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13/03/2017 | FRANCE | N°14/04391

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 13 mars 2017, 14/04391


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 MARS 2017



R.G. N° 14/04391



AFFAIRE :



Société AXA FRANCE IARD





C/

Société EUROMURS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7ème

N° RG : 12/09988



Expéditions exécutoires

E

xpéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Christophe DEBRAY



Me Irène FAUGERAS- CARON



Me Xavier FRERING



Me Patricia MINAULT









REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TREIZE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 MARS 2017

R.G. N° 14/04391

AFFAIRE :

Société AXA FRANCE IARD

C/

Société EUROMURS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7ème

N° RG : 12/09988

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Irène FAUGERAS- CARON

Me Xavier FRERING

Me Patricia MINAULT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société AXA FRANCE IARD 'SA'

Ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 14222 vestiaire : 627

Représentant : Maître Guillaume RODIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : C 2027

APPELANTE

****************

Société EUROMURS, venant aux droits de la société SNCG

Ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 418513

vestiaire : 068

Représentant : Maître Gilles ROUMENS de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : P 0023

Société AREAS DOMMAGES

Ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat postulant et plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : J133 N° du dossier ARE/9500

Société PROGEREP

Ayant son siège [Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20140333 vestiaire : 619

Représentant : Maître Virginie MIRÉ de la SELAS F.M.G.D & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : G 0156

Société SMA 'SA' anciennement dénommée SAGENA

N° Siret : 332 789 296 R.C.S. PARIS

Ayant son siège [Adresse 5]

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20140411 vestiaire : 619

Représentant : Maître Natalie CREISSELS, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : C 0255

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Janvier 2017, Madame Anna MANES, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Anna MANES, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

***************

FAITS ET PROCEDURE,

Par contrats en date des 12 avril et 20 juin 2005, la société SNCG, aux droits de laquelle vient la société Euromurs a, en qualité de maître d'ouvrage, confié à la société Progerep, assurée par la SMA (anciennement dénommé Sagena), une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution de pilotage de chantier et de coordination en matière de sécurité, protection, santé (SPS) pour la réalisation de 16 logements, 1 commerce et 21 places de parking à [Localité 1] (Hauts-de-Seine).

Est également intervenue à cette opération de construction, la société [V] en charge des lots gros oeuvre et terrassement, assurée par la société Areas Dommages jusqu'au 23 novembre 2006. Elle aurait par la suite contracté avec la société Axa France Iard, qui le conteste.

Alléguant des malfaçons, des retards dans l'exécution des travaux et l'abandon du chantier en janvier 2007 par les sociétés [V] et Progerep, la société Euromurs a obtenu du tribunal de grande instance de Nanterre la désignation d'un expert judiciaire en la personne de M. [A] par ordonnance de référé rendue le 5 avril 2007. L'expert a déposé son rapport le 4 mai 2012.

La société [V] a fait l'objet d'un jugement déclaratif de liquidation judiciaire le 7 avril 2008.

Selon exploits en date des 7 et 20 septembre 2012, la société Euromurs a fait assigner en indemnisation la société Progerep, la société Sagena et les sociétés Areas Dommages et Axa France Iard.

Par jugement contradictoire rendu le 6 mai 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

Vu les articles 1134, 1147 du code civil et L124-3 du code des assurances,

- Dit qu'il n'y a pas eu abandon de chantier par Progerep et [V].

- Dit que les retards de chantier sont le fait de Progerep, [V] et Euromurs.

- Condamné in solidum Progerep garanti par Sagena et Axa France Iard à payer à Euromurs la somme de 37.440 € HT au titre de son défaut de conseil lié à la perte de surface.

- Fixé la contribution à la dette à 20% pour Progerep, garanti par Sagena, et 80% pour Axa, assureur de [V].

- Fait droit aux recours réciproques selon cette proportion.

- Condamné Progerep, garanti par Sagena, à payer à Euromurs la somme de 4.947 € pour manquement à son obligation de conseil quant aux conséquences du réaménagement des étages supérieurs.

- Condamné in solidum Progerep, garanti par Sagena, et Axa France Iard à payer à Euromurs la somme de 238.592,93 € HT au titre des travaux de reprise.

- Fixé la contribution à la dette à 10% pour Progerep, garanti par Sagena, et 90% pour AXA assureur de [V],

- Fait droit aux recours réciproques selon cette proportion.

- Condamné in solidum Progerep, garanti par Sagena, et Axa France Iard à payer à Euromurs la somme de 173.162,50 € au titre du retard de chantier.

- Fixé la contribution à la dette à 4,28% pour Progerep garanti par Sagena et 95,72% pour AXA assureur de [V].

- Fait droit aux recours réciproques selon cette proportions.

- Rappelé que la garantie de Sagena s'entend avec application des franchises et plafonds mentionnés au contrat d'assurances.

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire.

- Prononcé l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

- Condamné Progerep, Sagena et AXA France in solidum à payer à Euromurs la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles.

- Condamné Progerep, Sagena et AXA France aux dépens en ce compris les dépens de référé et -

- Dit que les frais et honoraires de M. [A] sont pris en charge par part virile par chacune des parties au litige en ce compris Areas et Euromurs avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice des avocats en ayant fait la demande.

Par déclaration reçue au greffe le 10 juin 2014, la société Axa France Iard a interjeté appel de ce jugement à l'encontre des sociétés :

* Euromurs,

* Areas Dommages,

* Progerep et

* SMA anciennement dénommée Sagena.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 octobre 2014, la société Axa France Iard, appelante, demande, au fondement des articles 1147, 1315, 1964 du code civil, L 124-5 du code des assurances, à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement.

Et, statuant à nouveau,

- Juger que :

* la société [V] n'a jamais souhaité contracter avec elle en raison de son changement d'activité au 1er février 2007, et n'a ainsi jamais accepté sa proposition d'assurance qu'elle a refusée,

* en l'absence d'échange de consentements, aucun contrat d'assurance n'a été formé entre elle et la société [V].

- La mettre hors de cause.

Subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'un contrat d'assurance a valablement été souscrit :

- Juger que :

* le fait pour la société [V] de ne pas lui avoir déclaré le présent sinistre au moment de la souscription du contrat d'assurance ne constitue pas un aléa susceptible d'être couvert par ledit contrat,

* en toute hypothèse que les garanties offertes par le contrat d'assurance «Multigaranties entreprise de construction» souscrit par la société [V] n'ont pas vocation à jouer pour le présent litige.

En conséquence,

- Ordonner sa mise hors de cause.

Très subsidiairement, au fondement de l'article 1382 du code civil :

- Déclarer la société Progerep responsable des désordres.

- Fixer à 30% la quote-part de responsabilité de la SNCG Euromurs.

- Condamner in solidum la société Progerep, son assureur Sagena à la garantir de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge.

- Juger que :

* la société d'assurances Areas Dommages ayant été le dernier assureur connu de la société [V], elle doit sa garantie au titre de la garantie subséquente prévue à l'alinéa 4 de l'article L. 124-5 du code des assurances.

* toute condamnation ne pourra intervenir que dans les limites du contrat d'assurances, avec application des plafonds et franchises contractuelles opposables aux tiers.

En tout état de cause:

- Débouter tous contestants aux présentes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- Condamner in solidum tout succombant à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2016, la société Euromurs, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, de :

- La dire recevable en ses conclusions d'intimée et d'appelante incidente.

- Dire et juger que :

* le contrat souscrit pour la société [V] auprès de la société Axa France Iard était valide,

* au moment de la souscription aucun aléa n'était prévisible,

* les garanties souscrites par la société [V] auprès de la société Axa France Iard ont vocation à s'appliquer au présent litige.

