La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2017 | FRANCE | N°16/05336

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 30 mars 2017, 16/05336


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 34F

14e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2017

R.G. No 16/05336

AFFAIRE :

SA VIEL ET CIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
C/
SA KEPLER CHEUVREUX agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Avril 2013 par le Tribunal de Commerce de PARIS
No RG : 2012072621

Expéditions exécutoires
Expédition

s
Copies
délivrées le :
à :

Me Christophe DEBRAY

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 34F

14e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2017

R.G. No 16/05336

AFFAIRE :

SA VIEL ET CIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
C/
SA KEPLER CHEUVREUX agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Avril 2013 par le Tribunal de Commerce de PARIS
No RG : 2012072621

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Christophe DEBRAY

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2016 cassant l'arrêt rendu par la 2ème chambre 1ère section de la Cour d'Appel de Paris le 25 septembre 2014 sur l'appel d'une ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Paris le 25 avril 2013;

SA VIEL ET CIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
No SIRET : 622 035 749
9 place Vendôme
75001 PARIS
Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - No du dossier 16294
assistée de Me Christophe INGRAIN de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R170

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA KEPLER CHEUVREUX agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
112 avenue Kleber
75116 PARIS
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1656432
assistée de Me Denis CHEMLA et Me Stéphane PAGES du LLP ALLEN et OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J022

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 janvier 2017, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE,

La société Viel et Cie (la société Viel) est une société d'investissement intervenant dans le secteur de la finance.

La société Kepler Capital Markets, désormais dénommée Kepler Cheuvreux (la société KCM) est une société de courtage exerçant une activité concurrente de celle de la société Viel.

Soupçonnant des actes fautifs commis à son préjudice par la société KCM, qui aurait bénéficié indûment des conseils d'un de ses anciens salariés, M. X..., la société Viel a, le 15 octobre 2012, obtenu du président du tribunal de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice, avec pour mission de se rendre au siège social de la société KCM, de rechercher et de se faire remettre les documents permettant à la société Viel de faire valoir ses droits contre la société KCM et de conserver ces documents sous séquestre.

La décision précisait en outre que les parties " viendr[aient] devant [le juge], en référé, afin d'examiner, en présence du mandataire de justice, les pièces saisies et qu'il soit statué sur la communication des pièces sous séquestre" et que, "faute pour le requérant d'assigner en référé, à cet effet, la partie visée par la mesure, dans le délai d'un mois après exécution de ladite mesure, le mandataire de justice remettra les pièces et documents recueillis à la partie auprès de laquelle il les aura obtenus".

L'ordonnance a été exécutée le 24 octobre 2012 par Me Y... qui a placé les copies de documents appréhendés sous séquestre.

Le 29 novembre 2012, le président du tribunal a rétracté partiellement l'ordonnance du 15 octobre 2012, en limitant le champ des mesures ordonnées.

Le 22 novembre 2012, la société Viel a fait assigner la société KCM devant le président du tribunal de commerce pour obtenir la communication des documents séquestrés.

Au cours de l'audience qui s'est tenue le 25 avril 2013, le juge a interdit à l'avocat de la société Viel de prendre connaissance des documents et, par une ordonnance du 25 avril 2013, a dressé la liste des pièces dont il autorisait la communication en présence de la société KCM défenderesse.

La société Viel a relevé appel de l'ordonnance rendue le 25 avril 2013.

Par un arrêt du 25 septembre 2014, la cour d'appel de Paris a annulé l'ordonnance, dit que l'avocat de la société Viel devait être autorisé à prendre connaissance des documents séquestrés par Me Y..., huissier de justice, pour débattre équitablement de leur communication et dit que devra être fixée devant le tribunal de commerce de Paris une nouvelle audience en présence des avocats des parties à cette fin et a rejeté la demande de la société Viel tendant à voir déclarer acquis les documents dont la communication avait été ordonnée par l'ordonnance annulée.

Le 21 octobre 2014, la société KCM s'est pourvue en cassation contre cet arrêt

Par une ordonnance du 20 novembre 2014, prise en exécution de l'arrêt du 25 septembre 2014, le président du tribunal de commerce de Paris a fixé une réunion entre les seuls avocats des parties et l'huissier de justice, hors la présence des parties elles-mêmes, au cours de laquelle l'avocat de la société Viel a été autorisé à prendre connaissance des documents séquestrés.

