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18/07/2017 | FRANCE | N°16/02091

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 18 juillet 2017, 16/02091


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 59C



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 JUILLET 2017



R.G. N° 16/02091



AFFAIRE :



SAS CANON FRANCE





C/

SARL NEGATIF +

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2013F01003



Expéditions

exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS



Me Pierre GUTTIN



Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 59C

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JUILLET 2017

R.G. N° 16/02091

AFFAIRE :

SAS CANON FRANCE

C/

SARL NEGATIF +

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2013F01003

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Pierre GUTTIN

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS CANON FRANCE

N° SIRET : 738 .20 5.2 69

[Adresse 1]

[Localité 1]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/02285 (Fond)

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1655775

Représentant : Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER (cabinet LIRIEUX & BOLLENGIER), Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0495 - substitué par Me PETIT GIRARD

APPELANTE

****************

SARL NEGATIF +

[Adresse 2]

[Localité 2]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/02285 (Fond)

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 16000094

Représentant : Me Etienne PETRE de la SELARL CABINET PETRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAS ALCYON BUREAUTIQUE

N° SIRET : 347 88 4 2 800

[Adresse 3]

[Localité 3]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 16/02285 (Fond)

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 002730

Représentant : Me Stéphanie D'HAUTEVILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1087

INTIMEES

*****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l'appel déclaré le 21 mars 2016 par la société par actions simplifiée Canon France (société Canon. France), contre le jugement prononcé le 1er mars précédent par le tribunal de commerce de Nanterre dans l'affaire qui l'oppose à la société à responsabilité limitée Négatif + (société Negatif +) ainsi qu'à la société par actions simplifiée Alcyon Bureautique (société Alcyon.) en présence de la société par actions simplifiée Canon Ile de France (société Canon Ile de France) - RG 16-2091 ;

Vu l'appel déclaré le 29 mars 2016 par la société par actions simplifiée Alcyon contre la même décision, intimant à la cause la société Canon Ile de France - RG 16- 2285;

Vu le jugement entrepris ;

Vu l'ordonnance de jonction prononcée par le magistral de la mise en état le 15 septembre 2018 au visa des article 766 et 907 du code de procédure civile ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 13 décembre 2016 par la société Négatif +, intimée à titre principal,

- 3 janvier 2017 par la société Canon France, appelante à titre principal et intimée à titre incident,

- 16 janvier 2017 par la société Alcyon, intimée à titre principal et appelante à titre incident;

Vu l'ensemble des actes de procédures ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties en ce compris l'ordonnance de caducité partielle du magistrat de la mise en état du 6 septembre 2016 dans l'affaire enregistrée sous le numéro RG 16-2285 ainsi que l'ordonnance de jonction du 15 septembre suivant entre cette affaire et celle enregistrée sous le numéro RG 16-2091.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, dela procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société Alcyon, spécialisée dans l'achat, la vente et la location de matériels, bureautique, informatique et de bureau ainsi que dans l'aménagement de bureau et dans l'installation de réseaux, est le distributeur agréé de la société Canon ; elle distribue à ce titre de manière quasi-exclusive, des photocopieurs et des imprimantes. La société Canon est quant à elle, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes et de solutions de gestion de l'image et des documents. La société Négatif + enfin, a pour activité, le développement de photos et plus récemment, la photographie numérique.

Souhaitant développer une nouvelle activité dans le domaine de la production de livres photos, la société Negatif + a au cours du printemps 2008, demandé à la société Alcyon de lui fournir une machine adaptée. Elle a, après plusieurs réunions de présentation de ce matériel, retenu la presse numérique de marque Canon C 6000 VP livrée par la société Alcyon avec divers accessoires le 8 décembre suivant.

La société Alcyon avait par ailleurs le 4 novembre 2008, mis en place un contrat de location avec la société BNP Paribas Lease Group d'une durée de 63 mois avec paiement de mensualités de 6 990€ hors taxes à compter du 1er janvier 2009 et avait le même jour, consenti à la société Négatif + un contrat de maintenance de cette presse numérique, avant de sous-traiter ce dernier contrat à la société Canon par acte sous signatures privées du 16 décembre 2008.

Ayant constaté de graves anomalies de fonctionnement sur la machine livrée, la société Négatif + a adressé plusieurs mises en demeure restées sans effet et a finalement, fait assigner le 18 octobre 2010 les sociétés Alcyon et Canon en leur qualité de fournisseur et de constructeur devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre en désignation d'expert. Le juge saisi a selon ordonnance du 4 novembre 2010, fait droit à cette demande et a désigné en qualité de technicien, M. [B] [Z]. Ce dernier avait notamment pour mission de déterminer, si le copieur litigieux présentait des dysfonctionnements et dans l'affirmative, d'en déterminer exactement les causes et notamment, de dire si les causes éventuelles de dysfonctionnement de ce matériel avaient ou non pour siège, un défaut de conformité du matériel fourni ou un mauvais entretien de celui-ci.

La société Négatif + a selon lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2011, résilié auprès de la société Alcyon le contrat de location du copieur Canon C 6000 VP.

