COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
SM
Code nac : 30Z
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 AVRIL 2017
R.G. N° 16/04214
AFFAIRE :
SAS EURODIF
C/
Société civile CHARTRINVEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 15/00904
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel MOREAU
Me Martine DUPUIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS EURODIF
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20167807 - Représentant : Me Antoine HINFRAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0255 substitué par Me GRABETTE
APPELANTE
****************
Société civile CHARTRINVEST
N° SIRET : 397 59 4 9 533
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1656124 - Représentant : Me Jean-pascal BUS et Me Arnaud LABOURE du LLP NORTON ROSE FULBRIGHT LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J039
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2017, Madame Sylvie MESLIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sylvie MESLIN, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
Vu l'appel déclaré le 6 juin 2016 par la société par actions simplifiée Eurodif (société Eurodif.) contre le jugement prononcé le 18 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Chartres dans l'affaire qui l'oppose à la société civile immobilière Chartrinvest (SCI Chartrinvest.) ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :
- 28 décembre 2016 par la société Eurodif, appelante,
- 12 janvier 2017 par la SCI Chartinvest, intimée,
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces présentés par les parties ;
SUR CE
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléemnts constants suivants tirés des écritures d'appel.
1. données analytiques, factuelles et procédurales, de litiges
La société en nom collectif Yvelines Investissements, aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la SCI Chartinvest, a selon acte authentique du 29 décembre 1993 consenti à la société Chartraine de Textiles Manufacturés, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Eurodif, un bail commercial portant sur plusieurs locaux situés à [Adresse 3], [Adresse 4], [Adresse 5] ainsi que [Adresse 6]. Ce bail consenti pour 9 ans moyennant diverses charges et conditions, prévoyait une clause d'indexation annuelle et automatique du loyer selon variation de l'indice du coût de la construction.
La société Eurodif ayant par acte extrajudiciaire du 22 décembre 2002, sollicité le renouvellement de ce bail, le bailleur lui a opposé un refus et a offert de verser une indemnité d'éviction. A la suite d'un long contentieux judiciaire portant sur la détermination de cette indemnité puis, sur celle du montant du loyer à retenir dans le cadre du renouvellement offert au preneur selon acte extrajudiciaire du 1er février 2006 après exercice du droit de repentir, le bail a finalement été renouvelé à compter de cette date par jugement du 31 juillet 2009 prononcé par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chartres, confirmé par arrêt de la cour d'appel de céans du 4 novembre 2010. Cette décision a notamment jugé que le loyer de renouvellement devait, conformément aux stipulations du bail commercial renouvelé le 1er février 2006 au profit de la société Eurodif devait être fixé en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction conformément aux stipulations du bail initial du 29 décembre 1993.
Faisant valoir que par l'effet de la clause d'indexation insérée au bail renouvelé le 1er février 2013, le loyer payé par elle avait alors augmenté de plus de 25 % par rapport au prix initial retenu lors du renouvellement le 1er février 2006, du bail commercial litigieux et que ce loyer s'établissait ainsi à 301 162, 13 euros, ce qui correspondait à une augmentation de 30, 56 % du loyer initial par comparaison de l'indice du 2ème trimestre 2005 et du 2ème trimestre 2012, la SCI Chartrinvest a, selon acte extrajudiciaire du 31 juillet 2013, signifié une demande de révision de loyer au visa de l'article L.145-39 du code de commerce et demandé que celui-ci soit fixé à 768 500€ hors charges et hors taxes.
La société Eurodif ayant contesté cette demande par lettres des 2 et 26 août 2013, la SCI Chartrinvest a, aux termes d'un mémoire signifié le 2 octobre 2014, fait connaître ses demandes puis, en l'absence de réponse du preneur, a assigné celui-ci le 18 novembre 2014 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chartres en révision du montant du loyer révisé. La société Eurodif a, à cette occasion, soutenu que la clause d'échelle mobile devait être réputée non écrite au regard de l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier et a soulevé l'incompétence du juge saisi au profit du tribunal lui-même, pour statuer sur cette question.
