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20/03/2017 | FRANCE | N°13/07377

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 mars 2017, 13/07377


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 62B


4e chambre


ARRET No


REPUTE CONTRADICTOIRE


DU 20 MARS 2017


R. G. No 14/ 04773


AFFAIRE :


Société ALLIANZ I. A. R. D.




C/
Société AVIVA ASSURANCES
...






Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 7ème
No RG : 13/ 07377


Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées

le :
à :


Me Patricia MINAULT


Me Martine DUPUIS










REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LE VINGT MARS DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dan...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 62B

4e chambre

ARRET No

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2017

R. G. No 14/ 04773

AFFAIRE :

Société ALLIANZ I. A. R. D.

C/
Société AVIVA ASSURANCES
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 7ème
No RG : 13/ 07377

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Patricia MINAULT

Me Martine DUPUIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société ALLIANZ I. A. R. D. venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE
Ayant son siège 1, Cours MicheletCS 3005192076 PARIS LA DEFENSE CEDEX
CS 30051
92076 PARIS LA DEFENSE CEDEX
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, No du dossier 20140329 vestiaire : 619
Représentant : Maître Virginie MIRÉ de la SELAS F. M. G. D & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : G 0156

APPELANTE

****************

Société AVIVA ASSURANCES
Ayant son siège 13, rue du Moulin Bailly92270 BOIS-COLOMBES
92270 BOIS-COLOMBES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, No du dossier 1453488 vestiaire : 625
Représentant : Maître Jean-Marc SAUPHAR avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : E 1195

INTIMEE

****************

Société SOL PROGRES
Ayant son siège 2, rue Louis Gousson78120 RAMBOUILLET
78120 RAMBOUILLET
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Assignée à personne habilitée

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2017, Madame Anna MANES, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,
Madame Isabelle BROGLY, Président,
Madame Anna MANES, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

***************FAITS ET PROCEDURE,

M. et Mme X..., assurés auprès de la société Gan Assurance Iard, au titre d'une police multirisques habitation, sont propriétaires d'une maison à usage d'habitation, construite en 1976 située au ...

En 1990, à la suite d'une période de sécheresse ayant donné lieu à un arrêté de catastrophe naturelle, ils ont constaté la survenance de désordres affectant leur maison, et ont déclaré le sinistre à leur assureur.

Celui-ci a confié à la société Sol Progrès, assurée auprès de la société Aviva Assurances, une mission en mars 1992. Elle a rendu son rapport au mois de juin 1992.

Au vu de ce rapport, des travaux de reprise en sous-oeuvre ont été confiés à la société Fondaco (actuellement en liquidation judiciaire), selon devis du 14 septembre 1992, pris en charge par la société Gan Assurance Iard, assureur de M. et Mme X....

Les travaux ont été réceptionnés tacitement le 10 mai 1993.

De nouveaux désordres étant apparus en 1997, M. et Mme X... ont déclaré le sinistre à la société Gan Eurocourtage, assureur responsabilité décennale de la société Fondaco, aux droits de laquelle vient la société Allianz Iard, qui a mandaté un expert sur place et a, au vu du rapport, refusé sa garantie.

Le 4 août 1998, se prévalant de l'arrêté de catastrophe naturelle du 15 juillet 1998, M. et Mme X... ont régularisé une nouvelle déclaration de sinistre auprès de leur assureur, la société Gan Assurances Iard. Leur habitation était mise en observation sur préconisation de l'expert de l'assureur.
Arguant d'une aggravation des désordres, M. et Mme X... ont saisi le président du tribunal de grande instance de Melun statuant en matière de référés qui, par ordonnance du 24 octobre 2001, a ordonné une expertise, confiée à M. Y..., remplacé par M. Z... puis par M. A....

Les opérations d'expertise ont été étendues à la société Gan Assurances, selon ordonnance du 15 mai 2002 et à la société Sol Progrès, ainsi qu'à son assureur, la société Aviva Assurances, selon ordonnance du 1er août 2005 à la suite de l'assignation délivrée par la société Gan Eurocourtage le 29 juin 2005 à l'encontre de ces sociétés.

