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09/02/2017 | FRANCE | N°15/009961

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16, 09 février 2017, 15/009961


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 78M

16e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2017

R.G. No 15/00996

AFFAIRE :

SA QUOTIUM TECHNOLOGIES Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.
...

C/
Maryse Y... épouse Z...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2015 par le Juge de l'exécution du TGI de NANTERRE
No Chambre :
No Section : /
No RG : 14/04356

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copi

es
délivrées le :

à :

Me Claire RICARD , avocat au barreau de VERSAILLES,

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES -

RÉPUBLIQUE...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 78M

16e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2017

R.G. No 15/00996

AFFAIRE :

SA QUOTIUM TECHNOLOGIES Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.
...

C/
Maryse Y... épouse Z...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2015 par le Juge de l'exécution du TGI de NANTERRE
No Chambre :
No Section : /
No RG : 14/04356

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :

Me Claire RICARD , avocat au barreau de VERSAILLES,

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES -

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA QUOTIUM TECHNOLOGIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié [...]                                                                                                     
Représentant : Me Claire RICARD , Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
Représentant : Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD etamp; Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 -

SAS TECHNOLOGIES agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié [...]                                                                                                     
Représentant : Me Claire RICARD , Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
Représentant : Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD etamp; Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 -

SAS EQUITY CONSULTING agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié [...]                                                                                                     
Représentant : Me Claire RICARD  , Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622
Représentant : Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD etamp; Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 -

APPELANTES
****************

Madame Maryse Y... épouse Z...
née le [...] à LOURDES (65100)
de nationalité Française
[...]                                         
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1554376 -
Représentant : Me Sébastien VIALAR de la SELARL STC Partners, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R234

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Décembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odette-Luce BOUVIER, Président chargé du rapport et Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,

FAITS ET PROCEDURE,

Selon ordonnance du 9 juillet 2013 le président du tribunal de grande instance de Nanterre a notamment déclaré exécutoire sur le territoire français l'ordonnance rendue le 7 août 2012 par le président du tribunal civil d'arrondissement de la Côte à Nyon, canton de Vaud, en Suisse, qui a:
*dit que M. Michel Z... contribuera à l'entretien de son épouse Mme Maryse Y..., par le régulier versement d'une contribution d'entretien mensuelle de 30.000 francs dès et y compris le 1er août 2012, allocations familiales en sus,
*déclaré l'ordonnance immédiatement exécutoire et valable jusqu'à droit connu ensuite de la nouvelle audience de mesures provisionnelles à fixer,
*dit que les frais et dépens de l'ordonnance suivent le sort des mesures provisionnelles,

- dit que les condamnations pécuniaires libellées en devises étrangères devront être payées en euros au cours du jour ouvrable précédent le paiement effectif dans la mesure où celui-ci interviendra sur le territoire français,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision d'exequatur.

Cette décision a été signifiée à M. Z... le 23 août 2013 et un certificat de non-appel a été délivré le 17 octobre 2013.

Le 23 août 2013, Mme Y... a fait procéder à une saisie conservatoire de créance entre les mains de la société anonyme BNP Paribas pour la somme totale de 270.034,54 euros. Cette saisie, partiellement fructueuse, a été convertie en saisie attribution le 22 octobre 2013 et signifiée comme telle à M. Z..., débiteur saisi, le 25 octobre 2013.

Parallèlement Mme Y... a fait procéder à une saisie attribution le 10 septembre 2013 entre les mains de la Caisse d'Epargne Ile de France, pour recouvrement de la somme de 271.928 euros. Cette saisie s'est révélée infructueuse.

Le 23 août 2013, Mme Y... a, par trois actes distincts, fait procéder à une saisie conservatoire des valeurs mobilières et droits d'associés détenus par M. Z... dans le capital de la société anonyme Quotium Technologie (Icom Informatique), de la société par actions simplifiée Equity Consulting ainsi que de la société par actions simplifiée Technologies, pour la somme de 269.135,04 euros.

Le même jour Mme Y... a, par trois actes distincts, fait procéder à une saisie conservatoire de créances dont est titulaire M. Z... à ['encontre de la SA Quotium Technologies, de la SAS Equity Consulting et de la SAS Technologie, pour la somme en principal de 269.705,64 euros.

