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19/05/2017 | FRANCE | N°14/02308

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 19 mai 2017, 14/02308


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70B



1ère chambre

1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 MAI 2017



R.G. N° 14/02308



AFFAIRE :



[G] [I]

[O] [I]

C/

[X] [W]



[K] [R] [V] [R]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Février 2014 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

1ère chambre

N° RG : 09/03052



Expéditions exécutoires

Expé

ditions

délivrées le :

à :

SCP MERY - GENIQUE



SCP CAUCHON COURCELLE LEFOUR RIQUET MARTINS LECADIEU



Me Audrey ALLAIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70B

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 MAI 2017

R.G. N° 14/02308

AFFAIRE :

[G] [I]

[O] [I]

C/

[X] [W]

[K] [R] [V] [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Février 2014 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

1ère chambre

N° RG : 09/03052

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP MERY - GENIQUE

SCP CAUCHON COURCELLE LEFOUR RIQUET MARTINS LECADIEU

Me Audrey ALLAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Philippe MERY de la SCP MERY - GENIQUE, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 - N° du dossier 20080116

Madame [O] [I]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Philippe MERY de la SCP MERY - GENIQUE, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 - N° du dossier 20080116

APPELANTS

****************

Madame [X] [W]

née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Marie Laure RIQUET de la SCP CAUCHON COURCELLE LEFOUR RIQUET MARTINS LECADIEU, Postulant/Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000029 - N° du dossier 54872

INTIMEE

****************

Madame [K] [R] [V] [R]

née le [Date naissance 4] 1932 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344 - Représentant : Me Antoine GUEPIN, avocat au barreau de CHARTRES

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mars 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

****************

Par acte du 19 juillet 1974, la SCI «'Les Grandes Vignes'» a été autorisée à diviser une parcelle de terrain située à [Localité 2] (28) en 170 terrains à construire.

Par acte du 11 juin 1977, la SCI a vendu à M. et Mme [W] le lot n°[Cadastre 1] cadastré section ZD n°[Cadastre 2].

Par acte du 20 septembre 1977, elle a cédé à M. et Mme [I] le lot, mitoyen, numéro [Cadastre 1] cadastré ZD n°[Cadastre 2].

M. et Mme [I] ont édifié un pavillon en limite de leur parcelle et de celle des époux [W] selon permis de construire délivré le 16 novembre 1977.

Par ordonnance du 14 mars 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chartres, saisi par M. et Mme [W] qui invoquaient un empiètement de la construction des époux [I], a ordonné une expertise.

L'expert, M. [E], a déposé son rapport le 16 mars 2009.

Il a conclu à l'existence d'un empiètement d'une superficie de 2,90 m² auquel s'ajoutent en surplomb des tuiles de rive dépassant le mur pignon du pavillon de M. et Mme [I] de 5 centimètres.

Il indique également que le pignon empiète de 12 centimètres sur le fonds des époux [W] et que le soubassement de leur pavillon dépasse de 6 centimètres de sorte que le drain périphérique situé au pied des fondations empiète nécessairement.

Il a joint le rapport d'un sapiteur et précisé que celui-ci avait évalué à la somme de 88.609,16 euros le coût des travaux destinés à supprimer les empiètements.

Par actes du 23 octobre 2009, M. et Mme [W] ont fait assigner M. et Mme [I] devant le tribunal de grande instance de Chartres afin, en principal, que ceux-ci soient condamnés à procéder à la démolition des ouvrages empiétant sur leur propriété et à remédier aux vues injustement créées.

Par acte du 14 novembre 2011, M. et Mme [I] ont fait assigner Mme [R], propriétaire d'un fonds voisin, afin que le jugement lui soit déclaré opposable.

Par jugement du 19 février 2014, le tribunal a':

- dit que l'action de M. et Mme [W] est recevable,

- condamné M. et Mme [I] à procéder à la démolition des parties de leur ouvrage empiétant sur la propriété de M. et Mme [W] dans les 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 6 mois,

- dit qu'en l'absence de réalisation de ces travaux dans les 8 mois suivant la signification du jugement à intervenir, M. et Mme [W] seront autorisés à faire procéder aux travaux nécessaires par l'entreprise de leur choix, aux frais avancés de M. et Mme [I],

- condamné solidairement M. et Mme [I] à payer à M. et Mme [W] la somme de 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, en réparation de leur préjudice de jouissance,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- condamné M. et Mme [I] à payer à M. et Mme [W] la somme de 2 500 euros et à Mme [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par déclaration du 25 mars 2014, M. et Mme [I] ont interjeté appel.

