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07/03/2017 | FRANCE | N°16/00987

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 07 mars 2017, 16/00987


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



SM

Code nac : 35Z



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2017



R.G. N° 16/00987



AFFAIRE :



SA ITS GROUP





C/

[N] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Octobre 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2009F01033



Expéditions exécutoires
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Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Anne laure DUMEAU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 35Z

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2017

R.G. N° 16/00987

AFFAIRE :

SA ITS GROUP

C/

[N] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Octobre 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2009F01033

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Anne laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA ITS GROUP

N° SIRET : 404 53 6 9 222

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreaude VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20160059

Représentant : Me Pauline BOURNOVILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0414

APPELANTE

****************

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Anne laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41805

Représentant : Me Félix DE BELLOY de l'ASSOCIATION BOKEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R191

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Janvier 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l'appel déclaré le 10 février 2016 par la société anonyme ITS Groupe (société ITS Groupe.), contre le jugement prononcé le 28 octobre 2015 par le tribunal de commerce de Nanterre dans l'affaire qui l'oppose à M. [N] [D] ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 22 septembre 2016 par la société ITS Groupe, appelante

- 30 septembre 2016 par M. [N] [D], intimé ;

Vu l'ensemble des actes de procédure, ainsi que les éléments et pièces présentés par les parties.

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions de chacune des parties. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants, tirés des écritures d'appel des parties.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

M. [N] [D] a en 1994, créé la société par actions simplifiée H3Technologies (société H3T.) ayant pour activité, le conseil et l'ingénierie en systèmes et technologies de l'information. Il a ensuite, agissant en son nom et en qualité de porte- fort, cédé par acte sous signatures privées du 29 juin 2000 à la société Seevia Consulting aux droits de laquelle se trouve la société ITS Group (société ITS.), société de services informatiques de type SSII, la totalité des actions composant le capital de la société H3T moyennant un prix de cession, fractionné en une partie fixe payée comptant de 24 000 000 francs (3 658 776, 41 €.) et une partie variable, payable à terme appelée 'complément de prix', liée aux performances réalisées par la société H3T au cours des deux années suivant cette cession, que M. [N] [D] soit ou non présent dans l'entreprise. Il était par ailleurs prévu que ces compléments étaient, pour chacun des deux exercices concernés, calculés sur le chiffre d'affaires et la marge brute en fonction de deux seuils (pas de complément en dessous du 1er seuil, un complément calculé d'une certaine manière entre les deux seuils, un complément supérieur si le chiffre d'affaires et la marge se situent au-dessus du second seuil.) et dans une limite maximum.

