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01/06/2017 | FRANCE | N°16/027521

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14, 01 juin 2017, 16/027521


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 70C

14e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2017

R.G. No 16/02752

AFFAIRE :

Anne Y...
...

C/
COMMUNE [...] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Avril 2012 par le tribunal de grande instance de PONTOISE
No RG : 12/00049

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Eric AZOULAY  


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE     

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 70C

14e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2017

R.G. No 16/02752

AFFAIRE :

Anne Y...
...

C/
COMMUNE [...] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Avril 2012 par le tribunal de grande instance de PONTOISE
No RG : 12/00049

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Eric AZOULAY  
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE     

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEURS : devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 17 décembre 2015 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles du 11 Septembre 2013 - 14ème chambre sur l'appel d'une ordonnance rendue le 13 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Pontoise -

Madame Anne Y...
née le [...]           à LISIEUX (14)
de nationalité française
 [...]                               
Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 002732
assistée de Me Michel TOURNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0030

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/006146 du 24/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

Monsieur Louis Y...
né le [...]           [...]          
de nationalité française
ASAV [...]                               
Représenté par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 002732
assisté de Me Michel TOURNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0030

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/007058 du 24/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

Monsieur Jonathan Y...
né le [...]             à REIMS (51)
de nationalité française
 [...]                               
Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU        de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - No du dossier 002732
assistée de Me Michel TOURNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0030

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/006147 du 24/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTS
****************

DÉFENDERESSE devant la cour de renvoi

COMMUNE [...] représentée par son maire en exercice domicilié [...]                                                                                           
Représentée par Me Eric AZOULAY de la SCP FINKELSTEIN/DAREL/AZOULAY/ROLLAND/CISSE, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 - No du dossier 2010502

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 avril 2017, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
FAITS ET PROCÉDURE,

Mme Anne Y... est propriétaire d'une parcelle située à [...].

Sur ce terrain ont été installés des cabanons de jardin, plusieurs caravanes, ainsi qu'un algéco occupés une partie de l'année par Mmes Anne et Catherine Y..., MM. André C..., Jonathan et Louis Y... ainsi que leurs enfants.

Soutenant que ces installations avaient été entreprises en infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme (PLU), la commune [...] a fait assigner Mmes Anne et Catherine Y..., MM. André C..., Jonathan et Louis Y... aux fins d'obtenir leur condamnation, sous astreinte, à procéder à l'évacuation des caravanes et à la démolition des ouvrages en dur.

Par ordonnance du 13 avril 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise a:

- condamné Mmes Anne et Catherine Y..., MM. André C..., Jonathan et Louis Y... à procéder à l'évacuation des caravanes stationnées sur la parcelle cadastrée [...] et à la démolition de tous les ouvrages en dur (cabanon tôle et algéco) ainsi qu'à la remise en état initial dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- dit qu'à défaut, passé un délai de trois mois, la commune [...] est autorisée à se substituer à eux pour y procéder à leurs frais ;

- condamné in solidum Mmes Anne et Catherine Y..., MM. André C..., Jonathan et Louis Y... à verser à la commune [...] la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Mme Anne Y... et MM. Louis et Jonathan Y... ont relevé appel de cette décision.

Par un arrêt en date du 11 septembre 2013, cette cour a:

- confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- dit n'y avoir lieu à application en appel de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Anne Y... a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 17 décembre 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dispositions, et renvoyé les parties devant cette cour, autrement composée.

La cassation est intervenue au visa de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 809 du code de procédure civile, la Cour de cassation reprochant à la cour d'appel de n'avoir pas recherché, comme il lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts Y....

Par acte du 12 avril 2016, Mme Anne Y... et MM. Louis et Jonathan Y... (les consorts Y...) ont saisi cette cour désignée comme cour de renvoi.

