMA ;

Par arrêt contradictoire du 10 mars 2014, la cour d'appel de Versailles a, entre autres dispositions qui ne concernent pas la présente procédure sur renvoi après cassation, porté à 75 % la part de responsabilité de la société Antunes dans la survenance des désordres et confirmé la mise hors de cause des sociétés Allianz et MMA .

Par arrêt du 29 septembre 2015, la cour de cassation (3ème chambre civile) a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il met hors de cause la société Allianz au titre de la Police Unique de Chantier et la société MMA, assureur de la société Antunes, l'arrêt rendu le 10 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remis en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration remise au greffe le 2 mars 2016, la société Antunes (SAS) a saisi la présente cour de renvoi, à l'encontre de la société MMA Iard venant aux droits de la société Winterthur Assurances .

Par dernières conclusions signifiées le 19 juin 2017, la société Antunes (SAS) demande à la cour, au visa des articles L114-1 et L 114-2, R 112-1 et L 113-1 du code des assurances, 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de :

- dire et juger son action en garantie à l'encontre de la société MMA venant aux droits de la compagnie Winterthur non prescrite,

A cet effet,

- dire et juger qu'elle n'a pas eu connaissance des demandes dirigées à son encontre avant le 25 février 2008,

- dire et juger que l'appel en garantie qu'elle a formulé par conclusions notifiées le 4 décembre 2008 est intervenu dans un temps non prescrit,

- débouter la société MMA de ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

- dire et juger que la prescription biennale édictée par l'article L 114-1 du code des assurances lui est inopposable par la société MMA venant aux droits de la compagnie Winterthur,

A cet effet

- constater que les mentions du contrat d'assurance de responsabilité décennale relative à la prescription ne sont pas conformes,

- au titre du contrat d'assurance de responsabilité civile, constater que la société MMA ne prouve pas avoir satisfait à son obligation d'information vis-à-vis d'elle,

- dire et juger la prescription de l'article L 110-4 du code de commerce inapplicable, les relations assuré/assureur étant régies par une prescription spéciale plus courte,

- dire et juger la prescription de droit commun résultant de la loi du 17 juin 2008 inapplicable, l'instance ayant été engagée avant l'entrée en vigueur de cette loi,

- constater que la clause d'exclusion du contrat d'assurance de responsabilité civile qu'elle a souscrit auprès de la société MMA n'est pas formelle et limitée,

En conséquence,

- dire qu'elle ne peut être opposée par elle,

- condamner la société MMA venant aux droits de la compagnie Winterthur à la relever et la garantir indemne des condamnations mises à sa charge du chef du jugement prononcé le 5 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Nanterre et de l'arrêt prononcé le 10 mars 2014 par la cour d'appel de Versailles,

- à tout le moins, condamner la société MMA venant aux droits de la compagnie Winterthur à la relever et la garantir indemne des condamnations mises à sa charge du chef du jugement et de l'arrêt précités à hauteur de 126.316,095 euros et 2.009,61 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner la société MMA venant aux droits de la compagnie Winterthur à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du même code.

Par dernières conclusions signifiées le 2 juin 2017, la société Mutuelle du Mans Assurance Iard venant aux droits de Winterthur, prise en sa qualité d'assureur de la société Antunes, demande à la cour, de :

Vu la police responsabilité décennale souscrite auprès d'elle,

Vu les articles L114-1 et L114-2 du code des assurances,

- dire que la société Antunes avait connaissance des dommages invoqués, relatifs au ravalement, au plus tard le 16 janvier 2002, date à laquelle elle a été assignée en référé expertise par la société Bouygues Immobilier, relativement à ces dommages, ou le 4 juin 2002, date à laquelle elle a été assignée au fond par les AGF,

- dire que, quel que soit la date constituant le point de départ de la prescription biennale retenue, la société Antunes a, pour la première fois, formé des demandes à son encontre, par conclusions signifiées le 4 décembre 2008, soit plus de 4 ans après l'expiration de la prescription biennale,

