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12/09/2017 | FRANCE | N°16/04981

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 12 septembre 2017, 16/04981


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 31B



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 SEPTEMBRE 2017



R.G. N° 16/04981



AFFAIRE :



[J] [T]





C/

SAS VALPORTE HOLDING venant aux droits de la société A par suite de la transmission universelle du patrimoine de la SARL AUREUS RESTAURATION 1 au profit de la SAS VALPORTE HOLDING, suivant décision en date du 29 juin 2016 enregistrée le 13 juillet 2016

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Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2015F00640



Expéditions exécutoires

Expéditions

Cop...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 31B

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2017

R.G. N° 16/04981

AFFAIRE :

[J] [T]

C/

SAS VALPORTE HOLDING venant aux droits de la société A par suite de la transmission universelle du patrimoine de la SARL AUREUS RESTAURATION 1 au profit de la SAS VALPORTE HOLDING, suivant décision en date du 29 juin 2016 enregistrée le 13 juillet 2016

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juin 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2015F00640

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Bernard RIDET

Me Mélina PEDROLETTI

Me Christophe DEBRAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [T]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Bernard RIDET de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 178

APPELANT

****************

SAS VALPORTE HOLDING venant aux droits de la société A par suite de la transmission universelle du patrimoine de la SARL AUREUS RESTAURATION 1 au profit de la SAS VALPORTE HOLDING, suivant décision en date du 29 juin 2016 enregistrée le 13 juillet 2016

N° SIRET : 511 83 0 1 355

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23453

Représentant : Me Sonia VECCHIONE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0017

SARL GROUPE HORECA PARIS 'CENTURY 21"

N° SIRET : 387 790 405

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 16288

Représentant : Me Eric LECOCQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0075

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2017, Madame Sylvie MESLIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY

Vu l'appel déclaré le 1er juillet 2016 par M. [J] [T] contre le jugement prononcé le 3 juin 2016 par le tribunal de commerce de Versailles, dans l'affaire qui l'oppose à la société à responsabilité limitée Aureus Restauration 1 (société Aureus.) ainsi qu'à la société à responsabilité limitée Groupe Horeca Paris ' Century 21" (société Century 21.) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 10 octobre 2016 par la société par action simplifiée Valporte Holding (société Valporte Holding.) venant aux droits de la société Aureus, intimée,

- 21 octobre 2016 par la société Century 21, intimée sur appel principal et appelante sur appel incident,

- 1er décembre 2016 par M. [J] [T], appelant à titre principal et intimé sur appel incident ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige

La société Aureus, propriétaire d'un fonds de commerce affecté à une activité de restauration rapide exercée sous l'enseigne ' Il Timo ', a le 9 octobre 2014, confié à la société Century 21, un mandat sous signatures privées de vente de ce fonds de commerce situé à [Adresse 4], au prix net vendeur de 180 000€, la rémunération de l'agence stipulée à la charge de l'acquéreur étant fixée à 24 855€.

Le 17 novembre 2014, M. [J] [T] a par l'intermédiaire de l'agence, présenté une offre d'acquisition de ce fonds au prix net vendeur de 180 000€ et a de manière concomitante, remis un chèque de 18 000€ libellé à l'ordre de la Carpa. Cette offre a été acceptée par le vendeur le 21 novembre 2014 qui en a aussitôt adressé un exemplaire écrit à l'acquéreur.

Estimant que sa bonne foi avait été abusée, M. [J] [T] a par deux lettres recommandées avec accusés de réception adressées le 26 novembre 2014 à la société Century 21 ainsi qu'à M. [D] [M] ès qualités de gérant de la société Auréus, aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la société Valporte Holding, indiqué souhaiter se rétracter.

La société Auréus l'a selon lettre recommandée avec accusé de réception du 5 décembre 2014, informé que contestant cette rétractation, elle sollicitait l'indemnisation de son préjudice.

La société Aureus a ensuite le 12 mai 2015, fait assigner M. [J] [T] devant le tribunal de commerce de Versailles en résolution judiciaire de la vente du fonds litigieux aux torts de M. [J] [T] ainsi qu'en indemnisation du préjudice subi consécutivement à la faute commise lors de la rédaction de l'acte de cession. Elle a ensuite selon acte extrajudiciaire judiciaire du 5 octobre 2015, fait assigner en intervention forcée et en responsabilité la société Groupe Horeca en sa qualité de rédacteur de l'acte ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.