Ces six saisies conservatoires ont été dénoncées à M. Z..., débiteur principal, le 30 août 2013.

Le 19 novembre 2013, Mme Y... a fait signifier à la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies ainsi qu'à la SA Quotium Technologie un procès verbal de conversion des saisies conservatoires de créances précédemment signifiées, pour la somme de 232.958,74 euros. Ces trois actes de conversion ont été signifiés à M. Z..., débiteur saisi, en un seul acte établit le 22 novembre 2013.

Autorisée à cette fin par ordonnance du 27 mars 2014 et par actes d'huissier signifiés le 2 avril 2014 Mme Y... a fait assigner la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies ainsi que la SA Quotium Technologies devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de :
- condamnation in solidum de la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies ainsi que la SA Quotium Technologies à lui verser la somme de 323.641,93 euros en principal, et déduction faite des sommes saisies auprès de la SA BNP Paribas,
- condamnation in solidum de la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies ainsi que la SA Quotium Technologies à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 6 janvier 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a :

- condamné in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à Mme Y... la somme de 232.958,74 euros, augmentée des intérêts au taux légal non capitalisés à compter de la signification de la présente décision,
- débouté la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies de leur demande indemnitaire,
- condamné solidairement la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies au paiement des dépens de l'instance (à l'exclusion des frais des mesures antérieures),
- condamné solidairement la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à Mme Y... la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision ;

Le 6 février 2015, la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies et la SAS Equity Consulting ont formé appel de la décision.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 19 octobre 2016, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies et la SAS Equity Consulting, appelantes intimées incidentes, demandent à la cour de :

-les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,
-déclarer Mme Y... irrecevable et mal fondée en son appel incident,
-constater qu'elles ont satisfait partiellement à leurs obligations de déclaration en tant que tiers saisis,
- constater qu'elles n'avaient pas d'obligations à l'égard de M. Z..., débiteur saisi, au jour de la saisie,
En conséquence,
-infirmer le jugement prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre le 6 janvier 2015,
- débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
- ordonner, en conséquence, que ces sommes leur soient remboursées,

Y ajoutant,
- constater que Mme Y... a introduit une action en justice abusive à leur préjudice,

En conséquence,

- condamner Mme Y... à verser une indemnité de 10.000 euros à titre de dommages- intérêts à chacune d'elles,

En tout état de cause,

-condamner Mme Y... à payer à chacune d'elles la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme Y... en tous les dépens.

Au soutien de leurs demandes, la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies et la SAS Equity Consulting font valoir :

- que la seule obligation du tiers saisi, selon l'article R. 524-1 du code des procédures civiles d'exécution, est de faire connaître l'existence d'éventuels nantissements ou saisies ; qu'elles ont apporté ces informations à l'huissier de justice instrumentaire en temps utile ;

- qu'en signifiant en pleine période de congés, l'huissier de justice n'a pas pas mis en œuvre tous les moyens leur permettant de répondre "sur le champ" ;

- qu'elles ont néanmoins fait l'effort de répondre, même si ces réponses étaient incomplètes ; qu'en fournissant un formulaire ne contenant pas l'intégralité des renseignements que le tiers doit fournir selon l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, celui-ci n'est pas mis en mesure d'être informé de tous les renseignements exigés par ces dispositions ; que ce formulaire pousse le tiers à commettre des maladresses et inexactitudes ;

- que Mme Y... ne peut dès lors leur reprocher de « s'être contentées de cocher des cases pré remplies » puisqu'elles ne sont pas familières de ce genre de procédures et ont tout simplement complété le formulaire qui leur était présenté ;

- que le tiers saisi ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie que s'il ne fournit pas de renseignement à l'huissier ; qu'une telle sanction ne peut s'appliquer si celui-ci fournit des renseignements qui sont considérés comme "incomplets" ; qu'une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne peut donner lieu qu'au paiement de dommages- intérêts, sous condition pour le créancier de faire la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité ; qu'en l'espèce, les réponses apportées ne peuvent, le cas échéant, qu'être considérées comme des "réponses" incomplètes au sens du deuxième alinéa de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