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 6 mai 2014 en ce qu'il prononce des condamnations in solidum de la société Axa France Iard avec les sociétés Progerep et Sagena au paiement des sommes de :

* 238.592,93 € au titre des travaux de reprise correspondant aux sommes de :

- 171.581,93 € HT, correspondant au surcoût sur le marché de l'entreprise [V], à la suite de son abandon de chantier,

- 53.000 € HT, coût de la maîtrise d''uvre complémentaire, à la suite de l'abandon de chantier de la société Progerep,

- 7.000 €, surcoût au titre de la mission SPS,

- 7.011 € HT, surcoût au titre de la mission du Bureau de contrôle,

* 37.440 € au titre du défaut de conseil lié à la perte de surface,

* 173.162,50 € au titre du retard de chantier,

Pour le surplus,

- Infirmer le jugement dont appel et recevoir son appel incident.

- dire et juger que :

* pour le cas où la Cour estimerait que le contrat souscrit par la société [V] auprès de la société Axa France Iard n'est pas valide, les garanties de la société d'assurances Areas Dommages s'appliquent au présent litige,

* la rupture des relations commerciales par les sociétés [V] et Progerep sont abusives.

En conséquence :

- Condamner in solidum les sociétés Progerep, Sagena, Areas Dommages et Axa France Iard à lui payer les sommes de :

* 5.980 € TTC au titre du prêt de prorogation,

* 135.675,20 €, au titre des agios liés à l'arrêt de chantier,

* 35.000 €, au titre des commissions d'engagement,

* 40.257,01 € au titre du préjudice financier,

* 419.700 € HT au titre du préjudice commercial ,

* 124.800 € HT au titre de la perte de surface,

- Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation en référé expertise, soit le 27 février 2007.

- Dire que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, à compter du 27 février 2008.

- Condamner in solidum les sociétés Progerep, Sagena, Areas Assurances et Axa France Iard à lui payer une indemnité de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner in solidum les sociétés Progerep, Sagena, Areas Assurances et Axa France Iard aux dépens de référé et de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise qui ont été taxés à la somme de 28.194,03 €, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2014, la société Areas Dommages, intimée, demande à la cour de :

- Confirmer sa mise hors de cause.

- Constater que :

* aucune responsabilité décennale de [V] n'est invoquée,

* le contrat de responsabilité civile a été résilié avant toute réclamation et que seul le contrat Axa doit, le cas échéant, s'appliquer,

* au surplus qu'aucune garantie de responsabilité civile n'est mobilisable.

Subsidiairement,

- Débouter la société Euromurs ou toute autre partie de ses prétentions dirigées contre elle comme non garanties.

Plus subsidiairement,

- Constater que la responsabilité de [V] dans les préjudices allégués n'est pas établie.

Encore plus subsidiairement,

- Limiter toute condamnation au titre des dommages immatériels à la somme de 80.000 euros (plafond de garantie opposable aux tiers) et déduire la franchise (opposable aux tiers) de 10% (minimum 900 euros) de toute condamnation.

- Condamner Euromurs ou toute autre partie à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Euromurs ou toute autre partie aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Causidicor en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 octobre 2014, la société Progerep, intimée au principal et appelante incidemment, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a dit et jugé que les contrats de maîtrise d''uvre d'exécution et coordination en matière de sécurité se sont éteints par arrivée du terme convenu en date de septembre et octobre 2006, et qu'il n'y a eu abandon de chantier par la société Progerep.

Puis,

- Réformant la décision du 06 mai 2014,

- Juger que :

* elle ne peut se voir reprocher une information incomplète du maître d'ouvrage relative à des plans modificatifs qui lui ont été adressés à une date postérieure à celle à laquelle le tribunal a dit les contrats de maîtrise d''uvre et de coordination éteints,

* à défaut de faute prouvée dans l'exécution de ses missions, elle a rempli son obligation de surveillance et ne peut voir sa responsabilité engagée au titre des travaux de reprise, achèvement et temps d'exécution, dont, en toutes hypothèses, il convient de retrancher le coût du nouveau contrat de maîtrise d''uvre, du nouveau contrat de SPS et de la mission de contrôle,

* à défaut de réception avant le terme de son contrat et de la constatation effective à cette date d'éventuelles malfaçons, elle ne pouvait se voir imputer, au seul motif de n'avoir émis aucune objection sur lesdites malfaçons dont il n'est pas démontré qu'elles étaient antérieures à la fin de sa mission, une responsabilité dans le retard du chantier et la condamner à contribuer à la dette à hauteur de 4,28 %,

- Dire enfin que la société Progerep a bien informé le maître d'ouvrage sur le défaut d'alignement consécutif à l'erreur de l'architecte de conception, comme sur les conséquences en termes de perte de surface,

- Juger en conséquence qu'elle s'est acquittée ainsi parfaitement de sa mission.

Toutes hypothèses :

- Condamner tout succombant à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 24 octobre 2014, la société SMA anciennement dénommée Sagena, intimée au principal et appelante incidemment, demande, au fondement des articles 1134, 1182 du code civil, à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement rendu le 6 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il prononce la condamnation in solidum de la société Progerep garantie par elle et la société Axa France Iard à verser les sommes de 37.440 € HT en réparation de la perte de surface, de 238.592,93 € HT au titre des travaux de reprise et de 173.162,50 € au titre du préjudice de commercialisation.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclare qu'il n'y a pas eu abandon de chantier de la société Progerep, ni rupture des contrats aux torts de la société Progerep et en ce qu'il déclare la société Euromurs responsable des retards de chantier.

- Dire et juger que :

* la rupture des relations contractuelles est imputable à la société Euromurs,

* la société Euromurs ne rapporte pas la preuve des fautes commises par la société Progerep dans l'exécution de ses contrats, ni du lien de causalité entre ses fautes et les dommages allégués,

* la société Progerep n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

En conséquence,

- Débouter la société Euromurs de l'ensemble de ses demandes.

- Prononcer la mise hors de cause de la Sagena.

Subsidiairement :

- Rejeter toute condamnation in solidum d'elle-même, en sa qualité d'assureur de la société Progerep, sur les postes de réclamation relevant de la responsabilité de la société [V] relatifs aux surcoûts des prestations et des travaux d'achèvement, reprises des malfaçons, retards de chantier, préjudices financiers et de commercialisation, perte de surface et autres frais et dépens.

- Prononcer sa mise hors de cause au titre des malfaçons, retards et préjudices résultant de la seule défaillance de la société [V] et du maître de l'ouvrage.

- Ramener à de justes proportions les réclamations de la société Euromurs relatives aux surcoûts liés à la poursuite et à l'achèvement du chantier par les nouveaux constructeurs.

- Dire et juger que :

* en toute hypothèse, sa condamnation ne pourra excéder les sommes retenues in fine à la charge de la société Progerep et les partages de responsabilités prononcés par le tribunal dans son jugement,

* les montants des condamnations ne pourront s'entendre que hors taxe, la société Euromurs étant assujettie à la TVA.

- Débouter, en conséquence, la société Euromurs de ses demandes au titre du préjudice financier, du préjudice de commercialisation, du préjudice allégué à raison de la perte de surface.

Plus subsidiairement,

- Prononcer la condamnation in solidum de la société d'assurances Areas Dommages et de la société Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, en principal, intérêts et frais.

- La déclarer bien fondée à opposer les clauses et limites de garantie de la police d'assurance souscrite par la société Progerep qui prévoit notamment :

* un plafond de garantie de 610.000 € pour les dommages matériels,

* un plafond de garantie de 305.000 € pour les dommages immatériels,

* et une franchise contractuelle de 10 % du montant du sinistre avec un minimum de 675 € et un maximum de 6 750 € par sinistre.

