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23/02/2017 | FRANCE | N°16/02011

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 23 février 2017, 16/02011


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



14e chambre



ARRÊT N°



Réputé contradictoire



DU 23 FÉVRIER 2017



R.G. N° 16/02011



AFFAIRE :



SAS INGÉNIERIE TECHNIQUE ET LOCATION venant aux droits de la société PROFILEASE





C/

[U] [C]

...



SA FRANFINANCE LOCATION agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



...



Décision dé

férée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Janvier 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 09/01653



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Patricia MINAULT



Me Armell...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

14e chambre

ARRÊT N°

Réputé contradictoire

DU 23 FÉVRIER 2017

R.G. N° 16/02011

AFFAIRE :

SAS INGÉNIERIE TECHNIQUE ET LOCATION venant aux droits de la société PROFILEASE

C/

[U] [C]

...

SA FRANFINANCE LOCATION agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Janvier 2012 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 09/01653

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Armelle CARNE DE CARNAVALET (DE),

Me Christophe DEBRAY

Me Bertrand LISSARRAGUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-TROIS FÉVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de VERSAILLES saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 08 Mars 2016 cassant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES - 3 ème chambre, rendu le 03 Avril 2014 sur l'appel d'une ordonnance rendue le 27 Janvier 2012 par le tribunal de grande instance de NANTERRE

SAS INGÉNIERIE TECHNIQUE ET LOCATION (ITL) venant aux droits de la société PROFILEASE

N° SIRET : 523 314 474

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20160114

assistée de Me Vincent DORLANNE, avocat au barreau de BORDEAUX

****************

DÉFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur [U] [C]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (93)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

assisté de Me Armelle DE CARNE DE CARNAVALET , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 415 - N° du dossier 12/1553,

assisté de Me Annelise VAURS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1882

SA FRANFINANCE LOCATION agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1655862

assisté de SIGRIST et associés, avocats,

****************

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, ès qualités d'assureur de la société BME FRANCE anciennement FME

N° SIRET : 382 717 7911

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

assistée de Me Jean PIETROIS de la SELARL CABINET PIETROIS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 714

SCP [T]-[J] mission conduite par Me [B] [J] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation de la société BME FRANCE désigné en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 30 septembre 2016

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Assignée à personne habilitée - non représentée

PARTIES INTERVENANTES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 décembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, et Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Véronique CATRY, conseiller,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 7 octobre 2005, M. [C], kinésithérapeute, a fait l'acquisition auprès de la société Fabrication de matériels électroniques (la société FME), au salon mondial de la rééducation, le 'Gicare', d'un appareil d'épilation définitive à lumière intense de type 'Kinépil' pour un prix de 52 624 euros TTC.

Le 10 octobre 2005, M. [C] s'est vu opposer un refus d'exercice d'une faculté de rétractation entre professionnels.

Pour financer son achat, M. [C] a décidé de souscrire un contrat de crédit-bail d'une durée de 84 mois moyennant le paiement de loyers mensuels de 793,61 euros auprès de la société Profilease,

La société Profilease a cédé le matériel et le contrat à la société Franfinance Location qui est devenue bailleur du matériel à l'égard de M. [C].

Soutenant avoir appris, au mois de septembre 2007, à la lecture d'une publication professionnelle, qu'un arrêté du 6 janvier 1962 réservait l'utilisation de ce matériel aux docteurs en médecine, M. [C] a fait assigner la société FME, aux droits de laquelle est venue la société BME France (la société BME), la société Profilease et la société Franfinance Location devant le tribunal de grande instance de Nanterre en nullité des contrats de vente et de financement pour dol ainsi qu'en remboursement des loyers payés.

En cours d'instance, M. [C] a fait assigner en intervention forcée la SCP [T]-[J], désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BME France ainsi que les sociétés Generali Iard et Axa France Iard, prises en leur qualité d'assureurs de la société BME France.

Par un jugement du 27 janvier 2012, le tribunal de grande instance a, notamment, mis hors de cause les sociétés Generali Iard et Axa France Iard, a annulé les contrats de vente conclus entre la société BME France et M. [C], entre la société BME France et la société Profilease, entre la société Profilease et la société Franfinance Location et a condamné les sociétés Franfinance Location, Profilease et BME au paiement de diverses sommes.