- que la jurisprudence a eu plusieurs fois l'occasion de souligner que le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie-attribution ou une saisie conservatoire, n'encourt, s'il n'est tenu, au jour de la saisie, à aucune obligation envers le débiteur saisi, aucune condamnation au paiement des causes de la saisie ;

- qu'en l'espèce, M. Z... n'est pas salarié de la SA Quotium Technologies (comme le démontrent les récapitulatifs N4DS communiqués), ne dispose que d'une seule action au sein de la SA Quotium Technologies lui permettant de siéger au conseil d'administration, et n'a aucun compte au sein de cette société ; que la SA Quotium Technologies démontre, en outre, ne pas avoir réalisé de bénéfices et n'avoir distribué aucun dividende de 2010 à 2014 ;

- que M. Z... n'est ni salarié, ni actionnaire direct de la SAS Technologies, et ne dispose pas de compte créditeur à son égard dans cette société ;

- que, si M. Z... était bien salarié de la SAS Equity Consulting, son salaire ne pouvait être considéré comme une obligation saisissable par le biais d'une saisie-attribution ; qu'à la suite d'une saisie sur salaire diligentée par Mme Y... et depuis juillet 2014, la société Equity Consulting lui verse chaque mois une somme de 6.825,18 euros ; que M. Z... ne percevait aucune rémunération au titre de son mandat social ;

- qu'il ne fait aucun doute que Mme Y... a poursuivi la condamnation des tiers saisis pour remédier aux difficultés de paiement qu'elle se voit opposer par son débiteur principal ; qu'elle ne justifie pas que l'absence de communication des informations par les tiers saisis a rendu impossible la poursuite des saisies ; qu'aucun élément communiqué n'établit qu'une dissimulation aurait été effectuée au préjudice de Mme Y... ;

- que cette action en justice abusive leur a causé un préjudice.

Dans ses dernières conclusions transmises le 8 septembre 2016, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme Y..., intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

À titre principal,
- constater que la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting n'ont pas satisfait à leur obligation légale de déclaration,

En conséquence,
- confirmer le jugement attaqué du 6 janvier 2015 en ce qu'il a dit et jugé que la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting n'ont pas satisfait à leur obligation légale de déclaration,

- infirmer le jugement attaqué pour le surplus,

- condamner la SA Quotium Technologies à lui verser la somme de 269.705,64 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés,

- condamner la société SAS Technologies à lui verser la somme de 269.705,64 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés,

- condamner la SAS Equity Consulting à lui verser la somme de 269.705,64 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés,

A titre subsidiaire,
- constater que la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting ont fait une déclaration incomplète, inexacte et mensongère,
En conséquence,
- condamner chacune des SA Quotium Technologies, SAS Technologies, et SAS Equity Consulting à lui verser la somme de 269.705,64 euros à titre de dommages et intérêts,

En toute hypothèse,
- débouter la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting de leurs demandes indemnitaires pour procédure abusive,
- débouter la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner chacune des SA Quotium Technologies, SAS Technologies, et SAS Equity Consulting à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SA Quotium Technologies, la SAS Technologies, et la SAS Equity Consulting aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment l'ensemble des frais d'exécution forcée ;

Au soutien de ses demandes, Mme Y... fait valoir :

- que les appelantes ont manifestement manqué à leur obligation de déclaration en ce qu'elles n'ont pas respecté sur-le-champ leur obligation d'information ; que les saisies conservatoires de créances ont été signifiées le 23 août 2013 aux appelantes et qu'il aura fallu attendre près de 10 jours avant que la directrice financière des sociétés appelantes n'adresse une réponse à l'huissier ;

- que la jurisprudence sanctionne, sur le fondement des articles R. 523-4 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi qui ne répond pas sur-le-champ sans motif légitime ; que la jurisprudence apprécie de manière restrictive l'expression « sur-le-champ » en imposant au tiers saisi de fournir les renseignements immédiatement, la réponse tardive étant considérée comme une absence totale de réponse ;

- que comme le requiert la loi, les actes signifiés par l'huissier aux appelantes reproduisent fidèlement les dispositions des articles L. 211-3, R. 523-4 et R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, lesquelles rappellent expressément la nature et l'étendue de l'obligation de déclaration à laquelle est tenu le tiers saisi.

