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07/02/2017 | FRANCE | N°15/08820

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 07 février 2017, 15/08820


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 30B

12e chambre section 2

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 7 FEVRIER 2017

R.G. No 15/08820

AFFAIRE :

Société OUTLET INVEST

C/

SARL SOD'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Novembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

No Chambre : 02

No Section :

No RG : 13/06497

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Philippe HOUILLON

Me Claire RICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société OUTLET INVE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

SM

Code nac : 30B

12e chambre section 2

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 7 FEVRIER 2017

R.G. No 15/08820

AFFAIRE :

Société OUTLET INVEST

C/

SARL SOD'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Novembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

No Chambre : 02

No Section :

No RG : 13/06497

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Philippe HOUILLON

Me Claire RICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société OUTLET INVEST

8-12, rue des Pirogues de Bercy

75012 PARIS

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/00241 (Fond)

Représentant : Me Philippe HOUILLON de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100 - No du dossier 1301187

Représentant : Me Dominique COHEN TRUMER de la SELASU SELAS COHEN-TRUMER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0009 - substitué par Me DE LA MONTLEUL

APPELANTE

****************

SARL SOD'

No SIRET : 502 769 300

Centre commercial Usine Center Paris Nord II

95500 GONESSE

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 16/00241 (Fond)

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - No du dossier 2016010

Représentant : Me Martine BENNAHIM, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0866 - substituée par Me LOREK

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Novembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie MESLIN, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

Vu l'appel déclaré le 18 décembre 2015 par la société de placement à prépondérance immobilière à capital variable Outlet Invest (société Outlet Invest.) contre le jugement prononcé le 30 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Pontoise dans l'affaire qui l'oppose à la société à responsabilité limitée SOD' (société SOD'.) ;

Vu l'appel déclaré le 12 janvier 2016 par la société SOD' contre la même décision;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 3 novembre 2016 par la société SOD', intimée à titre principal et appelante sur appel incident,

- 15 novembre 2016 par la société Outlet Invest, appelante à titre principal et intimée sur appel incident ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces du dossier présentés par les parties.

SUR CE,

La Cour, se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chacune des parties. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

L'indivision constituée par la société par actions simplifiée Center Villepinte et la société civile immobilière Gonesse Centre Commercial, aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la société Outlet Invest, a selon acte sous signatures privées du 29 mai 2001, donné à bail commercial à la société AN'GE, le local à usage commercial portant le numéro 54 dépendant du centre commercial Usine Center Paris Nord II situé à Gonesse 95 500, pour une durée de 12 années à compter du 1er avril 2001.

La société AN'GE a été placée en redressement judiciaire le 27 novembre 2003. Par jugement arrêtant le plan de cession du 12 mai 2005, le fonds de commerce exploité par cette société a été repris par la société à responsabilité limitée dénommée " Dadier". Cette dernière a par actes des 6 et 26 mars 2008, cédé son fonds de commerce à la société SOD'.

Par suite d'impayés de loyers, la société Outlet Invest a le 9 décembre 2011, vainement délivré au preneur un commandement visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement de 29 258, 94€ du chef d'arriérés prétendument dûs au 29 novembre 2011. Elle a le 11 octobre 2012, fait délivrer à la société SOD' un nouveau commandement visant la clause résolutoire afin d'obtenir le paiement de 116 653, 91€ toutes taxes comprises à titre d'arriérés de loyers, charges et accessoires arrêtés au 31 août 2012 outre, une pénalité contractuelle de retard fixée à 11 665, 39€.

La société Outlet Invest a ensuite le 3 décembre 2012, fait assigner la société SOD' devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evry en constatation, au visa des articles 1134 du code civil, 809 du code de procédure civile et L.145-41 du code de commerce, d'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et paiement à titre provisionnel de 161 649, 92€ toutes taxes comprises du chef de l'arriéré de loyers, charges, accessoires et pénalités de retard outre, l'indemnité d'occupation prévue au bail. Le juge des référés saisi ayant par ordonnance du 3 juillet 2013, retenu qu'il y avait contestation sérieuse, la société Outlet Invest a par acte d'huissier du 29 août 2013, fait assigner son adversaire devant le tribunal de grande instance de Pontoise statuant au fond.

