COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14e chambre
ARRET N°
DÉFAUT
DU 11 MAI 2017
R.G. N° 16/05095
AFFAIRE :
La MUTUELLE FRATERNELLE D'ASSURANCES (MFA) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
C/
[V] [C]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Juin 2016 par le Président du tribunal de grande instance de NANTERRE
N° RG : 16/00765
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Hervé KEROUREDAN
Me Guillaume NICOLAS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
La MUTUELLE FRATERNELLE D'ASSURANCES (MFA) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 784 702 391
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Hervé KEROUREDAN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40
assistée de Me Ghislain DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Mademoiselle [V] [C]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume NICOLAS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 - N° du dossier 160385
assistée de Me Emeric GUILLERMOU, avocat au barreau de TOULON
Madame [L] [G]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Assignée en l'étude d'huissier - non représentée
RSI RÉGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Assignée à personne habilitée - non représentée
SOCIÉTÉ MUTUELLE INTERPROFESSIONNELLE SMI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Assignée à personne habilitée - non représentée
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 mars 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,
FAITS ET PROCÉDURE,
Le 1er août 2011, Mme [C] a été victime d'un accident de la circulation en Espagne
alors qu'elle était passagère d'un véhicule immatriculé en France conduit par sa mère, Mme [G], qui a percuté un véhicule immatriculé en Espagne, immobilisé sur la bande d'arrêt d'urgence.
L'assureur du véhicule conduit par Mme [G], la Mutuelle fraternelle d'assurances (MFA), n'a pas contesté le droit à indemnisation de Mme [C].
Des expertises médicales amiables ont été diligentées à la demande de l'assureur mais Mme [C] a refusé l'offre d'indemnisation de la MFA, contestant les conclusions du médecin expert.
C'est dans ce contexte que Mme [C] et Mme [G] ont fait assigner en référé la MFA, l'organisme de sécurité sociale RSI et la mutuelle interprofessionnelle SMI afin de voir désigner un expert judiciaire et obtenir une provision de 15 000 euros pour Mme [C].
Par une ordonnance du 20 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a :
- constaté que Mme [G] ne formait aucune demande aux côtés de Mme [C] et s'est désistée,
- ordonné une expertise médicale de Mme [C] confiée à Mme [Z], remplacé par M. [X],
- condamné la MFA à payer à Mme [C] une somme provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,
- constaté que l'ordonnance était opposable au RSI Ile de France et à la mutuelle interprofessionnelle SMI.
Le 5 juillet 2016, la MFA a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions reçues le 19 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, de dire que la demande de provision se heurte à des contestations sérieuses, que Mme [C] ne justifie pas d'un motif légitime à voir ordonner une expertise médicale, de la débouter de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La MFA fait valoir essentiellement, qu'en application de la Convention de la Haye du 4 mai 1971, la loi applicable aux modalités et à l'étendue de la réparation de Mme [C] est la loi espagnole que le juge français doit mettre en oeuvre ; qu'en application de cette loi, l'action diligentée par Mme [C] est prescrite ; qu'il n'existe dès lors aucun motif légitime à voir ordonner une mesure d'expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la demande de provision se heurte ainsi à des contestations sérieuses, ce qui justifie l'infirmation de l'ordonnance.
Par conclusions reçues le 25 novembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [C] demande, à titre principal, la confirmation de l'ordonnance et le débouté des prétentions de la MFA, à titre subsidiaire, le renvoi de l'affaire devant les juges du fond, et à titre infiniment subsidiaire, le débouté de la compagnie d'assurances de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient principalement que la Convention de la Haye n'est pas applicable au regard des dispositions de l'article 2.2, qu'en tout état de cause, la réparation de ses préjudices doit intervenir sur la base de la loi française du 5 juillet 1985 que la compagnie d'assurances MFA a mise en oeuvre dans le cadre des opérations d'expertise amiable, ce qui constitue un aveu extrajudiciaire ; qu'enfin, son action ne peut être considérée comme étant prescrite en application du droit espagnol, ayant été interrompue chaque année, de date à date, jusqu'à ce que la réclamation soit traitée.
Mme [G], l'organisme RSI et la mutuelle SMI n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2017.