- que la jurisprudence considère qu'il appartient au tiers saisi de rapporter la preuve qu'au jour de la saisie, il n'était tenu d'aucune obligation vis-à-vis du débiteur ; que la cour d'appel de Paris a ainsi considéré que tel n'était pas le cas lorsque les éléments de comptabilité versés aux débats étaient incomplets et insuffisants à démontrer qu'au jour de la saisie, le compte courant d'associé du débiteur au sein de la société tiers saisie avait été soldé ;

- que, s'agissant de la SAS Equity Consulting, les appelantes reconnaissent elles-mêmes dans leurs écritures qu'elle versait au jour des saisies un salaire à M. Z... ; qu'il s'agit d'un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil ; qu'en indiquant que M. Z... percevait un salaire de la SAS Equity Consulting, les appelantes reconnaissent nécessairement que cette dernière était débitrice vis-à-vis de lui ; qu'elle est donc de ce seul fait, fondée à demander la condamnation de la SAS Equity Consulting au paiement des causes de la saisie ;

- que chacune des trois sociétés a été personnellement fautive de ne pas avoir procédé aux déclarations requises par le code des procédures civiles d'exécution pour des saisies distinctes  et doivent être respectivement condamnées aux causes des saisies au titre de chacune des trois saisies ;

- que, s'agissant du montant de la condamnation et selon les dispositions de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi s'expose à payer la totalité du montant pour lequel les saisies ont été pratiquées, sans que ce montant ne puisse être diminué du fait de mesures d'exécution ultérieures ;

- qu'il est constant que le tiers saisi qui ne s'est pas abstenu de procéder à la déclaration requise, mais a fourni des renseignements inexacts ou mensongers, encourt une condamnation au paiement de dommages- intérêts ;

- que les relations qu'entretiennent les appelantes avec M. Z..., leur actionnaire et dirigeant, suffisent à établir que les appelantes ont délibérément adressé des réponses significativement incomplètes ;

- que la Cour de cassation considère enfin que le simple constat d'une déclaration inexacte ou incomplète suffit à caractériser l'existence d'un préjudice.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 novembre 2016.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 7 décembre 2016 et le délibéré au 9 février 2017 suivant.

SUR CE, LA COUR

Sur le respect de l'obligation de renseignement des tiers saisis :

L 'article R. 524-1 du code des procédures civiles d'exécution précise, en matière de saisies conservatoires de valeurs mobilières ou droits d'associés, que :

"Le créancier procède à la saisie par la signification d'un acte à l'une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.

Cet acte contient à peine de nullité :
1o Les nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
2o L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3o Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
4o L'indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
5o La sommation de faire connaître l'existence d'éventuels nantissements ou saisies.".

L'article R 123-1, relatif aux saisies conservatoires de créances, du même code prévoit que :

"Le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité :
1o L'énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2o L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3o Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
4o La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5o La reproduction du troisième alinéa de l'article L. 141-2 et de l'article L. 211-3.".

Aux termes de l'article L. 211-3 sus visé :
"Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.".

L'article R.523-4 du code des procédures civiles d'exécution précise que :
"Le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l'acte de saisie.".

En l'espèce, il résulte des éléments de fait et de preuve versés aux débats que les trois sociétés, tiers saisies, ont apporté chacune une réponse unique à l'huissier le 3 septembre 2013, soit dix jours après les saisies conservatoires diligentées le 23 août 2013.

Si les sociétés, tiers saisis, n'ont pas répondu sur le champ à l'huissier de justice, mais dix jours après la signification des saisies conservatoires de créances, il convient de relever que cette signification, certes réalisée auprès de M. Z..., en sa qualité de dirigeant desdites sociétés, l' a été au début de la dernière semaine des vacances estivales et que leur directrice financière atteste du fait qu'elle s'était trouvée dans l'impossibilité de répondre immédiatement, en l'absence du conseil juridique des sociétés, ce qui caractérise, eu égard à ce contexte et au nombre des sociétés concernées, le motif légitime justifiant le caractère tardif des réponses apportées.