Le technicien désigné a exécuté sa mission et déposé son rapport le 24 octobre 2012. La société Negatif +, judiciairement autorisée à cette fin, a fait assigner par trois exploits d'huissiers du 19 février 2013 les sociétés Canon France, Canon Ile de France et Alcyon devant le tribunal de commerce de Nanterre en ouverture de ce rapport et par suite, en indemnisation des préjudices subis et notamment, ceux se rapportant à, la gâche de papier, la perte de marge, le remboursement du contrat de location portant sur le copieur et le préjudice forfaitaire.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Négatif + a invité les premiers juges de :

- vu l'article 1142 du code civil,

- condamner solidairement Alcyon Bureautique, Canon France et Canon Ile de France à lui payer au titre de dommages et intérêts, plus intérêts légaux à la date de la décision du tribunal, les sommes suivantes :

- 36 361 € au titre de la gâche de papier,

- 41 500 € au titre de la perte de marge,

- 258 630 € au titre du remboursement du contrat de location portant sur le copieur Canon,

- 30 000 € résultant du préjudice forfaitaire ;

- condamner solidairement les mêmes à lui payer la somme de 6 500 € en application de l'article 700 du CPC ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- prendre acte de la communication des pièces effectuées le 21 novembre 2013 ;

joindre l'incident au fond et ce dans une bonne administration de la justice ;

- condamner solidairement les sociétés Alcyon Bureautique, Canon France et Canon Ile de France aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

- rejeter la demande de condamnation de la société Alcyon Bureautique au paiement de la somme de 110 128,66 € TTC au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de maintenance et à défaut de la réduire en raison de son caractère excessif.

Par courriel du 10 avril 2015, les parties ont donné leur accord à la mise en place d'une conciliation. Un conciliateur a été désigné le 15 avril suivant mais les parties ne sont pas parvenues à un accord et l'affaire est donc revenue à l'audience.

Par jugement du 1er mars 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige en ces termes :

- déboute la société Alcyon Bureautique, la société Canon France et la société Canon Ile de France de leur demande d'irrecevabilité ;

- dit la société Négatif + recevable en ses demandes ;

- déboute la société Alcyon Bureautique de sa demande de communication de pièces ;

- dit la responsabilité de la société Alcyon Bureautique, de la société Canon France et de la société Canon Ile de France engagée pour défaut d'information et de conseil ayant causé préjudices à la société Négatif + ;

- condamne à parts égales, d'une part la société Alcyon Bureautique (50%) et d'autre part la société Canon France et la société Canon Ile de France in solidum (50%) à payer à la société Négatif + les sommes de :

- 18 185,01 € au titre du préjudice de la gâche de papier,

- 41 500 € au titre de la perte de marge,

- 258 360 € au titre du préjudice de remboursement de leasing,

sommes auxquelles s'ajoutent des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement;

- déboute la société Négatif + de sa demande de dommages et intérêts forfaitaire pour perte de temps ;

- déboute la société Alcyon Bureautique de sa demande à être garantie des condamnations à son encontre par la société Canon France et la société Canon Ile de France ;

- déboute la société Alcyon Bureautique de sa demande reconventionnelle ;

- condamne in solidum la société Alcyon Bureautique, la société Canon France et la société Canon Ile de France à payer à la société Négatif + la somme de 6 500 € au titre de l'article 700 du CPC [code de procédure civile];

- déboute la société Négatif + de sa demande d'exécution provisoire du jugement ;

- condamne in solidum la société Alcyon Bureautique, la société Canon France et la société Canon Ile de France aux dépens y compris les frais d'expertise.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que : - la société Négatif + ne fonde sa demande, ni sur les garanties de vice caché, ni sur aucune stipulation incluse dans l'article 6 du contrat de location mais met en cause la responsabilité des sociétés Alcyon, Canon France et Canon Ile de France pour méconnaissance du devoir d'information et de conseil leur incombant ; - cette société est de ce chef recevable à agir, eu égard aux relations commerciales ayant existé entre elle et la société Alcyon pour, la commande, l'installation et la maintenance de la presse numérique litigieuse et compte tenu du contrat de maintenance signé entre elles, sous-traité à la société Canon Ile de France ; - la société Alcyon ne démontre, ni l'intérêt d'une communication des contrats de crédit-bail et de maintenance de la presse numérique Ricoh signés par la société réclamante le 14 février 2011 puisqu'ils sont annexés au rapport d'expertise, ni celui de la communication du livre d'entrée et de sortie du personnel de la société Négatif + qui, de portée générale, concerne l'ensemble des salariés de la société Négatif + sans se limiter aux seuls préposés travaillant sur la presse numérique concernée ; - l'expert n'a pas trouvé les causes des dysfonctionnements de la presse numérique litigieuse, ayant écarté la qualité du papier utilisé, la responsabilité des employés de la société Négatif + faisant fonctionner le matériel, la qualité des locaux ou la maintenance ; - ces dysfonctionnements ne sont imputables, ni à la société Négatif + ayant fait usage de la presse numérique en respect des promesses publicitaires et des manuels la concernant, ni aux travaux de maintenance réalisés par la société Canon Ile de France ; - selon l'expert, le copieur Canon n'offrait en réalité pas, les caractéristiques nécessaires à un laboratoire photographique pour l'impression de livres-photos, contrairement à ce qui était annoncé sur le site Internet de ce fabricant et dans la brochure descriptive de la machine ; - dès lors, en l'absence de défaut d'utilisation ou de maintenance du copieur, précisément relevés par l'expert judiciaire, les dysfonctionnements constatés sont nécessairement dûs à un défaut de conformité du copieur litigieux aux attentes de la société Négatif ; - la société Alcyon, après avoir conseillé le copieur Canon qu'elle considérait comme approprié aux besoins de ce client à la société Négatif +, a gravement manqué à son devoir de conseil en ne s'interrogeant pas sur la conformité de la machine lorsqu'elle a été alertée des fréquents dysfonctionnements du copieur ; - les sociétés Canon France et Canon Ile de France ont également manqué à leur devoir d'information et de conseil envers la société Négatif +, faute d'avoir informée celle-ci des réelles capacités du copieur et faute, d'avoir pris les mesures qui s'imposaient lorsque les limites de ce copieur sont apparues.