Dans le dernier état de ses écritures, la société Aureus a demandé aux premiers juges de :

- vu les articles 1101,15B3,1589,1134,1147 et 1184 du code civil,

- vu l'article L. 141-1 du code de commerce,

- vu l'article 1902 du code civil,

- vu la loi n° 7089 du 2 janvier 1970 et son décret d'application n° 72-678 du 20 juillet 1972,

- vu les pièces versées aux débats,

Sur les demandes de la société Aureus Restauration 1,

A titre principal,

- dire et juger que la vente intervenue entre M. [J] [T] et la société Aureus Restauration 1 concernant la vente fonds de commerce sis [Adresse 5] est parfaite,

- dire et juger que la rétractation de M. [J] [T] est fautive,

En conséquence,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente aux torts exclusifs de M.[J] [T],

- condamner M. [J] [T] à payer à la société Aureus Restauration 1 la somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, la dite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation,

Subsidiairement et dans l'hypothèse où [la] juridiction estimerait nulle l'offre d'achat,

- dire et juger que la société Groupe Horeca Paris a commis une faute engageant sa responsabilité à l'occasion de sa mission de l'offre d'achat,

- condamner la société Groupe Horeca Paris à payer à la société Aureus Restauration 1 la somme de 25 000€ en réparation de son préjudice, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation,

Sur la demande reconventionnelle de la société Groupe Horeca Paris,

Dans l'hypothèse où [la] juridiction jugerait nulle l'offre d'achat,

- dire et juger que la clause pénale insérée dans l'offre d'achat ne peut produire effet,

En conséquence

- débouter la société Groupe Horeca Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société Aureus Restauration 1,

Dans l'hypothèse où [la] juridiction jugerait valable l'offre,

- dire et juger que la clause pénale est nulle,

- constater que le montant de l'indemnité forfaitaire n'est pas précisé dans l'offre,

- constater que l'offre d'achat n'a pas été résilié suite à un accord amiable et que la société Aureus Restauration 1 n'a commis aucun manquement ; et, en conséquence,

- dire et juger que les conditions d'application de la clause pénale ne sont pas réunies,

En conséquence,

- débouter la société Groupe Horeca Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société Aureus Restauration 1,

En tout état de cause,

- condamner M. [J] [T], ou tout succombant à payer à la société Aureus Restauration 1 la somme de 6 000€ par application de l'article 700 du CPC [code de procédure civile],

- condamner M. [J] [T], ou tout succombant aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement contradictoire du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Versailles a tranché le litige en ces termes :

- condamne M. [J] [T] à verser la somme de 25 000€ à la société Aureus Restauration 1, en sus les intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2015 jusqu'à parfait paiement ;

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l'article 1154 du code civil, la première capitalisation intervenant le 6 mars 2016 et les capitalisations ultérieures le 6 mars de chaque année ;

- condamne M. [J] [T] à payer la SAS Horeca Paris la somme de 1€ au titre de la clause pénale ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- dit n'avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- condamne M. [J] [T] aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 104,52€.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont principalement retenu que : - les conditions de délais fixés pour la signature de l'offre d'achat synallagmatique convenue entre les parties ont été respectées ; - la vente du fonds litigieux était donc parfaite au sens de l'article 1583 du code civil ; - en résiliant de manière unilatérale la promesse d'achat qui le liait à la société Aureus, M. [J] [T] a commis une faute, cette faculté de résiliation n'ayant pas été convenue entre les parties ; - en cédant le fonds litigieux le 6 mars 2015 à la société AC Bourse au prix de 155 000€, la société Aureus Restauration 1 a subi un préjudice s'analysant en une perte de chance, pouvant être évalué à 25 000€ compte tenu du prix convenu avec M. [J] [T] ; - ce dernier succombant, il lui incombe de payer les pénalités prévues outre 25 000€ à titre de dommages-intérêts ; - compte tenu cependant de l'économie du contrat et de la non-réalisation de la vente, le montant demandé par la société Groupe Horéca au titre de la clause pénale apparaît être excessif et devoir être réduit à 1€.