En ce qui concerne l'existence même de cette réponse, il est constant que les trois sociétés se sont contentées de renseigner, sans autre précision, les cases du formulaire à elles remis par l'huissier.

La société Equity Consulting a ainsi coché la case :
- " Il n'existe pas d'autres saisies attributions ou opposition " ;

La société Quotium Technologies a coché la case : "les recherches entreprises n'ont pas permis de trouver de compte à ces nom et adresse ", réponse inadaptée au demeurant, comme le relève exactement le juge de l'exécution, dès lors que cette société n'est pas un établissement tenant des comptes de dépôt mais une société commerciale ;

- la société Technologies a quant à elle coché la case : " Il n'existe pas d'autres saisies attributions ou opposition ".

Par ces seuls éléments de réponse, les sociétés ne précisent en rien la nature et le montant des créances détenues par elles pour le compte du débiteur, M. Michel Z..., alors même que le questionnaire fourni par l'huissier de justice reproduit exactement les dispositions des articles L. 211-3, R. 523-4 et R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution qui précisent clairement les informations requises.

Il est en effet établi que le débiteur saisi était, à la date des saisies conservatoires, président directeur général et actionnaire de la société Quotium Technologies, qu'il reconnaît devant la cour disposer d'un compte de remboursement de frais dans la SAS Technologies dont il est un des associés et enfin qu'il était président directeur général, associé unique et salarié de la SAS Equity Consulting -dont il a procédé à la dissolution le 30 octobre 2015- et y disposait d'un compte de frais.

Les sociétés appelantes reconnaissent au demeurant, dans leurs conclusions en appel (p. 8) que "dans ce cadre,[elles] ont fourni une partie des informations exigées par l'article L.211-3 du code des procédures civiles"et ajoutent (p. 9) que "les réponses apportées ne peuvent, le cas échéant, qu'être considérées comme des "réponses" incomplètes au sens du deuxième alinéa de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution. Il doit en effet être retenu que les tiers saisis ont donné la réponse exigée par l'article L.211-3 du même Code, et qu'ils n'ont pas été mis en mesure d'en apporter l'intégralité, du fait des formulaires incomplets laissés à leur disposition par l'huissier.".

Il résulte de ces constatations que les trois sociétés, tiers saisis, ont apporté des réponses parcellaires en se contentant de cocher des cases pré remplies d'un formulaire, et en omettant des informations notamment sur les obligations de paiement de frais et/ou de salaires auxquelles elles étaient tenues envers M. Z..., peu important au demeurant qu'elles aient répondu sur un formulaire fourni par l'huissier de justice dès lors que ce questionnaire reproduit exactement les dispositions des articles L. 211-3, R. 523-4 et R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution sus mentionnés et qu'il était loisible à ces sociétés de vérifier l'étendue de leur obligation d'information, étant relevé par la cour que le formulaire en question prévoit expressément que, s'il est matériellement impossible au requis de donner la réponse sur le champ, celle-ci sera adressée à l'huissier par "fax sous 48 heures".

La cour rappelle qu'à titre de sanctions, l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que :
"Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier. Il peut être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère."

Il est de jurisprudence constante que le tiers saisi, qui ne fournit pas les renseignements prévus par l'article L. 211-3 sus mentionné, est condamné au paiement des causes de la saisie ; qu'une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne peut donner lieu qu'à sa condamnation à dommages-intérêts.
En l'espèce, si le caractère manifestement lacunaire et inexact des informations données est ainsi établi, les déclarations ainsi faites ne sauraient s'analyser en une absence de réponse, au sens de l'article L. 211-3 sus visé, contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution.

Dès lors, les tiers saisis, en ce qu'ils ont failli à leur obligation de renseignement en fournissant une déclaration incomplète et imprécise, non accompagnée des documents qui ne seront produits qu'ultérieurement devant les juridictions saisies du litige, seront condamnés à des dommages-intérêts et non au paiement des causes de la saisie, contrairement à ce qu'a ordonné le jugement entrepris .