Aux termes de leurs dernières conclusions, reçues au greffe le 12 avril 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts Y... demandent à la cour de:

- d'infirmer l'ordonnance de référé du 13 avril 2012 ;

Statuant à nouveau,

- de dire n'y avoir lieu à référé ;

- de rejeter toutes les demandes de la commune [...] ;

- d'enjoindre à la commune [...] de respecter la vie privée et familiale et le domicile des consorts Y..., et de ne pas les troubler dans leur vie quotidienne et familiale ;

- de condamner la commune [...] à payer à chacun des consorts Y... la somme de 5000 euros au titre de leurs frais engagés pour leur défense en première instance et en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en faisant le cas échéant application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Les appelants soutiennent essentiellement:

- que ne peut être considéré comme manifestement illicite, au sens de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, le trouble résultant de l'occupation d'un terrain privé par des gens du voyage, dès lors qu'aucune solution satisfaisante ne leur a été proposée aux fins de stationner leurs caravanes, alors que celles-ci constituent leur habitation et que le droit au logement a une valeur constitutionnelle au même titre que le droit de propriété ;

- que la légalité du PLU [...] est éminemment incertaine ; qu'en effet, notamment, aucune aire de stationnement des caravanes des gens du voyage n'a été réalisée dans la commune, le PLU [...] ne présentant pas non plus de dispositions prises pour l'accueil et le stationnement des caravanes des gens du voyage ;

- qu'aucune solution concrète n'a été proposée aux consorts Y... concernant leur accueil en un autre lieu que le terrain dont ils sont propriétaires ; qu'il en résulte que les mesures d'expulsion ordonnées par le maire de la commune [...] sont manifestement disproportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts Y... ;

- que, au regard de l'illégalité du PLU [...], les installations que les consorts Y... ont pu mettre en place ne sauraient nullement constituer un trouble manifestement illicite ;

- que l'expulsion de gens du voyage des terrains sur lesquels ils étaient établis de longue date viole leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile ;

- que les normes issues de la Constitution, consacrant le droit au logement, les traités internationaux ainsi la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales protégeant en son article 8 le droit au respect de la vie privée et familiale priment sur les dispositions internes telles qu'elles résultent du code civil, du code de l'urbanisme et sur les normes du PLU de la commune [...].

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 31 mars 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la commune [...] demande à la cour de:

- de débouter les consorts Y... de leurs demandes ;

- de confirmer l'ordonnance ;

- de rappeler que, passé un délai de 3 mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la commune pourra se substituer à eux pour y procéder à leurs frais ;

- de condamner solidairement les consorts Y... au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune soutient essentiellement;

- que les caravanes sont stationnées sur la parcelle en infraction avec le PLU ;

- que les installations méconnaissent également les dispositions de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme ;

- que le juge de référés est bien "compétent" pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

- que les consorts Y... ne sauraient invoquer l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ils méconnaissent les règles d'urbanisme ;

- qu'ils ne sauraient davantage lui opposer l'absence de relogement ;

- que visant à la protection de l'environnement, les mesures sollicitées sont proportionnées ;

- que les consorts Y... ne peuvent se prévaloir d'une atteinte à leur droit à un domicile dans la mesure où ils ne démontrent pas être établis sur place depuis plusieurs années;

- qu'en définitive, l'ingérence dans les droits des consorts Y... n'apparaît pas disproportionnée.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 avril 2017.

MOTIFS DE LA DECISION,

Selon l'article 809 du code de procédure civile, "le président (du tribunal de grande instance) peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "

La caractérisation de l'existence d'un trouble manifestement illicite suppose une violation évidente de la règle de droit.

Il est acquis aux débats que les consorts Y... occupent une propriété appartenant à par Mme Anne Y... sur laquelle ils ont installé cinq caravanes, une construction type algéco à usage de cuisine, sur un revêtement en ciment et deux petits cabanons de jardin en tôle.

Le plan local d'urbanisme de la commune [...] classe la propriété de Mme Y... dans une zone N, dans laquelle toute implantation de constructions à usage d'habitation et tout stationnement de caravane à usage de résidence principale ou d'annexe sont prohibés.