M. [J] [T] a déclaré appel de la décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 mars 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience tenue en formation de juge rapporteur du 23 mai suivant pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été renvoyée à l'audience de ce jour pour plus ample délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

M. [J] [T] prie la Cour de :

- recevoir M. [J] [T] en son appel à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles le 6 juin 2016, l'y déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Groupe Horeca Paris de son appel incident,

- condamner les sociétés Valporte Holding 1 et Groupe Horeca Paris à payer à M. [J] [T] la somme de 3 000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner au paiement des frais et dépens taxables, en première instance et en cause d'appel.

La société Century 21 demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les uns et les autres de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Groupe Horeca Paris «Century 21»,

- l'infirmer pour le surplus,

Et faisant droit à l'appel incident de la société Groupe Horeca Paris 'Century 21»,

- condamner M. [J] [T] et/ou la société Valporte Holding l'un à défaut de l'autre, à payer à la société Groupe Horeca Paris ' Century 21" au titre de l'indemnité compensatrice, forfaitaire convenue, la somme de 24 855€ avec intérêts de droit,

- condamner par ailleurs M. [J] [T] et/ou la société Valporte Holding, l'un à défaut de l'autre, à payer à la société Groupe Horeca Paris « Century 21» la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin tout contestant aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel et en prononcer distraction au profit de Maître Christophe Debray, avocat aux offres de droit.

La société Valporte Holding demande qu'il plaise à la Cour de :

- vu les articles 1101, 1583, 1589, 1134, 1147 et 1184 du code civil,

- vu l'article L.141-1 du code de commerce,

- vu l'article 1902 du code civil,

- vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d'application n° 72-678 du 20 juillet 1972,

- vu les pièces versées aux débats,

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

En conséquence,

- condamner M. [J] [T] à payer à la société Valporte Holding la somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015, date de l'assignation, avec capitalisation,

- débouter M. [J] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Groupe Horeca Paris de ses demandes formulées à l'encontre de la société Valporte Holding,

Subsidiairement, pour le cas où la Cour jugerait nulle l'offre d'achat,

Sur la responsabilité de la société Groupe Horeca Paris,

- dire et juger que la société Groupe Horeca Paris a commis une faute engageant sa responsabilité à l'occasion de sa mission de rédaction de l'offre d'achat,

- condamner la société Groupe Horeca Paris à payer à la société Valporte Holding la somme de 25 000€ en réparation de son préjudice, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2015, date de l'assignation en intervention forcée, avec capitalisation,

Sur la demande en paiement de la clause pénale formulée par la société Groupe Horeca Paris,

- dire et juger que la clause pénale insérée dans l'offre d'achat ne peut produire d'effet,

En conséquence,

- débouter la société Groupe Horeca Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société Valporte Holding,

En tout état de cause,

- condamner M. [J] [T], ou tout succombant, à payer à la société Valporte Holding la somme de 5 000€ par application des dispositions de l'article 700 du CPC [code de procédure civile],

- condamner M. [J] [T], ou tout succombant, aux entiers dépens, de première instance et d'appel dont distraction faite pour ces derniers au profit de Maître Mélina Pedroletti, avocat.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

1.La Cour est saisie à titre principal, d'une demande en résolution judiciaire de la vente d'un fonds de commerce aux torts de l'acquéreur formée par le propriétaire de ce fonds au motif que cet acquéreur, aurait rétracté à mauvais escient son offre d'acquisition après que la vente de ce fonds soit devenue parfaite et, à front renversé, de la question du mérite de l'action en nullité de cette vente exercée par l'acquéreur pour omission par le vendeur, des énonciations obligatoires prévues par l'article L.141-1 du code de commerce.

2.La demande en résolution judiciaire de l'acte litigieux signé par le vendeur du fonds le 21 novembre 2014 ne peut logiquement être examinée qu'après que la question de la validité de cet acte ait été tranchée.

