COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JUIN 2017- PROROGE AU 6 JUILLET 2017
R.G. N° 15/03466
AFFAIRE :
SAS OLYMPUS FRANCE
C/
[Z] [G] veuve [B]
...
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PONTOISE
N° RG : 12-01251/P
Copies exécutoires délivrées à :
la AARPI BIRD & BIRD AARPI
la SELARL GAETJENS & SABER AVOCATS ASSOCIES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS OLYMPUS FRANCE
[Z] [G] veuve [B], [L] [B] (Mineure) représentée par Mme [Z] [G] en qualité d'administratrice légale
le : 07 juillet 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS OLYMPUS FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Benjamine FIEDLER de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R255 substituée par Me Maxime BAILLY, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame [Z] [G] veuve [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Liliane SABER de la SELARL GAETJENS & SABER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0215
Madame [L] [B] (Mineure) représentée par Mme [Z] [G] en qualité d'administratrice légale
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Liliane SABER de la SELARL GAETJENS & SABER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0215
INTIMÉES
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Mme [X] [L] en vertu d'un pouvoir général
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 24 Avril 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC
Le 5 mai 2011, vers 17 h 40, M. [I] [B], salarié de la société Olympus France en qualité de directeur administratif et financier depuis le 1er septembre 2008, a été victime d'un malaise cardiaque alors qu'il participait depuis 17 h 15 à une réunion de travail avec M. [M] Président d 'Olympus France, M. [Y] contrôleur de gestion, et en visio-conférence avec des dirigeants d' Olympus Europe basés à [Localité 2].
Malgré l'intervention de secouristes de l'entreprise et celle des sapeurs pompiers et du SAMU, le décès de M. [B] a été constaté à 18 h 35 par le médecin du SAMU 94.
Une autopsie a été réalisée le 10 mai 2011 sur réquisitions du procureur de la République [Localité 3].
Le 10 juin 2011, l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] a émis un avis favorable à la présomption d'imputabilité du malaise au travail, sauf à rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail. Il a proposé de solliciter l'avis du médecin-conseil.
Le 5 août 2011, la caisse [Localité 4] a notifié à Mme [B], veuve de [I] [B], sa décision de refus de prise en charge du décès au titre de la législation sur les risques professionnels.
La caisse a confirmé sa décision de refus de prise en charge le 15 décembre 2011.
Le 8 février 2012, Mme [B] a saisi la commission de recours amiable.
Le 12 avril 2012, la caisse a accepté de reconnaître le caractère professionnel du décès de [I] [B].
Le 2 août 2012, la commission de recours amiable a déclaré cette décision de prise en charge inopposable à la société Olympus France dès lors qu'elle était postérieure à la notification du refus de prise en charge du 5 août 2011.
Le 4 octobre 2012, Mme [Z] [B], agissant en son nom personnel et pour le compte de sa fille mineure [L] [B], a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pontoise aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail.
Mme [B] a précisément demandé au tribunal de :
- reconnaître la faute inexcusable de la société Olympus comme étant à l'origine de l'accident,
- condamner la société Olympus à verser les sommes suivantes :
* à Mme [B] en sa qualité de conjoint survivant :
- 109.875,00 euros au titre d'une rente viagère majorée de conjoint survivant,
- 350.000,00 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral causé par le deuil de son époux,
- 36.625,00 euros à titre d'indemnisation du préjudice personnel de Mme [B],
* à Mlle [L] [B], en sa qualité d'orphelin, prise en la personne de Mme [B] son administratrice légale,
- 44.125,00 euros de rente d'orphelin majorée,
- 500.000,00 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral causé par le deuil de son père,
- 109.875,00 euros à titre d'indemnisation du préjudice personnel de M. [B],
- dire que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] fera l'avance de l'ensemble des sommes précitées,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- prononcer une astreinte de 90 euros par jour de retard, à compter d'un délai de 30 jours suivant la notification du jugement,
- déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] et à la société Olympus France,
- rejeter l'intégralité des demandes fins et conclusions formulées par la société Olympus et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4].
La société Olympus France a demandé au tribunal de rejeter la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en conséquence de débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à titre personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [L] [B].