Par jugement du 19 mars 2015, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Chartres s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de la même ville pour trancher la question de la validité de la clause d'échelle mobile et a donc sursis à statuer, sur la demande de fixation du loyer révisé. La société Eurodif a subséquemment demandé au tribunal de grande instance saisi, de réputer non écrite la clause ' indexation-révision' insérée au bail du 29 décembre 1993, renouvelé le 1er février 2006, et de constater que le loyer exigible depuis le 1er février 2006, devait être fixé au montant annuel en principal de 230 662€.
Par jugement du 18 mai 2016, le tribunal de grande instance de Chartres a énoncé le dispositif suivant :
- déclare sans objet la demande de la SCI Chartinvest tendant à ce que le tribunal se déclare compétent ;
- déclare valable la clause d'échelle mobile prévue au bail du 29 décembre 1993 renouvelé avec effet le 1er février 2006 entre la SCI Chartinvest et la SAS Eurodif ;
- rejette en conséquence, les demandes de la SAS Eurodif ;
- condamne la SAS Eurodif à payer à la SCI Chartinvest la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne SAS Eurodif aux dépens ; ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
Les points essentiels de cette décision sont les suivants : - la date de renouvellement du bail résulte de la signification le 1er février 2006 à la demande du bailleur, d'un acte d'huissier par lequel ce dernier est revenu sur le refus initial de renouvellement ; - la clause d'échelle mobile litigieuse prévoit que la révision du loyer a lieu chaque année à compter de la prise de possession, en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, l'indice de base étant le dernier connu à la date anniversaire (soit celui du deuxième trimestre de l'année 1993) et l'indice de variation, celui du même trimestre de l'année précédente ou en cours et partant, celui du deuxième trimestre de l'année précédant la date de révision ou de l'année en cours ; - le bail renouvelé n'ayant pas eu pour effet d'opérer de novation entre les parties, les rapports contractuels antérieurs n'ont pas été éteints ; - si le bail renouvelé a donc pris effet le 1er février 2006, la période de révision est restée inchangée et l'indice de variation demeure celui du coût de la construction du deuxième trimestre de l'année 2005 ; - la clause d'échelle mobile du bail renouvelé ne prévoit pas la prise en compte d'une période de variation d'indice supérieure à la durée prévue entre chaque révision puisque depuis le 1er janvier 1994, cette révision s'opère automatiquement le 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction du deuxième trimestre de l'année précédente ; - la clause d'échelle mobile prévue au bail du 29 décembre 1993, renouvelé avec prise d'effet au 1er février 2006, est donc valable.
La société Eurodif a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 janvier 2017 et l'affaire a été renvoyée à l'audience tenue en formation collégiale du 6 février suivant pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré.
2. dispositifs des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
La société Eurodif demande qu'il plaise à la Cour de :
- vu les articles L.112-1 du code monétaire et financier,
- vu les articles L.145-9 et suivants du code de commerce,
- vu l'article R.145-22 du Code de commerce,
- vu les pièces versées aux débats,
- infirmer le jugement rendu le 18 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Chartres en toutes ses dispositions,
- réputer non écrite la clause « Indexation - révision » du bail du 29 décembre 1993, renouvelé le 1er février 2006,
- constater que le loyer exigible depuis le 1er février 2006 est d'un montant annuel en principal de 230 662 €,
- condamner la société Chartinvest au remboursement au profit de la société Eurodif des sommes indûment versées par cette dernière à raison de la clause d'échelle mobile litigieuse,
- dire que ces sommes seront majorées du montant de la TVA au taux en vigueur à la date du remboursement,
- condamner, en conséquence, la société Chartinvest au remboursement au profit de la société Eurodif de la somme de 496 935, 78 € HT, soit 596 322,94 € TTC correspondant au trop perçu de loyer entre le 1er février 2006 et le 31 décembre 2016,
- dire que cette somme sera à parfaire en considération des trop-versés de loyer postérieurs,
- débouter la société Chartinvest de sa demande en révision fondée sur les dispositions de l'article L.145-39 du Code de commerce,