- dire que les termes même de l'article L 114-1 du code des assurances ne permettent pas de reporter le point de départ de la prescription au 25 février 2008, date des conclusions aux fins de rétablissement au rôle signifiées par la société Bouygues Immobilier,

-dire qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu dans les deux ans précédant les conclusions signifiées par la société Antunes le 4 décembre 2008 à son encontre,

- dire que la société Antunes ne saurait invoquer des actes qui n'émanent pas d'elle,

- dire, en conséquence, qu'elle ne saurait notamment invoquer l'assignation au fond qui lui a été délivrée par Sogea et Sicra le 8 avril 2003,

En tout état de cause,

- dire que la prescription aurait été acquise, au plus tard, le 4 avril 2007, 2 ans après la dernière ordonnance commune rendue le 4 avril 2005, soit bien avant les conclusions de la société Antunes du 4 décembre 2008,

- confirmer le jugement rendu le 5 juin 2012 en ce qu'il a jugé que l'action de la société Antunes à son encontre est prescrite et rejeter tout appel en garantie formé à son encontre es qualités d'assureur responsabilité décennale.

Vu la police responsabilité civile souscrite auprès d'elle,

Vu les articles L114-1 et L 114-2 du code des assurances,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article 1315 ancien du code civil,

- dire que la société Antunes n'a formé pour la première fois des demandes au titre de la police responsabilité civile souscrite auprès d'elle qu'aux termes de ses conclusions devant la cour d'appel de renvoi du 29 juin 2016,

- dire que de la même manière que pour les demandes formées au titre de la police responsabilité décennale, aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu dans les deux ans précédant les conclusions signifiées par la société Antunes le 29 juin 2016 à son encontre,

En tout état de cause,

- dire que la prescription aurait été acquise, au plus tard, le 04 avril 2007, 2 ans après la dernière ordonnance commune rendue le 04 avril 2005, soit bien avant les conclusions de la société Antunes du 29 juin 2016,

- dire, au surplus, que s'agissant du contenu des Conditions Générales de la police, la charge de la preuve repose sur la société Antunes qui a nécessairement eu communication des Conditions Générales lors de la souscription de son contrat d'assurance,

- dire cependant que la société Antunes ne démontre pas que les Conditions Générales de la police Responsabilité Civile ne serait pas rédigées conformément aux exigences de la Cour de cassation concernant la prescription biennale,

- dire, en conséquence, qu'elle est recevable à opposer la prescription biennale à son assuré au titre de la police Responsabilité Civile,

- dire que les demandes formées par la société Antunes à son encontre au titre de la police Responsabilité Civile sont irrecevables car prescrites, et les rejeter,

Si la cour devait considérer que la prescription biennale de l'article L 114-1 du code des assurances est inopposable à la société Antunes,

Vu l'article L 110-4 du code de commerce,

- la dire fondée à opposer à la société Antunes la prescription de 10 ans du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008,

- dire que cette prescription a commencé à courir lorsque la société Antunes a eu connaissance des dommages invoqués par la société Rivepar, c'est-à-dire, au plus tard le 16 janvier 2002, date à laquelle elle a été assignée en référé expertise par la société Bouygues Immobilier, relativement à ces dommages,

- dire, en conséquence, que le point de départ de la prescription de 10 ans est le 28 janvier 2002, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, et que la prescription était acquise au plus tard le 28 janvier 2012,

En toute hypothèse,

- dire que ce n'est que par conclusions signifiées le 29 juin 2016 que la société Antunes a, pour la première fois, formé des demandes à son encontre au titre de la police Responsabilité Civile,

- dire qu'elle ne saurait en aucun cas invoquer l'effet interruptif des ordonnances communes rendues dans le cadre de la procédure d'expertise judiciaire,

- dire que la prescription aurait, en tout état de cause, été acquise, au plus tard, le 04 avril 2015, 10 ans après la dernière ordonnance commune rendue le 04 avril 2005, soit un peu plus d'un an avant les conclusions de la société Antunes du 29 juin 2016,