La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] a demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur :
- le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Olympus France,
- les demandes de majoration des rentes de Mme [B] et de Mlle [B], dans les limites de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,
- les sommes réclamées en réparation du préjudice moral de Mme [B] et de Mlle [B] dans la limite des sommes habituellement allouées par les juridictions,
- et de débouter Mme [B] et Mlle [B] de leur demande au titre du préjudice personnel de M. [B], et au titre de l'exécution provisoire et d'une condamnation sous astreinte.
Par jugement rendu le 20 mai 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine, siégeant à [Localité 1], a :
- déclaré Mme [Z] [B] et sa fille, Mme [L] [B] recevables et bien fondées en leurs demandes,
- dit et jugé que l'accident du travail dont est décédé [I] [B] est dû à une faute inexcusable de son employeur, la société Olympus France,
en conséquence,
- fixé au maximum la majoration des rentes allouées à la veuve de M. [I] [B] et à sa fille Mademoiselle [L] [B], avec effet de la date de l'accident,
- fixé le préjudice personnel moral de Mme [Z] [B] et sa fille, Melle [L] [B] à hauteur respectivement des sommes de 80.000 euros et 100.000 euros,
- débouté Mme [B] et sa fille de leur demande formée au titre du préjudice personnel de la victime,
- dit et jugé que la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] fera l'avance des sommes précitées au profit de Mme [Z] [B] et sa fille, Melle [L] [B], et qu'elle récupérera le montant auprès de la société Olympus France,
- dit ne pas avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision ni de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt rendu le 29 septembre 2016 sur incident auquel il convient de se reporter pour les demandes des parties et les motifs retenus, la vingt-et-unième chambre de la cour d'appel de Versailles a, notamment, avant dire droit :
- rejeté l'intégralité des demandes présentées par la société Olympus France dans le cadre de cet incident,
- enjoint à la société Olympus France de communiquer l'intégralité des rapports des réunions ordinaires et extraordinaires du CHSCT tenues entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2013,
- sursis à statuer sur les demandes des parties.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la société Olympus France demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- de dire et juger n'y avoir lieu à la reconnaissance de la faute inexcusable de la Société Olympus France,
- de débouter Mme [B] et Melle [B] de leurs demandes en majoration des rentes allouées à leur bénéfice, ainsi que des demandes d'indemnisation au titre des préjudices moral et personnel,
- de les condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, Mme [B] [Z] et Mme [B] [L] demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le montant des indemnités allouées,
- de condamner la société Olympus à payer :
* à Mme [B] en sa qualité de conjoint survivant la somme de :
- 350.000 euros en lieu et place de 80.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral causé par le deuil de son époux,
* à Mlle [L] [B], en sa qualité d'orpheline, prise en la personne de Mme [B] son administratrice légale, la somme de :
- 500.000 euros en lieu et place de 100.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral causé par le deuil de son père,
- de dire que la caisse primaire fera l'avance de l'ensemble des sommes précitées,
- de prononcer une astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter d'un délai de 8 jours suivant la notification du jugement et dans la limite de 4 mois,
- de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] et à la société Olympus France,
- de rejeter l'intégralité des demandes fins et conclusions formulées par la société Olympus France et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4],
- de condamner la société Olympus France à leur payer la somme de :
- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 4] s'est rapportée à justice sur le mérite de la demande en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
La société Olympus fait grief aux premiers juges d'avoir reconnu à tort une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail de M. [B] alors que ce décès résulte en réalité d'une cause étrangère au travail résultant d'une pathologie cardiaque préexistante.
Elle conteste le grief d'absence de défibrillateur dans l'entreprise, puisqu'aucun des facteurs de risque n'était présent dans l'entreprise, la priorité étant d'assurer un bon niveau de formation des sauveteurs secouristes du travail comme en atteste le médecin du travail ; ceux-ci sont d'ailleurs intervenus le jour de l'accident et ont fait usage du défibrillateur d'une entreprise voisine, la société Thalès.
Elle conteste l'existence d'un harcèlement moral ou de mauvaises conditions de travail, considérant que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu comme ses pièces comme subjectives, et celles de Mme [B] comme objectives, alors qu'elles émanent de proches de la famille ; elle souligne avoir veillé aux conditions de travail de M. [B] en allégeant sa charge de travail.
Elle critique l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 24 mai 2016, lequel a retenu l'existence d'un harcèlement moral à l'appui d'attestations d'anciens salariés déniant toute difficulté avec M. [M], dont le management a été mis en cause.
