COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
SM
Code nac : 56B
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 SEPTEMBRE 2017
R.G. N° 16/04720
AFFAIRE :
SARL GROUPEMENT CHARBONNIER MONTDIDERIEN venant aux droits de la Société GROUPEMENT CHARBONNIER MONTDIDERIEN sis [Adresse 2].
C/
SAS MAZARS anciennement dénommée MAZARS ET GUERARD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mai 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 3
N° Section :
N° RG : 2010F04518
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Patricia MINAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL GROUPEMENT CHARBONNIER MONTDIDERIEN venant aux droits de la Société GROUPEMENT CHARBONNIER MONTDIDERIEN sis [Adresse 2].
N° SIRET : B17 558 45
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2016196
Représentant : Me Joël BETTAN de la SELEURL CABINET BETTAN SELARL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0763
APPELANTE
****************
SAS MAZARS anciennement dénommée MAZARS ET GUERARD
N° SIRET : 343 28 1 8 20
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20160277
Représentant : Me Francesca PARRINELLO de l'AARPI MPGV, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R098
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie MESLIN, Président,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Vu l'appel déclaré le 22 juin 2016 par la société à responsabilité limitée Groupement Charbonnier Montdiderien venant aux droits de la société Groupement Charbonnier Montdiderien (société Groupement Charbonnier.) contre le jugement prononcé le 12 mai 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre dans l'affaire qui l'oppose à la société par actions simplifiée Mazars anciennement dénommée Mazars et Guérard (société Mazars.) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions présentées le :
- 26 avril 2017 par la société Groupement Charbonnier, appelante,
- 27 avril 2017 par la société Mazars, intimée ;
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties en ce comprise, la note en délibéré du 5 juillet 2017 adressée par l'intimée au visa de l'article 445 du code de procédure civile.
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.
1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige
La société Mazars & Guérard a été commissaire aux comptes de la société Bunburry devenue société Groupement Charbonnier, filiale d'une société cotée du pôle immobilier du Groupe Acanthe, la société Acanthe Développement.
N'ayant pas obtenu leur règlement au titre des exercices 2006 et 2007, la société Mazars & Guérard, devenue société Mazars, a par application des articles L.823-18 et R.823-18 du code de commerce, saisi en conciliation le président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de [Localité 6] pour la fixation du montant de ses honoraires. En l'absence de proposition présentée par la société Bunburry devenue la société Groupement Charbonnier, un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 18 juillet 2008.
La société Mazars a ensuite saisi la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de [Localité 6] en fixation de ces honoraires à 11 960€ et 4 784€ toutes taxes comprises outre les intérêts au taux légal.
Par décision du 7 mai 2009, la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de [Localité 6] a :
- rejeté l'ensemble des prétentions de la société Bunburry
- fixé le montant des honoraires dûs par la société Bunburry aux droits de laquelle se trouve la société Groupement Charbonnier Montdiderien à la société Mazars & Guérard devenue la société Mazars
- à la somme de 11 960€ TTC outre intérêts au taux légal au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006,
- à la somme de 4 784€ TTC outre intérêts au taux légal au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007
- condamné la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la soicété Mazars la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Groupement Charbonnier a formé appel de cette décision devant le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes qui, selon décision du 16 décembre 2010 et en application de l'article R.823-18 du code de commerce, a déclaré les parties forcloses en leur demande en fixation d'honoraires faute de saisine des instances professionnelles habilitées dans les 15 jours du mois ayant suivi la saisine en conciliation du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de [Localité 6].
Estimant que cette décision du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes avait définitivement tranché le litige portant sur la contestation du montant de ses honoraires et que cette configuration procédurale lui permettait de saisir la juridiction de droit commun pour obtenir le paiement des sommes dues, la société Mazars a le 21 septembre 2010, fait assigner la société Groupement Charbonnier devant le tribunal de commerce de Nanterre à cette fin.
Les juges saisis ont par jugement du 6 décembre 2012, déclaré recevable la demande en recouvrement des honoraires de la société Mazars mais ont décidé de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une nouvelle saisine de la juridiction ordinale, compte tenu de la persistance en justice de la contestation de la société contrôlée du montant des honoraires réclamés et ce, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass.com, 9 mars 2010, pourvoi 09-12.247).
Le 17 février 2014, la société Mazars a de nouveau saisi en conciliation le président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de [Localité 6] puis, du fait de l'échec de la tentative effectuée, a le 6 mars 2014, saisi la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes près la cour d'appel de Reims qui, le 27 janvier 2015, a cependant déclaré que cette demande était irrecevable car se heurtant à l'autorité de la chose jugée de la décision du 16 décembre 2010.