Sur la validité de l'acte signé le 21 novembre 2014 par la société venderesse

3.M. [J] [T] explique au soutien de sa demande de réformation que : - la motivation des premiers juges fait fi de ses moyens de défense tirés du non-respect de l'article L.141-1 du code de commerce ; - l'acte de vente litigieux est en effet nul pour omission des énonciations exigées par cet article ; - l'engagement synallagmatique litigieux devait ainsi comporter au jour de la signature de l'acquéreur, le nom du précédent vendeur, la date et le prix d'acquisition du fonds par ce dernier, les chiffres d'affaire et de résultat réalisés au cours des trois années d'exploitation ayant précédé la nouvelle acquisition et encore, la date du bail et sa durée ainsi que les nom et adresse du bailleur ; - aucune de ces mentions n'ayant été portée sur l'offre litigieuse, celle-ci est dénuée de tout effet juridique; - la résolution de cet acte nul ne saurait être demandée et donc obtenue ; - le vendeur et son mandataire ont témoigné implicitement du vice affectant la validité de la promesse en s'abstenant de présenter à l'encaissement le chèque qu'il a émis à titre d'indemnité d'immobilisation ; - la société Century 21 doit pour sa part être subséquemment déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur une clause de cette offre d'achat privée de tout effet juridique.

4.La société Valporte Holding répond que : - la vente étant parfaite depuis le 21 novembre 2014 et l'offre d'achat valable, le jugement doit être pleinement confirmé en ce qu'il a condamné M. [J] [T] au paiement de 25 000€ à titre de dommages-intérêts; - aucune disposition légale oblige de rédiger un écrit pour la vente d'un fonds de commerce; - le consentement réciproque des parties ayant été exprimé dans les délais convenus entre elles, M. [J] [T] ne pouvait donc plus rétracter sa proposition exprimée sans aucune condition suspensive ; - l'article L.141-1 du code de commerce est sans aucune incidence sur le caractère consensuel d'une vente de fonds de commerce et ne s'applique pas au cas d'espèce ; - cet article ne s'applique en effet qu'aux actes de vente d'un fonds de commerce à l'exclusion des offres d'acquisition ou d'achat constituant des actes unilatéraux ; - l'acte critiqué n'est précisément qu'une offre d'achat émanant de M. [J] [T] ; - quoiqu'il en soit, la nullité de la cession d'un fonds de commerce n'est jamais automatique et reste soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond ; - pour obtenir la nullité de cet acte, l'acquéreur doit prouver que l'omission d'une mention a été de nature à vicier son consentement ; - en l'espèce, M. [J] [T] ne se prévaut précisément d'aucun préjudice corrélatif à l'absence des mentions alléguée ; - la lettre de résiliation ne fonde la décision critiquée par son adversaire que sur le fait que l'exemplaire de l'offre contresignée n'ait été reçue par lui que le 25 novembre 2014 soit, au-delà du délai convenu d'un commun accord.

5.La société Century 21 explique que : - l'article L.141-1 du code de commerce ne concerne que l'acte de cession amiable de fonds de commerce et ne peut donc s'appliquer à l'offre d'achat faite par M. [J] [T] ; - il était précisé dans cette offre, que cet accord synallagmatique devrait donner lieu à la rédaction d'une promesse/cession par acte sous seing privé ou authentique ; - M. [J] [T] ne se serait au demeurant pas rétracté de son offre, s'il avait considéré que celle-ci était nulle ; - le jugement entrepris doit donc être confirmé ; - en l'absence de faute, aucune des prétentions formées contre elle ne saurait prospérer.

6.Vu l'article L.141-1 du code de commerce dont il ressort d'une part, que dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce consentie même sous condition et sous la forme d'un autre contrat, le vendeur est tenu d'énoncer plusieurs mentions obligatoires précisément énumérées et d'autre part, que l'omission de ces énonciations peut, sur la demande de l'acquéreur formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente.

7.Il est en l'espèce constant que d'une part, aucune des mentions exigées par ces dispositions légales n'a été portée dans l'acte litigieux qui ne comporte pas même l'identité du vendeur et que d'autre part, les lettres de rétractation du 26 novembre 2014 de l'acquéreur ne comportent aucune explication véritable sauf, à préciser que suite à la signature du vendeur intervenue le 20 novembre précédent, l'exemplaire de l'offre signée avait dû être 'réclamée plusieurs fois à l'agence Century 21 " et que cet exemplaire avait été ' reçu le 25 novembre suivant par mail et non par lettre recommandée.'.