L'expert a clos et déposé son rapport le 2 février 2009.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé, M. et Mme X... ont saisi, au fondement de l'article 1792 du code civil, le 28 juillet 2009, le président du tribunal de grande instance de Melun statuant en matière de référés qui, par ordonnance du 6 novembre 2009, a condamné in solidum les sociétés Gan Eurocourtage et Aviva Assurances à payer aux demandeurs la somme provisionnelle de 385. 167, 14 euros, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles. Le juge des référés n'a pas statué sur les appels en garantie.

La société Gan Eurocourtage a réglé, en exécution de cette ordonnance la somme de 192. 938, 57 euros, représentant 50 % des sommes mises à sa charge. La société Aviva Assurances a réglé l'autre moitié de la somme.

Sur appel de la société Aviva Assurances, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 7 septembre 2010, infirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait condamné la société Aviva Assurances in solidum avec la société Gan Eurocourtage au paiement de la provision, laquelle restait donc à la seule charge de cette dernière. Le jugement a été confirmé en ce qui concerne les appels en garantie.

La société Gan Eurocourtage a remboursé à la société Aviva Assurances la somme de 192. 938, 57 euros.

Par actes délivrés le 1er mars 2011, la société Allianz Iard, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, a fait assigner en garantie devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Sol Progrès et la société Aviva Assurances.

Par actes délivrés les 7 et 20 avril 2011, M. et Mme X... ont quant à eux fait assigner en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Melun Maître B..., liquidateur de la Société Fondaco, et la société Gan Eurocourtage.

Le dossier enregistré au tribunal de grande instance de Nanterre a fait l'objet d'une ordonnance de sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de Melun et de retrait du rôle.

Par jugement rendu le 26 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Melun a déclaré la société Fondaco entièrement responsable des désordres affectant la structure de la maison de M. et Mme X... et fixé les préjudices de ceux-ci aux sommes de 348. 809, 53 euros au titre de la réparation des désordres, 77. 960 euros en réparation du trouble de jouissance et 5 000 euros en réparation du préjudice moral outre des sommes au titre des frais irrépétibles et des dépens. La société Gan Eurocourtage était condamnée à payer aux époux X... la somme de 13. 714, 64 euros au titre de sa garantie, après déduction de la provision versée et de la franchise contractuelle, outre une indemnité pour frais irrépétibles.

La société Gan Eurocourtage a réglé la somme de 20. 714, 64 euros au profit de M. et Mme X... en règlement de ce jugement. Ce jugement est aujourd'hui irrévocable, aucun appel n'ayant été interjeté en son encontre.

La société Allianz Eurocourtage (maintenant la société Allianz Iard) venant aux droits de la société Gan Eurocourtage a déposé le 10 septembre 2013 des conclusions de rétablissement de l'affaire en garantie au rôle du tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement contradictoire du 30 avril 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

Vu l'article 771 du code de procédure civile,
- Dit n'être pas compétent pour statuer sur la régularité de l'assignation délivrée par la compagnie Allianz Enrocourtage.

Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu l'article 1792-4-3 du code civil,
- Dit la compagnie Allianz Eurocourtage irrecevable en ses demandes dirigées contre la SARL Sol progrès et la compagnie Aviva, comme prescrites.

Vu les article 515 et 695 et suivants du code de procédure civile,
- Condamné la compagnie Allianz Eurocourtage aux dépens de l'instance.
- Condamné la compagnie Allianz Eurocourtage à payer à la compagnie Aviva la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Par déclaration du 23 juin 2014, la société Allianz Iard a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Sol Progrès et de son assureur la société Aviva Assurances.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 janvier 2015, la société Allianz Iard, appelante, demande à la cour, au fondement des 2, 1382 et suivants du code civil, L. 124-3 du code des assurances et 26 de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, de :

- Lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits du Gan Eurocourtage.
- Réformer le jugement dont appel,
- Dire et juger, pour les motifs exposés dans le corps des présentes, son action non prescrite.
- Dire et juger que la responsabilité de la société Sol Progrès dans le sinistre ayant affecté le pavillon de M. et Mme X... est prépondérante et ne saurait être inférieure à 60 %.