Par ailleurs, l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme dispose que :

"Les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable :
a) les constructions ayant pour effet de créer une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés :
b) les habitations légères de loisirs implantées dans les conditions définies à l'article R. 111-32, dont la surface hors oeuvre nette est supérieure à trente cinq mètres carrés ; "

Il résulte de ce texte que l'implantation de l'algéco est soumise à tout le moins à un régime de déclaration de travaux.

Il est par suite incontestable que les consorts Y... ont installé leurs caravanes et ont procédé à des aménagements en infraction avec le document local d'urbanisme et avec les dispositions réglementaires du code de l'urbanisme.

La violation de ces règles constitue, en soi, une méconnaissance de la règle de droit et, partant, caractérise une illicéité manifeste.

La commune [...] conclut à la sanction de l'inobservation des règles applicables par la mise en oeuvre d'une mesure d'expulsion prenant la forme d'une évacuation des caravanes stationnées sur la parcelle, de la démolition de tous les ouvrages en dur (cabanons en tôle et algéco) ainsi que de la remise en état initial des lieux, dans un délai de trois mois passé lequel la commune sera autorisée à se substituer aux appelants pour y procéder à leurs frais.

Les consorts Y... demandent à la cour de procéder à un contrôle de proportionnalité de la mesure sollicitée au regard de leur droit à une vie familiale privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Selon ce texte :
" 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés des personnes".

La mesure d'expulsion sollicitée constitue une ingérence dans les droits protégés par l'article 8. Elle constitue aussi une ingérence dans le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole de la Convention de sauvegarde.

Dans son arrêt "Winterstein et autres contre France" du 17 octobre 2013 (27013/07), rendu dans une espèce dont la proximité factuelle avec celle de la présente affaire est grande, la Cour européenne des droits de l'homme invite les juridictions nationales à examiner concrètement et en détail les arguments des personnes menacées par une demande d'évacuation et à procéder à un contrôle de proportionnalité consistant à mettre en balance, d'une part, le respect des règles relatives à l'occupation des terrains et le respect de la vie privée et familiale ainsi que du domicile, même précaire, des personnes concernées.

Mme Anne Y... a acquis le 25 juillet 2008 le terrain situé à [...] d'une contenance de 04a96 ca consistant en une parcelle de terre, en nature de taillis.

M. et Mme Y... sont aujourd'hui âgés de 61 et 60 ans et bénéficient de revenus sociaux.

Sédentarisés une partie de l'année, ils reçoivent régulièrement sur leur terrain leur famille composée de leurs deux filles et de leur gendre, ainsi que leurs deux petits enfants. L'une de leur fille, Meguy, est âgée 23 ans et est atteinte de myopathie.

La famille bénéfice d'un raccordement à l'électricité mais pas à l'eau courante.

Aucune pièce du dossier ne révèle cependant une situation de danger ou de dommage imminent pour la famille ou pour des tiers, résultant de l'occupation des lieux.

Ainsi les consorts Y... sont-ils installés depuis désormais près de dix ans sur cette parcelle qu'ils ont aménagée dès l'origine. Quoique absents une partie de l'année, comme membres de la communauté des gens du voyage, de moins en moins fréquemment compte tenu de leur âge, ils entretiennent des liens suffisamment étroits et continus avec les caravanes, cabanons ou autres aménagements pour que ceux-ci soient considérés comme leur domicile au regard de leur mode de vie. Sont donc ici en jeu le droit au respect de la vie privée et familiale aussi bien que le droit au respect du domicile.

L'ingérence résultant de l'expulsion est prévue par la loi et elle peut être justifiée par la défense des droits d'autrui au travers de la protection de l'environnement, principal élément développé par la commune, tiré en l'espèce du classement de la zone.