- Condamner la société Euromurs et/ ou toute partie succombante au paiement de la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 juin 2016.

'''''

SUR CE,

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes qui tendent simplement à voir 'dire et juger' ou 'constater' ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux de sorte que la cour ne saurait statuer sur celles-ci dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la portée de l'appel

A titre principal, la société Axa France Iard, appelante, fait grief au jugement de retenir qu'elle doit sa garantie à la société [V] alors que la proposition qu'elle a présentée à cette dernière n'a pas été acceptée de sorte qu'aucun contrat n'a été conclu entre elles.

La société d'assurances Areas Dommages sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu'il retient que sa garantie n'est pas mobilisable.

La société Euromurs demande la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la condamnation in solidum de la société Axa France Iard avec la société Progerep et la société SMA, anciennement dénommée Sagena, à lui payer des sommes au titre des travaux de reprise, du défaut de conseil lié à la perte de surface et du retard de chantier.

En revanche, elle demande l'infirmation du jugement qui retient que les sociétés [V] et Progerep n'ont pas rompu de manière abusive leurs relations commerciales et, statuant à nouveau, elle sollicite, par voie de conséquence, la condamnation des sociétés Progerep, SMA, Axa France Iard, et éventuellement, Areas Dommages, à lui payer des sommes supplémentaires au titre du prêt de prorogation, des agios liés à l'arrêt de chantier, des commissions d'engagement, du préjudice financier, du préjudice commercial, de la perte de surface.

La société Progerep, après avoir sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il retient qu'elle n'a pas abandonné le chantier, se borne à l'appui de sa demande de réformation du jugement, de solliciter que cette cour 'dise et juge' sans en tirer la moindre conséquence juridique.

La cour en déduit n'être saisie d'aucune demande précise de réformation de la part de cette société et, qu'en définitive, la société Progerep sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

La société SMA demande, à titre principal, l'infirmation du jugement en ce qu'il la condamne in solidum avec les sociétés Axa France Iard et Progerep à verser diverses sommes en réparation de la perte de surface (37.440 euros), des travaux de reprise (238.592,93 euros) et du préjudice de commercialisation (173.162,50 euros) et, par voie de conséquence, le rejet de l'ensemble des demandes de la société Euromurs.

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il déclare l'inexistence d'un abandon de chantier, l'absence de rupture abusive par la société Progerep des relations commerciales et en ce qu'il déclare la société Euromurs responsable des retards.

Elle sollicite en outre de débouter la société Euromurs de l'ensemble de ses demandes.

Elle demande en conséquence sa mise hors de cause.

Force est donc de constater que nul ne critique le jugement qui rejette la demande de la société Progerep en paiement de la somme de 15.981,37 euros au titre de ses honoraires complémentaires.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur l'appel principal de la société Axa France Iard

La société Axa France Iard rappelle que nul ne conteste qu'à la date de commencement des travaux jusqu'à leur arrêt, la société [V] était assurée auprès de la société d'assurances Areas Dommages dont la police a été résiliée le 23 octobre 2006 à effet du 23 novembre 2006.

Elle dénie cependant avoir pris la suite et être l'assureur de la société [V] à compter du 1er janvier 2007.

Il convient de rappeler que les tiers, notamment la victime exerçant l'action directe contre l'assureur, doivent établir l'existence du contrat d'assurance dont ils se prévalent, mais ils peuvent, contrairement aux parties au contrat, rapporter cette preuve par tous moyens. À l'égard des tiers, la police d'assurance constitue, en effet, un simple fait juridique dont la preuve est libre. Elle peut, en particulier, être rapportée par présomptions, lesquelles peuvent être déduites, notamment, de l'attitude de l'assureur.

Pour démontrer l'existence du contrat d'assurance, la société Euromurs se borne à indiquer que la société Axa France Iard a assisté aux opérations d'expertise judiciaire sans émettre la moindre difficulté sur l'application de la police d'assurance souscrite par la société [V].

Pour s'opposer à cette demande, la société Axa France Iard verse aux débats :

* une proposition d'assurance 'multirisques entreprise de construction' n° 3622753304 à effet au 1er janvier 2007, signé par l'assureur le 2 octobre 2007 ; cette proposition n'est pas revêtue de la signature du souscripteur ;

* une lettre émanant de la société [V] en date du 7 décembre 2007, signée par la gérante de cette société, aux termes de laquelle celle-ci précise que depuis le 3 janvier 2007, la société [V] a changé d'activité et exerce exclusivement celle de loueur de camions et engins avec chauffeurs ;

* sont annexés à cette lettre un extrait Kbis de la société au 3 janvier 2007, un certificat d'identification au répertoire national des entreprises et de leurs établissements INSEE au 2 janvier 2007 qui confirment la teneur de la lettre ;

* une lettre émanant du courtier d'assurance construction à la société Axa France Iard en date du 4 janvier 2008 qui indique, en particulier, retourner 'les deux exemplaires du contrat refusé par le client en raison de son nouveau Kbis dont la date de l'événement est le 27 novembre 2006'.

Il apparaît de ces documents que l'échange de consentement entre la société [V] et la société Axa France Iard portant sur la souscription d'une police d'assurance garantissant les risques liés à l'activité de 'gros oeuvre et terrassement', opérations de construction, n'a pu avoir lieu entre les parties, dès lors qu'il est démontré qu'au jour de la proposition d'assurance, la société [V] avait décidé de se reconvertir dans une activité de service de location d'engins et de camions de chantier, activité non couverte par la police litigieuse. Ces circonstances accréditent manifestement la thèse de la société Axa France Iard. Il est en effet hautement improbable qu'une société désireuse de se reconvertir, de cesser une activité de construction au profit d'une activité de service de location d'engins, ait pu accepter le contrat litigieux qui ne présentait plus aucune utilité pour elle, ce qu'elle ne pouvait ignorer à l'époque de la proposition d'assurance.

Il résulte de ce qui précède que la société Euromurs ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat d'assurance 'multirisques entreprise de construction' souscrit entre la société Axa France Iard et la société [V] en vigueur au 1er janvier 2007.

La société Axa France Iard sera mise hors de cause et le jugement infirmé en ce qu'il la condamne à payer des sommes d'argent à la société Euromurs et à garantir tant la société Progerep, la société [V] que la société SMA, anciennement dénommée Sagena, en raison des préjudices subis par la société Euromurs au titre de la perte de surface, des travaux de reprise, du retard de chantier, des frais irrépétibles. Les dispositions du jugement qui la condamnent aux dépens seront également infirmées.

L'équité ne commande pas de lui allouer des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la mobilisation de la garantie de la société d'assurances Areas Dommages

Conformément aux dispositions de l'article L 124-5, alinéa 3, du code des assurances, la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.

La police responsabilité civile de la société d'assurances Areas Dommages reprend cette disposition légale en son article 39 qui énonce que la garantie est déclenchée par la réclamation dans les conditions prévues à l'article L 124-5 du code des assurances et que : « La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration des garanties' ».

Il n'est pas contesté que la société [V] avait souscrit auprès de la société d'assurances Areas Dommages une police d'assurance couvrant sa responsabilité décennale et sa responsabilité civile entreprise.

Il est patent que la garantie offerte par le volet 'responsabilité décennale' n'est pas mobilisable dans la mesure où le sinistre ne relève pas des dispositions de l'article 1792 du code civil en l'absence, en particulier, de réception de l'ouvrage de construction.

S'agissant de la police 'responsabilité civile entreprise', elle a pris effet au 2 février 2006 pour une durée d'une année avec préavis de deux mois et qu'elle a été résiliée le 23 octobre 2006 à effet du 23 novembre 2006.