Le 19 décembre 2014, ce magistrat a réitéré l'autorisation de communiquer à la société Viel les documents listés dans l'ordonnance du 25 avril 201 et a autorisé la communication d'une pièce supplémentaire.

Par un arrêt du 25 février 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris en toutes ses dispositions, au visa de l'article 66-5 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971.

La Cour de cassation a retenu qu'en relevant, pour annuler l'ordonnance, que la conciliation du principe du contradictoire et de la protection due au secret des affaires est assurée en réservant la consultation des documents litigieux aux seuls avocats, tenus au secret professionnel à l'égard de toute personne leur confiant une information confidentielle en raison de leur qualité, alors que le secret professionnel des avocats ne s'étend pas aux documents détenus par l'adversaire de leur client, susceptibles de relever du secret des affaires, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, la cour d'appel a violé l'article 66-5 précité.

Le 12 juillet 2016, la société Viel a saisi cette cour désignée comme cour de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 4 novembre 2016 , auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Viel demande à la cour:

- d'annuler l'ordonnance du 25 avril 2013 ;

- de dire que l'avocat de la société Viel doit être autorisé à prendre connaissance des documents séquestrés par Me Y... pour débattre équitablement et contradictoirement de leur communication à la société Viel ;

- de constater que l'avocat de la société Viel a pu prendre connaissance des éléments séquestrés lors de la réunion du 2 décembre 2014 et que les parties ont pu débattre contradictoirement de leur communication ;

- de juger en conséquence que la société Viel a pu valablement obtenir communication des éléments listés dans l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 19 décembre 2014 ;

- de débouter la société KCM de ses demandes ;

- de condamner la société KCM au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Viel soutient essentiellement:

- que les principes de la contradiction et de l'égalité des armes n'ont pas été respectés lors de l'audience du 25 avril 2013 ;

- que la seule solution permettant de concilier les intérêts des parties, à savoir le droit à la preuve et la protection du secret des affaires, dans le respect des principes fondamentaux de la contradiction et de l'égalité des armes, est d'autoriser l'avocat de la société requérante à prendre connaissance des documents séquestrés afin qu'il puisse débattre contradictoirement de leur communication ;

-que telle est ainsi la solution retenue en matière de contrefaçon et telle est aussi celle de l'évolution du droit européen telle qu'elle ressort de l'article 9 de la directive du 8 juin 2016 relative à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires ;

- que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme va également dans le même sens ;

- que l'arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2016 ne modifie pas la solution.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 12 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société KCM demande à la cour:

- de dire que ni la société Viel ni son avocat ne pouvaient bénéficier d'un accès aux pièces litigieuses placées sous séquestre, avant que la levée de ce séquestre ne soit ordonnée ;

- de confirmer l'ordonnance déférée ;

Y ajoutant:

- d'ordonner la restitution par la société Viel à la société KCM de la pièce complémentaire, ainsi que la destruction immédiate de l'ensemble des copies de cette pièce ;

- de faire défense à la société Viel de produire, rendre public ou utiliser dans le cadre de toute éventuelle instance ladite pièce complémentaire et tout élément s'y rapportant ou y faisant référence, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée ;

En tout état de cause:

- de débouter la société Viel de ses demandes ;

- de condamner la société Viel au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société KCM expose principalement:

- que l'arrêt rendu par la Cour de cassation doit se comprendre comme impliquant que l'avocat de la société Viel ne peut bénéficier d'un accès aux pièces litigieuses ;

- que cette analyse est confortée par la doctrine qui a commenté cette décision ;

- que la directive "secret des affaires" n'est pas invocable en l'espèce ;

- qu'il convient d'ordonner la restitution de la pièce complémentaire qui a été communiquée
à la société Viel par le juge de Paris après l'arrêt cassé.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Viel soutient que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 25 avril 2013 a été rendue en méconnaissance des principes de la contradiction et de l'égalité des armes reconnus par l' article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les articles 16 et 17 du code de procédure civile.

Le principe de la contradiction et celui de l'égalité des armes découlent du droit à un procès équitable consacré par l'article 6§1 de la Convention.

Le premier de ces droits implique par principe la faculté pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision ou de la discuter. Il trouve en droit interne son correspondant dans l'article 16 du code de procédure civile qui fait obligation au juge d'observer et de faire observer lui-même le principe de la contradiction.