Elle soutient que les certificats médicaux produits par Mme [B], ont été établis par complaisance, en contradiction avec les règles déontologiques imposées au corps médical.
Les ayant-droits de [I] [B] contestent ces moyens et arguments et maintiennent leurs prétentions.
Ils soutiennent que leur époux et père a vécu un stress important dans le cadre d'un harcèlement moral reconnu par un arrêt rendu le 24 mai 2016, par la cour d'appel de Paris.
Ils ajoutent l'absence de défibrillateur (alors que le CHSCT le préconisait), plusieurs rapports médicaux qui démontrent l'absence de pathologie antérieure, les circonstances professionnelles de l'accident, et soutiennent ainsi rapporter la preuve requise de la faute inexcusable de l'employeur.
La décision de la caisse primaire de prise en charge du décès de [I] [B] survenu aux temps et au lieu du travail au titre des risques professionnels, est inopposable à la société Olympus dans la mesure où elle a été prise après une première décision de refus notifiée préalablement à l'employeur.
Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la demande de faute inexcusable de l'employeur initiée par Mme [B], soit examinée, celui-ci étant alors tenu de la réparation des préjudices personnels de la victime non pris en charge par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'appréciation de la conscience du danger relève de l'examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l'activité du salarié ou du non-respect des règlements de sécurité.
La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe au salarié.
Il ressort de l'ensemble des pièces produites aux débats que le 5 mai 2011, [I] [B], âgé de 54 ans, a eu un malaise au cours d'une visio-conférence en présence de son supérieur hiérarchique, et d'un directeur de la société Olympus Allemagne dont il dépendait également.
Les témoins ont relaté les faits comme suit, ainsi qu'il résulte d'une part des procès-verbaux d'enquête de police, et de leurs déclarations devant le CHSCT le lundi 9 mai 2011, soit quatre jours après les faits :
* s'agissant de M. [M] [U], président d'Olympus France :
...' Hier, je me trouvais sur mon lieu de travail en train d'effectuer une vision conférence entre la France et l'Allemagne. Dans cette salle de réunion, participait également M. [B] [I] et M. [Y] [V].
Nous avons commencé la réunion vers 17 h 10.
Tout se passait bien, c'était une réunion calme et à un moment donné, [V] [Y] et moi avons constatés que [I] [B] était affalé sur sa chaise alors qu'il s'était exprimé normalement une minute avant.
Nous nous sommes levés, nous lui avons parlé mais [I] ne nous répondait pas, il était inconscient. Je suis sorti immédiatement pour demander au standard d'appeler les pompiers. Dans la foulée, j'ai appelé notre directeur des ressources humaines M. [H] [P] qui est venu nous rejoindre. Pendant ce temps là, avec [V] nous avons couché [I] au sol. Il était toujours inconscient, nous lui avons défait sa cravate et sa chemise. J'ai été cherché deux autres collaborateurs à l'étage qui ont une formation de secourisme. Guidé par les pompiers, nous avons pratiqué un massage cardiaque car nous avons constaté que [I] ne respirait plus et qu'il n'avait plus de pouls. Nous nous sommes procuré un défibrillateur auprès de la société voisine.
Nous avons fait une tentative sans succès. Et ensuite les pompiers sont arrivés, ils ont pris le relais, le SAMU est arrivé derrière.
Un peu plus tard, on nous a annoncé le décès de [I] [B]. (...)'...
* s'agissant de M. [V] [Y] :
...' Je me trouvais en réunion de travail, à la société Olympus, à [Localité 5].
J'étais avec le directeur général, Monsieur [M], et Monsieur [I] [B] qui était le directeur administratif et financier d'Olympus France.
Nous étions en visio-conférence avec l'Allemagne.
La réunion était prévue à 17 h et elle a commencé un peu en retard, vers 17 h 15.
La réunion s'est déroulée normalement, chacun est intervenu dans son domaine.
Vers 17 h 45, 17 h 50, je ne sais pas précisément, c'était avant 18 heures, j'ai vu que Monsieur [B] qui était assis à ma droite, était penché lui-même sur sa droite comme s'il cherchait quelque chose dans sa sacoche au sol.
Je l'ai regardé et instantanément, j'ai vu qu'il semblait absent. Monsieur [M] l'a vu en même temps que moi, il était assis en face de nous et était en train de parler en visio-conférence.