Par jugement du 30 novembre 2015, ce dernier a tranché le litige en ces termes :

- déclare non écrite la clause d'indexation prévue au bail

- déclare la société SOD' recevable à demander le remboursement ou la prise en compte des loyers surfacturés à compter du 24 avril 2008

- dit que le commandement de payer du 11 octobre 2012 visant la clause résolutoire a été valablement délivré à la société SOD' à hauteur de la somme de 30 703, 63€

- constate la résiliation du bail liant les parties à la date du 12 novembre 2012 par l'effet de l‘acquisition de la clause résolutoire

- en conséquence

- dit que la société SOD' devra évacuer et rendre libre le local commercial qu'elle occupe à GONESSE, Centre commercial USINE CENTER PARIS NORD II, dans le délai de deux mois de la signification du présent jugement

- dit qu'à défaut, elle en sera expulsée ainsi que tous occupants de son chef, par toutes voies de droit avec si besoin est, l'assistance du commissaire de police ou d'un officier de police judiciaire

- en cas de besoin, dit que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié

- condamne la société SOD' à payer à la société Outlet Invest :

- mensuellement une indemnité d'occupation égale au montant du loyer en cours (sans application de la clause d'indexation réputée non écrite) outre le montant des charges et accessoires prévus au bail à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération des lieux,

- la somme de 171 734, 20€ au titre de l'arriéré de loyers, indemnités d'occupation, charges et accessoires arrêté au 4 juin 2015, outre la somme de 17 173, 34€ au titre de la pénalité contractuelle de 10% soit la somme totale de 188 907, 54€

- celle de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- rejette les demandes plus amples ou contraires des parties

- condamne la société SOD' aux dépens et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

- ordonne l'exécution provisoire de la décision. .

Les points essentiels de cette décision sont les suivants : - il n'est pas établi que la société SOD' ait, en connaissance de cause, eu la volonté de régler des loyers qu'elle savait indexés sur une clause illicite ; - la détermination de ce caractère illicite impose une analyse de la formule d'indexation insérée dans le bail, confrontée à l'article L.112-1 alinéa 2 du code de commerce qui prohibe l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions, sans interdire littéralement la prise en considération d'un indice de base fixe ; - en l'espèce, compte tenu de la date de prise d'effet du bail, la clause litigieuse entraîne cette distorsion dès la première indexation; - elle doit donc, être déclarée non écrite ; - la demande en restitution de loyers, même fondée sur le caractère non écrit de la clause d'indexation, est soumise aux dispositions de l'article 2224 du code civil se rapportant à la prescription quinquennale ; - la société SOD', justifiant avoir demandé en référé, lors de l'audience du 24 avril 2013, de constater que le reliquat de loyers réclamé avait déjà été réglé par le biais de la surfacturation liée à l'indexation illicite, la demande de remboursement aujourd'hui présentée est recevable ; - il est constant que le commandement de payer du 11 octobre 2012 visant la clause résolutoire de plein droit a été valablement délivré à hauteur de la somme de 30 703, 63€ et est demeuré infructueux de sorte qu'il convient de constater la résiliation du bail à la date du 12 novembre 2012 avec toutes ses conséquences légales ; - en l'absence de justification d'une situation financière lui permettant de s'acquitter par mensualités de la dette importante qu'elle a laissée s'accumuler depuis plusieurs années, la demande de délais de grâce doit être rejetée

La société Outlet Invest a déclaré appel de cette décision ; la société SOD' a de son côté déclaré appel incident et les deux affaires enregistrées sous des numéros différents ont été jointes par ordonnance du magistrat de la mise en état du 9 février 2016.

Par acte du 29 janvier 2016, la société SOD'a fait assigner sa bailleresse en référé devant le premier président de la cour d'appel de Versailles aux fins d'obtenir, au visa de l'article 524 du code de procédure civile et des conséquences manifestement excessives afférentes à la résiliation du bail litigieux, la suspension de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement entrepris. La société Outlet Invest s'est opposée à cette demande mais le premier président a par ordonnance du 3 mars 2016, fait droit à cette demande de suspension.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 novembre 2016 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 29 novembre suivant tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette audience, avant l'ouverture des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée à l'effet de prendre en compte les ultimes écritures déposées le 15 novembre précédent par la société Outlet Invest. Une nouvelle clôture a été immédiatement prononcée à cette même audience avec l'assentiment de toutes les parties puis les débats ont été ouverts et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 31 janvier 2017 pour plus ample délibéré.

2. dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

La société Outlet Invest demande qu'il plaise à la Cour de :

- vu les pièces versées,

- vu les articles 15, 146, 784, 906, 907 et 961 du code de procédure civile

- vu les articles 1134 et 1147 du code civil

- vu l'article L.145-41 du code de commerce (...)