En conséquence,

- dire que les demandes formées par la société Antunes à son encontre au titre de la police Responsabilité Civile sont irrecevables car prescrites, et les rejeter,

Si, par extraordinaire, la cour devait écarter l'application des délais de prescription prévus à l'article L 114-1 du code des assurances et à l'article L 110-4 du code de commerce,

Vu l'article 2262 ancien du code civil et 2224 nouveau du même Code,

Vu l'article 26 de la loi du 17 juin 2008,

- la dire fondée à opposer à Antunes le délai de prescription de droit commun prévu par le code civil,

- dire que cette prescription, qui était de 30 ans au jour de l'engagement de la procédure, a commencé à courir lorsque la société Antunes a eu connaissance des dommages invoqués par la société Rivepar, c'est-à-dire, au plus tard le 16 janvier 2002, date à laquelle elle a été assignée en référé expertise par la société Bouygues Immobilier, relativement à ces dommages,

- dire, en conséquence, que le point de départ de la prescription de 30 ans est le 28 janvier 2002, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, et que la prescription aurait dû être acquise le 28 janvier 2032,

- dire qu'Antunes ne saurait en aucun cas invoquer l'effet interruptif des ordonnances communes rendues dans le cadre de la procédure d'expertise judiciaire,

En toute hypothèse,

- dire que la loi du 17 juin 2008 a instauré un nouveau délai de prescription de droit commun de 5 ans,

- dire qu'en vertu des dispositions transitoires de cette loi, la prescription de l'action de la société Antunes à son encontre était acquise 5 ans après l'entrée en vigueur de la loi le 19 juin 2008, soit le 19 juin 2013,

- dire que ce n'est que par conclusions signifiées le 29 juin 2016 que la société Antunes a, pour la première fois, formé des demandes à son encontre au titre de la police Responsabilité Civile,

- dire, de plus fort, que les demandes formées par la société Antunes à son encontre au titre de la police Responsabilité Civile sont irrecevables car prescrites depuis le 19 juin 2013, et les rejeter,

En toute hypothèse,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel le 10 mars 2014,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 septembre 2015,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

- constater que la Cour de cassation a, dans son arrêt du 29 septembre 2015, jugé que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision en retenant qu'il n'était pas démontré que le revêtement de façade litigieux avait une fonction d'étanchéité et était constitutif d'un ouvrage,

- dire, en conséquence, que l'arrêt rendu le 10 mars 2014 par la Cour d'appel de Versailles a autorité de chose jugée en ce qu'il a statué que « les désordres en cause ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs mais de leur responsabilité de droit commun »,

- dire que l'arrêt rendu le 10 mars 2014 est devenu irrévocable sur ce point,

En conséquence,

- dire qu'en l'absence de désordres relevant de la garantie décennale, aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre au titre de la police Responsabilité Décennale souscrite par la société Antunes,

- rejeter, en conséquence, toutes les demandes à ce titre,

Vu les Conventions Spéciales de la police Responsabilité Civile souscrite auprès d'elle,

- dire qu'aucun enrichissement sans cause ne saurait dès lors être retenu à l'encontre d'un assureur qui a perçu des primes sans que le risque assuré ne se soit réalisé dans la période de garantie,

- dire que la police Responsabilité Civile a une contrepartie constituée par les garanties qu'elle apporte et qui sont précisées par les Conventions Spéciales,

- dire que la police Responsabilité Civile souscrite par la société Antunes auprès d'elle exclut expressément, à l'article 8,15° des Conventions Spéciales « le coût de la réfection des travaux, de la remise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés, qui ont été à l'origine des dommages »,

- dire que cette clause ne nécessite aucune interprétation, comme le prétend la société Antunes,

- rejeter, de plus fort, la demande,

- dire que la totalité de la condamnation mise à la charge de la société Antunes par le tribunal puis la cour d'appel, s'élevant à 75% de 656.804,33 euros HT hors frais irrépétibles et dépens, correspond bien au coût des travaux de réfection du ravalement défectueux qu'elle a exécutés et qui est à l'origine des dommages,