Les sociétés Canon France et Alcyon ont successivement déclaré appel de cette décision sans que celle-là intime à la cause la société Canon Ile de France. Le magistrat de la mise en état a le 6 septembre 2016, prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel enregistrée sous le n° de répertoire général 16-2285 à l'égard de la société Canon Ile de France avant d'ordonner le 15 septembre suivant, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la jonction des dossiers enregistrés sous un numéro différent. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 février 2017 et l'affaire, a été renvoyée à l'audience du 21 mars 2017 tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire, mise en délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société Canon France demande à la Cour de :

- vu les articles 1134 et 1382 anciens du code civil,

- vu les pièces versées aux débats,

- constater que la société Canon France a parfaitement respecté les obligations contractuelles mises à sa charge,

- constater la carence de la société Négatif + dans la démonstration d'un quelconque préjudice résultant de l'exploitation de la machine Canon 6000 VP,

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 1er mars 2016,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Canon France formées par la société Négatif +,

- condamner la société Négatif + à verser à la société Canon France une somme de 10 000€ en application de l'article 700 du CPC,

- condamner la société Négatif + aux entiers dépens,

- dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du CPC.

La société Alcyon demande qu'il plaise à la Cour de :

- vu les articles 1134, 1142, 1289, 1315, 1604, 1641 à 1649 et suivants anciens du code civil,

- vu l'assignation délivrée à la demande de Négatif + à Alcyon Bureautique le 19 février 2013 et ses conclusions,

- vu le jugement rendu le 1er mars 2016,

- vu l'appel interjeté par Canon France,

- vu l'appel incident de Négatif +,

- vu les articles 699 et 700 du CPC,

- dire et juger la société Alcyon Bureautique recevable en son appel du 29 mars 2016 et en son appel incident du 11 juillet 2016,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions lui faisant grief,

- dire et juger irrecevable la société Négatif + en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Négatif + de l'ensemble de ses demandes, appel incident, fins et conclusions à l'endroit de la société Alcyon Bureautique,

- condamner la société Négatif + à payer à la société Alcyon Bureautique 110 128,66 € TTC au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de maintenance,

- dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts de retard majorés de 5 points à compter du 19 avril 2011 date certaine de réception de la première mise en demeure de payer le principal,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts de retard,

- subsidiairement :

- dire et juger que la société Alcyon Bureautique n'a pas failli en ses obligations contractuelles,

- dire et juger que l'expertise n'a établi ni l'incapacité du matériel à réaliser des livres-photos, ni l'origine des défauts allégués par la société Négatif +,

- dire et juger que le préjudice allégué par la société Négatif + n'est pas fondé et sans lien de causalité avec quelque violation par la société Alcyon Bureautique d'une obligation contractuelle à sa charge,

- débouter la société Négatif + de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'endroit de la société Alcyon Bureautique,

- Très subsidiairement :

- dire et juger que la société Canon France défaillante dans ses obligations de vendeur et de constructeur à l'égard de la société Alcyon Bureautique,

- la condamner en conséquence à garantir la société Alcyon Bureautique des condamnations qui seraient prononcées à son endroit,

- ordonner la compensation entre les sommes auxquelles les parties seraient réciproquement condamnées,

- condamner la société Négatif + à régler à la société Alcyon Bureautique la somme de 8 500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- condamner la société Négatif + aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Hongre-Boydelieu conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La société Négatif + prie de son côté la Cour de :

- vu les articles 1135, 1142, 1147 et 1604 anciens du code civil,

- vu les obligations d'information et de conseil de tout contractant,

- vu le bon de commande du 23 septembre 2008,

- vu le contrat de location du 4 novembre 2008,

- vu le rapport d'expertise judiciaire,

- dire que la société Négatif + recevable et bien fondée en ses demandes,

- rejeter les demandes, fins et conclusions présentées par les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France,

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 1er mars 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions à l'exception :

- de la condamnation au paiement de la somme de 18 185,01€ au titre du préjudice de la gâche de papier,

- du débouté de la société Négatif + de sa demande de dommages et intérêts forfaitaire pour la perte de temps,

- condamner les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France à payer, chacune pour moitié, la somme de 36 361€ HT au titre du surcoût dû à la gâche,

- condamner les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France à payer, chacune pour moitié, la somme de 30 000€ au titre de dommages et intérêts forfaitaires pour la perte de temps générée par la situation,

- rejeter la demande de condamnation de la société Alcyon Bureautique au paiement de la somme de 110 128,66€ TTC au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de maintenance et à défaut, en réduire le montant en raison de son caractère excessif,

- subsidiairement, en cas de condamnation de la société Négatif + au paiement d'une quelconque somme au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de maintenance, - condamner les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France à payer, chacune pour moitié ladite somme au titre du préjudice subi,

- prononcer la solidarité entre les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France pour toutes les condamnations au paiement de dommages et intérêts prononcées à leur encontre,

- ordonner la capitalisation des intérêts de retard,

- condamner solidairement les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France au paiement d'une somme de 6 500€ au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner solidairement les sociétés Alcyon Bureautique et Canon France aux entiers dépens comprenant les frais d'expertises que Maître Pierre Guttin pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Il est renvoyé à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

La Cour statue sur la recevabilité et le bien-fondé d'une demande d'indemnisation de préjudice prétendument subi par une société commerciale (société Négatif +) ayant choisi de développer, en complément de son activité de laboratoire photographique, une activité tenant à la réalisation de livres-photos à l'intention de particuliers pour un prix relativement modique et ayant dans ce but, commandé courant 2008 une presse numérique spécifique auprès de son fournisseur habituel et intermédiaire en photocopieurs noir et blanc et couleurs (société Alcyon), lequel a lui-même acquis le matériel choisi auprès du fabricant (société Canon France) avant de le revendre à la société BNP Paribas Lease Group qui l'a ensuite mis à la disposition du client selon un contrat de location financière signé le 4 novembre 2008, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 6 990€ hors taxes sur 63 mois

Cette demande d'indemnisation est précisément fondée sur le préjudice financier résultant d'un manquement du fournisseur et du constructeur à leur obligation de conseil et de renseignements quant à la fourniture et à l'installation d'un matériel propre à satisfaire les besoins de la société Negatif + lorsque celle-ci a souhaité orienter son activité dans une nouvelle direction.

Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation de la société Negatif +

Les sociétés Canon France et Alcyon, constructeur et fournisseur de la presse numérique litigieuse, font grief aux premiers juges d'avoir retenu la recevabilité de la demande de leur adversaire analysée comme étant une action en responsabilité contractuelle au sens de l'ancien article 1142 du code civil alors quela société Négatif + a par lettre du 28 février 2011, résilié à compter du 15 mars suivant, le contrat de location sur lequel cette demande est fondée.

Elles précisent que : - aucune vente, n'est intervenue entre la société Négatif + et la société Alcyon ; - celle-là a souscrit un contrat de location auprès de la société BNP Paribas Lease Group dont elle a régulièrement versé les loyers jusqu'au jour où elle a de manière unilatérale, décidé de ne plus les verser ; - la seule vente intervenue concerne donc les sociétés Alcyon et BNP Paris Lease Group, avec mise en place d'une location financière au profit de la société Négatif + qui ainsi, n'a jamais eu la qualité d'acquéreur, les échéances de cette location tenant notamment compte, du refinancement de contrats antérieurs ; - la société Négatif + fonde sa demande sur le droit de la vente en faisant valoir des droits d'acheteur dont elle n'était investie qu'en vertu d'une stipulation pour autrui, concédée par la société BNP Paribas Lease Group dans le cadre du contrat de location financière que le fournisseur a souscrit auprès d'elle ; - cette stipulation pour autrui permettant au locataire de bénéficier de l'ensemble des droits et actions tirés du contrat de vente envers le fournisseur et le constructeur du matériel, ne vaut cependant que pour le temps de ce contrat de location ; - la résiliation unilatérale de ce contrat exclut la possibilité pour la société Négatif, de se prévaloir aujourd'hui, de quelque qualité à agir que ce soit au titre de la violation d'une obligation contractuelle d'information et de conseil du vendeur envers l'acquéreur ; - le jugement entrepris doit être infirmé.

La société Négatif + répond que : - travaillant depuis de nombreuses années avec la société Alcyon, elle s'est naturellement tournée vers cette société pour choisir la machine la plus adaptée à la nouvelle activité qu'elle envisageait d'entreprendre ; - le photocopieur numérique litigieux qu'elle a choisi a bien été présenté et recommandé par la société Alcyon après visite des locaux par les techniciens de la société Canon et livré par elle le 8 décembre 2008 ; - elle a le 4 novembre 2008, souscrit auprès de cette même société un contrat de maintenance, sous traité à la société Canon France ; - de graves dysfonctionnements sont apparus et ont conduit l'expert judiciaire désigné pour en découvrir les causes, à relever 126 interventions sur une période de 795 jours ; - cet expert a souligné que ce matériel était adapté pour imprimer en grand nombre et à grande vitesse sur des papiers d'imprimerie y compris avec des photos mais n'était pas une machine à imprimer des photos utilisant systématiquement des papiers photos épais et qu'il était donc, impropre à l'usage auquel il était destiné.

Elle précise que : - dans l'esprit des parties, la commande du copieur passée auprès de la société Alcyon était assimilable à une vente ; - la location auprès de la société BNP Paribas Lease Group n'est qu'un mode de financement mis en place par la société Alcyon qui ne peut se retrancher derrière ce contrat pour se soustraire à ses obligations de fournisseur, pas plus que la société Canon France ne peut se soustraire à ses obligations de fabricant ; - l'article 6 du contrat de location est d'interprétation stricte et évoque la garantie des vices cachés mais non l'absence de conformité du matériel livré, ni l'absence de respect du devoir de conseil et d'information par le cocontractant ; - elle est par conséquent, parfaitement recevable à poursuivre les sociétés Alcyon et Canon France pour méconnaissance de leur obligation de conseil et d'information inhérent à tout contrat et pas seulement, au contrat de vente ; - quoi qu'il en soit, la société Canon France ne pouvait qu'avoir pleinement conscience que le copieur de presse numérique était utilisé au-delà de ses limites ; - il existe une communauté d'intérêts évidente entre les sociétés Alcyon et Canon France pour leur défense ; - les problèmes rencontrés ne pouvaient se traduire que par un remplacement ; - elle s'acquitte aujourd'hui, un loyer portant sur la location-vente du copieur Ricoh adapté à ses besoins mais supporte également, le total des loyers restant dûs sur l'ancien copieur restitué ; - la restitution du copieur Canon en cours de location a en effet entraîné, l'obligation de paiement du solde des loyers restant dûs à la société BNP Paribas Lease Group en mai 2011 ; - elle a donc bien supporté un préjudice dont elle est en droit d'obtenir réparation.