L'article 17 du code de procédure civile apporte cette précision que, lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu'une mesure soit ordonnée à l'insu d'une partie, celle-ci dispose d'un recours approprié contre la décision qui lui fait grief.

L'exigence de l'égalité des armes implique quant à elle, selon une formule régulièrement reprise par la Cour européenne des droits de l'homme, l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

Il convient que la procédure, considérée dans son ensemble, y compris le mode d'administration des preuves, revête un caractère équitable.

A ce jour, la matière de l'administration des preuves relève pour l'essentiel des règles de droit interne.

L'article 145 a institué une procédure de recueil de preuves permettant au juge d'ordonner une mesure d'instruction légalement admissible sur requête ou en référé, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Il est acquis que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de ces dispositions, dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.

En application de l'article 493 du code de procédure civile, le requérant peut saisir le juge d'une requête dans le cas où il est fondé à ne pas appeler la partie adverse, c'est-à-dire s'il existe des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction.

Conformément à l'article 17 précité, le requis dispose alors d'un recours approprié, institué par l'article 496 aliéna 2 qui permet à tout intéressé, s'il est fait droit à la requête, d'en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.

Au cas présent, le juge de la requête a été saisi aux fins de rétractation et a modifié contradictoirement pour le limiter le périmètre de la requête par une précédente ordonnance dont cette cour n'est pas saisie.

Lorsqu' un mandataire judiciaire, désigné sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, appréhende des documents qu'il a placés sous séquestre, ainsi que le juge l'y a invité, une pratique s'est développée consistant pour le requérant à saisir le juge statuant en référé d'une demande de levée du séquestre.

C'est parfois même, comme ici, le juge de la requête lui-même qui prévoit que le requérant devra saisir le juge des référés à cette fin, en présence de l'huissier de justice commis.

La procédure de référé est certes une procédure contradictoire et elle est comme telle soumise aux exigences du procès équitable.

Pour autant, la demande de levée de séquestre ne tend à obtenir du juge qu'une mesure d'instruction complémentaire, destinée à assurer l'efficacité de la mesure ordonnée sur requête.

La demande de levée de la mesure de séquestre s'inscrit dans le prolongement de la mesure, laquelle, par hypothèse, n'a été autorisée que parce qu'elle était légalement admissible, notamment en ce qu'elle serait susceptible de porter atteinte au secret des affaires.

Le caractère contradictoire de la procédure de levée de séquestre permet au requérant de s'assurer que celle-ci est bien effectuée sous le contrôle du juge.

Elle ne saurait avoir pour objet ou pour effet d'autoriser le requérant ou son représentant à se faire remettre ou même à prendre connaissance de documents excédant le cadre de l'ordonnance sur requête et susceptibles d'affecter les droits légitimes du requis.

C'est dès lors sans méconnaître le principe de la contradiction ni celui de l'égalité des armes que le tri des documents s'est fait, au cas présent, sans que le représentant du requérant ne prenne connaissance de leur contenu, après vérification, par le juge et sous son seul arbitrage, en présence du défendeur auquel il a pu demander de présenter ses observations, que les documents litigieux entraient bien dans le périmètre de l'autorisation accordée.

Considérée dans son ensemble, la mesure probatoire et son exécution garantissent ainsi en l'espèce le droit à un procès équitable, par la possibilité offerte au requis d'engager la procédure de rétractation et de débattre contradictoirement du périmètre des mesures autorisées puis par le droit donné au requérant de s'assurer d'un contrôle effectif par le juge de la bonne exécution de la mesure qu'il a décidée à sa demande.

Une fois le périmètre de la mesure arrêté, la procédure de levée du séquestre opérée sous le contrôle du magistrat n'est qu'une modalité de l'exécution de sa décision, qui ne porte pas atteinte aux principes directeurs du procès.

Cette procédure permet de concilier les droits fondamentaux des parties, le droit à la preuve pour le requérant et le droit au secret et à la protection d'informations relevant du secret des affaires pour le défendeur.

Le secret professionnel des avocats ne s'étend pas aux documents détenus par l'adversaire de leur client, susceptibles de relever du secret des affaires, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, de sorte qu'en l'état actuel de la législation, réserver la consultation des documents litigieux aux seuls avocats ne permet pas d'atteindre comme le soutient la société Viel la conciliation des droits des parties.

Pas davantage il ne peut être tiré argument d'une pratique existante en matière de saisie-contrefaçon, non transposable en l'espèce, en l'absence de texte comparable à l'article R. 615-4 du code de la propriété intellectuelle qui permet expressément au juge de prendre des mesures pour préserver la confidentialité de certains éléments.