- dire que contrairement à ce que soutient la société Antunes, les sommes autres que celle correspondant au devis de la société Tene retenu par le tribunal pour un montant de 488.382,87 euros HT, correspondent au coût de travaux préparatoires et de frais annexes nécessaires à la bonne réalisation des travaux de réfection du ravalement,

- rejeter la demande, les travaux préparatoires et frais annexes pour un montant de 168.421,46 euros HT étant également exclus de la garantie Responsabilité Civile souscrite,

- rejeter la demande relative aux condamnations mises à la charge de l'assuré au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance et d'appel,

- dire que la garantie Responsabilité Civile n'a pas vocation à être mobilisée et rejeter, de plus fort, la demande formée par la société Antunes à son encontre, visant à la voir condamnée à la garantir de tout ou partie des condamnations prononcées à son encontre,

En toute hypothèse,

- dire qu'en cas de condamnation, elle est fondée à opposer la franchise prévue par la police Responsabilité Civile, dans les limites rappelées aux Conditions Particulières,

- condamner la société Antunes à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Antunes aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 juin 2017.

'''''

SUR CE :

Force est de constater que si la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 mars 2014 en ce qu'il met hors de cause la société Allianz au titre de la Police Unique de Chantier et la société MMA, assureur de la société Antunes, la déclaration de saisine de la société Antunes n'a été formée qu'à l'encontre de la société MMA IARD venant aux droits de la société Winterthur assurances ;

Il n'appartient pas, en conséquence, à la présente cour de renvoi, de se prononcer sur la mise hors de cause, retenue par le jugement déféré, de la société Allianz au titre de la Police Unique de Chantier ;

La société Antunes recherche la garantie de la société MMA IARD venant aux droits de la société Winterthur d'une part, au titre de la 'police d'assurance de la responsabilité décennale des entreprises du bâtiment' n° 6770203 souscrite à effet du 1er janvier 1994, d'autre part, au titre de la 'police d'assurance responsabilité civile des entreprises du bâtiment' n°6770639 souscrite à effet du 1er janvier 1996 ;

Sur la police responsabilité décennale,

Selon les motifs du jugement déféré, rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 5 juin 2012, les travaux de ravalement réalisés par la société Antunes, consistant en l'application du produit dénommé 'Marmorella', un revêtement mural décoratif dénué de toute fonction d'étanchéité, ne constituent pas un ouvrage de construction ; les désordres d'ordre esthétique, constatés deux semaines après l'application du revêtement, étaient apparents à la réception de l'immeuble et ont été réservés ;

Le tribunal a conclu des motifs retenus que 'la garantie décennale des constructeurs ne saurait être concernée par le présent litige' ;

La cour d'appel de Versailles, par l'arrêt du 10 mars 2014, a pareillement observé que le revêtement de façade, constitué d'un enduit mince dont la fonction d'étanchéité n'est pas démontrée, n'est pas constitutif d'un ouvrage en lui-même et que les descriptions des désordres l'affectant ne sont pas de nature à établir qu'ils portent atteinte à la solidité de l'immeuble, ni qu'ils le rendent impropre à sa destination ;

La cour en a déduit, par confirmation de la décision du tribunal, 'que les désordres en cause ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs mais de leur responsabilité de droit commun' ;

L'arrêt du 10 mars 2014 est définitif sur ce point qui n'est pas atteint par l'arrêt de cassation partielle du 29 septembre 2015 ;

Le tribunal a réparti les parts de responsabilité dans la survenance des désordres entre la maîtrise d'oeuvre pour 20%, l'entreprise générale tous corps d'état pour 10%, la société Antunes (sous -traitante pour le ravalement extérieur) pour 70% ;

La cour a modifié cette répartition en attribuant une part de responsabilité de 25% à la maîtrise d'oeuvre et de 75% à la société Antunes ;