Je me suis levé et avec Monsieur [M] nous avons parlé à Monsieur [B]. Comme il ne répondait pas, M. [M] est sorti de la salle pour faire alerter les secours. Moi je suis resté dans la salle de réunion près de Monsieur [B].
Avec l'aide de M. [M], nous avons allongé M. [B] au sol dans l'attente des secours.
Nous avons essayé à plusieurs voir si le coeur battait toujours mais manifestement il n'y avait déjà plus de pouls.
Plusieurs d'entre nous on essayé de trouver un battement de coeur mais en vain. M. [B] ne respirait plus non plus.
Plusieurs collègues secouristes sont intervenus pour faire les premiers gestes de secourisme, bouche à bouche et massage cardiaque.
Mes collègues sont allés chercher un défibrillateur dans la société voisine.
Les secouristes de chez Olympus ont tenté une décharge au défibrillateur mais en vain.
Ensuite les pompiers sont arrivés très rapidement, suivis du SAMU.
A ce moment là nous nous sommes retirés pour laisser les secours. (...)'...
* s'agissant de M. [P] :
...' Hier, vers 17 h 40, j'ai reçu un appel de [U] [M], président de la société Olympus.
Il m'a dit que [I] [B] venait de faire un malaise.
Je me trouvais dans un bâtiment situé à une centaine de mètres.
Je suis arrivé immédiatement.
Il se trouvait dans une salle de vidéo conférence.
[I] était en position latérale de sécurité.
Il avait les yeux ouverts, il n'avait pas de pouls et il ne respirait pas.
Je l'ai vérifié moi-même.
Nous avons pris l'initiative en attendant le SAMU de faire un massage cardiaque.
Une collègue a commencé le massage, j'ai pris le relais, ainsi qu'un autre collègue.
[I] n'est pas reparti.
Nous avons même utilisé le défibrillateur, en vain.
Nous avons continué le massage.
Les pompiers et le SAMU sont arrivés ensuite ; ils ont pris le relais ; ils n'ont pas réussi à le faire repartir.'...
Au cours de la séance du CHSCT extraordinaire qui s'est tenue le lundi 9 mai 2011, [U] [M] et [P] ont confirmé que les secouristes de la société ont été guidés par téléphone par les pompiers pour pratiquer le massage cardiaque avant l'arrivée des professionnels de santé, et qu'un délai de six à sept minutes s'est écoulé pour apporter le défibrillateur dans la pièce où se trouvait [I] [B].
Le rapport d'autopsie révèle la présence sur le corps stigmates de réanimation pratiqués par les services de secours.
Le médecin légiste a constaté que le défunt présentait une cardiomégalie (le coeur a un volume nettement augmenté poids 510 grammes) ; les coronaires sont le siège d'un épaississement fibreux et diffus de leur paroi, avec des plaques scléreuses calcifiées saillantes dans la lumière par athérosclérose évoluée. (Ce terme est souligné par le médecin légiste).
L'artère coronaire droite est grêle, l'artère Inter-Ventriculaire Antérieure est très grêle, sténosée à plus de 70 %. L'aorte thoracique présente sur sa surface interne des sties graisseuses jaunâtres, ainsi que de nombreuses plaques fibreuses plus ou moins surélevées par athérosclérose prononcée. (dernier mot souligné).
Aux termes de son rapport, le médecin légiste constate l'absence de signe de lutte, de lésion de défense, de prise et de maintien, l'absence de lésion traumatique des viscères et du squelette et conclut, au vu de ses constatations, à un décès résultant d'une défaillance cardio-vasculaire sur insuffisance cardiaque coronarienne.
Mme [B] indique que son époux avait passé quelques temps plus tôt un examen médical exigé pour la pratique du sport, et qu'aucune difficulté n'avait été mise en évidence.
Il résulte de l'ensemble des témoignages, tant de ses collègues ou de son supérieur hiérarchique, et de son épouse, que [I] [B] n'était pas connu pour être porteur d'une pathologie cardiaque.
L'employeur l'ignorait et il n'est pas allégué ni démontré que la médecine du travail a émis quelques réserves que ce soit sur l'état de santé de [I] [B].