Par un arrêt du jugement du 3 avril 2014, cette cour a infirmé le jugement rendu par le tribunal, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Generali et la société Axa France, a dit que le dol du vendeur n'était pas démontré et a rejeté les demandes d'annulation des contrats de vente et de crédit-bail.

M. [C] a formé un pourvoi contre cette décision.

Par un arrêt du 8 mars 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt en toutes ses dispositions:

1° au visa de l'article 4 du code civil, au motif que la cour d'appel avait refusé d'interpréter les dispositions de l'arrêté du 6 janvier 1962 ;

2° au visa de l'article 1116 du même code, au motif qu'en retenant qu'il appartenait à M. [C] de connaître les activités réservées aux médecins et celles qui sont autorisées aux kinésithérapeutes, alors que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée, et qu'en l'espèce, la circonstance que M. [C] aurait dû savoir, en tant que professionnel, qu'il n'était pas autorisé à utiliser la lumière pulsée n'excluait pas l'existence d'un dol de la part de la société BME, la cour d'appel avait violé le texte visé.

La société Ingénierie Technique et Location (la société ITL), venant aux droits de la société Profilease, a saisi cette cour désignée comme cour de renvoi autrement composée.

Le 30 septembre 2016, la société BME a été placée en liquidation judiciaire et la SCP [T]-[J]a été désignée en qualité de liquidateur.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 7 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société ITL, venant aux droits de la société Profilease, demande à la cour:

A titre principal:

- de dire que l'arrêté du 6 janvier 1992 ne s'applique pas au matériel litigieux ;

- de réformer en conséquence le jugement et de débouter M. [C] de ses demandes ;

A titre subsidiaire:

- de constater que le bailleur ne saurait être tenu du dol du fournisseur ou de l'erreur alléguée du locataire ;

- de condamner solidairement M. [C] et la société BME sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à relever indemne la société ITL de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sauf, à titre infiniment subsidiaire, à fixer sa créance au passif de la société BME en liquidation judiciaire depuis le 30 septembre 2016 ;

En tout état de cause:

- de condamner M. [C] au paiement d'une indemnité de 15000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 15 novembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [C] demande à la cour:

- de confirmer le jugement ;

Y ajoutant:

- de dire que la condamnation interviendra avec intérêts au taux légal à compter de la date des différents règlements et capitalisation des intérêts ;

- de dire en tout état de cause que les clauses invoquées par la société ITL et par la société Franfinance Location sont réputées non écrites ;

- de débouter la société ITL de des demandes ;

- de condamner la société ITL au paiement de la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire:

- de voir retenue la responsabilité de la société BME ;

- de condamner la société BME ou de voir fixer sa créance à la somme de 21 721 euros ;

- de condamner la société BME à garantir M. [C] de tout paiement de loyers futurs ;

- de déclarer l'appel provoqué de M. [C] recevable ;

- de condamner la société Axa France au paiement de la somme de 21 721,50 euros ;

- de condamner la société Axa France et la société BME à garantir M. [C] de tout paiement de loyers futurs ;

- de condamner la société BME , son assureur Axa France ainsi que la société ITL au paiement de la somme de 12000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 7 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Franfinance Location demande à la cour:

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de débouter M. [C] de sa demande de nullité du contrat de location ;

- de condamner M. [C] à régler à la société Franfinance Location ;

- 31 375,50 euros TTC au titre des loyers impayés ;

- 470,73 euros TTC au titre de la clause pénale.

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour sur le mérite de la demande de M. [C] en nullité du contrat de vente ;

- en cas de nullité de la vente, de prononcer la résiliation du contrat de location ;

- de condamner en conséquence M. [C] à régler à la société Franfinance Location une indemnité de résiliation correspondant au montant des loyers TTC restant à courir à compter de la date de résiliation jusqu'au 3 février 2013, outre intérêts à compter de cette date et la somme forfaitaire de 2380,83 euros TTC correspondant à trois mois de loyers, outre les loyers impayés à compter du 1er décembre 2009 jusqu'à la date de résiliation du contrat ;

- de condamner solidairement Me [J] ès qualité, la société ITL et M. [C] à restituer à la société Franfinance Location le prix de vente du matériel ' Kinepil', soit 52 624 euros TTC, outre les intérêts de retard ;