8.L'acte que les parties précisent avoir signé les 17 et 20 novembre 2014 et qui se trouve curieusement daté du 19 octobre 2013, se présente de manière expresse comme étant une ' offre d'achat synallagmatique ' ne comprenant aucune condition suspensive - voir clause 4 des conditions générales de cet acte.

9.S'agissant de l'achat d'un fonds de commerce, cet acte valant vente à telle enseigne qu'un acompte de 10 % du prix offert a été séquestré par le proposant, devait de manière nécessaire, respecter les prescriptions de l'article L.141-1 du code de commerce.

10.A supposer que l'acte litigieux ne puisse s'analyser qu'en un avant-contrat distinct devant être réitéré sous forme privé ou authentique ou comme une promesse unilatérale d'achat, cet avant-contrat ou cette promesse comportant le consentement définitif de l'acheteur qu'il s'agit de protéger, devait précisément respecter les exigences de ce même article.

11.En l'absence de toutes les énonciations relevant de ces dispositions légales, l'acte litigieux sera déclaré nul puisqu'établi dans des circonstances n'ayant pu que troubler l'opinion de l'acquéreur sur la valeur du fonds litigieux et ainsi, empêcher l'expression d'un consentement éclairé de ce dernier ayant agi in personam ou pour le compte de ' toute société constituée ou à constituer le représentant'.

12.Aucun élément de fait du dossier soumis à l'appréciation de la Cour ne permet ainsi d'établir que M. [J] [T] a de manière précise et concrète disposé d'informations utiles et notamment, bénéficié de la mise à disposition des livres comptables afférents au fonds de commerce en cause.

13.Les conditions générales précitées rappelées au verso de l'offre d'achat litigieuse sont en effet à cet égard aussi succinctes que vagues, usant de formules de renvoi telle que celle rappelée à la clause 2 libellée 'conditions de réalisation'. Cette clause stipule ainsi : 'Nous reconnaissons connaître le bien pour l'avoir vu et visité; nous reconnaissons avoir été parfaitement informés de toutes déclarations de droit du propriétaire qui devra en justifier dans la forme prévue au § 1. Le jour de la réalisation de la vente, les biens dont il s'agit, devront être libres de toute inscription de sûreté (....)'. Elle ne saurait convaincre d'une information réelle et utile du candidat acquéreur. Les termes utilisés - 'déclarations de droit' - sont en effet trop imprécis pour garantir l'expression d'un consentement éclairé de l'acquéreur et justifier avec sérieux, du respect des exigences de l'article L.141-1 du code de commerce pesant sur le vendeur.

14.Le fait par ailleurs que quelques mois plus tard, ce vendeur ait vendu le fonds litigieux à un prix moindre que celui offert par M. [J] [T], corrobore cette position puisque, en l'absence de toute autre information sur l'état du marché se rapportant à la vente de fonds de commerce dans le secteur considéré, cette circonstance est manifestement de nature à établir le caractère exagéré du prix offert par M. [J] [T].

15.La portée juridique que l'acceptation d'une telle offre d'achat par le vendeur est censée conférer à celle-ci pour en sceller le caractère définitif, établit par ailleurs la réalité du préjudice spécifique subi par M. [J] [T] qui d'évidence, faute d'avoir disposé d'éléments utiles de comparaison, n'apparaît pas avoir été informé de manière suffisante sur la valeur du fonds litigieux.

16.Il importe donc peu que sa lettre de rétractation ne fasse pas précisément mention de ce préjudice.

17.Il suit de tout ce qui précède que le jugement entrepris doit être réformé et que l'offre synallagmatique d'achat incriminée sera déclarée nulle et de nul effet pour omission complète des mentions obligatoires prescrites par l'article L.141-1 du code de commerce.

18.Les parties sont donc remises dans le même état que si l'offre synallagmatique d'achat n'avait pas eu lieu.

19.La société Valporte Holding sera subséquemment déboutée de sa demande de résolution judiciaire de la vente de ce fonds et la société Century 21, déboutée de son appel incident et ainsi, de sa demande en paiement de la clause pénale insérée dans l'offre d'achat dont la nullité ne peut que la priver de tout effet juridique.