Les intimés, auxquels incombent la charge de la preuve de l'existence de la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de l'accident du travail reconnu comme tel par la caisse primaire de la sécurité sociale, soutiennent que l'accident cardiaque est dû à un stress professionnel avéré par un arrêt rendu le 24 mai 2016 par la 6ème chambre de la cour d'appel de Paris, qui, infirmant un jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Créteil rendu le 4 septembre 2014, a retenu l'existence d'un harcèlement moral par l'employeur au préjudice de [I] [B].
Cette décision, qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi, est définitive.
Toutefois, les faits retenus au titre du harcèlement moral, qui se déroulent sur plusieurs mois, dans une procédure engagée postérieurement au décès de [I] [B] par ses ayants-droit, n'est pas incompatible avec un fait accidentel d'origine pathologique ou dans un contexte hors pressions anormales de l'employeur.
Ainsi, aucun témoin ne vient indiquer que [I] [B] présentait le jour des faits, ou les quelques jours précédant les faits, un état de stress professionnel particulier, qui n'est pas inhérent à ses responsabilités de directeur administratif et financier, numéro 2 de la société Olympus France.
Au contraire, les témoins rapportent que la visio-conférence se passait normalement, dans le calme, chacun prenant la parole à son tour. Si elle a débuté avec retard, c'est notamment parce qu'elle s'inscrivait dans la suite de deux autres réunions, auxquelles, comme [I] [B], ses collègues présents avaient également participé.
Aucun n'a remarqué un état de fatigue anormal, ces collègues indiquant que le rythme de travail était normal, alors qu'il avait pû être plus soutenu à d'autres moments.
Aucun élément objectif ne permet de retenir un lien de causalité direct entre le fait accidentel et le rythme de travail le 5 mai 2011.
Dans un rapport réalisé à la demande de Mme [B], le docteur [T] s'est risqué à soutenir que le harcèlement au travail était à l'origine de la pathologie cardiaque de M. [B] et que son accident trouvait son origine dans cette situation professionnelle.
Par la suite, il est revenu sur cet avis dans un document intitulé ' déclaration sur l'honneur ' daté du 8 juin 2016 en précisant qu'il avait rapporté les doléances de son patient, [I] [B], mais n'avait personnellement été témoin d'aucun fait de harcèlement.
Il n'y a pas lieu de s'appesantir davantage sur la discussion entre les médecins experts sollicités par chacune des parties, dans la mesure où le médecin légiste a déterminé l'existence d'une pathologie cardiaque existante au jour de l'accident.
Mme [B] fait par ailleurs grief à la société Olympus de n'avoir pas mis un défibrillateur à disposition des salariés dans l'entreprise de son époux ; elle constate qu'il a été recouru au matériel de l'entreprise voisine et que ce délai a constitué pour son époux une perte de chance d'être sauvé.
La société Olympus ne conteste pas que ses locaux hébergeant environ 380 salariés, étaient dépourvu d'un tel équipement.
Elle fait valoir à raison d'une part, que cet équipement n'était pas rendu obligatoire par la législation à la date de l'accident, et d'autre part, que sur les recommandations du médecin du travail, elle avait formé deux salariés aux gestes de premiers secours, lesquels sont intervenus immédiatement sur les lieux de l'accident.
En effet, au cours de différentes réunions du CHSCT, dont l'intégralité des procès-verbaux de la période ont été produits par la société Olympus en exécution de l'arrêt sur incident rendu le 29 septembre 2016, la fourniture d'un défibrillateur par l'employeur a été demandée par les délégués salariés, avant le décès de M. [B] notamment au cours des réunions qui se sont tenus :
* le 12 mai 2009 :
§ 7 : Bilan ACMS 2008 (...)
[K] [D] demande si l'achat de défibrillateur est prévu du fait du constat de 6 problèmes cardiaques constatés.
Le docteur [Z] précise que les gestes en cas de problèmes cardiaques sont expliqués de manière systématique et l'utilisation du défibrillateur peut être expliquée lors de formation secouriste.
(...) ...
* le 9 septembre 2009 :
...' 9) Proposition de mise en place de défibrillateur dans les deux bâtiments :
M. [P] [K] et M. [A] [V] représentants de Serenys présentent la solution de mise à disposition de défibrillateur sur la proposition de [W] [J].
(Suivent la règlementation en vigueur ainsi que les différents types d'appareils et les conditions de fourniture).
Une présentation du produit est réalisée avec démonstration.