Par ordonnance du 22 septembre 2014, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de M. [W] a été prononcée.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 7 janvier 2016.

Par arrêt du 24 mars 2016, la cour a désigné un médiateur.

La médiation n'a pas abouti.

Les débats ont été fixés au 9 février 2017.

Dans leurs dernières conclusions en date du 7 février 2017, M. et Mme [I] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [W].

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de':

- déclarer Madame [W] irrecevable et en tous cas mal fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Madame [W] à leur payer :

* la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour frais non compris dans les dépens.

Ils lui demandent également de débouter Madame [R] de sa demande en ce qu'elle est dirigée contre eux.

Ils sollicitent la confirmation du jugement pour le surplus.

Subsidiairement, ils demandent une contre-expertise.

M. et Mme [I] soulèvent l'irrecevabilité de la demande.

Ils invoquent un protocole d'accord conclu le 1er septembre 2004.

Ils soutiennent que cette transaction traduit un accord irrévocable quant à la limite séparative des fonds et à la consistance de leur immeuble. Ils rappellent qu'aux termes de ce protocole, M. et Mme [W] ont alors autorisé la mise en peinture du pignon dont ils demandent, à présent, la démolition, qu'eux-mêmes ont autorisé leurs voisins "à couper les branches de leur haie qui dépassent de la limite séparative", tandis que les époux [W] faisaient de même et que les époux [W] se sont engagés à "maintenir les soubassements de l'habitation de Monsieur et Madame [I] sans végétaux".

Ils en concluent que ceux-ci ne peuvent désormais contester la limite des deux fonds en réclamant la démolition du pignon et des soubassements de leur immeuble.

Ils invoquent également une prise de possession sans réserve figurant dans les titres de propriété.

Ils citent la clause intitulée «'Prise de possession'» et estiment qu'à défaut d'avoir sollicité un mesurage dans les deux mois de l'acte, les époux [W] ne peuvent contester la superficie de leur fonds étant observé qu'ils ont délimité leur parcelle avant la prise de possession des époux [I].

Ils invoquent la prescription abrégée de 10 ans.

Ils affirment que l'acte de vente par la SCI constitue le juste titre mentionné à l'article 2272 du code civil et font état de leur bonne foi et de la qualité de leur possession.

Subsidiairement, sur le fond, ils soutiennent que la demande est infondée.

Ils reprochent à l'expert de ne pas avoir utilisé les plans contractuels annexés à l'arrêté portant autorisation de lotissement et d'avoir utilisé un plan du réseau d'eau potable, non contractuel, et un croquis de bornage réalisé par le cabinet [Y] dans des conditions indéterminées. Ils ajoutent qu'il s'est référé à un document d'arpentage dont il a reconnu l'insuffisance.

Ils indiquent qu'il n'a pas, malgré leurs demandes réitérées, trouvé de point fixe permettant de recaler d'une manière certaine les plans du lotissement. Ils contestent sa réponse au motif que M. [Y] n'a pas tenu compte de la forme spécifique de leur lot qui correspond dans l'acte de vente à un rectangle parfait et dans son plan à un parallélépipède.

Ils excipent d'une analyse par M. [L], également expert, du rapport de M. [E].

Ils ajoutent que celui-ci a noté la présence de M. [W] aux réunions du 2 juillet 2008 et postérieures alors que seule Mme [W] était présente.

Ils demandent la confirmation du jugement en ce qui concerne les vues, aucune pièce n'en établissant l'existence et le constat dressé par Maître [S], huissier de justice, à leur insu ne démontrant pas qu'ils disposent à l'intérieur de leur pavillon de vues droites ou obliques.

Ils contestent la demande indemnitaire, le préjudice étant subi par eux du fait des travaux prescrits.

Ils affirment qu'ils pensaient le litige résolu depuis la transaction et invoquent un préjudice moral causé par la demande.

Ils indiquent que le plan établi par l'expert remet également en cause la limite entre le fonds [I] et le fonds [R], l'empiètement qui leur est reproché correspondant à un empiètement de ce fonds sur le leur. Ils estiment qu'approuver l'analyse de M. [E] revient à remettre en cause la totalité des limites du lotissement ce qui justifie la mise en cause de Mme [R].

Par conclusions du 8 février 2017, Mme [W] a demandé que les conclusions et pièces signifiées le 7 février 2017 soient déclarées irrecevables.

Elle déclare que l'ordonnance de clôture est intervenue le 7 janvier 2016.

Par conclusions du 8 février, M. et Mme [I] ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture.

Ils font valoir que le long délai écoulé depuis le 7 janvier 2016 constitue une cause grave.