Statuant sur l'action de la société Antunes contre la société MMA IARD, le tribunal a, certes, relevé qu'elle était prescrite et, partant, irrecevable, mais a retenu, pour mettre hors de cause la société MMA IARD que l'action était, en tout état de cause, mal fondée car, 'en l'absence de désordre de nature décennale' la garantie de l'assureur 'ne saurait être appelée ' ;

La cour a confirmé le jugement sur ce point, ayant observé (page 23 de l'arrêt du 10 mars 2014) que 'le désordre n'ayant pas de caractère décennal, les demandes formées contre les assureurs suivant police décennale ne peuvent prospérer ;

La police 'responsabilité décennale' dont se prévaut la société Antunes garantit, selon les stipulations de l'article 1er chapitre III des conditions générales de la police, ' le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel, en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, l'assuré a contribué, lorsque la responsabilité de ce dernier est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de bâtiment, et dans les limites de cette responsabilité' ;

Dans les cas où, comme en l'espèce la société Antunes, l'assuré est titulaire d'un contrat de sous-traitance, les conventions spéciales de la police précisent, à l'article 2.321, que la garantie de l'assureur couvre, pour les travaux que l'assuré exécute lui-même ou donne en sous-traitance, postérieurement à la réception, 'l'obligation à laquelle l'assuré peut être tenu contractuellement en qualité de sous-traitant pour le risque défini à l'article 1er du chapitre III des conditions générales' ;

La société Antunes est ainsi mal fondée à rechercher la garantie de la société MMA IARD au titre de la police 'responsabilité décennale' qui n'est pas mobilisable pour le désordre en cause, ne relevant pas de la présomption de responsabilité des constructeurs édictée aux articles 1792 et suivants du code civil ;

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société MMA IARD venant aux droits de la société Winterthur assurances, du chef de la police d'assurance de la responsabilité décennale des entreprises du bâtiment ;

Sur la police responsabilité civile,

Selon les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; en cas de sinistre ce délai ne court que du jour où l'assuré en a eu connaissance, s'il prouve qu'il l'a ignoré jusque là ;

La prescription est interrompue, selon les dispositions de l'article L. 114-2 du même code, par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre ; l'interruption de la prescription peut aussi résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ;

Les dispositions précitées relatives à la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance doivent être, impérativement, par application des prescriptions de l'article R.112-1 du code des assurances, rappelées dans les polices d'assurance ;

L'opposabilité à l'assuré de la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance est subordonnée au respect par l'assureur de ces prescriptions ;

En la cause, sont versées aux débats, l'attestation d'assurance responsabilité civile (pièce n°6), les conditions personnelles de la police 'responsabilité civile des entreprises du bâtiment (pièce n°7), les conditions spéciale ' 5-RCE responsabilité civile -entreprises du bâtiment' (pièce n°8) ; aucun de ces documents contractuels ne fait mention, ni de la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance, ni du point de départ du délai de prescription, ni des causes d'interruption de cette prescription ;

L'assureur ne justifie pas avoir, d'une quelconque manière, porté à la connaissance de l'assuré les informations sur la prescription qui ne figurent pas dans les pièces constitutives de la police ; contrairement à ce que prétend la société MMA IARD, c'est à l'assureur, tenu de délivrer ces informations à l'assuré et, partant, débiteur à l'égard de ce dernier de l'obligation posée à l'article R.112-1, de rapporter la preuve qu'il s'en est acquitté ;

Une telle preuve n'étant pas rapportée, la société MMA IARD ne peut se prévaloir en la cause de la prescription biennale qui est inopposable à la société Antunes ;

En l'état de dispositions gouvernant spécialement la prescription des actions dérivant d'un contrat d'assurance, la société MMA IARD n'est pas fondée, en toute hypothèse, à invoquer la prescription prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants ;

Enfin, la prescription de droit commun, telle que résultant des dispositions de la loi du 17 juin 2008 n'est pas applicable dès lors que l'instance au fond a été initialement introduite en 2002 par des assignations délivrées, notamment, à la société Antunes et à la société Winterthur (aux droits de laquelle se trouve la société MMA IARD) à la requête de la société AGF, devant le tribunal de grande instance de Paris lequel s'est ensuite dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Nanterre saisi de deux procédures connexes respectivement introduites en 2003 par les sociétés Rivepar et Sogea et Sicra ; par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, cette loi s'appliquant également en appel et en cassation ;