Il est incontestable que le fait dommageable trouve son origine dans les opérations de construction réalisées par la société [V] sur le chantier litigieux au cours de l'année 2006, en tous cas antérieurement à novembre 2006.

Il est dès lors établi que le fait dommageable est survenu entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, de sorte qu'il faut retenir que la société [V] était assurée auprès de la société d'assurances Areas Dommages durant cette période.

La société d'assurances Areas Dommages fait valoir, subsidiairement, qu'elle ne doit pas sa garantie. Selon elle, il n'existe aucun dommage garanti car le préjudice immatériel allégué résulte de péripéties de chantier, de suivi, de gestion du projet qui n'ont rien d'accidentel.

Elle ajoute que les retards, décalages de plannings, rupture de contrat d'entreprise n'entraînent pas de dommages matériels et ne constituent pas davantage des événements soudains et imprévus permettant de mobiliser la garantie de l'assureur de responsabilité civile (cf. Définition des 'dommages immatériels non consécutifs' en page 5 de la police). Ces événements sont logiquement, selon elle, assumés au titre de son risque d'entreprise, par le promoteur du projet.

S'agissant de l'exclusion précise de garantie relative aux 'dommages immatériels non consécutifs', ce point sera examiné ultérieurement à l'occasion de l'analyse du dommage résultant du retard dans l'exécution du marché de la société [V].

En revanche, c'est en vain que la société d'assurances Areas Dommages fait valoir que le sinistre n'a rien d'accidentel puisque contrairement à ce qu'elle affirme les dommages allégués ne concernent pas seulement des préjudices immatériels au titre du retard de chantier, mais aussi des dommages matériels résultant de malfaçons reprochées à la société [V] ayant entraîné des préjudices matériels (coût des reprises) et immatériels consécutifs (préjudice de commercialisation en particulier) de sorte que la société d'assurances Areas Dommages ne peut sérieusement prétendre pouvoir échapper à sa garantie.

En effet, la police d'assurances Areas Dommages stipule expressément, sous une clause 31 RC après livraison, sous le titre 'extensions de garantie pour certaines entreprises' en particulier, que 'moyennant stipulation expresse aux conditions particulières le contrat garantit...la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels (consécutifs ou non consécutifs) causés aux tiers par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré et survenus après l'achèvement'. Le contrat définit le 'tiers' comme 'toute personne autre que l'assuré'.

La société d'assurances Areas Dommages ne discute pas la notion de 'après achèvement'. Par ailleurs, le contrat ne définit pas cette notion. Il est dès lors raisonnable d'interpréter cette clause comme signifiant que la police couvre la responsabilité civile en raison des dommages causés aux tiers par les travaux exécutés par l'assuré et survenus après la fin de l'intervention de l'assuré sur le chantier, donc après qu'il a quitté le chantier.

La police précise expressément, sous un article 28, que 'les extensions de garantie définies aux paragraphes 29 à 31 ne sont accordées que moyennant stipulation expresse aux conditions particulières et sont consenties sans autre dérogation aux clauses et conditions du contrat'.

Il résulte de ce qui précède que la police souscrite par la société [V] auprès de la société d'assurances Areas Dommages la garantit en principe au titre de sa responsabilité civile du chef d'entreprise en raison des dommages corporels, matériels et immatériels qu'elle cause aux tiers, entendu ici comme le client, par les ouvrages ou travaux exécutés par elle. Seules les exclusions strictement prévues sous les articles 29 à 31 sont opposables à l'assuré.

Sur l'abandon de chantier par la société Progerep

Après avoir rappelé que la société Progerep, maître d'oeuvre, avait conclu avec la société Euromurs, venant aux droits de SNCG, deux contrats, les 12 avril et 20 juin 2005, aux termes desquels elle était chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution et de coordination en matière de sécurité, les premiers juges relevaient que :

* conformément aux clauses contractuelles, la société Progerep était tenue de conduire ses missions dans un délai de 15 mois à compter du terrassement et que, par suite, les deux missions à elle confiées s'éteignaient en septembre 2006 et octobre 2006,

* le contrat était taisant sur le maintien des liens contractuels en cas de dépassement de la durée d'exécution des travaux.

Ils constataient que :

* les délais n'ont pas été respectés, en particulier parce que, dès l'origine, un retard a été pris en l'absence d'autorisation pour la société [V] de monter sa grue, cette situation étant entièrement imputable à cette entreprise, non au maître d'oeuvre d'exécution ;

* interrogée par la société Progerep sur le maintien des relations contractuelles à l'issue de cette période, par lettres des 25 septembre et 20 décembre 2006, le maître d'ouvrage est resté taisant.

Ils en concluaient que les contrats s'étaient éteints une fois les termes acquis soit aux mois de septembre et octobre 2006 de sorte que le grief d'abandon de chantier n'était pas fondé.

Pour justifier l'abandon de chantier de la part de la société Progerep, la société Euromurs fait valoir que :

* contrairement à ce que relate l'expert judiciaire, le retard de 12 mois cumulés constatés n'était pas, même partiellement, imputable au maître d'ouvrage,

* l'expert judiciaire n'a pas répondu à son dire n° 14 aux termes duquel elle relatait de manière détaillée la responsabilité de la société [V] dans les retards constatés par l'expert, et démontrait ainsi qu'ils ne pouvaient être imputés aux modifications apportées par le maître d'ouvrage aux niveaux 5 et 6, puisqu'à cette date, soit au 28 novembre 2006, l'entreprise de gros oeuvre n'avait exécuté que le plancher haut du 4ème étage,

* la société Progerep a été réglée de l'intégralité de ses prestations et honoraires, que malgré cela, elle a abandonné le chantier sans organiser les contacts nécessaires avec les concessionnaires de sorte que les raccordements des réseaux sur les installations publiques ont été retardés, que les situations de la société [V] n'ont pas été vérifiées,

* la société Progerep a exigé sans raison le paiement d'honoraires complémentaires au regard de l'allongement de la durée du chantier par rapport à la durée estimative prévue dans le contrat ; en effet, ayant été intégralement rémunérée pour les prestations accomplies et le retard lui étant en grande partie imputable, elle devait poursuivre sa mission sans rien exiger de plus ; il s'en déduit, nécessairement, qu'elle a abandonné le chantier le 24 janvier 2007 sans motifs légitimes,

* la mise en demeure adressée le 14 février 2007 par le maître d'oeuvre au maître d'ouvrage était en outre, par voie de conséquence, totalement injustifiée.

Il s'en déduit, selon la société Euromurs, qu'en quittant le chantier le 24 janvier 2007, soit bien avant la fin des travaux de gros oeuvre, le maître d'oeuvre a rompu unilatéralement et sans motif légitime leurs relations commerciales de sorte qu'une telle rupture est nécessairement abusive.

Force est de constater que la société Euromurs ne critique nullement le jugement en ce qu'il retient que la commune intention des parties était de cesser leurs relations contractuelles postérieurement au mois d'octobre 2016, mais se borne à développer des moyens relatifs aux manquements contractuels de la société Progerep au cours de la période d'exécution du contrat. Les relations contractuelles ayant cessé à compter du 1er novembre 2006, c'est en vain qu'elle reproche à la société Progerep d'avoir abandonné le chantier le 24 janvier 2007 sans motifs légitimes.

En réalité, les moyens développés par la société Euromurs ne sont susceptibles que de lui permettre d'obtenir des dommages et intérêts pour inexécution ou mauvaise exécution du contrat, mais sont inopérants en l'espèce.