Sur la responsabilité du rédacteur de l'acte

20.La société Valporte Holding observe subsidiairement, pour l'hypothèse où l'offre d'achat incriminée serait déclarée nulle et de nul effet, que la société Century 21 est en qualité de mandataire professionnel et de rédacteur du contrat litigieux défectueux, responsable des conséquences dommageables supportées par elle du fait que les énonciations requises à peine de nullité n'y aient pas été portées.

Elle souligne que cet intermédiaire a commis une faute du seul fait de cette omission et lui doit réparation du préjudice corrélativement subi par elle, étant dans l'impossibilité d'obtenir auprès de M. [J] [T], l'indemnisation du préjudice occasionné par la rétractation de ce dernier.

21.La société Century 21 objecte n'avoir commis aucune faute dès lors que l'offre de M. [J] [T] est une offre unilatérale ne tombant pas sous le coup des exigences de l'article L.141-1 du code de commerce.

22.Vu cet article outre 1192 du code civil dans sa rédaction appliccable depuis le 1er octobre 2016 ;

23.Il a déjà été jugé ci-avant que l'article L.141-1 du code de commerce est bien applicable à une offre unilatérale d'achat telle que celle consentie par M. [J] [T].

24.Le mandat conjointement signé le 9 octobre 2014 par la société Auréus aux droits de laquelle se trouve être la société Valporte Holding et la société Century 21 donne à celle-là, pouvoir de : ' Etablir ou faire établir tous actes sous seing privé au prix, charges et conditions des présentes et recueillir la signature de l'acquéreur, et prélever ses honoraires sur les fonds séquestrés ou versés par l'acquéreur en représentation du prix et des accessoires, et en cas de réalisation du mandat.'

25.Ayant prêté son concours à la rédaction d'une offre synallagmatique d'achat après avoir été mandatée par le vendeur sans s'être assurée que toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de cette convention se trouvaient réunies, même à l'égard de l'autre partie, la société Century 21, professionnelle de l'immobilier, a commis envers son mandant une faute dont elle doit réparation.

26.N'ayant ainsi pu obtenir auprès de M. [J] [T] la réalisation de l'offre d'achat incriminée, la société Valporte Holding est fondée à obtenir la condamnation de ce mandataire à lui régler la différence entre le prix inclus dans cette offre et le prix ultérieurement obtenu auprès d'un autre acquéreur soit 25 000€.

Sur les autres demandes

27.Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

28.Les sociétés Valporte Holding et Century 21, parties perdantes au sens de ces dispositions, seront condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel.

29.La demande de condamnation aux dépens formée par la société Valporte Holding contre 'tout succombant' s'analysant en une demande en garantie des condamnations prononcées contre elle, la société Century 21 sera condamnée à la garantir du chef de cette condamnation et de celle afférentes aux frais irrépétibles dans les termes du dispositif de cet arrêt.

30.L'équité ne justifie pas le prononcé d'une condamnation aux frais irrépétibles en faveur de la société Valporte Holding.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau et y ajoutant :

DECLARE nulle et de nul effet l'offre d'achat synallagmatique signée par les parties.

DEBOUTE la société par actions simplifiée Valporte Holding de ses demandes formées contre M. [J] [T].

DECLARE la société à responsabilité limitée Groupe Horeca Paris ' Century 21" mal fondée en son appel incident.

CONDAMNE la société à responsabilité limitée Groupe Horeca Paris ' Century 21" à verser à la société par actions simplifiée Valporte Holding une somme de vingt cinq mille euros (25 000€) à titre de dommages-intérêts.

CONDAMNE la société par actions simplifiée Valporte Holding et la société à responsabilité limitée Groupe Horeca Paris ' Century 21" aux entiers dépens de première instance ou d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société par actions simplifiée Valporte Holding et la société à responsabilité limitée Groupe Horeca Paris ' Century 21" à verser à M. [J] [T], une indemnité de trois mille euros (3 000€.) à titre de frais irrépétibles.

CONDAMNE la société à responsabilité Groupe Horeca Paris 'Century 21" à garantir la société par actions simplifiée Valporte Holding des condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles prononcées contre elle avec, pour ce qui concerne les dépens d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Mélina Pédroletti, avocat.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/04981
Date de la décision : 12/09/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/04981 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-12;16.04981 ?
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