Cependant, l'intimée n'avance aucun autre argument justifiant de la nécessité de la mesure d'expulsion et/ou de démolition, la cour rappelant que le terrain appartient à Mme Y... et qu'aucune atteinte à des droits privatifs de tiers n'est alléguée.

En revanche, les consorts Y... démontrent que la commune tarde à réaliser l'aire de stationnement de 25 places imposée par le dernier schéma départemental d'accueil et d'hébergement des gens du voyage du 28 mars 2011, approuvé après une délibération de l'ancienne HALDE, Haute autorité pour la lutte contre les discriminations, du 22 février 2010, qui a considéré qu'en dépit de la présence sur le territoire de la commune [...] d'environ 450 caravanes installées sur des terrains privés, la dispense accordée à la commune par le schéma départemental n'était pas conforme à l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

La commune explique qu'elle a déjà repéré un site susceptible de permettre la réalisation de l'aire et que le terrain aurait été acquis, mais elle n'en justifie pas.

Ainsi, compte tenu de la précarité de la situation personnelle, sociale et financière des consorts Y..., des difficultés de santé de leur fille gravement handicapée, de l'ancienneté de l'installation, des conséquences de l'exécution de la mesure et du risque que les appelants soient privés d'un lieu de réinstallation de leur logement, l'ingérence résultant de l'expulsion et/ou de la démolition des ouvrages et/ou de la remise en état des lieux est disproportionnée au regard des droits fondamentaux protégés par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.

L'ordonnance sera par suite infirmée et les demandes de la commune seront rejetées, aucune autre mesure n'étant sollicitée ou ne pouvant être prise pour remédier au trouble.

Il n'y pas lieu de faire injonction à la commune, par une adresse de portée générale, de respecter la vie privée et familiale et le domicile des consorts Y... et de ne pas les troubler dans leur vie quotidienne et familiale.

Il sera enfin fait application des dispositions des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au profit du conseil des consorts Y....

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise du 13 avril 2012 ;

STATUANT à nouveau:

REJETTE les demandes de la commune [...] ;

CONDAMNE la commune [...] à payer au conseil de Mme Anne Y... et à MM. Louis et Jonathan Y... la somme globale de 4000 euros en application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour les frais exposés en première instance et en appel ;

REJETTE toute autre demande ;

DIT que la commune [...] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, y compris les dépens afférents à la décision cassée, qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14
Numéro d'arrêt : 16/027521
Date de la décision : 01/06/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8. - Respect de la vie privée et familiale. - Exercice de ce droit. - Ingérence injustifiée. - Evacuation de caravanes et de constructions légères et précaires, installées en violation du plan local d'urbanisme et sans déclaration de travaux, mais servant de domicile depuis plusieurs années au propriétaire du terrain, par ailleurs en situation difficile. Constitue une méconnaissance de la règle de droit et, partant, caractérise une illicéité manifeste, l'installation, par les époux X..., sur le terrain dont ils sont propriétaires, de caravanes et de constructions légères et précaires leur servant de domicile, en violation du PLU de la Commune, et sans déclaration de travaux. Les demandes de la Commune d'évacuer les caravanes, de démolir tous les ouvrages en dur (cabanons en tôle et algéco) ainsi que de remettre les lieux en leur état initial, poursuivent le but légitime d'assurer la défense des droits d'autrui au travers de la protection de l'environnement tiré en l'espèce du classement de la zone. Toutefois, compte tenu de la précarité de la situation personnelle, sociale et financière des époux X... , des difficultés de santé de leur fille gravement handicapée, de l'ancienneté de l'installation, des conséquences de l'exécution de la mesure et du risque que les appelants soient privés d'un lieu de réinstallation de leur logement, l'ingérence résultant de l'expulsion et/ou de la démolition des ouvrages et/ou de la remise en état des lieux est disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile protégés par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales. En conséquence la cour, infirmant le jugement, rejette les demandes de la Commune.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-06-01;16.027521 ?
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