Il s'infère des développements qui précèdent que l'action de la société Antunes à l'encontre de la société MMA IARD du chef de la police 'responsabilité civile' n'est pas prescrite et se trouve, en conséquence, recevable ;

Cette police couvre, selon l'article 5 des conventions spéciales, intitulé 'Quel est l'objet de la garantie '', ' la responsabilité civile après travaux', précisant à cet égard en 5- 2° : 'Nous garantissons les dommages corporels ou matériels causés à autrui , y compris au maître de l'ouvrage, par les travaux exécutés, lorsque ces dommages ont pour effet générateur une malfaçon et qu'ils surviennent après l'achèvement des travaux' ;

Il découle de l'énoncé précité que l'assureur répond des dommages matériels causés en l'espèce à la société Rivepar, maître de l'ouvrage, des suites des malfaçons, dont la société Antunes a été définitivement retenue responsable, dans l'exécution des travaux de ravalement consistant en la pose du revêtement 'Marmorella', sur les façades de l'immeuble en construction ;

La société MMA IARD invoque quant à elle la clause d'exclusion stipulée à l'article 8 -15° des conventions spéciales, aux termes de laquelle il est indiqué, sous le titre 'Quels sont les cas où notre garantie ne joue pas '', que le contrat ne couvre pas 'le coût de la réfection des travaux, de la remise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés, qui ont été à l'origine des dommages';

Or, pour être opposable à l'assuré, la clause d'exclusion doit être, en vertu des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, formelle et limitée ; tel n'est pas le cas lorsque la clause d'exclusion est sujette à interprétation ou encore, lorsqu'elle tend à vider de toute portée la garantie accordée par l'assureur ;

En l'espèce, la société MMA IARD interprète la clause d'exclusion comme privant de garantie l'assuré pour la réfection des désordres affectant les travaux exécutés par ce dernier ; il en découle que la clause contredit, en les vidant de leur substance, les stipulations de l'article 5-2° de la police aux termes duquel l'assureur garantit l'assuré pour les dommages matériels causés au maître de l'ouvrage lorsque ces dommages ont pour effet générateur une malfaçon dans les travaux exécutés et qu'ils surviennent après l'achèvement des travaux ;

La clause d'exclusion ne peut être, dans ces conditions, opposable à la société Antunes ;

Il en résulte que la société MMA IARD, doit relever et garantir la société Antunes, dans les limites de la police, au titre des condamnations définitives mises à la charge de cette dernière par les dispositions du jugement du 5 juin 2012 et celles, non atteintes par la cassation, de l'arrêt du 10 mars 2014 ;

L'équité commande de condamner la société MMA IARD à verser à la société Antunes une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Les dépens de la présente procédure sur renvoi après cassation partielle seront supportés par la société MMA IARD .

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement déféré, rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 5 juin 2012, en ce qu'il a mis hors de cause la société MMA IARD du chef de la police d'assurance de la 'responsabilité décennale des entreprises du bâtiment',

Ajoutant,

Déclare recevable et non prescrite l'action de la société Antunes à l'encontre de la société MMA IARD du chef de la police d'assurance 'responsabilité civile des entreprises du bâtiment',

Dit que la société MMA IARD doit relever et garantir, dans les limites de cette police, la société Antunes, pour les condamnations définitives mises à la charge de cette dernière par les dispositions du jugement déféré du 5 juin 2012 et celles, non atteintes par la cassation, de l'arrêt du 10 mars 2014,

Condamne la société MMA IARD à verser à la société Antunes une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ,

Condamne la société MMA IARD aux dépens de la présente procédure sur renvoi après cassation partielle qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01627
Date de la décision : 23/10/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°16/01627 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-23;16.01627 ?
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