En conséquence, il n'y a pas lieu de vérifier si, à la date de la saisie, les tiers saisis étaient débiteurs de M. Z..., un tiers saisi, même s'il n'est redevable d'aucune somme envers le débiteur saisi pouvant être condamné au versement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de renseignement.

La cour rappelle qu'il est de jurisprudence constante que le simple constat d'une déclaration inexacte ou incomplète suffit à caractériser l'existence d'un préjudice, étant relevé qu'au demeurant, Mme Y... n'a pas disposé en temps utile, comme elle le fait valoir à juste titre,
des informations nécessaires à la réalisation des opérations de saisie et que les sommes par elle perçues, hormis la saisie sur rémunérations réalisée parallèlement auprès de la société Equity Consulting , ne résultent que de l'exécution du jugement déféré, ce qui caractérise le préjudice par elle allégué qui s'analyse en une perte de chance.

Sur le montant des dommages-intérêts dus par les tiers saisis en réparation de leur manquement à leur obligation de renseignement, la cour relève qu'il est établi que Mme Y... a procédé le 23 août 2013 à trois saisies conservatoires pour un montant total de 269.135,04 euros, ramené par la suite des paiements intervenus à la somme de 232.958,74 euros .

Il convient, au regard des circonstances de la cause, d'octroyer à Mme Y..., à titre d'indemnisation du préjudice subi, la somme totale de 150.000 euros.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à Mme Y... la somme de 232.958,74 euros et, statuant à nouveau, de les condamner au paiement in solidum, à titre de dommages-intérêts, de la somme globale de 150.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal non capitalisés à compter de la signification de la décision.

Il convient enfin, ajoutant à la décision entreprise et pour les motifs sus retenus, de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice ; en l'espèce, un tel comportement de la part des appelantes comme de l'intimée n'est pas caractérisé.

Seront rejetées en conséquence les demandes d'indemnisation pour procédure abusive présentées en cause d'appel et sera confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies de leur demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de faire droit à la demande de somme au titre des frais irrépétibles formée par Mme Y... : les appelantes sont condamnées à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Parties perdantes pour l'essentiel, les sociétés appelantes ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel, sauf à en exclure l'ensemble des frais d'exécution forcée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à Mme Y... la somme de 232.958,74 euros,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à titre de dommages-intérêts à Mme Maryse Y... la somme globale de 150.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal non capitalisés à compter de la signification de la décision,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies à payer à Mme Maryse Y... la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande présentée par la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS Equity Consulting, la SAS Technologies et la SA Quotium Technologies aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et dont seront exclus les frais d'exécution forcée .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16
Numéro d'arrêt : 15/009961
Date de la décision : 09/02/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

Arrêt rendu le 9 février 2017 par la 16ème chambre de la cour d'appel de Versailles, RG n°15/00996. PROCÉDURES CIVILES D'EXÉCUTION Mesures d'exécution forcée. - Saisie-conservatoire. - Tiers saisi. - Obligation de renseignement. - Condamnation à verser des dommages-intérêts au créancier saisissant pour manquement à son obligation de renseignement. - Condition d'efficacité de la saisie (non). Vu les articles L. 211-3, R. 523-4 et R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution. Le tiers saisi, qui ne fournit pas les renseignements prévus par l'article L. 211-3 est condamné au paiement des causes de la saisie. Une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère ne peut donner lieu qu'à sa condamnation à dommages-intérêts. En l'espèce les trois sociétés, tiers saisis, ont apporté des réponses lacunaires et inexactes en se contentant de cocher des cases pré remplies d'un formulaire, et en omettant des informations notamment sur les obligations de paiement auxquelles elles étaient tenues envers le débiteur. Dès lors, les tiers saisis, en ce qu'ils ont failli à leur obligation de renseignement en fournissant une déclaration incomplète et imprécise, non accompagnée de documents, seront condamnés à des dommages-intérêts à hauteur du préjudice subi par le créancier saisissant, sans qu'il y ait lieu de vérifier si les tiers saisis étaient redevables de sommes envers le débiteur saisi. Ce préjudice consiste en la perte de chance de disposer en temps utile des informations nécessaires à l'exécution forcée du jugement déféré, étant observé qu'aucune exécution volontaire n'a été effectuée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-02-09;15.009961 ?
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