- dire recevable et bien fondée la société Outlet Invest en son appel partiel ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non écrite la clause d'indexation du bail, débouté la société Outlet Invest de sa demande de condamnation de ce chef, déclaré la société SOD' recevable à demander le remboursement ou la prise en charge des loyers surfacturés à compter du 24 avril 2008 et débouté la société Outlet Invest de sa demande de conservation de dépôt de garantie

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions sauf à actualiser la créance de la société Outlet Invest

- en conséquence

- à titre principal

- prononcer l'irrecevabilité des demandes de résiliation de bail aux torts du bailleur, de dommages et intérêts et subsidiairement, d'expertise, de la société SOD', subsidiairement l'en débouter

- débouter la société SOD' de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- constater le jeu de la clause résolutoire au 12 novembre 2012

- subsidiairement, prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société SOD'

- en toute hypothèse, ordonner en conséquence l'expulsion de la société SOD' ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier, du local à usage commercial qu'elle exploite à Gonesse (95 500), Paris Nord II Centre Commercial Usine Center

- dire que la bailleresse pourra procéder à l'enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux, soit dans l'immeuble, soit chez un garde-meubles, au choix de la demanderesse, aux frais, risques et périls de la société SOD'

- condamner la société SOD' à payer à la société Outlet Invest la somme de 423 122, 81€ TTC au titre de son arriéré de loyers et/ou indemnités d'occupation, charges et accessoires arrêté au 11 février 2016 outre les pénalités de retard d'un montant de 42 312, 28€ soit la somme totale de 465 435, 09€

- débouter la société SOD' de sa demande de délais

- condamner la société SOD' à payer à la société Outlet Invest une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer en cours, outre les charges et accessoires à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération des lieux

- dire que le montant du dépôt de garantie restera acquis à la société Outlet Invest

- à titre subsidiaire

- dire et juger que la clause d'indexation ne sera réputée non écrite, dans ses effets entre les parties, uniquement à compter du prononcé du jugement intervenu et débouter la société SOD' de sa demande de répétition

- subsidiairement, dire et juger que la société SOD' qui a payé en toute connaissance de cause des sommes non dues en raison d'une nullité ou une réputation non-écrite qu'elle ne pouvait ignorer ne peut en demander remboursement et débouter la société SOD' en conséquence de sa demande

- à titre plus subsidiaire

- dire et juger que la demande en restitution des sommes payées est soumise à la prescription quinquennale commençant à courir au 23 janvier 2014

- en conséquence

- dire et juger que le trop-perçu résultant de l'indexation du loyer, pour la période courant du 24 avril 2008 au 1er janvier 2014 s'établit à la somme de 1 488, 36€ HT

- ordonner la compensation de cette somme avec la créance de la société Outlet Invest

- à titre encore plus subsidiaire

- dire et juger que la demande en restitution des sommes payées est soumise à la prescription quinquennale commençant à courir au 24 avril 2013

- en conséquence

- dire et juger que le trop-perçu résultant d e l'indexation du loyer , pour la période courant du 24 avril 2008 au 1er janvier 2014 s'établit à la somme de 1 728, 82€ HT soit 2 074, 58€ TTC

- ordonner la compensation de cette somme avec la créance de la société Outlet Invest

- à titre infiniment subsidiaire

- dire et juger que la demande en restitution des sommes payées ne peut jouer qu'à compter de la date d'acquisition du fonds de commerce par la société SOD' soit à compter du 6 mars 2008

- en conséquence, dans cette hypothèse

- dire et juger que le trop-perçu résultant de l'indexation du loyer, pour la période courant du 1er mars 2008 au 1er janvier 2014 s'établit à la somme de 1 748, 42€ HT soit 2 098, 10 € TTC

- ordonner la compensation de cette somme avec la créance de la société Outlet Invest

- en tout état de cause

- condamner la société SOD' à payer à la société Outlet Invest la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1ère instance et la somme de 8 000€ sur le même fondement en cause d'appel

condamner la société SOD' en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société SOD' prie de son côté la Cour de :

- déclarer la société SOD' recevable et bien fondée en son appel et ses écritures

- y faisant droit

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non écrite la clause d'indexation du bail et ce qu'il a déclaré la société SOD' recevable et bien fondée à demander le remboursement ou la prise en charge des loyers surfacturés

- le réformer en ce qu'il a :

- appliqué la prescription quinquennale et fixé le point de départ de la prescription au 24 avril 2008

- dit que le commandement de payer du 11 octobre 2012 visant la clause résolutoire a été valablement délivré à la société SOD' à hauteur de la somme de 30 703, 63€

- déclaré acquise la clause résolutoire et ordonné l'expulsion

- condamné la société SOD' au paiement d'une somme de 188 907, 54€ arrêtée au 4 juin 2015

- condamné la société SOD' au paiement d'une somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- statuant de nouveau

- vu les dispositions de l'article L.112-1 du code monétaire et financier

- vu le bail en date du 29 mars 2001

- vu la clause d'indexation illicite

- vu l'article 1289 du code civil

- à titre principal

- constater que les sommes réclamées à la société SOD' et visées au commandement de payer n'étaient pas dues

- constater qu'aucune somme n'est due par la société SOD'

- dire le commandement dépourvu de cause

- en conséquence, débouter la société Outlet Invest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- sur la demande de résiliation judiciaire formée par le bailleur en cause d'appel