Il découle de ce qui précède que la demande de la société Euromurs tendant à voir condamner la société Progerep en raison du caractère abusif de la rupture des relations contractuelles, qui n'est pas fondée, ne saurait être accueillie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'abandon de chantier par la société [V]

La société Euromurs critique encore le jugement qui retient que la société [V] n'a pas abandonné le chantier et ne peut se voir reprocher une rupture abusive de leurs relations contractuelles alors qu'elle démontre que la société [V] a invoqué le faux prétexte du non-paiement de ses situations n° 10 et 11 pour rompre abusivement le contrat puisqu'il est établi, de manière incontestable, qu'au moment de ces demandes en paiement elle avait déjà été trop payée.

Toutefois, la société Euromurs ne justifie pas qu'au moment où la société [V] a cessé de travailler sur le chantier elle avait déjà été trop payée. Il est en effet établi qu'un solde restait dû à l'entreprise au moment de son départ et que, contrairement à ce que le maître d'ouvrage soutient, la somme de 171.581,93 euros hors taxes ne représente pas seulement le 'coût des travaux restant à réaliser sur le lot déduction faite du solde restant dû à l'entreprise', mais inclut également le coût de la reprise des malfaçons et les frais afférents. La cour ne peut que constater que la société Euromurs ne démontre pas le bien-fondé de ses prétentions sur ce point.

En revanche, il est prouvé que lorsque la société [V] a quitté le chantier en janvier 2007, la définition de la toiture, de sa charpente, de ses appuis et les détails de l'étancheur n'était pas connus d'elle parce que les documents utiles n'avaient pas été réalisés ou diffusés par le maître d'oeuvre de conception, non attrait en la cause en l'espèce. Cette absence de documents empêchait tous travaux structurels complémentaires comme la terminaison des voiles pignons et centraux. Les photos jointes au rapport en annexe sont explicites sur ce point.

Il ne peut dès lors être sérieusement soutenu que la société [V] ne justifiait d'aucun motif légitime pour ne pas poursuivre ses relations contractuelles et, par voie de conséquence, la société Euromurs n'établit pas que cette rupture est abusive.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les demandes de la société Euromurs découlant de l'abandon de chantier par la société Progerep et la société [V]

La société Euromurs n'ayant pas établi que la société Progerep et la société [V] avaient rompu de manière abusive les relations contractuelles les liant au maître d'ouvrage, les préjudices subséquents allégués par la société Euromurs ne sauraient en tout état de cause être indemnisés.

Il convient au surplus de rappeler que c'est justement et par d'exacts motifs, que les premiers juges ont rejeté les demandes de la société Euromurs au titre du prêt de prorogation, des agios liés à l'arrêt de chantier, des commissions d'engagement, du préjudice financier.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les fautes contractuelles des sociétés Progerep et [V] dans l'exécution de leurs missions, les préjudices en résultant et la garantie de leurs assureurs respectifs

La société SMA fait grief au jugement de condamner son assuré, la société Progerep, sous sa garantie, et la société Axa France Iard, in solidum à payer à la société Euromurs les sommes de 37.440 euros hors taxes en réparation de la perte de surface, 238.592,93 euros hors taxes au titre des travaux de reprise, 173.162,50 euros au titre du préjudice de commercialisation, alors que la société Euromurs ne rapporte pas la preuve des fautes commises par la société Progerep dans l'exécution de ses contrats ni du lien de causalité entre celles-ci et les dommages allégués. Elle soutient que la société Progerep n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

La société d'assurances Areas Dommages fait valoir quant à elle que le préjudice lié à la perte de surface est exclu de la garantie. En tout état de cause, elle affirme que la responsabilité de la société [V] ne peut pas être efficacement recherchée.

* La perte de surface

La société SMA et la société Progerep font grief au jugement de retenir un comportement fautif, à savoir un défaut de conseil, de la part du maître d'oeuvre d'exécution à l'origine de la perte de surface alors que le préjudice en résultant est imputable à l'architecte de conception qui a confondu nu 'hors tout' et nu extérieur des voiles béton. Elles ajoutent que la société Progerep, en sa qualité de maître d'oeuvre d'exécution, ne pouvait pas modifier l'ouvrage existant, appartenant à un tiers, que le maître d'ouvrage était parfaitement informé de la situation et a accepté les mesures prescrites.

La société d'assurances Areas Dommages soutient à titre principal que même si 'la responsabilité civile après livraison, achèvement ou interruption de chantier exclusion a été partiellement rachetée aux termes de l'article 31 RC après livraison du contrat (page 11)', sa garantie est spécialement exclue en l'espèce.

La société Euromurs demande la condamnation de la société Progerep et des assureurs à lui verser l'intégralité du préjudice subi au titre de la perte de surface soit la somme de 124.800 euros.

Force est de constater, compte tenu des éléments produits, que, si effectivement le principal responsable de cette situation est le maître d'oeuvre de conception, non attrait à la cause, il n'en demeure pas moins qu'il ressort des travaux de l'expert judiciaire, sans que les dires de la société SMA ou de la société Progerep ne remettent efficacement en cause ses conclusions, que la perte de surface trouve également son origine dans deux problèmes d'exécution :

* en premier lieu, le bâtiment a été construit avec un retrait de 5 cm entre les mitoyens et la superstructure du projet sans nécessité, le revêtement en pierre ne commençant qu'au-dessous des héberges,

* en second lieu, le bâtiment a été réalisé côté école en contournant l'avancée du toit en 'tôle' du préau qui empiétait sur le terrain de la société Euromurs.

Or, il résulte des éléments d'expertise judiciaire qu'il était parfaitement possible et nécessaire pour respecter les plans d'architecte et du permis de construire de faire procéder à la découpe du débord du toit.

Certes, le maître d'oeuvre d'exécution ne pouvait pas modifier brutalement les existants sans l'accord du tiers, propriétaire du bâtiment qui empiètait sur le terrain de la société Euromurs, ni de se substituer au maître d'oeuvre de conception, mais il aurait dû conseiller son client en conséquence. Ainsi, il ne résulte nullement des éléments produits tant par les sociétés Progerep, SMA que par Areas Dommages que le maître d'ouvrage se soit vu proposer une solution alternative en particulier il ne lui a pas été conseillé de se rapprocher du propriétaire du bâtiment qui empiétait sur son terrain pour qu'il accepte, notamment, la découpe de l'avancée en tôle du préau.

De plus, les sociétés Progerep, Areas Dommages et la société SMA n'expliquent pas les raisons pour lesquelles le bâtiment a été construit avec un retrait de 5 cm.

Le manquement à son devoir de conseil est donc établi à l'égard de la société Progerep.

La société [V], chargée du lot gros oeuvre et terrassement, doit également conseiller son client. Il ne démontre pas avoir conseillé utilement son client. Il peut également lui être reproché de ne pas avoir respecté les plans en construisant avec un retrait de 5 cm entre les mitoyens et la superstructure du projet sans nécessité.

Les sociétés Progerep et la société [V] se voient donc reprocher des fautes qui ont contribué à la réalisation du préjudice lié à la perte de surface subi par la société Euromurs. Tenant compte de la nature et de l'importance des fautes du maître d'oeuvre de conception, du maître d'oeuvre d'exécution et de la société [V], les premiers juges ont exactement évalué le préjudice résultant pour le maître d'ouvrage de cette perte de surface à la somme de 124.800 euros. Ils ont également exactement retenu partiellement la responsabilité de la société Progerep et de la société [V], soit, respectivement, à hauteur de 20% et 10%.

Cependant, c'est à tort que le jugement limite leur condamnation au montant de 37.440 euros, soit 30  % du préjudice de la victime, dès lors que les fautes respectives du maître d'oeuvre d'exécution, de l'entreprise de gros oeuvre et du maître d'oeuvre de conception ont contribué ensemble à la réalisation du même préjudice, à savoir celui lié à la perte de surface.