Bien que les objectifs conditionnant l'octroi du complément de prix aient été atteints, la société ITS s'est prévalue de ce que M. [N] [D] avait été licencié pour faute lourde le 4 décembre 2000 sans aucune indemnité, pour refuser de lui verser le complément de prix contractuellement prévu. M. [N] [D] a le 2 février 2001, engagé une procédure devant le conseil des prud'hommes de Nanterre pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a, sollicité le paiement de primes salariales. Les conseillers prud'homaux ont selon jugements des 18 juin 2002 et 29 janvier 2009, décidé de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Par arrêt du 7 mars 2013, la cour d'appel de Paris a réformé partiellement le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 18 mars 2011 sur la déclaration de culpabilité et ainsi, relaxé M. [N] [D] pour les faits de faux et usages de faux. Elle a également, confirmé la culpabilité pour le surplus ainsi que la peine prononcée, de trois mois d'emprisonnement avec sursis. A l'issue de cette décision, M. [N] [D] a, devant le conseil de prud'hommes, renoncé à sa demande de requalification de licenciement en licenciement pour faute lourde mais a, maintenu ses demandes en paiement de primes salariales. Le conseil de prud'hommes de Nanterre a par jugement du 6 décembre 2013, donné acte à M. [N] [D] de ce qu'il renoncait explicitement à ses demandes liées à la contestation des motifs de son licenciement pour faute lourde, a débouté M. [N] [D] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens avant de recevoir la société ITS Group dans sa demande d'indemnité reconventionnelle de dommages-intérêts et de l'en débouter. Ce jugement a par arrêt du 7 juillet 2016, été réformé en ce qu'il a débouté M. [N] [D] de ses demandes de prime variable pour l'exercice clos le 31 mars 2001, d'intérêt de retard et d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure et confirmé pour le surplus. La Cour statuant de nouveau du chef des dispositions réformées, a condamné la société ITS Group à payer à M. [N] [D], 258 747, 97 euros à titre de primes variables pour l'exercice clos le 31 mars 2001 outre, les intérêts au taux légal produits par cette somme à compter du 12 juin 2002 et la capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Parallèlement à ces procédures, M. [N] [D] a selon acte extrajudiciaire du 23 février 2009, fait assigner la société ITS Consulting devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement, sous exécution provisoire, du premier complément de prix contractuellement convenu soit, une somme provisionnelle de 672 091, 82€ sauf à parfaire outre, les intérêts légaux à compter du 15 mai 2001, la capitalisation des intérêts ainsi que 100 000€ à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 9 mars 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a : - dit que M. [N] [D] avait droit à un complément de prix en application du contrat du 29 juin 2000 ; - dit que le montant de ce complément de prix ne saurait être inférieur à 672 092, 95 euros en application du dit contrat ; - condamné en conséquence la société ITS Group à payer à M. [N] [D], la somme de 672 092, 95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2011, à titre de provision sur le calcul du complément de prix dû au titre du premier exercice ; - sursis à statuer pour le calcul définitif de ce complément de prix dans l'attente de l'issue de la procédure prud'homale initiée le 2 février 2001 et condamné la société ITS Group à payer à [N] [D] la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Selon arrêt du 12 mai 2011, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement déféré sauf sur le point de départ des intérêts et statuant de nouveau, a : - dit que la somme de 672 092, 95 euros portera intérêts au taux légal à compter du 23 février 2009 ; - y ajoutant, a condamné la société ITS Group à payer à M. [N] [D], 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; - rejeté toutes autres demandes contraires à la motivation et condamné la société ITS Group aux dépens. Sur pourvoi de la société ITS Group (pourvoi 11-20.360.), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a fixé au 23 février 2009, le point de départ des intérêts dus à M. [N] [D] sur le complément de prix, cet arrêt du 12 mai 2011 prononcé entre les parties et partant, a écarté la prétention de la société ITS contestant le principe contractuel, selon lequel le complément de prix était dû, même en cas de faute lourde. Par arrêt du 17 octobre 2013, la Cour d'appel de Versailles

statuant dans la limite de la cassation prononcée par l'arrêt rendu le 5 juin 2012 par la Cour de cassation - pourvoi n° 11-20-360, a confirmé le jugement rendu le 9 mars 2010 par le tribunal de commercede Nanterre en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts sur le complément de prix à la date du 25 mai 2011 ; dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en paiement de 195 130€ à parfaire, au titre des intérêts et condamné la SA ITS Group à payer à M. [N] [D], 4 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur demande de M. [N] [D], le tribunal de commerce de Nanterre a par jugement du 28 octobre 2015, tranché le litige selon le dispositif suivant :

- condamne la société ITS Group à verser à Monsieur [D]s la somme de 914 649,10 € au titre du complément de prix pour l'exercice 2001/2002 avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2002, en application du contrat, avec clause d'anatocisme ;

- condamne la société ITS Group à verser à Monsieur [N] [D] la somme de 6 000€ par application des dispositions de l'article 700 CPC ;

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement avec constitution d'une garantie bancaire en cas d'appel, à hauteur de l'intégralité de la condamnation principal ;

- condamne la société ITS Group aux entiers dépens de l'instance.