Vu les anciens articles 1134, 1142, 1147 et 1604 anciens du code civil ;

Il ressort des pièces et documents présentés par la société Négatif + que cette société a selon bon du 23 septembre 2008, passé commande auprès de la société Alcyon d'un copieur Canon 6000 VP avec divers accessoires devant être financés par la société BNP, 'leaser', moyennant le versement par le locataire de loyers mensuels de 6 990€ hors taxes durant 63 mois - voir pièce 10 bis de la société Alcyon et que selon acte sous signatures privées ayant pris effet le 1er janvier 2009, la société Négatif + a précisément loué auprès de la société BNP Paribas Lease Group, pour une durée irrévocable de 63 mois, un copieur et divers accessoires ' commandé auprès du fournisseur Alcyon [Localité 4] '- voir pièce 2 de la société Négatif +. La société Alcyon établit par ailleurs que cette dernière société a selon lettre du 28 février 2011 reçue par elle le 1er février suivant - voir cote 23, décidé de résilier par anticipation ce contrat de location à compter du 15 mars suivant après avoir signé un nouveau contrat de crédit-bail le 14 février 2011 pour le financement d'un matériel Ricoh Pro qu'elle présente comme étant plus adapté à ses besoins.

Il est constant que ce dernier contrat concerne, non seulement le financement de ce nouveau matériel mais également, celui du solde du précédent contrat de location financière relatif au matériel Canon C 6000 contracté auprès de la société BNP Paribas Lease Group par l'intermédiaire de la société Alcyon - voir cote 12 du dossier de la société Négatif+.

Au vu de ces circonstances, la société Négatif + qui soutient subir un préjudice financier pour avoir été dans la nécessité de dénoncer le premier contrat de crédit-bail portant sur un matériel prétendument inadapté à ses besoins est bien recevable à agir contre son fournisseur et le constructeur de ce matériel pour manquement à leur devoir de conseil et de renseignements quant à la fourniture et à l'installation d'un matériel propre à satisfaire ses besoins.

Le jugement entrepris sera donc sur ce premier point, confirmé.

Sur le bien-fondé de la demande d'indemnisation de la société Négatif +

La société Alcyon conteste la réalité du manquement allégué à son encontre, observant en substance que la société Négatif + s'est adressée à elle en raison des relations étroites qu'elle entretenait avec la société Canon dont elle est le distributeur et surtout, en raison de la nécessité de solder les contrats en cours et de celle d'en assurer le refinancement dans le cadre d'une nouvelle location.

Elle précise que : - professionnelle du copieur, elle n'avait nulle connaissance de l'activité de création de livres photos que souhaitait développer la société Négatif + qui quant à elle, était une professionnelle réputée du tirage photographique et avait donc, une connaissance aigüe des matériels existant sur le marché ; - les premiers juges ont retenu à tort que les tests réalisés lors des opérations d'expertise avaient établis que les programmes ou logiciels destinés à permettre le développement de l'activité de livres photos ne pouvaient être la cause des anomalies dénoncées par la société Négatif + puisque ces tests avaient été réalisés sans eux ; - les seuls dysfonctionnements techniques ayant été rapportés, ont en effet tous eu lieu lors d'impressions de livres photos réalisées avec le programme et le logiciel dont la société Négatif + est propriétaire ; - l'obligation de délivrance conforme se définit comme l'exigence d'une correspondance de la chose vendue aux normes définies au contrat ; - cette notion de conformité s'apprécie au regard des données techniques connues ou prévisibles au jour de la vente sans pouvoir résulter d'une inadéquation à des normes ultérieures ou découlant de l'évolution de la technique ; - la société Négatif + a fait le choix de ne pas établir de cahier des charges définissant avec précision ses nouveaux besoins et les données contractuelles à prendre en compte pour la désignation d'un modèle de machine malgré un changement notable de son champ d'activités ; - il est vain d'expliquer cette approche par référence à l'ancienneté de leur relations contractuelles puisque la société Négatif + a toujours acquis seule son matériel photographique et qu'il s'agissait quoi qu'il en soit d'un matériel de très haute technicité très différent des modèles qu'elle lui fournissait habituellement, s'apparentant davantage à du tirage photo qu'à de la copie, même couleur ; - la mission confiée par la société Négatif + consistait non pas à fournir une machine mais à rechercher une machine permettant l'impression de livres photos ; - elle a donc orienté sa cliente vers les constructeurs des matériels existant sur le marché et ainsi, vers la société Canon France pour qu'elle puisse effectuer le choix du modèle correspondant à ses attentes sur les conseils avisés de ces constructeurs ; - la société Canon France a procédé à des démonstrations, présentations ainsi qu'à des tests et a présenté à la société Négatif +, le modèle Canon C 6000 VP ; - la société Négatif+ qui a choisi seule ce matériel sur les conseils de la société Canon, n'a dans un premier temps rencontré aucune difficulté avec ce matériel, ni au cours de la première année d'utilisation, ni au cours de l'année suivante ainsi qu'en attestent plusieurs témoignages qu'elle verse aux débats ; - les causes de dysfonctionnement du matériel C 6000 VP n'ont pas été trouvées par l'expert qui n'a pas examiné le logiciel propriétaire permettant de créer un livre-photo en ligne mais uniquement l'extérieur du matériel et n'a fait qu'une série de tests sans faire appel au logiciel de création utilisé par la société Négatif + ; - il était en tout état de cause, établi en début d'expertise que le Canon C 6000 VP permettait d'assurer la réalisation de livres photos de qualité parmi les meilleurs sur le marché du point de vue du rendu chromatique des images, classés par les professionnels de la photographie soucieux des détails et de la qualité des tirages, en deuxième position ; - il ne peut donc pas être retenu que le Canon C 6000 VP n'aurait pas été propre à la réalisation de livres photos et encore moins, qu'il se serait avéré non conforme dans le temps à cet usage puisque, jusqu'à ce que la société Négatif + s'en sépare, il permettait de réaliser des livres-photos irréprochables quand bien même, comme tout matériel de haute technicité de fréquents réglages ou remplacement de pièces auraient été rendus nécessaires, fréquence et intensité d'utilisation qui ne sont nullement entrées dans le champ contractuel de la commande de la société Négatif + en l'absence de cahier des charges et alors même qu'aucun business plan de la nouvelle activité n'a été établi.