Les débats ont été reportés à l'audience du 30 mars 2017 et Mme [W] invitée à conclure au fond pour cette date.

Aucune décision n'a été prise sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

Dans ses dernières écritures en date du 24 mars 2017, Mme [W] demande à la cour que soit ordonné s'il y a lieu le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le '16' janvier 2016.

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes et son infirmation pour le surplus.

Elle demande, au titre de son appel incident, à la cour de':

- condamner M. et Mme [I] à remédier à l'ensemble des vues injustement créées sur la propriété de M. et Mme [W] ([T] et [K]) dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de cette date,

- condamner solidairement M. et Mme [I] à lui payer la somme de 15.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral,

- condamner solidairement M. et Mme [I] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [W] se prévaut du rapport de l'expert et rappelle l'article 545 du code civil.

Elle soutient que son action est recevable.

En ce qui concerne le protocole, elle rappelle les articles 2044 et suivants du code civil.

Elle affirme qu'il concernait uniquement le fait de ne pas planter de végétaux aux abords du mur du sous-sol de l'habitation et de ne pas laisser pousser du lierre susceptible de grimper jusqu'au mur crépi où une ventilation était installée. Elle ajoute que les ouvriers du constructeur des époux [I] avaient déversé des gravats sur son fonds qu'elle avait, avec son époux, retirés et que les époux leur ont versé la somme de 100 euros en dédommagement. Elle ajoute également que le protocole les autorisait à couper des branches.

Elle en conclut qu'il ne donnait pas aux appelants la jouissance d'une partie de son terrain.

En ce qui concerne la prise de possession, elle soutient que la clause invoquée n'est relative qu'aux relations entre le vendeur - la SCI - et l'acquéreur - M. et Mme [W] - et permet de vérifier si la chose vendue correspond au titre et au prix.

Elle affirme qu'elle et son époux sont entrés en possession de la superficie indiquée sur leur titre et souligne qu'elle ne conteste pas la superficie de son lot mais la revendique.

Elle fait valoir que l'acte n'autorise ni n'évoque l'empiètement dans les relations entre deux acquéreurs de terrains voisins et excipe des motifs du tribunal.

En ce qui concerne la prescription abrégée, elle soutient qu'elle vise le possesseur qui, par un acte translatif, a acquis le bien d'un auteur non propriétaire et qu'elle protège ce possesseur contre le défaut de propriété de celui dont il tient son droit.

Elle rappelle la définition du juste titre soit un acte qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription, son seul défaut étant le manque du droit de l'aliénateur.

Elle déclare qu'il n'existe aucun titre translatif de propriété de la parcelle litigieuse au profit des époux [I] et que ceux-ci ne justifient pas qu'elle est contenue dans leur titre. Elle souligne que l'empiètement a été constaté à l'examen des titres de propriété et du plan de lotissement.

Elle ajoute qu'ils ne justifient pas de leur bonne foi, soit de leur croyance au moment de l'acquisition.

Elle déclare qu'ils ont procédé eux-mêmes à la construction des murs, celui de leur maison puis ceux prolongeant celle-ci.

Sur le fond, elle se prévaut en ce qui concerne l'empiètement du rapport de l'expert.

Elle relève que M. [L] ne s'est pas rendu sur place et affirme qu'il n'émet que des hypothèses et donne son avis sur les clôtures qui seraient mal implantées et décalées. Elle considère qu'il n'est pas formel et qu'il est contredit par les constations et conclusions de l'expert.

Elle excipe en outre du rapport établi en 2007 de M. [X], conciliateur expert.

Elle affirme que M. [E] a procédé à toutes les recherches et mesures utiles.

En ce qui concerne les vues, elle déclare justifier par un procès-verbal de Maître [S], huissier de justice, dressé le 19 novembre 2007 des vues irrégulières à partir d'un balcon et d'une terrasse qui contreviennent aux dispositions de l'article 679 du code civil.

Elle soutient que ces irrégularités sont d'autant plus évidentes que le balcon et la terrasse ont été édifiés au droit du pignon qui empiète de 2,90 m² sur sa propriété.

Elle affirme que ces vues ne sont pas mentionnées dans le rapport car elles n'entraient pas dans la mission de l'expert, limitée au constat des empiètements.

Elle indique communiquer en cause d'appel des photographies complémentaires.

Elle invoque la mauvaise foi des appelants et souligne l'importance des travaux pour faire cesser l'empiètement, durant lesquels elle ne pourra jouir paisiblement de son terrain.

Dans ses dernières écritures en date du 23 juillet 2014, Mme [R] demande sa mise hors de cause et réclame le paiement par les appelants d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève qu'aucune demande n'est formée à son encontre et qu'elle n'était pas partie à l'expertise.