MOTIFS DE L'ARRET
La cour relève que selon les termes de l'ordonnance déférée, Mme [G], néanmoins
intimée, s'est désistée en vue de mettre fin à l'instance la concernant.
Sur la loi applicable
La MFA soutient que le premier juge a procédé à une interprétation des faits déconnectée
des circonstances de l'accident, en occultant l'implication dans l'accident du véhicule espagnol, chargé de l'entretien de la voie, pour ne considérer que le seul véhicule conduit par Mme [G] et retenir l'application de la loi française du 5 juillet 1985 alors que seule la loi espagnole est applicable au regard de la Convention de la Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière.
Mme [C] lui oppose les dispositions de l'article 2.2 de la Convention de la Haye qui n'est pas applicable 'à la responsabilité du propriétaire de la voie de circulation ou de toute autre personne tenue d'assurer l'entretien de la voie ou la sécurité des usagers', dès lors que l'accident implique un véhicule ayant pour propriétaire la société d'autoroute ACESA tenue d'assurer l'entretien de la voie.
Aux termes de l'article 3 de la Convention de la Haye, la loi applicable à la responsabilité civile extra-contractuelle découlant d'un accident de la circulation est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel est survenu l'accident.
L'article 4 de la Convention déroge à ce principe si un seul véhicule est impliqué et qu'il est immatriculé dans un Etat étranger ; c'est alors la loi interne de cet Etat qui est applicable ; elle l'est également lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans l'accident si tous les véhicules sont immatriculés dans le même Etat.
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que deux véhicules sont impliqués dans l'accident dont a été victime Mme [C] et que l'article 4 n'a pas vocation à recevoir application.
Par ailleurs, et comme le souligne la MFA, la responsabilité recherchée n'est pas celle du véhicule chargé de l'entretien de l'autoroute mais celle de l'assureur du conducteur du véhicule dans lequel avait pris place la passagère, qui n'est ni le propriétaire de la voie de circulation, ni une personne tenue d'assurer l'entretien de la voie ou la sécurité des usagers, de sorte que l'exclusion prévue à l'article 2.2 ne peut être invoquée utilement par Mme [C].
Il est tout aussi inopérant pour l'intimée de se prévaloir d'un aveu extra-judiciaire de la compagnie d'assurances, au visa des articles 1347 et suivants du code civil, au motif que celle-ci a mis en oeuvre le processus d'indemnisation amiable de la victime en application de la loi du 5 juillet 1985 et présenté une offre d'indemnisation fondée sur les dispositions de ladite loi, dès lors que cet aveu ne porte pas sur un fait mais sur une point de droit, qui est celui de la détermination de la loi applicable.
C'est donc la loi espagnole, désignée par la règle énoncée à l'article 3 de la Convention de la Haye, en tant que loi de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu, qui doit s'appliquer, étant rappelé que la Convention détermine la loi applicable tant à la responsabilité civile qu'aux modalités et à l'étendue de la réparation, quel qu'en soit le fondement, pourvu qu'il soit extra-contractuel.
Sur la demande d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait
dépendre la solution d'un litige dès lors que l'éventuelle action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure sollicitée est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur.
La loi applicable au fond du litige est indifférente au regard de la faculté pour le juge des référés d'instituer une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145.
La MFA fait valoir qu'il n'existe aucun motif légitime à voir ordonner une mesure d'expertise médicale, dès lors que l'action en réparation de Mme [C] se trouve prescrite en application du droit espagnol, et plus particulièrement des articles 1968 du code civil espagnol et 7§2 du décret royal n°8/2004 (modifié par la loi n°21/2007), qui prévoient que 'le droit d'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité civile, visant à obtenir réparation des dommages matériels et corporel subis, se prescrit par un an' à compter de la date de survenance de l'accident, la jurisprudence admettant en cas de dommage corporel que ce délai ne court qu'à compter de la consolidation des séquelles physiques ou psychologiques de la victime ; qu'en l'espèce, le médecin expert mandaté par l'assureur, le docteur [D], a fixé la date de consolidation médico-légale au 10 septembre 2012.