- de condamner la société ITL à rembourser le solde du prix qu'elle a perçu de la société Franfinance Location au regard du prix de vente payé à la société FME, soit la somme de 4000,58 euros, outre intérêts de retard ;

En tout état de cause:

- de condamner la société ITL à contre-garantir la société Franfinance Location de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- de condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 4 novembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Axa France demande à la cour:

- de débouter M. [C] de son appel provoqué ;

- de confirmer la décision du 27 janvier 2012 en ce qu'elle a mis la société Axa France hors de cause ;

- de condamner M. [C] et tout succombant au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BME France a été assignée le 22 novembre 2016 en la personne de son liquidateur, la SCP [T]-[J], par un acte remis à personne habilitée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la demande en nullité du contrat de vente du 7 octobre 2005

Le premier juge a précisément rappelé les conventions passées et les relations juridiques existant entre les parties qui peuvent être ainsi résumées:

- un contrat de vente du matériel litigieux conclu le 7 octobre 2005 sur le salon 'Gicare' entre la société FME, devenue BME France, venderesse et M. [C], pour un prix de 52 624 euros TTC, la livraison devant intervenir au plus tard le 1er mars 2006. Un acompte de 5000 euros a été versé lors de la commande.

- un contrat de location ayant pour objet le financement de l'appareil 'Kinépil' acheté par M. [C], conclu pour une durée de 84 mois moyennant le paiement de mensualités de 793,61 euros conclu le 3 février 2006 entre M. [C] et la société Profilease, aux droits de laquelle vient la société ITL. Ce contrat implique transfert de la propriété du matériel au bailleur.

- une cession du matériel et du contrat par la société ITL à la société Franfinance Location, également signataire du contrat du 3 février 2006, la cession ayant été notifiée à M. [C] le 23 février 2006 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La société Franfinance est devenue bailleresse et propriétaire du matériel et c'est à elle que M. [C] a réglé les loyers.

M. [C] soutient que son consentement a été surpris par dol. Il invoque aussi une absence de certification du matériel litigieux au regard des articles L. 5211-1du code de la santé er 1128 du code civil dans sa rédaction alors applicable.

La qualité et l'intérêt à agir en nullité de M. [C] résultent tant de sa qualité d'acheteur initial du matériel que de mandataire du bailleur. Les conditions générales du contrat de location prévoient en effet expressément que 'si le locataire estime nécessaire d'agir en nullité ou résolution du contrat de vente ou en réfaction de prix, le bailleur lui donne mandat d'ester sous réserve de l'informer préalablement et de lui communiquer toutes pièces de procédure lui permettant de préserver ses droits' (article 6.3). Ces conditions générales prévoient également que 'le bailleur subroge le locataire dans tous les droits et actions contre le fournisseur, comprenant le droit d'ester en justice, notamment en résolution de la vente.' (Article 3.4).

M. [C] se prévaut au titre du dol d'une réticence dolosive de la part de la venderesse, la société BME, ainsi que de manoeuvres dolosives imputables à la société BME.

La société ITL considère pour sa part que M. [C] ne rapporte pas la preuve d'un dol ou d'une réticence dolosive justifiant le prononcé de la nullité du contrat de vente.

La société Franfinance Location s'en rapporte pour sa part à justice sur le mérite de la demande en nullité de la vente et conclut à l'absence de manoeuvres dolosives qui pourraient lui être imputées, dans la mesure où elle n'a jamais eu la qualité de mandataire de la société BME pour le compte de laquelle elle n'a accompli aucun acte juridique.

L'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, énonce:

'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas. Il doit être prouvé.'

Il est constant que la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée.

M. [C] a fait l'acquisition d'un matériel intitulé 'Kinépil'.

Il ressort du bon de livraison du matériel avec lequel ont été remises des 'fiches devis' photo-épilation, photo-rajeunissement et photo-dépigmentation que 'Kinépil' est un appareil qui utilise la lumière pulsée intense.

La revue 'Physiopolis, l'essentiel de la Kinésithérapie', a vanté dans des écarts publicitaires de septembre 2005 et septembre 2006 l'usage de ce matériel, notamment à des fins d'épilation.

Un arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires ou d'analyses médicales non médecins dispose, en son article 2:

' Ne peuvent être pratiqués que par des docteurs en médecine, conformément à l'article L. 372-1 (1°) du code de la santé publique, les actes médicaux suivants:

(...)

5° Tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire.

(...) '.

Cet arrêté, modifié le 13 avril 2007 sur un point qui n'intéresse pas la présente instance, est toujours en vigueur. Il est dépourvu d'ambiguïté et réserve aux seuls médecins les modes d'épilation autres que ceux pratiqués à la pince ou à la cire.

Il est indifférent que le 'Kinépil' ait été utilisé par de nombreux kinésithérapeutes ou esthéticiennes aux fins d'épilation, cette circonstance ne pouvant constituer un usage abrogatif des dispositions claires d'un arrêté par ailleurs récemment modifié.

Lors de l'acquisition du matériel, M. [C] n'a fait l'objet d'aucune information sur l'interdiction résultant de l'arrêté précité et il ne peut lui être fait grief, en dépit de sa qualité de professionnel, d'avoir ignoré comme il le reconnaît les limites à l'exercice de sa profession dans la mesure où, d'une part, il est démontré que la presse spécialisée à destination des professionnels ne faisait pas état de cet arrêté et où, en toute hypothèse, le vendeur a sciemment omis d'informer l'acheteur, notamment dans les documents contractuels, des risques encourus, y compris des risques de poursuites pénales.

M. [C] n'a été avisé de la législation applicable en matière d'épilation que par la publication en septembre 2007 d'un article de M. [D], secrétaire général du syndicat des masseurs-kinésithérapeutes, dans le bulletin du SNMKR, ainsi qu'il ressort d'un échange de courriels entre les intéressés le 25 février 2008.

Aucune restriction professionnelle d'usage ne figure par ailleurs dans le volumineux mode d'emploi du 'Kinepil' remis à l'acheteur avec le matériel, en particulier dans les nombreuses pages consacrées à la photo-épilation dans lesquelles figure à de nombreuses reprises le mot 'épilation', bien que des précautions d'utilisation et mises en garde techniques y soient mentionnées sur la fluence, c'est-à-dire sur la quantité d'énergie lumineuse délivrée sur une surface déterminée.

La société BME, vendeur professionnel, tenu de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue, ne pouvait ignorer l'existence de la réglementation applicable au produit qu'elle mettait sur le marché et il ne peut être raisonnablement soutenu, à l'énoncé même de l'appellation du matériel et à la lecture des publicités produites évoquant une épilation définitive, que la technique de lumière pulsée n'impliquerait pas un acte d'épilation mais un simple acte de 'dépilation ', en considération de ce que le poil ne serait pas arraché mais qu'il tomberait de lui-même.

M. [C], dont la carte de visite de physioplastie mentionne au premier chef l'activité d'épilation définitive, à l'exclusion de toute activité de photo-rajeunissement, n'aurait à l'évidence pas contracté s'il avait été avisé de la prohibition réglementaire d'utilisation du matériel litigieux.

Ainsi, en dissimulant à M. [C] des informations déterminantes de son consentement qui, si elles avaient été connues de lui, l'aurait empêché de contracter et en laissant croire à l'acheteur qu'en sa qualité de kinésithérapeute, il était en droit de faire usage du matériel vendu, la société BME a sciemment commis un dol rendant excusable l'erreur commise par l'acheteur, serait-il un professionnel.

Le jugement sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente conclu entre la société FME et M. [C].

II - Sur les conséquences de la nullité du contrat de vente sur le contrat de location financière

Le contrat de location du 3 février 2016, signé par M. [C], locataire, par la société Profilease, bailleresse et par la société Franfinance Location, futur cessionnaire du matériel et du contrat, s'analyse en un contrat s'inscrivant dans une opération incluant une location financière, c'est'à-dire un contrat s'apparentant à un crédit-bail, sans faculté d'achat du matériel par le locataire en fin de bail.

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, de sorte que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.

Il s'ensuit que l'annulation du contrat de vente du 7 octobre 2005 entraîne l'entier anéantissement, par voie de conséquence, des cessions du matériel litigieux et du contrat de location du 3 février 2006 qui s'inscrit dans l'opération globale.

La règle selon laquelle la résolution d'un contrat de vente entraîne nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de l'application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation, invoquée par la société Franfinance Location et issue d'une jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de cassation du 23 novembre 1990, ne peut ici recevoir application, le contrat liant cette société à M. [C] n'étant pas un contrat de crédit-bail mais un contrat de location financière.