Il découle de ce qui précède que les demandes des sociétés SMA et Areas Dommages, tendant à obtenir le rejet de la demande de la société Euromurs au titre du préjudice résultant de la perte de surface, qui ne sont pas fondées, ne seront pas accueillies.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il évalue ce préjudice à la somme de 124.800 euros, en ce qu'il retient que les sociétés Progerep et [V] ont participé à hauteur, respectivement de 20% pour le maître d'oeuvre d'exécution et 10% pour l'entreprise de gros oeuvre.

En revanche, la demande de la société Euromurs, tendant à obtenir la réparation de son entier préjudice, sera accueillie et le jugement infirmé en ce qu'il rejette cette demande.

S'agissant de la garantie de la société d'assurances Areas Dommages, force est de constater que, malgré les clauses d'extension de garantie prévues au point 31 'RC après livraison', demeurent exclus :

' b) Les dommages immatériels non consécutifs résultant d'un défaut de conformité des ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l'assuré avec les spécifications du marché ou de la commande ;

c) Les dommages immatériels non consécutifs résultant de l'inefficacité ou d'un manque de performance des ouvrages, travaux et produits exécutés ou livrés par l'assuré'.

Le contrat 'Areas Dommages' responsabilité civile entreprise définit les 'dommages immatériels non consécutifs' comme étant les préjudices économiques résultant d'un événement soudain et imprévu, lorsque ces préjudices sont la conséquence d'un dommage corporel ou matériel garanti ou surviennent en l'absence de tout dommage corporel ou matériel, ce qui est précisément le cas s'agissant du grief lié à la perte de surface.

En l'espèce, comme le fait très justement valoir la société d'assurances Areas Dommages, la réclamation de la société Euromurs au titre de la perte de surface porte sur une non-conformité de l'ouvrage au regard des plans initiaux, situation expressément exclue au point b) des exclusions figurant en outre en caractères gras page 11 du contrat.

Il découle de ce qui précède que la société d'assurances Areas Dommages ne sera pas condamnée à garantir la société [V] de la condamnation prononcée au titre de la perte de surface.

Les sociétés [V] et Progerep ayant concouru ensemble à la réalisation de ce même préjudice, la société Progerep sera par conséquent condamnée, sous la garantie de la société SMA, à payer à la société Euromurs la somme de 124.800 euros au titre du préjudice résultant de la perte de surface, sans pouvoir se retourner contre la société d'assurances Areas Dommages, qui ne garantit pas son assuré de ce chef, ni contre la société [V], en liquidation judiciaire, dont le représentant légal n'a pas été attrait à l'instance.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

* Les travaux non exécutés et des malfaçons du lot gros oeuvre

La société SMA fait grief au jugement de retenir que la société Progerep devait conserver à sa charge 10% du coût de reprise des travaux non exécutés et des malfaçons du gros oeuvre alors que le contrat de maîtrise d'oeuvre en date du 12 avril 2005 prévoit expressément dans son préambule que 'chaque intervenant conservera seul la responsabilité des missions qui lui seront conférées par le maître d'ouvrage...' de sorte que la société Progerep ne pouvait être condamnée, même in solidum, à supporter le coût des travaux non exécutés ou mal exécutés sans qu'une faute ayant contribué à la réalisation dudit préjudice ne soit caractérisée.

La société d'assurances Areas Dommages ne conteste pas garantir ce sinistre, du reste, par application des stipulations contractuelles contenues à l'article 31 de la police, elle doit sa garantie. Elle affirme cependant que la responsabilité de la société [V] ne peut être retenue.

C'est toutefois exactement que les premiers juges ont retenu à la charge des sociétés Progerep et [V], chargée du gros oeuvre, l'existence de fautes en lien avec le préjudice au titre du coût de la reprise des travaux non exécutés et mal exécutés, justement évalué à la somme de 171.581,93 euros hors taxes.

En effet, il résulte des productions et de la procédure, en particulier de l'expertise judiciaire et des clauses du contrat de maîtrise d'oeuvre d'exécution, que la société Progerep, tenue, en particulier, d'assurer la mise à jour périodique des plannings d'exécution n'a pas procédé à leur révision pour tenir compte du retard important pris dans les travaux du gros oeuvre, n'a pas informé le maître d'ouvrage sur les conséquences financières et les délais qui résulteraient nécessairement de l'importance des travaux modificatifs sollicités par le maître d'ouvrage relativement à l'aménagement des niveaux 5 et 6, n'a pas procédé à un suivi de gestion efficace de l'état d'avancement des travaux et de leur paiement, n'a pas explicité les malfaçons à l'occasion des rendez-vous de chantier ne permettant pas à leur reprise en cours d'exécution du chantier. De telles fautes sont directement en lien avec les dommages survenus et les conséquences en résultant pour la société Euromurs, en particulier, le préjudice matériel au titre de la reprise des travaux mal exécutés.

C'est tout aussi exactement que le jugement retient la responsabilité de la société [V] à l'origine des défauts d'exécution et de mauvaises exécution des travaux de gros oeuvre et terrassement.

Il découle de ce qui précède que la demande de la société SMA tendant au rejet de la demande de la société Euromurs au titre du préjudice résultant des défauts d'exécution des travaux et de non-exécution, qui n'est pas fondée, ne sera pas accueillie.

Les premiers juges ont exactement retenu l'existence de fautes concurrentes de la part de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre d'exécution dans la survenance de ce préjudice et ont justement imputé à la société Progerep 10% de la contribution finale à la dette et à la société [V] 90%. C'est tout aussi justement qu'ils ont accueilli leurs recours réciproques selon ces proportions.

Par voie de conséquence, la société d'assurances Areas Dommages, au lieu et place de la société Axa France Iard, sera condamnée in solidum avec la société Progerep et la société SMA à payer la somme de 171.581,93 euros hors taxes au titre des travaux de reprise.

Le jugement en ce qu'il condamne in solidum la société Progerep garantie par Sagena et la société Axa France Iard à payer cette somme à la société Euromurs ne pourra cependant qu'être infirmé.

* Le surcoût lié aux frais de maîtrise d'oeuvre complémentaires, de la mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS) ainsi que de l'intervention du Bureau de contrôle

La société SMA critique le jugement qui a validé le coût des frais de maîtrise d'oeuvre complémentaires tels que retenus par l'expert judiciaire alors que tant la société Sagena que la société Progerep s'étaient étonnées de l'importance de ce quantum par rapport

tant au montant des honoraires initialement prévus qu'au stade d'avancement du chantier lors de la reprise de la mission par le nouveau maître d'oeuvre.

Selon la société SMA, l'expert judiciaire qui n'a pas tenu compte de leurs observations s'est trompé de sorte que la cour ne pourra que minorer ce poste.

Toutefois, la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice. Or, c'est à partir des devis exécutés et réglés à frais avancés par la société Euromurs, contradictoirement analysés par les parties, tant au cours des réunions que dans leurs dires, que l'expert a retenu ce montant.

En outre, la société SMA se borne à émettre de vagues critiques non étayées par des éléments contraires et surtout elle ne verse aux débats ni d'autres devis, ni aucune autre pièce de nature à justifier ses critiques. Elle ne précise pas plus quel serait le montant pertinent.

Les premiers juges seront dès lors suivis en leur évaluation sur le montant du surcoût lié aux frais de maîtrise d'oeuvre complémentaires.

De même, les critiques de la société SMA relatives à sa condamnation à verser les sommes de 7.000 euros et 7.011 euros hors taxes au titre, respectivement, de la coordination SPS et de l'intervention du bureau de contrôle ne sont pas sérieuses. En effet, dès lors que la société Progerep est pour partie responsable du dommage principal, elle ne saurait se soustraire à sa condamnation au titre des préjudices accessoires, qui en découlent directement.