En conséquence,
- Condamner in solidum la société Sol Progrès et son assureur Aviva à lui rembourser la somme de 280. 568, 35 € correspondant à 60 % des sommes versées en suite de l'ordonnance de référé en date du 6 novembre 2009, de l'arrêt de la cour d'appel en date du 7 septembre 2010, et au titre des frais engagés,

En tout état de cause,
- Débouter la société Aviva de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner in solidum la société Sol Progrès et son assureur Aviva à lui verser la somme de 5. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner in solidum aux entiers dépens, dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2014, la société Aviva Assurances, intimée, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 30 avril 2014 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande présentée par la société Allianz Iard.
Subsidiairement,
- Débouter celle-ci de l'intégralité de ses présentions,
- La condamner à lui payer la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions de la société Allianz Iard ont été signifiées à la société Sol Progrès par acte d'huissier de justice délivré le 5 août 2014 selon les modalités de l'article 654 du code de procédure civile, à personne habilitée à recevoir l'acte.

La déclaration d'appel et les conclusions de la société Aviva Assurances ont été signifiées à la société Sol Progrès par acte d'huissier de justice délivré le 12 novembre 2014 selon les modalités de l'article 654 du code de procédure civile, à personne habilitée à recevoir l'acte.

La société Sol Progrès n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux modalités de signification des actes de procédure.

La clôture de l'audience a été prononcée le 4 octobre 2016.

SUR CE,

A titre liminaire,

Il convient de donner acte à la société Allianz Iard de ce qu'elle vient aux droits de la société Gan Eurocourtage.

En outre, il est patent que le jugement en ce qu'il dit n'être pas compétent pour statuer sur la régularité de l'assignation délivrée par la société Allianz Eurocourtage n'est pas critiqué.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Sur la recevabilité des demandes de la société Allianz Iard

Il est incontestable que la société Allianz Iard, au fondement des articles 1382 du code civil et L 121-12 du code des assurances, exerce l'action subrogatoire qu'elle tient de son assuré, la société Fondaco, laquelle a été condamnée le 6 novembre 2009 puis le 7 septembre 2010, au fondement de l'article 1792 du code civil, sous sa garantie, à verser diverses sommes à M. et Mme X... en raison des désordres de nature décennale causés à l'ouvrage réceptionné en mai 1993.

Cette action est dirigée contre des tiers, en l'espèce la société Sol Progrès et son assureur la société Aviva Assurances, qui, selon elle, par leur fait, ont participé à la réalisation du dommage ayant donné lieu à la condamnation de son assuré et, par voie de conséquence, à sa garantie.

Il est tout aussi constant que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi délictuelle s'ils ne le sont pas.
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, par l'application combinée des articles 1382 et 2270-1 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction résultant de la loi no 85-6677 du 5 juillet 1985, l'action en responsabilité quasi délictuelle que pouvaient engager entre eux les constructeurs se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

La « manifestation du dommage » s'entendait de la mise en cause du constructeur, qui seule justifiait la mise en œuvre d'une action récursoire à l'encontre des autres intervenants à l'acte de construire et non comme le soutient la société Aviva Assurances la date d'apparition des premiers désordres.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l'action en responsabilité quasi délictuelle que les constructeurs peuvent engager entre eux ne relève pas, comme les premiers juges l'ont estimé, du régime instauré par l'article 1792-4-3 du code civil, mais de l'article 2224 du code civil. En effet, les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil concernent exclusivement les règles applicables dans le cadre d'un contrat de louage. C'est du reste au titre VIII du code civil, consacré au contrat de louage que figure cette disposition. En revanche, l'article 2224, inscrit dans le titre XX relatif à la prescription extinctive, est le texte de référence en cette matière.

L'article 2224 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les termes " à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer " remplacent ceux antérieurement énoncés à l'article 2270-1 du code civil ancien, " à compter de la manifestation du dommage ".

En l'espèce, la société Allianz Iard sollicite la condamnation in solidum de la société Sol Progrès et de son assureur la société Aviva Assurances, à lui payer la somme de 280. 568, 35 euros correspondant à 60 % des sommes qu'elle a versées à la suite de l'ordonnance de référé du 6 novembre 2009 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 septembre 2010. Son action est nécessairement exercée après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, comme le soutient la société Aviva Assurances, mais le délai de prescription de son action court à compter du 7 novembre 2009 et non à compter de 1995.

Dès lors, en exerçant, cette action par assignations délivrées le 1er mars 2011, la société Allianz Iard n'était pas forclose puisque, conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, celle-ci se prescrivait par cinq ans à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant de l'exercer, soit le 7 novembre 2009, jour de sa condamnation, pour expirer donc le 7 novembre 2014.
Son action n'étant pas prescrite, les demandes de la société Allianz Iard sont bien recevables.