Une fois cette décision devenue définitive, la société Mazars a repris son instance devant le tribunal de commerce de Nanterre et a, en considération dela contestation judiciare émise par l'adversaire, finalement demandé aux juges saisis de :
- vu les articles L.823-18 et R.823-18 du code de commerce,
- déclarer la société Groupement Charbonnier Montdiderien irrecevable en sa contestation du montant des honoraires de la société Mazars
- débouter la société Groupement Charbonnier Montdiderien de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- condamner la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la soicété Mazars la somme de :
- 11 960€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007 au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006,
- 4 784€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007 au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007
- condamner la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la société Mazars la somme de 5 000€ en application d le'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire du 12 mai 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige selon le dispositif suivant :
- reçoit la SAS Mazars en sa demande en paiement de ses honoraires
- se déclare compétent pour statuer au fond sur le litige
- condamne la SA Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la SAS Mazars la somme de :
- 11 960€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007 au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006,
- 4 784€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008 au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007
- avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007
- condamne la SA Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la SAS Mazars la somme de 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- condamne la SA Groupement Charbonnier Montdiderien aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que : - si le montant des honoraires réclamés ne peut être fixé que par la juridiction ordinale conformément aux dispositions du code de commerce, il est de la compétence du juge de droit commun de délivrer le titre exécutoire permettant d'en assurer le recouvrement et la demande de la société Mazars est recevable;
- la décision du Haut Commissariat aux Comptes du 16 décembre 2010 s'appuie sur le constat que, conformément à l'article R.823-18 du code de commerce, la partie la plus diligente disposait d'un délai de 15 jours pour saisir le président de la chambre régionale de discipline après l'échec de la tentative de conciliation et donc en l'espèce avant le 26 mai 2008 et que la saisine de la société Mazars étant du 31 juillet 2008, les parties sont désormais forcloses à faire valoir leur contestation ; - l'absence de saisine de la chambre régionale des commissaires aux comptes ou la saisine hors délai de cette institution ayant les mêmes conséquences, le tribunal de commerce reste compétent pour se prononcer sur le fond du litige nonobstant le fait que la créance réclamée n'ait pas pu être déterminée par les instances professionnelles ; - il est quoi qu'il en soit constant, que la société Mazars a dans les années antérieures à celle concernée par la réclamation, exercé les fonctions de commissaire aux comptes de la société Bunburry devenue Groupement Charbonnie sans que ses factures aient jamais donné lieu à la moindre contestation ; - la société Groupement Charbonnier ne fournit pas d'informations et éléments de preuve justifiant une augmentation sensible des honoraires litigieux ; - la créance de la société Mazars doit donc être déclarée certaine, liquide et exigible et partant, bien-fondée.
La société Groupement Charbonnier a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 mai 2017 et l'affaire, renvoyée à l'audience tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, nonobstant la demande de dé-fixation sollicitée par l'appelante, motivée par un souci de bonne administration de la justice en raison de l'examen imminent du bien-fondé de la requête en déféré parallèlement formée contre l'ordonnance d'incident prononcée le 6 février 2017 par le magistrat de la mise en état dans une affaire concordante en paiement d'honoraires enregistrée de manière parallèle au répertoire général des affaires en cours sous le numéro 16-4717, les débats ont été ouverts et le délibéré, ensuite fixé à la date de ce jour.