***************************

Sur la procédure

Considérant que, par ordonnance du 30 mars 2017, le conseiller de la mise en état a, avant l'ouverture des débats, ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et fixé celle-ci au jour des débats';

Sur la transaction

Considérant que les parties ont conclu le 1er septembre 2004 un protocole d'accord valant transaction';

Considérant que ce protocole expose que M. et Mme [I] souhaitent faire peindre leur pignon et demandent aux époux [W] «'d'exercer le droit d'échelle'» et que, pour résoudre un ancien problème de terre et de grillage brûlé, ils versent à Mme [W] la somme de 100 euros';

Considérant qu'il énonce que les parties conviennent que M. et Mme [W] autorisent l'entreprise désignée par M. et Mme [I] à pénétrer sur leur terrain pour y installer un échafaudage, que les parties s'autorisent mutuellement à couper des branches dépassant les limites séparatives et que M. et Mme [W] maintiendront les soubassements de l'habitation des époux [I] sans végétaux';

Considérant qu'aux termes de l'article 2048 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet'et que la renonciation qui y est faite ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu'; que l'article 2049 du code civil dispose que les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris soit que les parties aient manifesté expressément leur intention «'soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé'» ;

Considérant que la transaction intervenue ne vise pas expressément les empiètements réalisés';

Considérant qu'il ne peut s'inférer de l'autorisation donnée par M. et Mme [W] à M. et Mme [I] d'installer un échafaudage sur leur terrain pour faire peindre le mur pignon que ceux-ci ont accepté l'empiètement invoqué'; qu'il ne s'infère pas davantage de leur engagement à ne pas planter des végétaux en bas de leurs soubassements qu'ils ont accepté que ceux-ci empiètent sur leur terrain'; que l'acceptation de ces empiètements n'est donc pas la «'suite nécessaire'» de l'autorisation donnée et de l'engagement pris'étant observé au surplus que les appelants ne justifient pas que M. et Mme [W] avaient alors connaissance de ceux-ci ; que l'autorisation donnée et l'engagement pris ne confèrent nullement aux époux [I] la jouissance d'une partie du terrain des époux [W]';'

Considérant que la fin de non recevoir tirée du protocole sera donc rejetée';

Sur la prise de possession

Considérant que les actes d'achat des parcelles stipulent, à la rubrique «'Prise de possession'» que l'acquéreur ne pourra pas invoquer, plus de deux mois après la vente, une différence entre la surface annoncée et la surface réelle de son lot';

Mais considérant que M. et Mme [W] ne contestent pas les limites de leur lot mais demandent qu'elles soient rétablies conformément à leur acte d'achat';

Considérant que la fin de non recevoir tirée de cette clause sera donc rejetée';

Sur la prescription abrégée

Considérant qu'aux termes de l'article 2272 du code civil, celui qui acquiert «'de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans'»';

Considérant que M. et Mme [I] doivent donc démontrer qu'ils sont en possession d'un «'juste titre'» concernant la parcelle litigieuse';

Considérant que constitue un «'juste titre'» l'acte qui «'concerne exactement dans sa totalité le bien que le possesseur a entre les mains'»'; que le seul vice de ce titre réside dans le défaut du droit de l'aliénateur';

Considérant que M. et Mme [I] ne rapportent pas la preuve, sous réserve des développements au fond ci-dessous, que le seul titre dont ils disposent - leur acte d'acquisition - comprend la parcelle querellée'; qu'ils ne peuvent donc exciper utilement de cet acte';

Considérant que la fin de non recevoir tirée de la prescription sera donc rejetée';

Sur les empiètements

Considérant que M. [E] a conclu à l'existence des empiètements invoqués après avoir effectué des relevés, calculé les points ainsi retenus et reporté ceux-ci sur un logiciel'; qu'il a ensuite établi un plan périmétrique comprenant notamment les bâtiments existants et l'application du plan de lotissement'correspondant aux lots concernés ;

Considérant qu'il s'est fondé sur le plan du réseau d'eau potable qui contient les cotes périmétriques des lots concernés et sur un croquis de bornage établi par M. [Y] qui lui a permis de «'caler'» les lots des époux [W] et [I] en fonction de ses propres relevés'; qu'il précise, s'agissant du plan du réseau d'eau potable, que les cotes et le positionnement des lots riverains lui ont permis de rétablir les lots du lotissement et que la superficie indiquée lui a permis de garantir le bon rétablissement';