Au surplus, si nous prenions l'hypothèse la plus défavorable pour la société Allianz Iard, et retenions que la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle elle vient, avait eu connaissance du dommage de nature à mobiliser sa garantie dès 2001, date du début des opérations d'expertise, par application du régime des prescriptions édicté par les dispositions des articles 1382 et 2270-1 du code civil, l'action en responsabilité quasi délictuelle qu'elle entendait exercer aurait dû l'être, conformément aux règles antérieures au régime institué par la loi de 2008, dans le délai de dix ans courant à compter de 2001. Or, il est manifeste qu'elle a fait assigner en garantie la société Sol Progrès et son assureur la société Aviva Assurances le 29 juin 2005. Cette citation en justice, adressée à ceux que l'on veut empêcher de prescrire, a assurément interrompu la prescription de son action en responsabilité quasi délictuelle.

Après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, dans la mesure où les nouveaux textes (article 2224 précité) réduisent la durée de la prescription de 10 ans à 5 ans, les nouvelles règles s'appliquant aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, elle avait jusqu'en 2015 pour assigner la société Sol Progrès et la société Aviva Assurances en garantie.

En effet, les dix années commencent à courir à compter du 19 juin 2008, sans que le délai total n'excède 10 ans. En l'espèce, trois années se sont écoulées (de 2005 à 2008), la société Allianz Iard disposait donc d'un délai de sept années pour agir qui expirait donc en 2015.

Dès lors, en assignant la société Sol Progrès et la société Aviva Assurances en garantie le 1er mars 2011, la société Allianz Iard n'était pas forclose et ses demandes étaient manifestement recevables.

Il découle de l'ensemble des développements qui précède que les demandes de la société Allianz Iard sont recevables.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de la société Sol Progrès dans le sinistre affectant le pavillon de M. et Mme X...

La société Allianz Iard fait valoir que la société Sol Progrès a contribué, par ses fautes, à la réalisation des désordres et par voie de conséquence aux préjudices subis par M. et Mme X....
S'agissant des causes des désordres, elle relève que M. A..., expert judiciaire, et M. C..., sapiteur, ont conclu que les désordres affectant la maison de M. et Mme X... avaient pour cause une insuffisance de stabilité des sols et que les fondations réalisées n'étaient pas assez profondes.

La société Allianz Iard fait valoir que les fautes de la société Sol Progrès sont mises en exergue tant par M. A..., expert judiciaire, M. C..., sapiteur, M. Z..., expert judiciaire, que par la société Sol Progrès elle-même.

C'est ainsi que :
* M. A... :
- proposait d'imputer à la société Sol Progrès 1/ 3 des responsabilités,
- soulignait que la société Sol Progrès avait pour mission de définir un mode de reprise en sous oeuvre et de confortation, elle devait également établir un document servant de base aux entreprises spécialisées pour présenter des devis et exécuter des travaux (pages 69 et 70 du rapport d'expertise judiciaire),
- constatait que les sondages proposés par la société Sol Progrès étaient insuffisants,
- mentionnait qu'elle n'avait pas précisé la profondeur à atteindre lors de la réalisation des fondations ;
* M. C... :
- indiquait dans sa note no 3 que " la prestation effectuée par la société Sol Progrès n'était pas suffisante pour permettre la définition du détail des ouvrages de renfort de fondations " (pièce 6 annexe 10. 3) et que,
- de surcroît les indications de M. C... étaient pour partie inexactes (pièce 6 annexe 6. 2) et que Botte préconisait d'atteindre le marno-calcaire de Brie, beaucoup plus profond ;
* M. Z..., expert judiciaire missionné avant M. A... :
- dans un compte rendu de visite du 26 mai 2005, écrivait que le rapport de Botte Sondages rend nul les résultats des sondages faits par la société Sol Progrès,
- insistait sur la nécessité de mettre en cause la société Sol Progrès (pièce 31) ;
* la société Sol Progrès, dans son dire du 12 septembre 2008, reconnaissait que l'étude effectuée par elle ne permettait pas aux entreprises de dimensionner les micropieux (pièce 11).