2. Prétentions et Moyens des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
La société Groupement Charbonnier demande qu'il plaise à la Cour de :
- vu l'article 122 du code de procédure civile,
- vu les articles L.823-18, R.823-11, R.823-15 et R.823-18 du code de commerce,
- vu les pièces versées aux débats
- déclarer la société Groupement Charbonnier Montdiderien anciennement dénommée Bunburry recevable et bien-fondée en son appel
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 12 mai 2016 dont appel,
- statuant à nouveau,
- à titre principal,
- constater que la juridiction ordinale seule compétente pour la fixation des honoraires dont la société Mazars réclame le paiement, a déclaré dan s sa décision devenue définitive du 27 janvier 2015 que la demande de la société Mazars en fixation du montant de ses honoraires était irrecevable,
- en conséquence,
- déclarer l'action de la société Mazars visant au recouvrement de ses honoraires irrecevable, le montant de sa créance n'ayant pas été définitivement fixé par les instances ordinales, seules compétentes en la matière
- débouter la société Mazars de ses demandes en paiement au titre de ses honoraires et de sa demande additionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire,
- débouter la société Mazars de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en tout état de cause,
- condamner la société Mazars à payer à la société Groupement Charbonnier Montdiderien la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Mazars prie de son côté la Cour de :
- vu les articles L.823-18 et R.823-18 du code de commerce,
- vu les décisions du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes du 16 décembre 2010 et de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de [Localité 6] du 27 janvier 2015,
- déclarer la société Mazars recevable en sa demande en paiement des honoraires à l'encontre de la société Groupement Charbonnier Montdiderien,
- déclarer le Groupement Charbonnier Montdiderien irrecevable en sa contestation du montant des honoraires de la société Mazars,
- subsidiairement, déclarer bien fondés les honoraires facturés par la société Mazars,
- débouter la société Groupement Charbonnier Montdiderien de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement frappé d'appel et condamner la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la société Mazars :
- la somme de 11 960€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2007, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2006,
- la somme de 4 784€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2008, au titre de ses honoraires sur l'exercice 2007,
- condamner la société Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la société Mazars la somme de 4 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première que d'appel ces derniers dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minualt agissant par Maître Patricia Minault, avocat au Barreau de Versailles - Toque 619, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
CELA ETANT EXPOSE,
1.Vu la note en délibéré du 5 juillet 2017 transmise par la société Groupement Charbonnier assortie de l'arrêt rendu par la cour de céans autrement composée, sur la requête en déféré formée dans l'affaire susvisée en concordance avec la présente cause et enregistrée sous un numéro de répertoire général différent. Par cet arrêt, la cour a débouté la société Groupement Charbonnier de sa requête et l'a condamnée à payer à la société Mazars, 2 000€ à titre de frais irrépétibles en rejetant toute autre demande.
2.La Cour statue sur le mérite d'une demande en paiement d'honoraires d'un commissaire aux comptes présentée devant le juge de droit commun, précision étant faite que les instances professionnelles compétentes pour fixer ce montant de ces honoraires, ont été tardivement saisies à cette fin par les parties qui sont donc de ce chef, frappées de forclusion.
Sur la recevabilité de la demande en paiement d'honoraires présentée par la société Mazars
3.La société Groupement Charbonnier observe à l'appui de sa position que : - le législateur en instituant les articles L.823-18 alinéa 2 et R.823-18 du code de commerce, a instauré une procédure dérogatoire au droit commun en décidant, que les différends sur la fixation des honoraires des commissaires aux comptes sont de la compétence exclusive des juridictions ordinales ; - la juridiction de droit commun saisie d'une demande en recouvrement de tels honoraires doit ainsi, en cas de contestation sur leur montant, surseoir à statuer, dans l'attente de la décision de la chambre régionale des commissaires aux comptes ; - le non-respect du délai dans lequel les juridictions ordinales doivent être saisies est sanctionnée par la forclusion et donc, par la perte du droit d'accomplir l'acte ou la formalité qui aurait dû être effectué dans le délai légal imparti par la loi et qui ne l'a pas été ainsi que par l'inefficacité de l'acte ou de la formalité, accompli hors délai ; - la forclusion acquise rend donc toute demande en paiement irrecevable ; - en l'espèce, le Haut Commissariat aux Comptes ayant rappelé dans sa décision du 16 décembre 2010, aujourd'hui définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée, que la chambre régionale de discipline devait en application des dispositions légales, avoir été saisie avant le 26 mai 2008 alors qu'elle ne l'a été que le 31 juillet suivant, la société Mazars est définitivement forclose pour solliciter la fixation de ses honoraires devant le Haut Commissariat aux Comptes ; - la décision querellée est donc contraire à l'article 122 du code de procédure civile et aux effets que la loi et les tribunaux attachent à la forclusion ; aucun déni de justice n'est ainsi caractérisé ; - les premiers juges ne pouvaient par ailleurs sans se contredire, se déclarer compétents pour statuer sur l'action en recouvrement des honoraires de la société Mazars dans l'attente de l'issue du recours devant la juridiction ordinale qu'il incombe à la partie la plus diligente de saisir et la condamner ensuite à payer à cette société les honoraires réclamés après avoir, dans un premier temps, sursis à statuer et énoncer ensuite, que le montant des honoraires du commissaire aux comptes, ne peut être fixé que par la juridiction ordinale, soit la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes, et qu'en l'absence de saisine régulière de celle-ci, aucune contestation sur le montant des honoraires ne pouvait plus être élevée.