Considérant qu'il a expliqué sa méthode en exposant que les propriétés sont positionnées sur un flanc d'une cuvette que fait la voirie bordant des propriétés et indiqué que l'emprise de la voirie et des lots a été «'montée'» individuellement puis positionnée par rapport au croquis de M. [Y]'; qu'il a précisé qu'il n'existait pas un point fixe qui servirait de repère mais un maillage de lots, positionnés les uns par rapport aux autres, avec des formes spécifiques et que les lots des époux en font partie'; qu'il a ajouté qu'il avait «'calé'» ces lots sur le relevé de l'existant auquel il avait procédé'; qu'il a souligné que les cotations et l'échelle du document cadastral étaient insuffisamment précises';

Considérant que M. [L], expert sollicité par les appelants, est, selon un courrier du 11 mai 2011, «'interpellé'» par le calage réalisé à partir de clôtures dont la fiabilité d'implantation n'est pas connue'; qu'il conclut que «'tout est un problème de calage et de fiabilité de calage'» qui ne permet pas d'aboutir à une solution aussi tranchée que celle de l'expert';

Considérant que M. [L] ne s'est pas rendu sur les lieux et n'a effectué ses observations que sur la base de plans'; que ses conclusions ne contredisent pas formellement celles de l'expert';

Considérant que M. [E] a procédé contradictoirement, exposé sa méthode et répondu aux parties';

Considérant que, par ses explications, il justifie du bien fondé de son recours au plan du réseau d'eau potable et au croquis établi par M. [Y]'; que sa représentation sur le plan établi par lui des droits de chaque partie est ainsi justifiée'; que la critique du croquis représentant le bien des appelants est sans incidence compte tenu de l'ensemble de ses constatations';

Considérant qu'une contre expertise n'est pas justifiée au vu de ces éléments';

Considérant que ce rapport sera donc pris en compte';

Considérant qu'il en résulte l'existence des empiètements invoqués';

Considérant que, conformément à l'article 545 du code civil, M. et Mme [I] doivent procéder à leur démolition';

Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef';

Sur les vues

Considérant que l'article 678 du code civil dispose qu'« on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage'» sauf servitude à son profit'; que l'article 679 interdit d'avoir «'des vues par côté ou obliques sur le même héritage s'il n'y a six décimètres de distance »'; que l'article 680 précise que ces distances se comptent « depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture se fait, et, s'il y a balcons ou autres semblables saillies, depuis leur ligne extérieure jusqu'à la limite de séparation des deux propriétés »';

Considérant qu'il résulte d'un constat établi le 19 novembre 2007 par Maître [S], huissier de justice, que, du côté de la propriété de M. et Mme [W], les façades avant et arrière de la maison de M. et Mme [I] disposent d'un balcon et d'une terrasse'édifiés au droit du mur pignon ; que ce constat est conforté par les photographies produites par l'intimée';

Considérant que compte tenu même de l'empiètement du mur pignon, ces balcon et terrasse ne respectent pas les distances prescrites par les articles précités';

Considérant que la demande principale de Mme [W] sera donc accueillie'; que l'astreinte, nécessaire, sera fixée selon les modalités ci-dessous';

Sur les autres demandes

Considérant que ces empiètements et ces vues ont altéré la jouissance par Mme [W] de sa propriété et donc lui ont causé un préjudice de jouissance'; que les travaux pour faire cesser les empiètements seront également une cause de nuisance pour elle étant rappelé que M. et Mme [I] sont responsables de l'obligation qui leur est faite de démolir ceux-ci';

Considérant qu'une somme de 3.000 euros sera allouée à titre de dommages et intérêts';

Considérant que M. et Mme [I] devront payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Considérant que, compte tenu du sens du présent arrêt, les demandes indemnitaires des appelants seront rejetées';

Considérant que ceux-ci devront payer à Mme [R] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande relative aux vues et fixé à 500 euros les dommages et intérêts alloués à M. et Mme [W],

Statuant de nouveau de ces chefs':

Condamne M. et Mme [I] à remédier à l'ensemble des vues injustement créés sur la propriété de M. et Mme [W] ([T] et [K]) dans les deux mois suivant la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour à compter de cette date, l'astreinte courant pendant un délai de 6 mois,

Condamne in solidum M. et Mme [I] à payer à Mme [W] la somme de 3.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, en réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral,

Y ajoutant':

Condamne in solidum M. et Mme [I] à payer à Mme [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. et Mme [I] à payer à Mme [R] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum M. et Mme [I] aux dépens,

Autorise les avocats des intimées à recouvrer directement à leur encontre les dépens qu'ils ont exposés sans avoir reçu provision.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/02308
Date de la décision : 19/05/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/02308 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-19;14.02308 ?
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