- liquide les dépens du greffe à la somme de 82,44 euros dont TVA 13, 74 euros.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont notamment retenu que : - les articles 10 et 5 du contrat de vente ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et s'articulent entre eux, celui-là prévoyant un complément de prix, que M. [N] [D] soit ou non présent dans l'entreprise et le second, énonçant des exceptions à ces règles pour le cas de licenciement pour faute grave ou simple, le complément de prix étant alors forfaitaire et définitif ; - le versement de ce complément de prix revêt un caractère impératif, se distinguant de l'indemnité de licenciement qui n'est pas due en cas de faute lourde du salarié ; - l'article 5 du contrat était, quel que soit le motif du départ de M. [N] [D] de l'entreprise, applicable de plein droit ; - l'article 1134 du code civil [dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016], a vocation à s'appliquer à l'espèce ; - la fusion-absorption de cinq sociétés du groupe Seevia à effet au 1er avril 2001 intervenue le 20 décembre 2001, a cependant rendu impossible, le calcul mathématique du complément de prix prévu au contrat de vente ; - l'article 5.1.2.2 du contrat de cession litigieux précise les modalités de calcul du complément de prix applicable au titre de l'exercice du 1er avril 2001 au 31 mars 2002, ce prix étant fonction du chiffre d'affaires et de la marge brute ; - les parties étant convenues de calculer les compléments de prix sur la base des exercices publiés, le calcul ne peut se faire sur d'autres documents ; - du fait de la fusion-absorption rétroactivement intervenue entre la société Seevia, aux droits de laquelle se trouvent être les sociétés ITS et H3T, les parties ne peuvent cependant plus se fonder sur des éléments comptables propres à cette dernière pour déterminer avec précision le complément de prix convenu pour l'exercice 2001/2002 ; - ce point n'est pas contesté ; - il est en effet impossible de déterminer de manière certaine, le chiffre d'affaires de la société H3T et la marge brute dégagée à partir des chiffres consolidés du groupe Seevia, ; - cette circonstance n'étant pas imputable à M. [N] [D], celui-ci est en droit d'obtenir le montant maximum prévu par le contrat pour chaque partie du complément du prix et partant, l'octroi d'une somme de 914 649, 10€ (6 000 000 francs).

La société ITS Groupe a déclaré appel de cette décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 octobre 2016 et l'affaire a été renvoyée à l'audience tenue en formation de juge rapporteur du 17 janvier 2017 pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société ITS Groups demande à la Cour de :

- vu les articles 1134 et 1142 du Code Civil,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 octobre 2015 en ce qu'il a condamné ITS Group à verser à Monsieur [D] une somme de 914 649,10 € au titre du complément de prix pour l'exercice 2001/02 avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2002, avec clause d'anatocisme,

- débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes formulées contre ITS Group au titre du complément de prix de l'exercice 2001/2002,

- condamner Monsieur [D] au paiement d'une somme de 10 000 € au profit d'ITS Group au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault, avocat au Barreau de Versailles Toque 619, conformément à l'article 699 du code de procédure civile

M. [N] [D] prie de son côté la cour de :

- vu les articles 1134, 1142, 1147 et 1184 du Code civil,

- vu le contrat de cession des participations de la société H3T signé le 29 juin 2000 entre M. [N] [D] et la société Seevia,

- vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 octobre 2015

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- débouter la Société ITS de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société ITS Group à verser à M. [D] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC [code de procédure civile] et aux entiers dépens.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour uns synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

M. [N] [D], qui a cédé à la société Seevia Consulting aux droits de laquelle se trouve être la société ITS Group, la totalité des actions composant le capital de la société H3T, sollicite dans le cadre de cette instance le paiement du complément de prix variable prévu au titre du second exercice visé par l'article 5 de l'acte de cession signé le 29 juin 2000.

Selon l'article 5.1.2 de la promesse de vente et d'achat produite aux débats signée le 15 juin 2000 par M. [N] [D] et la société Seevia Consulting - voir pièce 5 de la société ITS Group, les parties sont en effet expressément convenues du versement, outre du prix fixe de cession, de compléments de prix variables, se rapportant à l'exercice du 1er avril 2000 au 31 mars 2001, d'une part ainsi qu'à celui du 1er avril 2001 au 31 mars 2002, d'autre part dans une limite fixée à 3 000 000 francs (475 347, 05€.).

Pour s'opposer à la réclamation de son adversaire, la société ITS Group conteste avoir commis quelle que faute que ce soit en procédant à la fusion des sociétés de son groupe et précise, qu'à supposer qu'une faute contractuelle puisse de ce point de vue lui être imputée, le préjudice causé à M. [N] [D] ne s'analyserait qu'en une perte de chance de percevoir un complément de prix qui, dans les circonstances de cette espèce, est inexistante au vu des éléments versés aux débats.