Elle ajoute que : - les premiers juges, ont à tort retenu que sa responsabilité devait être engagée pour ne pas s'être suffisamment interrogée sur la conformité de la machine utilisée par la société Négatif + lorsque celle-ci se prévalait de dysfonctionnements ; - elle est restée en permanence en contact avec la société Canon Ile de France en charge de la maintenance pour s'assurer que cette prestation était bien effectuée mais seuls, les techniciens Canon intervenaient sur le matériel litigieux ; - le matériel réceptionné sans réserve correspondait au matériel, objet des tests réalisés en présence de la société Négatif + avant sa commande et à celui commandé par cette société ; - les désagréments subis par la société Négatif + ne tenaient pas à la qualité des rendus mais aux pannes survenues qui pouvaient avoir des origines variées; - au demeurant le changement de préposé intervenu au sein de la société Négatif + peut expliquer les dysfonctionnements relevés consécutifs aux conditions d'utilisation du matériel et aux modalités de réalisation des différents réglages nécessaires qui sont parfaitement connus de la société Canon puisqu'ils sont inscrits dans le carnet d'entretien de la machine et donnent lieu à des formations spécifiques auxquels précisément,les nouveaux préposés de la société Négatif + n'ont pas participé ; - l'obligation de conseil et d'information du vendeur professionnel et sa réciproque dans la définition des besoins du client, s'apprécient au regard de la qualité professionnelle du créancier de l'information et du conseil ; - à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du fabricant n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; - en l'espèce, alors qu'il s'agit d'apprécier les dysfonctionnements techniques de la machine, sans incidence sur les impressions dont les anomalies n'ont pas été constatées, il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à quelle obligation que ce soit concernant le risque de telles pannes qu'elle ne pouvait imaginer et dont les causes ne sont, aux termes de l'expertise, pas même identifiées et alors que les conditions d'utilisation de la machine par la société Négatif + n'ont jamais été exposées avant la commande, seul le type d'impression qui serait faite à savoir pour des livres photos ayant été évoqué ; - l'obligation de conseil et d'information ne saurait s'étendre à ce qui est inconnu des parties ; - les conditions d'utilisation du matériel via les interfaces et logiciels développés par la société Négatif + comme par les opérateurs préposés de cette société expliquent seules que la société Négatif + ait eu matière à reproche quant aux pannes subies et non quant au rendu des livres-photos réalisés par la machine litigieuse.

La société Canon France explique pour sa part qu'elle assurait en sous-traitance, la seule maintenance du matériel dans l'intérêt de la société Alcyon de sorte que son rôle était strictement limité à cette sous-traitance qui selon l'expert ne donne lieu à aucune critique. Elle souligne que la société Canon Ile de France a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés par suite de la transmission universelle du patrimoine réalisée le 2 juillet 2012 et qu'ainsi, toute demande fait contre cette entité doit nécessairement être déclarée infondée.

Elle précise encore que : - le concept du livre-photo, a commencé à se développer de manière très importante en 2008 ; - ce concept est une alternative au traditionnel album photos argentique ; - la société Négatif + a décidé unilatéralement de changer de machine pour s'équiper d'un produit de marque Ricoh ; - aucune différence de qualité ne peut être remarquée entre le livre-photo réalisé par cette dernière machine et le Canon C 6000 ; - le chiffre d'affaires concernant les livres-photos de la société Négatif + n'a pas subi d'augmentation particulière en raison du changement de matériel ; - la société Négatif + tente en réalité de battre monnaie sur la base d'une expertise parfaitement subjective, qui comporte par surcroît plusieurs incohérences ; - l'expert n'a au demeurant, pas réussi à déterminer les causes des prétendus dysfonctionnements relevés.

La société Négatif + répond que : - au vu du rapport d'expertise déposé, la responsabilité des sociétés adverses est indiscutable ; - l'expert a ainsi relevé la survenance d'un nombre de pannes et de défauts trop importants en dépit d'une maintenance renforcée outre une absence de stabilité des aplats de couleurs sur une page et des couleurs au fur et à mesure des tirages ; - selon l'expert, la société Canon a donc pris un risque en implantant le copieur litigieux dans un laboratoire photographique puisque ce copieur ne pouvait d'évidence pas répondre à ses besoins ; - l'expert a par ailleurs retenu la responsabilité de la société Alcyon en observant que celle-ci se devait, en qualité de distributeur de la société Canon, d'avoir connaissance de l'utilisation du copieur dans un environnement imprimerie avec ses limites et même ses défauts ; - la société Alcyon travaillait depuis plusieurs années avec elle et connaissait elle-même donc parfaitement ses attentes dont elle avait été précisément informée; - elle ne saurait, être considérée comme un professionnel averti puisque précisément, l'activité qu'elle entendait développer était une activité nouvelle ; - le copieur Canon a été incapable de répondre à ses attentes compte tenu d'une qualité d'impression inégale et des nombreuses pannes et arrêts ayant nécessité de multiples interventions ; - cette situation a été catastrophique pour elle sur le plan commercial dès lors qu'elle n'a pu développer efficacement son activité d'impression de livres photos et se positionner au commencement de cette activité dans un secteur qui est devenu par la suite, ultra concurrentiel ; - ses adversaires, parfaitement informés des problèmes rencontrés, ne lui ont pas proposé de solutions alternatives ; - elle s'est trouvée contrainte de procéder elle-même au changement de copieur en faisant appel à la marque Ricoh; - ce nouveau matériel lui donne toute satisfaction ; - l'existence de tests flatteurs sur la qualité des livres photos réalisés par elle n'explique pas les nombreuses pannes avérées et subies par le copieur Canon ; - il n'est pas exact de soutenir que le copieur Canon a parfaitement fonctionné pendant 10 mois (de décembre 2008 à octobre 2009) et que la situation se serait ensuite dégradée par suite d'un changement d'opérateur dans l'utilisation de la machine puisqu'il a été procédé en décembre 2009, à l'initiative de la société Alcyon elle-même, à la dépose sur le copieur litigieux du thermorelieur et du massicot de chasse, cette modification correspondant à une modification importante de l'installation livrée qui n'a au demeurant, pas réglé les problèmes rencontrés.