La société Allianz Iard en conclut que la faute de la société Sol Progrès est la cause principale du sinistre et que sa responsabilité ne saurait être inférieure à 60 %

La société Aviva Assurances rétorque que la mission de la société Sol Progrès était une étude géologique sans conception donc une mission G12. C'est du reste, selon elle, ce qui ressort expressément de l'article 1 du rapport de la société Sol Progrès de juin 1992 (voir annexe 65 du rapport de M. A...).
Elle relève que M. A... souligne en page 71 de son rapport que " à aucun moment, nous n'avons pu déterminer, vers mars 1992, quelle mission le cabinet Brehend & Cadario, expert du Gan, avait pu donner à la société Sol Progrès ". De même, selon la société Aviva Assurances, l'expert a noté en page 72 de son rapport que la société Fondaco a établi sa proposition technique de travaux sans émettre de réserves sur l'étude géologique de la société Sol Progrès.

Elle souligne que M. C... indique, dans sa note technique no 2, que les indications données par la société Sol Progrès n'ont pas de caractère prescriptif et que la prescription des ouvrages de fondation mis en oeuvre en 1992 émane de la société Fondaco.

En définitive, la société Aviva Assurances conclut que la société Sol Progrès a rempli correctement la mission qui lui a été confiée et aucune faute de nature à justifier sa condamnation ne peut lui être reprochée.

Conformément aux dispositions de l'article 1240 du code civil, il revient à la société Allianz Iard, exerçant l'action récursoire de son assuré, la société Fondaco, de démontrer l'existence d'une faute de nature délictuelle commise par la société Sol Progrès en lien avec le dommage litigieux.

La faute dans l'exécution de sa mission peut constituer une faute délictuelle.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société Aviva Assurances, la mission de la société Sol Progrès, acceptée par l'assureur de M. et Mme X..., soit la société Gan Assurances, en mars 1992 (pièce 30 produite par la société Allianz Iard), était une mission de conception.

C'est ainsi que la société Sol Progrès indiquait en page 2 de sa mission que " il importe pour stabiliser de façon définitive, et réparer les pavillons sinistrés de définir pour chaque construction un mode de reprise en sous-oeuvre et de confortation bien adapté et d'établir ainsi un document servant de base aux entreprises spécialisées pour présenter un devis et exécuter les travaux correspondants selon les règles ".

La société Sol Progrès ajoutait " à cet effet, nous proposons conformément à la demande, d'une part de réaliser à proximité des murs les plus fissurés 2 sondages de reconnaissance à une profondeur moyenne de 8 mètres... d'autre part, pour connaître la profondeur, la géomètrie et l'assise des fondations existantes, nous ouvrirons en 1 ou 2 points le long de ces dernières et jusqu'à leur base une petite fouille à la pelle pioche ".

Elle concluait (souligné par la cour) enfin que, à partir de ces différents résultats, " il sera remis un rapport de synthèse... précisant le mode de confortation à envisager (petits dés de béton, micropieux...) avec la profondeur de la nouvelle assise à atteindre, le taux de contrainte admissible (capacité portante) les sujétions d'exécution (ex. Présence d'eau, de blocs...), la possibilité ou non de réutiliser les fondations existantes ".

Or, force est de constater que les prescriptions de la société Sol Progrès étaient insuffisantes pour atteindre le but qui lui était assigné par cette mission, à savoir la définition de la profondeur de la nouvelle assise à atteindre et les sondages effectués par la suite par la société Botte Sondages en 2005 l'établissent sans contestation possible.

Le rapport établi par la société Sol Progrès à la suite, en juin 1992, rappelle la définition de sa mission et ses méthodes de travail qui comprend notamment " la définition du mode de stabilisation définitive du pavillon de M. et Mme X... ". La société Sol Progrès indique sous un point VI de son rapport, intitulé " mesures confortatives à adopter " que celles-ci visent à " descendre les charges de service du pavillon sur un sol de fondation n'évoluant pas par retrait des argiles ". Elle proposait à cette fin un système de " micropieux forés et injectés sous faible pression ".

Cependant, elle se bornait à conclure " A titre d'exemple, nous donnerons pour des micropieux, (diamètres 110 et 140 mm) possédant une fiche efficace et ancrée dans les marnes du Sannoisien (toit rencontré sous le niveau actuel de fondation à profondeur moyenne de-1, 40m) les résultats de portance moyens suivants : diamètre 110, Qs + 2, 7 t/ mL diamètre 140mm 3, 5t/ mL ".

Il est patent que la société Sol Progrès n'a pas correctement exécuté sa mission puisqu'elle n'a pas défini la profondeur " à atteindre " contrairement à ce qu'elle s'engageait à faire en mars 1992.