4.La société Mazars répond que : - la position de son adversaire procède d'une dénaturation de la portée de la décision du Haut Conseil du Commissariat aux comptes du 16 décembre 2010 ayant déclaré les parties forcloses, faute de saisine de la chambre régionale de discipline de Reims dans le délai d'un mois et quinze jours suivant la saisine du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de [Localité 6] aux fins de tentative de conciliation ; - le 27 janvier 2015, la chambre régionale de discipline en cause a confirmé cette forclusion de l'action en fixation des honoraires du commissaire aux comptes, en déclarant irrecevable sa nouvelle saisine en raison de l'autorité de la chose jugée de la décision du 16 décembre 2010 ; - ses honoraires ne pouvant plus être contestés, elle est fondée à réclamer auprès de la juridiction de droit commun que celle-ci exerce sa compétence de juridiction de recouvrement et qu'elle condamne son débiteur au paiement de cette créance désormais incontestable ; - elle ne sollicite en effet pas la fixation de ses honoraires mais uniquement, la condamnation au paiement de ces derniers ; - il appartenait à la société Groupement Charbonnier de saisir, dans les délais légaux, impartis à peine de forclusion, la chambre régionale de discipline de [Localité 6] d'une demande en fixation des honoraires qu'elle persiste à contester en justice ; - cette société ne saurait aujourd'hui, tirer prétexte de son inertie et de sa carence pour s'opposer à la demande ne paiement dirigée contre elle ; - il n'existe pas davantage de contradiction entre le jugement du tribunal de commerce du 6 décembre 2012 ayant fait droit à la demande subsidiaire de sursis à statuer présentée par la société Groupement Charbonnier qui estimait qu'il était encore possible de saisir la juridiction ordinale en fixation des honoraires litigieux et le jugement entrepris ; - enfin, la Cour de cassation ne s'est pas, dans la décision rappelée par la partie adverse, prononcée sur les effets de la forclusion de l'action en fixation des honoraires devant la juridiction ordinale et s'est bornée, à confirmer la dualité de compétence entre les juridictions de droit commun et ordinale.
5.Vu les articles L.823-18 et R.823-18 du code de commerce, ensemble l'article L.721-3 du dit code dont il ressort notamment que la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes et, en appel, le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes sont, à titre exclusif, compétents pour connaître de tout litige tenant à la rémunération des commissaires aux comptes ;
6.Tout régime dérogatoire étant d'interprétation stricte, il est de principe que la juridiction de droit commun reste compétente pour statuer sur toute demande en recouvrement d'honoraires formée par un commissaire aux comptes contre l'entité contrôlée sauf, en cas de contestation judiciaire portant sur le montant de ces honoraires, à devoir surseoir à statuer dans l'attente de la décision des instances professionnelles seules habilitées à se prononcer.
7.Il n'y a par ailleurs pour ce qui concerne la recevabilité de la demande litigieuse en recouvrement d'honoraires, aucune infraction au principe de cohérence au sens de ce principe général de droit selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, du seul fait que, dans les circonstances précises de cette espèce, le juge de droit commun s'est déclaré compétent pour statuer au fond sur la demande dont il était saisi après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue de la demande en fixation des honoraires devant les instances professionnelles saisies à l'initiative de la société Mazars, alors même que cette demande en fixation d'honoraires a été déclarée irrecevable pour cause de tardiveté et que par suite, le bien-fondé de cette même demande n'a pas été examiné, puisque l'articulation des compétences entre la juridiction ordinale et la juridiction de droit commun a ainsi pu être respectée et puisque par ailleurs, il est constant que la société Groupement Charbonnier n'a jamais saisi les instances professionnelles d'une contestation préalable et quoi qu'il en soit, aucun élément ni document porté aux débats ne permet de relever l'existence d'une contestation argumentée du montant des honoraires litigieux préalable à l'instance judiciaire.
8.Il ressort au contraire des éléments soumis par la société Mazars que le refus de paiement des honoraires litigieux procède non pas d'une contestation du montant des honoraires mais d'une mise en cause de la responsabilité de ce commissaire aux comptes pour une observation formulée dans le cadre de sa mission légale d'audit sur les comptes consolidés qui, aux dires de l'entité contrôlée, faisait suspecter les méthodes de valorisation qu'elle mettait en oeuvre pour déterminer les actifs nets.