Pour les raisons précédemment mentionnées, le jugement sera également approuvé en ce que, ayant caractérisé l'existence de fautes concurrentes de la part de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre d'exécution dans la survenance du préjudice résultant de la reprise des travaux non exécutés et des malfaçons du lot gros oeuvre, il retient que la charge finale des préjudices, qui découlent de la dette principale, doit peser sur les sociétés Progerep et [V] dans les mêmes proportions et il accueille leurs recours réciproques ainsi que de leurs assureurs selon cette proportion.

Par voie de conséquence, la société d'assurances Areas Dommages, au lieu et place de la société Axa France Iard, sera condamnée in solidum avec la société Progerep et la société SMA à payer les sommes de 53.000 euros hors taxes au titre du contrat de maîtrise d'oeuvre complémentaire, 7.000 euros hors taxes au titre de la mission SPS et 7.011 euros hors taxes au titre de l'intervention du Bureau de contrôle.

C'est également justement que les premiers juges ont rappelé que, dans le cadre d'assurances non obligatoires, les franchises et limites de garanties prévues aux contrats étaient opposables non seulement aux assurés, mais aussi aux victimes.

Le jugement en ce qu'il condamne in solidum la société Progerep garantie par Sagena et la société Axa France Iard à payer ces sommes à la société Euromurs ne pourra cependant qu'être infirmé.

* Le retard dans l'exécution des travaux

La société Euromurs demande l'infirmation du jugement en ce qu'il minore le montant du préjudice de commercialisation subi lié au retard dans l'exécution des travaux. Elle soutient encore qu'aucun retard ne lui est imputable.

Elle relève que :

* l'expert judiciaire a constaté que le décalage de livraison a induit de véritables difficultés de commercialisation, en particulier la baisse du prix au m² due à la dégradation du marché de l'immobilier,

* M. [R], expert, consulté par ses soins, a confirmé, dans sa lettre du 28 avril 2009, qu'en raison du retard dans la commercialisation, soit une durée d'une année, le préjudice subi est égal à 419.700 euros hors taxes (soit une perte mensuelle nette d'environ 25.000 euros hors taxes),

* M. [T], sapiteur, a chiffré ce préjudice à une somme sensiblement identique, soit 24.737,50 euros par mois.

La société d'assurances Areas Dommages ne conclut pas sur ce point.

La société Progerep critique le jugement qui retient que le préjudice subi en raison de la commercialisation tardive du bien lui est pour partie imputable alors que rien ne permet d'affirmer que les malfaçons, qui n'ont été relevées qu'en juin et juillet 2007, ont effectivement été faites pendant la période au cours de laquelle elle assumait la maîtrise d'oeuvre et le pilotage de l'opération, ou si celles-ci ont été postérieures à la fin de sa mission, à savoir, postérieurement au mois de septembre 2006.

Elle souligne que, avant réception, n'étant tenue que d'une simple obligation de moyen, il est constant qu'à défaut de pouvoir prouver sa faute dans l'exécution de sa mission de surveillance des travaux et notamment que les malfaçons auraient été faites pendant la durée de sa mission et donc qu'elles étaient antérieures à septembre 2006, le tribunal ne pouvait retenir sa responsabilité et la condamner à hauteur de 10 % des frais de reprise, achèvement et temps d'exécution.

La société SMA demande l'infirmation du jugement qui retient une part de responsabilité de la société Progerep dans la réalisation du préjudice de commercialisation.

Elle relève que  les retards constatés entre décembre 2005 à octobre 2006 sont exclusivement imputables à la société [V], en raison de diverses difficultés et défaillances liées notamment au montage de la grue, au problème d'effectifs de l'entreprise et aux modifications du projet pour les derniers niveaux.

S'agissant des retards entre octobre 2006 à janvier 2007, elle soutient que :

* ils sont imputables au maître d'ouvrage qui :

- a tardé à choisir puis désigner les autres corps d'état (lots charpente, couverture, étanchéité, menuiseries extérieures, volets roulants, cloisons doublages, carrelage, faïence, serrurerie, peinture) malgré les rendez-vous hebdomadaires que le maître d'oeuvre tenait avec lui,

- a changé de manière incessante ses demandes au sujet des derniers niveaux de construction, demandes qui impliquaient des modifications de la structure et qui ont entraîné l'arrêt du chantier et tous les retards cumulés depuis cette date,

* ces modifications nécessitaient en outre la reprise des plans par le bureau d'études,

* c'est à tort que l'expert impute à la société Progerep une part de responsabilité dans le délai de deux mois de retard, au-delà des quatre premiers mois imputables à la société [V],

* quand bien même la société Progerep aurait commis une faute en n'accomplissant pas la totalité de sa mission, cette faute serait sans lien avec les préjudices invoqués par la société Euromurs ; en effet, le clos et le couvert n'étant pas achevés, la société Progerep ne pouvait pas établir un nouveau calendrier d'intervention de sorte qu'il est vain de lui reprocher de ne pas avoir recalé le planning pour tenir compte du retard important pris par les travaux de gros oeuvre ; de même, l'absence de décision du maître d'ouvrage sur le choix des autres corps d'état ne lui permettait pas la moindre planification.

Relativement aux retards entre janvier 2007 et juillet 2007, la société SMA fait valoir qu'ils sont imputables au maître d'ouvrage et que la société Progerep ayant été évincée du chantier par la société SNCG postérieurement au 27 janvier 2007, elle ne peut se voir imputer aucun retard durant cette période.

Subsidiairement, sur le préjudice de commercialisation, la société SMA sollicite l'infirmation du jugement. Elle fait valoir que l'immeuble était destiné à la location, donc la société SNCG entendait bien le conserver dans son patrimoine locatif. La valeur de l'immeuble était de ce fait constituée de l'ensemble des loyers à percevoir pendant la durée de vie de l'immeuble. Selon elle, la valeur patrimoniale de l'immeuble, même livrée avec un an de retard, n'aurait pas été différente si le maître d'ouvrage l'avait conservé dans son patrimoine une année de plus. En outre, l'espérance de vie de l'immeuble étant identique qu'il soit livré un an plus tard ou plus tôt, la valeur nette cumulée des loyers effectivement perçus aurait été la même.

Selon la société SMA, en décidant finalement de mettre en vente les appartements, le maître d'ouvrage a été à l'origine de son préjudice puisque ce n'est pas le retard dans la livraison de l'ouvrage qui est à l'origine de celui-ci, mais bien son choix personnel de procéder à la vente. Elle ajoute que, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, le maître d'ouvrage ne pouvait pas ignorer que le marché était en phase de retournement au moment où il a fait le choix de procéder à la vente des appartements.

La société SMA prétend que le montant retenu par l'expert judiciaire, le sapiteur et le tribunal sont contestables dans la mesure où un article du Figaro paru le 18 mai 2009 produit dans le cadre de l'expertise indiquait une baisse des prix en Ile de France de seulement 0,6 % entre le quatrième trimestre 2007 et le quatrième trimestre 2008 et une progression de 2,5% à Paris. Elle ajoute qu'en proche banlieue les prix sont restés stables.

Force est de constater que nul ne conteste que la déclaration d'achèvement a été établie le 14 octobre 2008.

Il est également établi que les relations contractuelles entre la société Progerep et la société Euromurs se sont achevées en octobre 2006 et qu'elle a quitté le chantier en janvier 2007 faute pour la société Euromurs de poursuivre les relations contractuelles.

Il est de même justifié que le contrat signé avec la société [V] le 1er février 2006 portait une date de livraison au 15 février 2007.