- débouter la société Chartinvest de toutes ses demandes,
- condamner la société Chartinvest aux dépens tant de première instance que d'appel ainsi qu'au paiement au profit de la société Eurodif de la somme de 7 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Chartinvest prie de son côté la Cour de :
- vu l'article L.112-1 du Code monétaire et financier,
- vu les articles L.145-1 et suivants et plus particulièrement l'article L.145-39, les articles R.145-1 et suivants du Code de commerce et plus particulièrement l'article R.145-23 du code de commerce et les articles non codifies du décret n°X53-960 du 30 septembre 1953 ou des textes subséquents,
- vu l'article 1103 du Code civil (ancien article 1134 du Code civil),
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Chartres en date du 18 mai 2016 ayant :
- déclaré sans objet la demande de la SCI Chartrinvest tendant à ce que le tribunal se déclare compétent ;
- déclaré valable la clause d'échelle mobile prévue au bail du 29 décembre 1993 renouvelé avec effet le 1er février 2006 entre la SCI Chartrinvest et la SAS Eurodif ;
- rejeté, en conséquence, les demandes de la SAS Eurodif ;
- condamne la SAS Eurodif à payer à la SCI Chartrinvest la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamne la SAS Eurodif aux dépens ;
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement .
- débouter la société Eurodif de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la société Eurodif à payer à la société Chartinvest la somme de 7 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Eurodif aux entiers dépens.
- dire que les dépens pourront être directement recouvres par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Il est renvoyé à chacune de ces écritures pour un exposé complet de la synthèse argumentative de la position de chaque partie, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
CELA ETANT EXPOSE,
La Cour doit se prononcer sur la validité, au regard des dispositions d'ordre public de l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, de la clause d'indexation insérée au bail litigieux conclu le 29 décembre 1993 sous forme d'un acte authentique, renouvelé le 1er février 2006, portant sur des locaux commerciaux situés à [Localité 3] et subséquemment, sur le bien-fondé de la demande du preneur tendant à obtenir la restitution des loyers prétendument versés de manière indue, entre le 1er février 2006 et le 31 décembre 2016.
Sur l'illicéité prétendue de la clause d'échelle mobilie insérée au bail litigieux
Cette clause est de manière précise, rédigée comme suit : ' Le loyer afférent aux locaux ci-dessus désignés sera susceptible de varier proportionnellement à l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE./Il est précisé que la présente clause constitue une indexation conventionnelle et ne se réfère pas à la révision triennale prévue par les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953 qui est de droit et s'appliquera en tout état de cause./Le réajustement du loyer se fera en vertu de la présente clause tous les ans à compter de la prise de possession, le loyer devant varier du même pourcentage que l'indice choisi. L'indice jouera de plein droit, sans qu'il soit besoin d'une notification préalable./L'indice de base retenu comme correspondant à la fixation du loyer initial stipulé ci-dessus est le dernier indice connu à la date de prise de possession./Tous les ans à la date anniversaire du présent bail, le loyer sera déterminé et arrondi au franc le plus voisin de la règle de trois, en fonction de l'indice de base et de l'indice du même trimestre de l'année en cours./Si au cours du bail ou de l'occupation des lieux, la publication de cet indice devait cesser, il serait fait application de l'indice le plus voisin parmi ceux existant alors./Cette indexation est conforme à la législation applicable, l'objet du présent contrat étant la location des murs et l'indice choisi étant celui de la construction, donc en rapport direct.' [surligné par la Cour].
La société Eurodif observe à l'appui de sa demande d'invalidation que la société bailleresse a, en application des modalités prévues par cette clause, procédé à la première actualisation du loyer dû à la date anniversaire de la prise de possession des locaux litigieux contractuellement fixée au 1er janvier de chaque année et partant, le 1er janvier 2007 soit onze mois après le renouvellement de ce bail ayant pris effet le 1er février 2006 par comparaison des indices du coût de la construction et de l'habitation des 2èmes trimestres 2005 et 2006.