Mme [C] conteste toute prescription de son action, indiquant qu'en droit espagnol, la prescription peut être interrompue chaque année, de date en date, jusqu'à ce que la réclamation soit traitée, la preuve de cette interruption pouvant être rapportée par tous moyens ; qu'en cas d'absence de procédure, la victime doit prouver son intention de formuler une réclamation, ce qui est avéré en l'espèce à travers les diligences accomplies dans le cadre du processus d'indemnisation amiable mis en oeuvre par l'assureur entre 2011 et 2015 ayant abouti à une offre définitive le 22 juillet 2015.
Il existe ainsi à tout le moins une discussion sur l'existence de causes d'interruption de la prescription au regard de la loi espagnole.
Ainsi le moyen tiré de la prescription ne permet pas de considérer que le procès au fond qui pourra être intenté par Mme [C], qui justifie par ailleurs avoir été blessée dans l'accident, est manifestement voué à l'échec et que le motif légitime fondant la mesure d'instruction sollicitée fait défaut.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise médicale.
Sur la demande de provision
L'article 8 de la Convention de la Haye prévoit que la loi applicable, en l'espèce la loi espagnole, détermine les modalités et l'étendue de la réparation, tout comme les règles de prescription.
Au vu de ce qui précède, l'obligation à indemnisation imputée à l'assureur se heurte à des contestations sérieuses, compte tenu du débat relatif à la prescription de l'action en réparation de Mme [C], dès lors que l'expert amiable a fixé la date de consolidation de la victime au 10 septembre 2012, observation faite que la cour ne peut statuer qu'en l'état du seul rapport d'expertise amiable établi par le docteur [D], bien que figure dans le dossier de plaidoiries de Mme [C], en pièce 34, le rapport d'expertise judiciaire établi par le docteur [X] le 18 janvier 2017, qui conclut, contrairement au docteur [D], que la consolidation de la victime n'est pas acquise à ce jour et ne peut être établie avant un an.
En effet, la cour ne peut prendre en compte ce rapport que les parties n'évoquent d'ailleurs pas dans leurs conclusions, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été régulièrement communiqué, n'étant pas mentionné dans le bordereau de communication de 32 pièces annexé aux conclusions de Mme [C].
L'ordonnance doit donc être infirmée du chef de la provision allouée à Mme [C].
Sur les autres demandes
Mme [C] sollicite le renvoi de l'affaire devant le juge du fond, dans l'hypothèse où la cour devrait constater l'existence d'une contestation sérieuse.
Il lui appartient cependant de saisir elle même la juridiction du fond pour voir statuer sur l'indemnisation de son préjudice, alors même que le rapport d'expertise judiciaire a été déposé.
Il est acquis que la partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des articles 696 et 700 du code de procédure civile, et n'a donc pas à supporter la charge des dépens, ce qui exclut par voie de conséquence toute condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'article 696 autorise néanmoins le juge à mettre la totalité ou une fraction des dépens à la charge d'une autre partie que la partie perdante, à condition de motiver sa décision.
Au cas d'espèce, et malgré l'infirmation de l'ordonnance sollicitée par la MFA, la décision sera confirmée du chef de la condamnation prononcée à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, dès lors que Mme [C], en saisissant le juge des référés, ne pouvait légitimement penser que l'assureur lui contesterait soudainement tout droit à indemnisation en s'opposant à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire et à l'octroi d'une provision, alors que depuis l'accident survenu en 2011, la MFA a mandaté un expert pour évaluer le préjudice de la victime, a versé à celle-ci des provisions et lui a présenté une offre d'indemnisation en juillet 2015, sans jamais émettre la moindre réserve sur son droit à indemnisation, laissant supposer l'existence d'un accord sur l'application de la loi française du 5 juillet 1985.
Par ailleurs, aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties seront déboutées de leurs prétentions respectives à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt par défaut et en dernier ressort,
CONSTATE que Mme [G] s'est désistée en première instance,
DIT que la loi espagnole est applicable à l'accident dont a été victime Mme [C],
CONFIRME l'ordonnance rendue le 20 juin 2016 sauf du chef de la provision allouée à Mme [C],
DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision,
DIT qu'il appartient à Mme [C] de saisir la juridiction du fond,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,