Vu les anciens articles 1135, 1142, 1147 et 1604 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Il importe d'observer de prime abord que la société Négatif + dirige son action indemnitaire contre la société Canon France immatriculée sous le numéro 738 205 269 en tant que constructeur de la machine litigieuse et non pas, ainsi que soutenu par cette dernière, en qualité de sous-traitant de la société Alcyon pour la maintenance du dit matériel.

Seule la société Canon Ile de France immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 444 464 986 était chargée de cette maintenance. Elle est aujourd'hui, au vu des éléments portés aux débats, radiée de ce registre consécutivement à sa dissolution intervenue le 2 juillet 2012 en raison de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main.

La société Négatif +, comparée aux sociétés adverses, ne saurait sérieusement contester être une professionnelle de la photographie puisqu'elle effectue des tirages de photos et des impressions pour les particuliers et les professionnels.

Il est constant qu'elle est en réalité un laboratoire photographique, ainsi que rappelé en préambule du rapport de l'expert judiciaire désigné pour déterminer les causes des pannes à répétition survenues sur le matériel.

Il incombe à la société Alcyon, fournisseur, ainsi qu'à la société Canon France, constructeur professionnel, de prouver qu'elles se sont acquittées envers ce laboratoire photographique, de l'obligation d'information et de conseil à laquelle elles étaient respectivement tenues, précision étant faite que cette obligation leur imposait de se renseigner sur les besoins de la société Négatif +, pour être à même, d'informer celle-ci quant à l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en était prévue.

Il ressort de ce point de vue du rapport d'expertise judiciaire, que : selon la brochure de démonstration de Canon ' (...) Grâce à ses options de lissage d'image, de graphismes améliorés et de traitement avancé de la couleur, l'image PRESS Serveur doté de la technologie Fiery garantit une qualité équivalente à celle de la photographie avec des tons chairs lissés et réalistes. Il ne provoque aucun écart de couleurs lors de l'impression sur l'image PRESS ' (...) et encore que ' Lorsque NÉGATIF + a exprimé le désir de faire des livres-photos, son fournisseur s'est tourné vers CANON et vers KONICA pour rechercher une machine qui convenait à ce besoin exprimé. ALCYON ne connaissait donc pas cette machine au départ./Des tests ont été faits sur une machine similaire (en présence d'ALCYON). Il a semblé à NÉGATIF + que cette machine pouvait convenir pour éditer en grande série des livres-photos tels que NÉGATIF + l'avait envisagé./Il faut convenir que, à part le problème de l'encolleuse qui a été rapidement abandonnée, la machine donnait toute satisfaction au début (à partir de janvier 2009, jusqu'à environ août 2009)./Ce n'est qu'à partir de septembre 2009, que la machine a nécessité de plus en plus d'interventions, donc a commencé à donner des signes de faiblesse./Si donc cette machine semblait au départ être adaptée à ce besoin, elle ne l'a pas été dans la durée./Les interventions, supérieures à 1 par semaine à partir de septembre 2009,interventions lourdes (par exemple changements de rouleau plusieurs fois par semaine) montrent que cette machine n'était pas faite pour fonctionner dans les conditions un peu marginales,comme une voiture peut donner satisfaction au démarrage, puis tomber systématiquement en panne fréquemment les mois suivants./Ainsi NÉGATIF + (ainsi d'ailleurs qu'ALCYON) a pu être convaincue que cette machine correspondait bien au besoin dans les premiers mois, mais ne donnait plus satisfaction au bout de 9 mois d'utilisation (et d'usure), abusée par les affirmations de CANON autorisant l'utilisation même dans des conditions plutôt marginales sans aucune restriction (utilisation de papier 300g.).' [souligné par la Cour].

Il s'infère de ces énonciations que la société Alcyon justifie avoir fait le nécessaire pour permettre à sa cliente d'être utilement informée sur le matériel susceptible de satisfaire ses besoins tenant compte de sa décision de développer son activité sur un nouveau marché. Il ne peut ainsi, être sérieusement soutenu qu'elle n'a pas rempli son devoir d'information envers la société Negatif +.

Au demeurant, la lettre de résiliation que la société Négatif + lui a adressée ne comportait aucun grief tiré d'un non-respect du devoir de conseil et d'information puisque, libellée en ces termes - voir cote 23 : ' Je vous confirme par ce présent courrier AR la résiliation de notre contrat de location auprès de BNP LEASE (contrat n° Q0181087) dont la référence du matériel fourni par votre société sont portées ci-dessus. [CANON C6000VP n° DQE00100]./Cette résiliation prendra effet à compter du 15/03/2011./Nous vous remercions donc de bien vouloir procéder au retrait du matériel en date du 15/03/2011 au plus tard.'.