9.C'est donc à bon droit que, après avoir constaté qu'aucune contestation du montant des honoraires fixés par elle n'avait été formalisée par son adversaire dans les délais légaux impartis devant les juridictions ordinales après une tentative infructueuse de conciliation devant le président de la chambre régionale des commissaires aux comptes, la société Mazars se déclare aujourd'hui parfaitement recevable à agir en recouvrement de cette créance devant le juge de droit commun peu important dans un contexte de cette nature, qu'elle ait elle-même été déclarée forclose en sa demande en fixation par décision du 16 décembre 2010 du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, puis le 27 janvier 2015 par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes de [Localité 6].
10.Il suit de ce qui précède que la société Mazars, est aujourd'hui recevable à établir le bien-fondé de sa demande en recouvrement de sa créance d'honoraires au titre des exercices 2006 et 2007 de l'entité contrôlée.
11.Le jugement entrepris sera sur ce point confirmé.
Sur le mérite de l'action en recouvrement d'honoraires
12.La société Mazars observe que la forclusion frappant l'action en contestation du montant de ses honoraires ne génère pas une irrecevabilité de l'action en recouvrement de ces derniers.
Elle explique que : - la société Groupement Charbonnier est simplement privée du pouvoir d'en contester le montant ; - elle est ainsi elle-même, créancière de 11 960€€ au titre de ses honoraires sur l'exercice clos le 30 juin 2006 selon facture du 18 avril 2007 et de 4 784€ au titre des diligences effectuées sur l'exercice clos le 30 juin 2007 ; - cette facturation est conforme au budget prévu dans la lettre de mission établie au titre de l'exercice 2006 et est inférieure au barême légal ; - elle justifie avoir établi ses rapports généraux au titre des exercices litigieux et ses diligences n'ont pas été contestées ; - la partie adverse a donc sans motif légitime, refusé de lui régler spontanément les sommes dues et est aujourd'hui, nécessairement mal-fondée à résister à sa demande.
13.La société Groupement Charbonnier répond que : - la société Mazars ne produit aucune pièce justifiant de son acceptation concernant le montant des honoraires qui lui sont réclamés ; - son adversaire n'a ainsi pas respecté les règles déontologiques et contractuelles applicables aux commissaires aux comptes ; - il est par ailleurs manifeste que les honoraires réclamés par la société Mazars sont excessifs et qu'ils ne correspondent pas aux prestations et diligences ayant été réalisées ; - ses honoraires ont en effet, été sensiblement et sans aucune justification, augmentés entre les exercices 2005 et 2006 ainsi qu'il ressort de la simple comparaison de deux factures (n° 13034/CAC 2005-06 et FR302 07-04-0665.).
14.C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour retient que les premiers juges ont observé que la société Groupement Charbonnier ne justifie pas de l'existence d'une augmentation sensible des honoraires réclamés au titre des exercices 2005 et 2006 puisque, ainsi que le fait observer justement la société Mazars, la facture du 19 juin 2006 à laquelle l'appelante se réfère pour procéder à cette comparaison ne se rapporte pas à des honoraires d'audit légal des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2005 mais à des 'honoraires relatifs à la revue des comptes arrêtés au 31 décembre 2005 et à la distribution de dividende' et donc, concerne une situation différente de celle intéressant la présente cause.
15.Justifiant de la nature et de l'ampleur des diligences accomplies dans le cadre de sa mission légale d'audit annuel des comptes, par les documents soumis à la Cour (factures impayées des 18 avril 2007 et 7 mars 2008, tableau des honoraires facturés, rapport général des exercice clos les 30 juin 2006 et 30 juin 2007.) comme du respect du barème légal institué par l'article R.823-12 du code de commerce - voir côte 9 du dossier de l'intimée, lettre de la compagnie régionale des commissaires aux comptes de [Localité 6] du 22 mai 2008 énonçant : ' La conformité de l'application du barème d'heures par le Cabinet Mazars chaque fois qu'il est applicable, montre le respect par ce Cabinet de nos règles professionnelles en la matière' -, la société Mazars sera, pour l'ensemble de ces raisons, déclarée fondée en sa demande en paiement.
16.Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;
17.La société Groupement Charbonnier, partie perdante aux sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de la Selarl Patricia Minault agissant par le ministère de Maître Patricia Minault, avocat au Barreau de Versailles.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris, celles afférents aux dépens et aux frais irrépétibles.
Y AJOUTANT :
CONDAMNE la société à responsabilité limitée Groupement Charbonnier Montdiderien aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de la Selarl Patricia Minault agissant par le ministère de Maître Patricia Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société à responsabilité limitée Groupement Charbonnier Montdiderien à payer à la société par actions simplifiée Mazars, trois mille eurois (3 000€.) à titre de frais irrépétibles d'appel.
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,