Elle souligne que : - la distorsion entre d'une part, la période de variation de l'indice (12 mois.) et d'autre part, la durée s'étant écoulée entre la prise d'effet du renouvellement et la première indexation (11 mois.) est manifeste ; - la période de variation de l'indice a en effet, été supérieure à la durée s'étant écoulée entre la date de prise d'effet du renouvellement et la première indexation ; - à supposer pour les seuls besoins du raisonnement que, conformément à la décision déférée et à la thèse de la partie adverse, la date de renouvellement soit purement et simplement éludée pour l'application de la clause dont s'agit, la situation serait pour le moins 'ubuesque' puisque le loyer à prendre en considération pour le calcul de l'indexation serait alors non pas le loyer de renouvellement, mais celui applicable au 1er janvier 2006 et par conséquent dans les circonstances de la présente espèce, le loyer du bail expiré ; - cette motivation retenue par les premiers juges est controuvée dès lors que le renouvellement d'un bail commercial ne constitue pas juridiquement le prolongement du bail existant mais emporte naissance d'un nouveau bail;
- la clause litigieuse dont la validité doit être exclusivement appréciée à l'aune de la nouvelle convention locative, est en réalité réputée non écrite, par stricte application de l'article L.112-1 du code monétaire et financier.
La SCI Chartrinvest répond que : - la clause d'indexation du bail initial, identique à celle du bail renouvelé, est une clause dite d'indexation à indice de base fixe dont la licéité a été reconnue de manière constante par la jurisprudence dès lors que cette clause prévoit la prise en compte d'une période de variation de l'indice, égale à la durée s'écoulant entre chaque révision de loyer ; - en l'espèce, il n'y a précisément pas eu d'organisation contractuelle de quelque distorsion que ce soit mais une simple distorsion fortuite corrélative à l'entrée en vigueur le 1er février 2006 du bail renouvelé, dans les termes et conditions identiques au bail initial de 1993 ; - la clause d'indexation litigieuse ne saurait contrevenir aux dispositions de l'article L.112-1 du code monétaire et financier puisqu'elle prévoit que '[...] Le réajustement du loyer se fera en vertu de la présente clause tous les ans à compter de la prise de possession, le loyer devant varier du même pourcentage que l'indice choisi' ; - la période de variation de l'indice (12 mois) est donc bien alignée sur la période de variation du loyer ; - l'intention du législateur à travers l'article L.112-1 du code monétaire et financier, est en réalité de condamner la fraude et partant, les clauses ayant pour finalité délibérée et caractérisée d'organiser une distorsion systématique, contraire à la morale des affaires ; - cette même intention ne saurait inclure dans la nullité édictée, l'hypothèse radicalement différente de la distorsion fortuite et sporadique requérant un simple ajustement lors de sa mise en oeuvre ; - en l'espèce, la SCI Chartrinvest a bien conformément aux stipulations contractuelles, maintenu une période de variation indiciaire de douze mois par comparaison des indices des 2ème trimestres 2005 et 2006 sur une période de même durée, comprise entre janvier et janvier puis, entre février et février après rectification de l'erreur matérielle commise ; - l'article L.112-1 du code monétaire et financier, prohibe certes les clauses d'indexation mettant en place pour les variations de l'indice une durée supérieure à celle de la révision mais au cas présent, la distorsion alléguée n'a été ni prévue, ni organisée par la clause du bail renouvelé mais résulte seulement de manière fortuite, de l'application matériellement inexacte de la clause d'indexation du bail renouvelé postérieurement à la décision de la cour d'appel de céans du 4 novembre 2010 puisque, en application de cet arrêt, l'indexation annuelle du loyer des locaux loués par la société Eurodif aurait dû intervenir sur une période comprise entre février et février sans que ce décalage n'entraîne de conséquences sur les indices de référence à prendre en compte ; - à suivre la thèse de la partie adverse, la simple intervention d'une fixation judiciaire à une date autre que celle prévue par l'indexation annuelle devrait entraîner la nullité pure et simple de la clause d'indexation ; - toutes les