Elle ajoute que : - en l'absence de clause contractuelle l'interdisant et dès lors qu'elle n'a pas été dictée par une intention de nuire, la fusion opérée en 2001 entre les sociétés Seevia et H3T à l'occasion d'une opération plus globale de restructuration et de rationalisation du Groupe Seevia, ne peut être considérée comme constitutive d'une faute contractuelle d'autant que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, cette fusion n'a pas fait disparaître les éléments chiffrés permettant le calcul mathématique du complément de prix réclamé ; - c'est donc à tort, que le tribunal a retenu que la société Seevia aux droits de laquelle elle se trouve être aujourd'hui, avait commis une faute justifiant qu'elle soit condamnée au paiement du complément de prix maximum prévu au contrat ; - quoi qu'il en soit, à supposer que par extraordinaire, la Cour considère que la fusion intervenue constitue une violation fautive du contrat de cession, il ressort de la méthode proposée par l'intimé lui-même dans le cadre du premier complément de prix, validée par la Cour de céans puis par la Cour de cassation, que la société H3T a, au titre de l'exercice considéré, réalisé un chiffre d'affaires de 9 512 351 francs (1 450 149€) et une marge brute de 6 208 104 francs (946 419€), ces chiffres correspondant donc à des seuils se situant bien en deçà du chiffre d'affaires et de la marge brute contractuellement fixés comme constituant des seuils de déclenchement du second complément de prix.

M. [N] [D] répond que : - faute d'avoir maintenu les éléments permettant au cédant de calculer exactement le complément de prix, la société ITS a manqué à l'obligation de loyauté et de sincérité devant présider à l'exécution de tout contrat ; - il est donc en droit de demander et d'obtenir l'exécution forcée du contrat litigieux ; - la faute imputable à son adversaire, fonde le droit au versement du maximum du complément de prix convenu et partant, d'une somme de 914 649, 10€ ; - pour mémoire, les seuls éléments publiés par la société Seevia en 2002, permettent de constater que les seuils de chiffre d'affaires et de marge convenus pour déclencher le droit au versement du complément de prix, étaient largement atteints

Il précise que : - le cessionnaire, débiteur d'un éventuel complément de prix, s'engage nécessairement, fut-ce implicitement, à gérer la structure cédée de telle sorte, qu'on puisse valablement établir le calcul du complément de prix pendant toute la durée où un éventuel complément est dû ; - en l'espèce, la fusion de la structure sociale ayant entraîné la disparition de la comptabilité propre de la société H3T et de l'activité susceptible d'être rattachée à celle-ci, l'a privé en tant que bénéficiaire du complément de prix, de la possibilité de connaître et de calculer le montant de celui-ci ; - l'exhumation en 2016, de mystérieux comptes de la société H3T jusque là cachés aux yeux de la société ITS, ne saurait être prise en considération dès lors qu'aucune explication sérieuse n'est donnée sur les raisons pour lesquelles, les serveurs informatiques ayant permis de les établir n'avaient pas été antérieurement exploités et dès lors par ailleurs, qu'aucune garantie n'est donnée sur l'intégrité des données comptables qui en ont été extraites ; - aucun débat juridique sur le complément de prix ne peut être établi, sur autre chose que des comptes publiés et certifiés sauf, à permettre à la société ITS, de tirer profit d'une situation que seule, sa déloyauté a créée ; - il est au demeurant permis de s'interroger sur les raisons, pour lesquelles l'évaluation du chiffre d'affaires de la structure de la société H3T a pu être divisée par quatre entre 2002 et 2006 ; - c'est en effet, l'objet même de la comptabilité que de n'être pas seulement un moyen de gestion interne mais également, un moyen de preuve entre commerçants et un moyen d'information des tiers en général ; - laisser entendre que les parties, sous prétexte qu'elles n'avaient pas rappelé ces principes fondamentaux dans le contrat, auraient accepté que les compléments de prix puissent être calculés sur des documents internes non vérifiés ni certifiés et en l'occurrence, fabriqués dans le plus grand mystère et des années plus tard, n'est pas sérieux ; - en réalité, même en se reportant pour les besoins de la démonstration, aux éléments rendus publics en 2002 par la société Seevia, le montant du complément de prix dû au titre de l'exercice 2002 correspondrait à l'addition de la partie de prix due au titre du chiffre d'affaires de l'exercice clôturé à la date du 31 mars 2002 soit 420 862, 74€, avec celle due au titre de la marge brute de l'exercice clôturé au 31 mars 2002 soit 457 347, 05€, ce qui donne une somme globale de 5 760 678, 60 francs (878 209, 79€.) ; - le tribunal a cependant à bon droit, retenu le plafond contractuellement fixé dès lors que les seuls chiffres qui auraient pu faire foi ne sont pas disponibles, par la faute de la société ITS.