La société Viel se prévaut encore de ce que la directive no2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, comporte un article 9 relatif à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires, qui prévoit la possibilité de restreindre à un nombre limité de personnes l'accès à tout ou partie d'un document contenant des secrets d'affaires ou des secrets d'affaires allégués par les parties, ce nombre limité de personnes comprenant au moins, une personne physique pour chaque partie et l'avocat de chaque partie ou d'autres représentants de ces parties à la procédure judiciaire.

La directive institue ainsi un cercle de confidentialité de personnes ayant accès aux éléments de preuve et aux audiences.

La société KCM fait néanmoins justement observer que cette directive, qui doit être transposée au plus tard le 9 juin 2018, ne produit aucun effet direct et qu'en toute hypothèse, elle est dénuée de tout effet horizontal entre les parties au litige.

Il appartient au seul législateur d'assurer la transposition en la matière de la directive du 8 juin 2016, comme il l'a fait récemment en autorisant la modification le 9 mars 2017 par voie d'ordonnance de l'article L. 483-3 du code de commerce pour les actions en réparation d'un dommage causé par une pratique anticoncurrentielle.

La pratique mise en place par le juge du premier degré présente certes le risque que, sous le couvert d'un tri des documents, celui-ci ne restreigne le champ de la mesure, ce qui reviendrait à modifier ou à rétracter l'ordonnance initiale hors la procédure de rétractation.

Il n'est cependant pas besoin de rappeler que le juge qui effectue le tri, le cas échéant l'expert qu'il a pu désigner à cette fin, n'a pas le pouvoir de modifier la décision rendue sur requête.

La procédure de levée de séquestre devant le juge des référés permet aux parties d'instaurer un débat sur les critères conduisant à trier les documents, sans qu'il soit pour autant besoin d'en révéler le contenu au requérant ou à son conseil.

Par suite et en l'état du droit positif, il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance déférée qui sera confirmée en toutes ses dispositions.

La cassation de l'arrêt du 25 septembre 2014 a entraîné par voie de conséquence l'annulation pour perte de fondement juridique de l'ordonnance du 19 décembre 2014.

L'arrêt de cassation constitue le titre permettant à la société KCM d'obtenir la restitution de la pièce complémentaire remise à la société Viel.

La cour en ordonnera la destruction ainsi que celle de toutes ses copies éventuelles sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'astreinte.

Il sera enfin fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande aux fins d'annulation de l'ordonnance déférée ;

CONFIRME cette ordonnance en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT:

ORDONNE la destruction de la pièce remise à la société Viel et Cie en vertu de l'ordonnance du 19 décembre 2014 ainsi que de toutes copies qui auront pu en être faites ;

CONDAMNE la société Viel et Cie à payer à la société Kepler Cheuvreux la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la société Viel et Cie de ce chef ;

DIT que la société Viel et Cie supportera la charge des dépens et que ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05336
Date de la décision : 30/03/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès. - Documents relevant du secret des affaires appréhendé par un huissier de justice. - Tri des documents pouvant être remis au requérant par le seul juge des référés, sans que l'avocat du requérant en prenne connaissance. Après qu'un huissier de justice, désigné par requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, a appréhendé des documents relevant du secret des affaires et les a placés sous séquestre, le juge des référés, levant le séquestre, doit opérer le tri des documents entrant dans le périmètre de l'autorisation accordée et pouvant être remis au demandeur, sans que l'avocat du requérant puisse prendre connaissance de leur contenu. En effet d'une part, selon l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, le secret professionnel des avocats ne s'étend pas aux documents détenus par l'adversaire de leur client, et d'autre part la procédure de levée de séquestre ne tend à obtenir du juge qu'une mesure d'instruction complémentaire, destinée à assurer l'efficacité de la mesure ordonnée sur requête. Cette manière d'opérer concilie le droit à la preuve du demandeur et la protection du secret des affaires du défendeur, dans le respect des principes fondamentaux de la contradiction et de l'égalité des armes. Pour la contester le demandeur ne peut invoquer utilement la directive n°2016-943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur le secret des affaires qui prévoit la possibilité de limiter les personnes ayant accès aux documents et dont le délai de transposition dans le droit national est fixé au 9 juin 2018.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-03-30;16.05336 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award