Contrairement à ce que soutient la société SMA, il ne peut être sérieusement soutenu que la société Euromurs n'aurait pas subi de préjudice si elle avait décidé de louer plutôt que de vendre. En effet, dans un cas comme dans l'autre, elle aurait été privée de revenus pendant une année si elle avait décidé de louer, ce qui constitue assurément une perte donc un préjudice. De même, elle aurait subi une perte liée à la conjoncture du marché de l'immobilier si elle prenait la décision de vendre les appartements. Donc, dans un cas comme dans l'autre, le retard lui cause un préjudice.

En outre, il n'est nullement établi que les appartements étaient destinés à la location, ou que le maître d'ouvrage a décidé de vendre dans le but de majorer son préjudice, ou encore que le maître d'ouvrage pouvait faire un autre choix de sorte qu'il ne peut efficacement être soutenu qu'elle est à l'origine du préjudice qu'elle allègue.

Il résulte des productions, en particulier du rapport d'expertise, que :

* le retard imputable à la société [V] est d'une durée totale de sept mois :

- soit quatre mois en raison du retard né de l'absence de grue, entièrement imputable à la société [V] qui n'a pas su obtenir l'autorisation de la mairie pour l'implantation de celle-ci à proximité d'une école,

- et trois mois au titre du temps nécessaire à la reprise des travaux incorrectement exécutés par la société [V],

* le retard imputable à la société Euromurs est de deux mois, en particulier :

- en raison de ses atermoiements dans le choix des autres corps d'état (lots charpente, couverture, étanchéité, menuiseries extérieures, volets roulants, cloisons doublages, carrelage, faïence, serrurerie, peinture),

- en raison de ses demandes de modification des derniers niveaux de construction, demandes qui impliquaient des modifications de la structure, la reprise des plans par le bureau d'études.

Contrairement à ce que soutient la société SMA, c'est également justement que les premiers juges ont considéré que la société Progerep devait se voir imputer au final, 10% du retard dans la période des trois mois située entre octobre 2006 et janvier 2007 dès lors qu'il est établi qu'elle n'a pas accompli correctement l'ensemble de sa mission en particulier en ne procédant pas à un suivi de gestion efficace de l'état d'avancement des travaux, en n'explicitant les malfaçons à l'occasion des rendez-vous de chantier, en ne permettant pas à leur reprise en cours d'exécution du chantier, participant à la nécessité d'avoir à les reprendre, donc en définitive en contribuant au retard découlant des travaux de reprise.

Le montant du préjudice commercial a été justement évalué, à partir des éléments fournis par le sapiteur, à la somme de 173.162,50 euros (soit 24.737,50 euros x 7 mois).

Les premiers juges ont également exactement retenu, s'agissant de la contribution à la dette, que la société Progerep devait être tenue à hauteur de 10% sur trois mois, soit la somme de 7.421,25 euros ou 4,28% de la dette, et la société [V] à hauteur des 95,72% restant.

Le jugement en ce qu'il condamne in solidum la société Progerep garantie par Sagena et la société Axa France Iard à payer ces sommes à la société Euromurs ne pourra cependant qu'être infirmé puisqu'en définitive la société d'assurances Areas Dommages est l'assureur de la société Progerep, pas la société Axa France Iard.

Il convient en outre de rappeler que la société SMA et la société d'assurances Areas Dommages sont fondées à opposer à leurs assurés et à la société Euromurs les franchises et plafonds prévus aux contrats d'assurances.

C'est également exactement que la société Progerep a manqué à son devoir de conseil et d'information en informant de manière incomplète le maître d'ouvrage sur les conséquence des modifications apportées aux plans des 5ème et 6ème étages, en termes de coût et de délai, mais aussi sur les effets de l'absence d'alignement.

Toutefois, force est de constater que la société Euromurs ne réclame aucune somme à ce titre ni dans les motifs de ses écritures ni dans le dispositif de celles-ci. La cour ne pourra dès lors confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Progerep, garantie par la société SMA, anciennement dénommée Sagena, à payer à la société Euromurs la somme de 4.947 euros de ce chef.

Sur les autres demandes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Progerep, la société SMA et la société d'assurances Areas Dommages seront condamnées in solidum à payer à la société Euromurs la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Les demandes de toutes les autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Toutes les parties, à l'exception de la société Axa France Iard, contribueront à la prise en charge des frais d'expertise de M. [A], l'avis de l'expert ayant été utile pour assurer leur défense puisqu'il leur a permis de connaître précisément les dommages et les conséquences de ceux-ci.

Les autres dépens resteront à la charge des sociétés Progerep, SMA et Areas Dommages.

Ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant contradictoirement,

Dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Progerep en paiement de la somme de 15.981,37 euros au titre de ses honoraires complémentaires.

Confirme le jugement en ce qu'il dit qu'il n'y a pas eu abandon de chantier de la part des sociétés Progerep et [V].

Confirme en conséquence le jugement en ce qu'il rejette les demandes de la société Euromurs au titre :

* des agios liés à l'arrêt de chantier,

* du prêt de prorogation,

* des commissions d'engagement,

* du préjudice financier.

Confirme le jugement en ce qu'il dit que les retards de chantier sont le fait des sociétés Progerep, [V] et Euromurs.

Infirme le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Met hors de cause la société Axa France Iard.

Dit que la société [V] était assurée auprès de la société d'assurances Areas Dommages au jour du fait dommageable.

Dit que la société d'assurances Areas Dommages ne doit pas sa garantie au titre du préjudice résultant de la perte de surface.

Condamne la société Progerep, garantie par la société SMA, anciennement dénommée Sagena, à payer à la société Euromurs la somme de 124.800 euros au titre du préjudice résultant de la perte de surface avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Dit que la société Progerep a contribué à hauteur de 20% et la société [V] 10% à la réalisation de ce préjudice.

Condamne in solidum la société Progerep, garantie par la société SMA et la société d'assurances Areas Dommages à payer à la société Euromurs les sommes de :

* 171.581,93 euros hors taxes au titre des travaux de reprise,

* 53.000 euros hors taxes au titre des frais de maîtrise d'oeuvre complémentaires,

* 7.000 euros hors taxes au titre des frais liés à la mission de coordinations en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS),

* 7.011 euros hors taxes au titre des frais liés à l'intervention du Bureau de contrôle, soit la somme totale de 238.592,93 euros hors taxes.

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2012, soit au jour de l'assignation, au fond, devant le tribunal de grande instance de Nanterre et dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Fixe la contribution à cette dette à 10% pour la société Progerep garantie par la société SMA et 90% pour la société d'assurances Areas Dommages.

Fait droit aux recours réciproques selon ces proportions.

Condamne in solidum la société Progerep, garantie par la société SMA, et la société d'assurances Areas Dommages à payer à la société Euromurs la somme de 173.162,50 euros au titre du préjudice de commercialisation avec intérêts au taux légal à compter du jugement et dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Fixe la contribution à la dette à 4,28%, soit la somme de 7.421,25 euros, pour la société Progerep , garantie par la société SMA, et 95,72% pour la société d'assurances Areas Dommages.

Fait droit aux recours réciproques selon ces proportions.

Rappelle que la société SMA et la société d'assurances Areas Dommages sont fondées à opposer à leurs assurés et à la société Euromurs les franchises et plafonds prévus aux contrats d'assurances.

Condamne la société Progerep, la société SMA et la société d'assurances Areas Dommages in solidum à payer à la société Euromurs la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne les sociétés Progerep, Sagena et Areas Dommages aux dépens en ce compris les dépens de référé et Dit que les frais et honoraires de M. [A] sont pris en charge par part virile par les sociétés Progerep, Sagena, Areas Dommages et Euromurs avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice des avocats en ayant fait la demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04391
Date de la décision : 13/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°14/04391 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-13;14.04391 ?
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