Cependant, les quelques informations qu'elle délivrait étaient inexactes puisqu'elle suggérait d'ancrer les fiches dans " les marnes du Sannoisien ", alors que la société Botte préconisait d'atteindre le marno-calcaire de Brie, beaucoup plus profond.

Il découle de ce qui précède que la société Sol Progrès a failli à sa mission, en ne l'exécutant pas correctement, puisqu'elle n'a pas fourni les indications sur la profondeur à atteindre pour permettre une reprise efficace des désordres, et a délivré de surcroît des informations inexactes.

Ces manquements sont en lien avec les désordres litigieux de sorte que c'est avec raison que la société Allianz Iard sollicite la condamnation de la société Sol Progrès, sous la garantie de son assureur la société Aviva Assurances.
Pour autant, la société Fondaco a également commis des fautes en préconisant une solution réparatoire insuffisante à partir de l'étude de Sol Progrès et inefficace au vu de ce rapport incomplet contre lequel elle n'a émis aucune réserve.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir que la participation de ces deux sociétés, Fondaco et Sol Progrès, à la réalisation des désordres est de même intensité. Leur responsabilité sera dès lors fixée respectivement à hauteur de 50 %.

Sur la garantie de la société Aviva Assurances

Pour échapper à sa garantie, la société Aviva Assurances se borne à soutenir que la police d'assurance ne couvre que " la responsabilité décennale et non la responsabilité contractuelle ".

Or, il est clair que la police la société Aviva Assurances, versée aux débats par elle-même, couvre non seulement les dommages matériels à l'ouvrage visés aux articles 1792 et 1792. 2 du code civil, mais aussi la responsabilité civile professionnelle.

Force est de constater que la société Aviva Assurances ne démontre pas que les désordres ne sont pas garantis ou sont exclus de la garantie de sorte qu'elle ne peut échapper à la garantie de son assuré, la société Sol Progrès.

Sur le quantum

La société Allianz Iard justifie avoir réglé la somme de 467. 613, 92 euros au titre des divers préjudices tant matériel qu'immatériel subis par M. et Mme X..., les frais irrépétibles, les dépens, comprenant les frais d'expertise et d'investigations, tels que retenus par les divers jugements précédents, aujourd'hui irrévocables, rendus tant par la cour d'appel de Paris, statuant en référé, le 7 septembre 2010, que par le tribunal de grande instance de Melun le 26 juillet 2012, statuant au fond.

La société Aviva Assurances ne conclut pas sur le montant ainsi réclamé par la société Allianz Iard et en tout état de cause ne conteste pas la réalité du versement par cette dernière de ces sommes à ces titres.

Compte tenu des développements qui précèdent, il y a lieu de condamner la société Sol Progrès et son assureur la société Aviva Assurances, à rembourser à la société Allianz Iard venant aux droits de la société Gan Eurocourtage la somme de 233. 806, 96 euros correspondant à 50 % des sommes qu'elle a dû versées en exécution des décisions de justice aujourd'hui irrévocables et des frais engagés.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il apparaît équitable d'allouer la somme de 4. 000 euros à la seule société Allianz Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sol Progrès et la société Aviva Assurances seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Dans les limites de l'appel,

Donne acte à la société Allianz Iard de ce qu'elle vient aux droits de la société Gan Eurocourtage.

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau,

Déclare la société Allianz Iard recevable en ses demandes dirigées contre la société Sol Progrès et la société Aviva Assurances.

Y ajoutant,

Dit que la société Sol Progrès est pour partie responsable du sinistre ayant affecté le pavillon de M. et Mme X....

Fixe la part de responsabilité respective de la société Sol Progrès et la société Fondaco à 50 %.

Dit que la société Aviva Assurances doit sa garantie à la société Sol Progrès.

Condamne in solidum la société Sol Progrès et son assureur la société Aviva Assurances, à rembourser à la société Allianz Iard, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, les sommes de :
* 233. 806, 96 euros correspondant à 50 % des sommes qu'elle a dû versées en exécution des décisions de justice aujourd'hui irrévocables et des frais engagés,
* 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne in solidum la société Sol Progrès et son assureur la société Aviva Assurances aux dépens de première instance et d'appel.

Dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 13/07377
Date de la décision : 20/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-20;13.07377 ?
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