Il est toutefois de règle que la résiliation d'un contrat à exécution successive n'opère que pour l'avenir, de sorte que le bailleur ne peut être condamné à la restitution des loyers correspondant à une utilisation effective par le locataire.

Au cas présent, M. [C] démontre par la production d'un constat d'huissier de justice du 22 octobre 2009, que l'appareil épilateur 'Kinépil' est remisé dans une pièce servant de débarras, protégé par un plastique et recouvert de poussière. Selon les indications fournies par M. [C] à l'huissier de justice, corroborées par la lettre de réclamation du 5 février 2008, l'indication du nombre de 'tirs' pratiqués figurant sur le compteur et communiqué à la société FME comparé à celui constaté par l'huissier de justice ainsi que par les messages échangés avec M. [D], le dernier 'tir' au flash de lumière pulsée a été pratiqué le 19 septembre 2007.

C'est donc à cette date que la résiliation du contrat de location doit être constatée et c'est à bon droit que le premier juge a condamné la société Franfinance à rembourser à M. [C] les loyers perçus depuis cette date jusqu'à l'arrêt effectif du paiement des loyers.

Le jugement sera confirmé sur ce point, sauf à dire que les intérêts de retard courront à compter de la date des différents règlements effectués, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

La société ITL sera ensuite condamnée à rembourser à la société Franfinance Location la somme de 56624,58 euros TTC, correspondant au prix de vente augmenté du solde du prix perçu de la société Franfinance Location de 4000,58 euros, au regard du prix de vente payé par elle à la société FME de 56624,58 euros suivant facture du 23 février 2006, avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt.

Enfin, la société BME, représentée par son liquidateur, sera condamnée à rembourser à la société ITL la somme de 52624 euros TTC, sans qu'il y lieu de fixer cette somme au passif de la société dans la mesure où la nullité de la vente est prononcée après l'ouverture de la procédure collective, de sorte que la créance de restitution du prix née de l'annulation de la vente est une créance qui entre dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce.

Les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les clauses contractuelles invoquées par la société ITL et la société Franfinance au soutien de leurs demandes formées à l'encontre de M. [C] sont réputées non écrites en raison de l'anéantissement du contrat de location. Il est inopérant de rechercher si ces clauses présentent le caractère d'une pratique abusive au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, si bien que ces sociétés seront déboutées de l'ensemble de leurs prétentions au titre de l'article 3.3 du contrat de location prévoyant une garantie solidaire du locataire du paiement au bailleur des sommes dont le vendeur serait redevable à raison de la dissolution ou de la nullité du contrat ou encore de l'article 6.3 prévoyant une indemnité de résiliation et une indemnité forfaitaire de trois mois de loyers.

La société Axa France, contre laquelle ne sont formées que des demandes subsidiaires, sera mise hors de cause.

En dernier lieu, la demande de 'contre-garantie' formée par la société Franfinance Location à l'encontre de la société ITL, qui n'est étayée par aucun développement juridique se référant à des dispositions contractuelles liant les deux sociétés, sera rejetée.

Il sera enfin fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [C], ainsi qu'au profit de la société Axa France, à la charge de M. [C] qui succombe à son égard, dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à dire et préciser que:

1° le contrat de location du 3 février 2006 est résilié à compter du 19 septembre 2007 ;

2° les intérêts  de retard des sommes dues par la société Franfinance Location à M. [C] au titre du remboursement des loyers courront à compter de la date des différents règlements effectués, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil pour les intérêts dus au moins pour une année entière. ;

3° il n'y a pas lieu à fixation de la créance de restitution du prix au passif de la société BME France mais à restitution du prix de vente par la société BME France, représentée par la société [T]-[J], à la société Ingénierie Technique et Location ;

4° les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Ingénierie Technique et Location et BME France courront à compter du présent arrêt ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum la société BME France, représentée par son liquidateur, la société Ingénierie Technique et Location et la société Franfinance Location à payer à M. [C] la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] à payer à la société Axa France Iard la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande de ce chef ;

DIT que la charge des dépens sera supportée in solidum par la société BME France, représentée par son liquidateur, la société Ingénierie Technique et Location et la société Franfinance Location.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02011
Date de la décision : 23/02/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°16/02011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-23;16.02011 ?
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