Il est par ailleurs constant que le constructeur Canon a procédé à une étude des conditions d'utilisation du matériel, puisqu'elle s'est rendue dans les locaux de la société Negatif + et qu'elle a effectué des tests à partir desquels cette dernière a forgé sa décision.

Il est tout aussi constant que ce choix a été opéré alors que la société Négatif + n'avait pu élaborer aucun business plan réaliste, s'agissant d'un nouveau marché dû à l'apparition et à la généralisation des photos numériques et à la disparition progressive et attendue des photos argentiques.

Il ne saurait dans ce contexte, être reproché à la société Canon, quelque manquement que ce soit à l'obligation d'information et de conseil à laquelle elle était tenue dès lors qu'il est établi de manière certaine que le matériel a été choisi après des tests 'grandeur réelle' ayant donné satisfaction - voir p. 25 du rapport d'expertise, que ce matériel a par ailleurs satisfait aux besoins de la cliente pendant au moins 10 mois, qu'aucun grief n'est élevé et n'a jamais été retenu sur la qualité des prestations de maintenance et dès lors encore, que la société Négatif + n'a pas jugé nécessaire de réfléchir, sur les perspectives d'utilisation du matériel en termes d'intensité, de quantité et de fréquence ni donc de les définir.

Non seulement, l'expert n'a pas réussi à déterminer les raisons exactes des pannes ayant affecté la machine litigieuse mais la méthodologie suivie dans le cadre de ses opérations, fait l'objet de critiques, faute pour ce technicien d'avoir pris en compte lors de son analyse, l'incidence de l'interface du logiciel développé par la société Négatif + et celle d'un changement d'opérateurs dont il est établi qu'ils n'ont pas suivi la formation nécessaire à l'utilisation de ce matériel complexe alors que de l'avis même de l'expert ' il est évident qu'une machine aussi complexe demande un personnel qualifié pour s'en servir' - voir p.26 du rapport d'expertise.

Il ne saurait par ailleurs être reproché aux sociétés Alcyon et Canon France, de ne pas avoir proposé de solution alternative lorsque les pannes se sont multipliées puisqu'il n'est pas contesté que la maintenance du matériel pouvait, nonobstant sa lourdeur, être assurée correctement et qu'elle était bien effectuée.

Sur ces constatations et pour ces raisons, la société Négatif + sera déboutée de ses demandes d'indemnisation et le jugement entrepris sera subséquemment infirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité de rupture anticipée présentée par la société Alcyon.

La société Alcyon explique demander à bon droit, par application du contrat de maintenance conclu le 4 novembre 2008 avec la société Négatif + , le montant de l'indemnité due pour résiliation anticipée réclamée selon lettre du 12 avril 2011.

Elle précise que cette clause énoncée à l'article 11 du contrat litigieux ne s'analyse pas en une clause pénale mais correspond à une clause de dédit représentant la contrepartie de la faculté réservée au client de résilier unilatéralement le contrat litigieux avant l'expiration du terme convenu.

La société Négatif objecte que cette clause correspond à une clause pénale susceptible d'être révisée à la baisse par le juge. Elle conclut au caractère excessif de cette clause.

Selon l'article 11. 2 du contrat de maintenance litigieux : '... en cas de résiliation anticipée par le client avant le terme fixé contractuellement ; celui-ci sera redevable, en sus des créances déjà facturées et non réglées et celles à échoir, d'une indemnité irréductible égale à 95 % de la moyenne mensuelle de l'ensemble des redevances ou abonnements facturées par Alcyon du départ du contrat jusqu'à sa résiliation, multipliée par le nombre de mois restants à courir jusqu'au terme contractuel.'

[souligné par la Cour]

Cette indemnité dont le calcul effectué par application des stipulations contractuelles n'est pas discuté et qui s'élève à 92 080, 82€ hors taxes, soit 110 128, 66 € toutes taxes comprises - voir pièce 48 de la société Alcyon, s'analyse d'évidence dans les circonstances de cette espèce se rapportant à un contrat à durée déterminée comme une clause pénale dont l'objet est de faire assurer par l'une des parties l'exécution du contrat, par la menace d'une sanction pécuniaire et non pas, comme une simple clause de dédit échappant au pouvoir modérateur du juge.

Aucune circonstance spécifique ne justifie cependant l'exercice de ce pouvoir modérateur ayant pour siège l'ancien article 1152 du code civil de sorte qu'il sera fait droit à ce chef de demande dans les termes du dispositif de cette décision.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points conformément à l'article 8.4 du contrat à compter du 19 avril 2011, date de la mise en demeure. La capitalisation des intérêts sera par ailleurs ordonnée dans les termes et conditions de l'ancien article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à la prise d'effet de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Vu les articles 696 et 699 du code d eprocédure civile ;

La société Négatif+, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Honore-Boydelieu - Avocalys et de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, avocats.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

STATUANT DE NOUVEAU et Y AJOUTANT :

DECLARE la société à responsabilité limitée Négatif recevable en sa demande d'indemnisation.

DÉBOUTE la société à responsabilité limitée Négatif + de l'ensemble de ses demandes.

CONDAMNE la société à responsabilité limitée Négatif + à verser à la société par actions simplifiée Alcyon Bureautique, une indemnité de résiliation anticipée de cent dix mille cent vingt huit euros soixante six centimes toutes taxes comprises (110 126, 66€.) avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 19 avril 2011 et capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'ancien article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la prise d'effet de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

CONDAMNE la société à responsabilité limitée Négatif + aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur

de Maître Honore-Boydelieu - Avocalys et de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus ample sou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f. Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/02091
Date de la décision : 18/07/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/02091 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-18;16.02091 ?
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