clauses d'indexation seraient ainsi susceptibles d'être annulées, dès lors que potentiellement, l'exercice du droit de repentir interviendrait à une date différente de la date d'indexation ; - la commune intention des parties a en réalité toujours été dans les circonstances de cette espèce, d'indexer annuellement le loyer conformément à la lettre de l'article L.112-1 du code de commerce et donc, sans aucune organisation contractuelle d'une quelconque distorsion depuis le 29 décembre 1993 ; - les éventuelles corrections nécessaires à l'application de cette clause d'indexation résultant d'une date de prise d'effet de bail renouvelé distincte de la date d'indexation initialement prévue, ne peuvent rejaillir sur sa validité ; - la date d'indexation correspond à celle de l'entrée en vigueur de ce bail renouvelé et partant, au 1er février ; - l'article L.112-1 du code monétaire et financier ne contient aucune prohibition expresse d'un quelconque rattrapage ou correction, déclarant uniquement non écrite, toute clause organisant délibérément une distorsion, entre la période de variation indiciaire et la durée écoulée entre les deux révisions ; - la clause litigieuse stipulée dans le bail depuis 1993 n'a au demeurant, jamais été remise en cause par la société Eurodif entre 1993 et 2013 mais seulement lors de la signification de la demande de révision de loyer au visa de l'article L.145-39 du code de commerce ; - la période de variation de l'indice a toujours été une période de révision de douze mois, de janvier à janvier puis, lorsque la société Eurodif l'a alertée sur son erreur dans l'application de la clause d'indexation à compter de la date de prise d'effet du bail renouvelé, de février à février ; - en présence d'une application fortuitement inexacte de la clause du bail, il n'y a pas lieu de déclarer celle-ci réputée non écrite pour non conformité aux exigences posées par l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier.
Selon ce dernier article, ' Est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.'
Si la référence à un indice de base fixe n'est pas en soi illicite, la variation indiciaire doit toujours être calquée sur la périodicité fixée par la clause.
Compte tenu de la distorsion effective qu'entraîne à l'évidence, l'application de la clause d'indexation insérée au bail litigieux renouvelé à compter du 1er février 2006 entre, l'intervalle de variation indiciaire (12 mois) et la durée s'écoulant pour la première révision (11 mois) et compte tenu par ailleurs, de l'effet amplificateur qu'opère mécaniquement une telle distorsion à l'occasion des indexations suivantes pendant toute la durée du bail, c'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour retient, que dans les circonstances précises de la présente espèce, le preneur conclut que la clause incriminée doit être déclarée réputée non écrite par application des dispositions légales précitées car contraire à l'ordre public de direction institué par ces dernières, peu important que les faits de l'espèce concernent la première période contractuelle d'indexation du bail renouvelé et peu important par ailleurs, la commune intention des parties puisque, ainsi que le souligne justement la société Eurodif, ces dernières ne disposent pas en la matière de la libre disponibilité de leurs droits.
L'argument tendant à obtenir un report automatique de la date anniversaire de l'indexation ne saurait davantage être retenu au regard des prescriptions de l'article R.145-22 du code de commerce alinéa 2 rappelées par le preneur, selon lesquelles ' si l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vient à disparaître, la révision ne peut être demandée et poursuivie que dans les conditions prévues à l'article L.145-38 [du code de commerce].'.
Il s'évince de tout ce qui précède que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur le bien-fondé de la demande subséquente de restitution de la surévaluation du loyer
La société Eurodif s'estime en droit d'obtenir la restitution subséquente de l'ensemble des majorations appliquées aux loyers réclamés en exécution de la clause litigieuse réputée non écrite dès la prise d'effet du bail renouvelé et par suite, le versement de 596 322, 94€ toutes taxes comprises selon décompte arrêté au 31 décembre 2016 récapitulant les augmentations annuelles de loyers, acquittées entre 2007 et 2016.