[H] [P] remercie au nom du CHSCT les deux intervenants et précise qu'une évaluation des différents acteurs du domaine d'activité et de la pertinence seront réalisées. (...)'...
* réunion du 7 décembre 2010 :
...' 20. Mise en place de défibrillateurs : proposition du CHSCT et demande d'avis du médecin au vu :
- des risques liés aux poste de travail dans l'entreprise,
- de la population de l'entreprise (ex : personnes ayant déjà eu des difficultés cardiaques)
Le docteur [Z] et Mme [F] sont d'accord pour recommander en priorité un bon niveau de formation des SST.
La CGT déplore que la direction n'est pas pas favorable à l'installation d'un défibrillateur.'...
Dans une attestation rédigée le 29 juillet 2015, le docteur [M] [Z] indique :
....' Dans le cadre de mon activité de conseiller de l'entreprise et de ses salariés pour les opérations de santé au travail, j'avais été amené à donner mon avis au cours de la réunion du CHSCT de l'entreprise le 7 décembre 2010, dans son vingtième item concernant la mise en place de défibrillateur dans les locaux de l'entreprise à [Localité 5] dans la zone SILIC.
J'avais recommandé en priorité d'assurer un bon niveau de formation des sauveteurs-secouristes du travail, répartis dans les deux bâtiments, comportant notamment une formation à l'utilisation du défibrillateur, précisant son intérêt et son innocuité avant la mise à disposition des équipements dans les locaux de l'entreprise.'...
Il ressort de l'ensemble des procès-verbaux de réunion du CHSCT qui les accidents du travail constatés dans l'entreprise se partagent entre les accidents de trajet ou les accidents de la route, et des blessures par manipulation de matériels dans les ateliers. Il n'y a eu aucun accident cardiaque déclaré avant le décès de [I] [B] ; l'affirmation de ' plusieurs malaises cardiaques' sans autres précisions et sans production de pièces justificatives n'est pas probante.
Par ailleurs, M. [B] n'avait pas signalé d'antécédents cardiaques, ni donné lieu à des réserves du médecin du travail, de sorte que son employeur n'était pas tenu à une surveillance particulière signalée par un état de santé particulièrement signalé.
A cette époque l'équipement d'un défibrillateur était obligatoire dans les locaux accueillant du public mais pas dans les entreprises privées.
La société Olympus produit aux débats deux attestations de stage de secouriste d'une journée soit 7 heures effectués par Mme [S] [R] le 2 avril 2008 et d'une durée de deux jours effectué du 13 au 15 mai 2008 par M. [C] [U], tous deux salariés de l'entreprise.
Il n'est contesté ni, que deux salariés formés en secourisme ont déféré le 5 mai 2011 au chevet de M. [B] à la suite de l'appel urgent lancé au standard par M. [U] [M] ;
ni, qu'ils ont prodigués les premiers soins, [I] [B] ayant été placé immédiatement en position latérale de sécurité, les fenêtres ayant été ouvertes pour faciliter sa respiration, la cravate et la chemise ayant été ouvertes, et qu'il a bénéficié d'un massage cardiaque à l'aide des conseils des sapeurs pompiers, dispensés en premier lieu par téléphone, puis à leur arrivée sur place, puis par le SAMU.
Entre-temps, avant l'arrivée des pompiers, il a été fait usage du défibrillateur, en vain.
L'ensemble de ces gestes n'ont pas permis de ramener [I] [B] à la vie alors que ces collègues ont constaté dès son effondrement qu'il ne réagissait pas aux questions, que son pouls ne battait plus et qu'il ne respirait plus.
Au regard de ces constatations, il n'est pas démontré que la présence d'un défibrillateur dans les locaux de l'entreprise aurait diminué le temps de secours et permis de relancer la fibrillation du c'ur alors que le massage cardiaque avait échoué ; de telle sorte que la thèse selon laquelle [I] [B] a perdu une chance d'être sauvé ne peut fonder la faute inexcusable de l'employeur.
Le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions.
Les demandes de Mme [B], agissant en son nom personnel, et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [L] [B], sont rejetées.
Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute Mme [B], agissant en son nom personnel, et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [L] [B], de l'intégralité de ses demandes,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Signé par Madame Dominique DUPERRIER, Présidente, et par Madame Christine LECLERC, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, La PRÉSIDENTE,