Vu les anciens articles 1134, 1142, 1147 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

C'est à raison que la société ITS observe, qu'en l'absence de stipulation contractuelle interdisant toute opération de fusion au cours des exercices donnant lieu au versement d'un complément du prix de cession convenu et de toute intention de nuire établie, aucun manquement au devoir de loyauté contractuelle, abrité par l'obligation de bonne foi devant, en application des normes légales susvisées, présider à l'exécution de tout contrat, ne saurait lui être imputé à faute en raison de la fusion opérée courant 2001 dans le cadre d'une opération globale de restructuration et de rationalisation du Groupe Seevia, entre les sociétés Seevia et H3T.

Ainsi que déjà rappelé par la Cour de céans dans son arrêt du 12 mai 2011 se rapportant à la fixation du premier complément de prix, validé sur ce point par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 juin 2012, les articles 5 et 10 du contrat de cession litigieux ne sont pas exclusifs l'un de l'autre mais s'articulent, le principe exprimé à l'article 5 étant le complément de prix dû que M. [N] [D] soit présent ou non dans l'entreprise, les modalités de calculs étant décrites à cet article, l'exception à ces règles de calcul figurant à l'article 10.3 pour le cas du licenciement pour faute grave ou simple, le complément de prix étant alors forfaitaire et définitif, précision étant faite que pour un licenciement pour faute lourde survenu au cours de l'exercice clôturant le 31 mars 2002,le complément de prix forfaitaire et définitif est de 3 000 000 de francs soit 457 347, 05€.

Il est constant que, pour forger sa conviction sur le montant de l'éventuel complément de prix dû au titre de l'exercice 2001/2002, la Cour ne dispose d'aucun compte de la société H3T certifié par un commissaire aux comptes. Or, nonobstant le fait que la convention des parties ne rappelle pas l'exigence de comptes certifiés pour le calcul du complément de prix dû, il est d'évidence que seuls ces comptes sont de nature à garantir l'exactitude et l'intégrité des sommes dues.

La société ITS Groups observe, qu'au vu notamment de la balance générale de la société H3T établie au titre de l'exercice clos au 31 mars 2001 - voir cote 7 du dossier de la société ITS Groups, les seuils contractuels de complément de prix n'auraient pas été atteints en l'absence d'absorption de la société H3T par la société Steevia.

La fiabilité de cette balance prête cependant lieu à interrogations dès lors qu'elle n'apparaît pas en raison de l'opération de fusion intervenue, être certifiée et justifiée par un commissaire aux comptes, le seul document certifié soumis à l'appréciation de la Cour restant la balance comptable de la société H3T au 30 septembre 2001 ayant servi à l'élaboration de la situation semestrielle consolidée à cette date de la société Steevia Consulting, ainsi qu'attesté le 2 février 2015 par M. [K], commissaire aux comptes de cette dernière société - voir cote 3 et 4 du dossier de la partie appelante.

Il incombait à la société ITS Groups de prendre les dispositions nécessaires pour être à même de remplir ses obligations contractuelles, nonobstant l'opération de fusion-absorption qu'elle était libre de décider.

En l'absence de tout élément de preuve permettant de déduire de manière exacte et certaine qu'aucun complément de prix n'est dû au titre de l'exercice litigieux de la société absorbée, il suit de tout de ce qui précède, que M. [N] [D], à qui les circonstances de la fusion-absorption qui est intervenue n'est pas imputable, a droit à un complément de prix plafonné à 914 694, 10€ (6 000 000 francs.), et non comme indiqué par les premiers juges à la suite d'une erreur chiffrée manifeste à 914 649, 10€, par stricte application de l'article 5 de l'acte de promesse de vente et d'achat litigieux signé le 29 juin 2000.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2002 avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

La société ITS Groups, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf, à corriger l'erreur matérielle manifeste commise par les premiers juges à l'occasion de l'opération de conversion de francs en euros et partant, à condamner la société anonyme ITS Group à verser à M. [N] [D] la somme de neuf cent quatorze mille six cent quatre vingt quatorze euros dix centimes (914 694, 10€.) et sauf, à préciser que la somme dûe portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2002 avec capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société anonyme ITS Group aux entiers dépens d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société anonyme ITS Group à verser à M. [N] [D] une indemnisé de cinq mille euros (5 000€.) à titre de frais irrépétibles d'appel.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 16/00987
Date de la décision : 07/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°16/00987 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-07;16.00987 ?
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