Elle souligne que les conséquences de cette demande de restitution ne sauraient être soumises au régime de la répétition de l'indu mais à celui des règles de la nullité de sorte comme l'action tendant à faire réputer la clause illicite non écrite, les restitutions résultant du retrait de cette stipulation sont imprescriptibles. Elle précise encore que : - quoi qu'il en soit, le débat concernant l'application des règles de la prescription quinquennale est en l'espèce inexistant puisque le point de départ de ce délai institué à l'article 2224 du code civil, correspondant au jour où l'action peut être engagée, il se trouve être au cas présent, fixé au 4 novembre 2010, date du prononcé de l'arrêt de la Cour de céans ayant définitivement fixé le montant du loyer de renouvellement ; - la prescription quinquennale, à supposer qu'elle soit applicable, a été valablement interrompue par la signification par la société bailleresse selon acte extrajudiciaire du 2 décembre 2014, du mémoire récapitulant ses demandes dans le cadre de la demande de révision de loyer ; - l'action en révision, initiée par la société bailleresse, implique en application des articles L.145-39 et R.145-22 du code de commerce, l'existence d'une clause d'échelle mobile valable ; - dès lors que ce n'est pas le cas, la SCI Chartrinvest doit être déboutée de sa demande à ce titre.
La société Chartrinvest se borne à répondre que la demande de restitution n'est pas fondée et que quoi qu'il en soit, les restitutions et la répétition de l'indû liées à l'exécution d'une clause réputée et déclarée non écrite ne peuvent être réclamées que dans la limite de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil.
Le mécanisme institué par l'article L.112-1 du code monétaire et financier relevant sans contestation possible d'un ordre public de direction à laquelle la volonté privée des parties ne peut déroger, le fait d'avoir payé le loyer réclamé sans protestation durant plusieurs années, ne saurait valoir renonciation à se prévaloir de l'illicéité de la clause dont s'agit.
Si le bailleur doit au demeurant nécessairement restituer les augmentations de loyer résultant de l'application de la clause litigieuse invalidée, censée n'avoir jamais existé, la demande de répétition aujourd'hui formée ne peut d'évidence s'exercer que dans la logique de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil, alignée sur celle de l'article 110-4 du code de commerce.
Selon l'article 2224 précité, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La société Eurodif apparaît donc être recevable et fondée à solliciter la restitution des surfacturations pratiquées dans les cinq années ayant précédé le 4 novembre 2010, date de sa connaissance du montant du loyer du bail renouvelé.
Au vu du décompte établi se rapportant aux augmentations de loyers pratiquées entre 2007 et le 31 décembre 2016, ne faisant l'objet d'aucune contestation du calcul mathématique retenu, il sera ainsi, fait droit à la réclamation dans les termes du dispositif ci-après.
La demande additionnelle de la société Eurodif demandant à la Cour de débouter la société Chartrinvest de sa demande de révision fondée sur les dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce ne saurait en revanche prospérer dans le cadre de cette instance, ce chef demande étant litispendant devant le juge des loyers commerciaux, seul compétent pour trancher ce point litigieux.
En ce qui concerne les dépens
La SCI Chartrinvest, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
STATUANT DE NOUVEAU ET Y AJOUTANT :
DECLARE réputée non écrite la clause 'Indexation-révision' du bail du 29 décembre 1993 renouvelé le 1er février 2006.
CONDAMNE la société civile immobilière Chartrinvest, à rembourser à la société par actions simplifiée Eurodif un montant de cinq cent quatre vingt seize mille trois cent vingt deux euros quatre vingt quatorze centimes toutes taxes comprises (596 322, 94€ .) en répétition de l'indû versé entre le 1er février 2006 et le 31 décembre 2016, à parfaire en considération des trop-versés de loyers postérieurs.
CONSTATE que la demande en révision fondée sur les dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce, est pendante devant le juge des loyers commerciaux.
CONDAMNE la société civile immobilière Chartrinvest aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société civile immobilière Chartrinvest, à verser à la société par actions simplifiée Eurodif, une indemnité de sept mille cinq cents euros (7 500€.) à titre de frais irrépétibles.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,