- vu les manquements du bailleur

- vu l'impossibilité dans laquelle il a mis le preneur d'exploiter sereinement son commerce

- débouter la société Outlet Invest de sa demande,

- subsidiairement

- prononcer la résiliation aux torts exclusifs du bailleur

- condamner la société Outlest Invest à verser à la société SOD' une somme de 350 000€ à titre de dommages et intérêts

- à défaut

- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de désigner avec mission habituelle en la matière et notamment, celle d'évaluer le préjudice subi par la société SOD' du fait de la perte de son fonds de commerce

- à titre très subsidiaire et dans l'hypothèse où par impossible la juridiction saisie estimerait la société SOD' redevable de quelque somme que ce soit :

- vu la bonne foi de la société SOD'

- accorder à la défenderesse un délai de 24 mois pour s'acquitter des sommes qui pourraient être déclarées dues au titre du prétendu arriéré locatif

- suspendre en ce cas et pendant le cours de ce délai, les effets de la clause résolutoire visées aux commandements

- en tout état de cause

- condamner la société Outlet Invest à payer à la société DOS'une somme de 8 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société bailleresse en tous les dépens qui pourront être recouvrés par Maître Claire Ricard par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet de la synthèse argumentative de la position de chaque partie, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

CELA ETANT EXPOSE,

La Cour statue, sur le mérite d'une demande en remboursement de la surfacturation de loyers commerciaux tirée de l'application d'une clause d'indexation prétendument illicite formée par le preneur de locaux à usage commercial situés à Gonesse 95 500, correspondant de manière précise au local no 54 du Centre Commercial Usines Center Paris Nord II et partant, sur la validité de la clause d'indexation insérée au bail applicable ainsi que à front renversé, sur le bien-fondé d'une demande d'acquisition de la clause de résiliation de plein droit convenue entre les parties et de ses effets subséquents (expulsion, paiement d'une indemnité d'occupation).

La société SOD' soutient que la clause d'indexation contractuelle mise en oeuvre par son adversaire à compter du 1er janvier 2002, alors que le bail a pris effet le 1er avril 2001, étant illicite, elle n'était en réalité redevable d'aucun arriéré de loyer au moment de la délivrance par le bailleur des commandements de payer visant la clause de résiliation de plein droit insérée au bail commercial litigieux à telle enseigne qu'elle se trouve aujourd'hui être à l'inverse, créancière d'un trop perçu de loyers s'élevant à 18 867, 95€ hors taxes outre 5 301, 48 € à titre de dépôt de garantie indûment retenu. La société Outlet Invest fait pour sa part grief aux premiers juges, d'avoir déclaré la clause d'indexation incriminée non écrite et également, de l'avoir déboutée de sa demande de conservation du dépôt de garantie. Cette société bailleresse conclut encore à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le preneur recevable en sa demande de remboursement ou de prise en compte des loyers prétendument surfacturés à compter du 24 avril 2008.

Sur le grief d'illicéité de la clause contractuelle d'indexation

Il ressort de la lecture attentive des pièces produites par l'appelante que :

L'article 20.4 des conditions générales du bail litigieux intitulé "indexation" stipule;

" L'indexation sera effectuée au premier janvier de chaque année et selon la formule ci-après : LM1 = LM x INSEE1

INSEE 0

Formule dans laquelle

LM1 = Loyer minimum garanti annuel indexé hors taxes de l'année considérée

LM = Loyer fixé aux stipulations ci-dessus pour le calcul de la première indexation et loyer indexé de l'année précédente pour le calcul des indexation suivantes

INSEE 1 = Indice National INSEE Construction publié au 1er janvier de l'année civile considérée

INSEE 0 = Indice National INSEE Construction fixé aux stipulations particulières ci-dessus pour le calcul de la première inexation et indice appliqué à l'indexation de l'année précédente pour le calcul des indexations suivantes.

La première indexation sera effectuée à la date fixée aux stipulations particulières ci-dessus.

Et que par ailleurs :

L'article 20.1 des conditions particulières de ce même bail prévoit que :

" Loyer minimum garanti HT annuel portant sur la seule surface au sol, soit 150 m² :

300 000 F HT

- Indice INSEE 0 de la formule d'indexation du loyer : indice du 2ème trimestre 2000 (1089)

- Date de la première indexation : 1er janvier 2002

Par dérogations aux dispositions de l'article 20.4 du bail, l'indice de référence INSEE1 est celui du 1er janvier de l'année considérée".

Il suit de ces stipulations, que c'est à raison que la société SOD' objecte, qu'alors que le bail litigieux a pris effet le 1er avril 2001, l'application combinée des articles 20.4 des conditions générales et 20.1 des conditions particulières conduit à faire subir au loyer convenu entre les parties, une première indexation le 1er janvier 2002 soit, moins d'un an après la signature du dit bail, sur la base d'une variation annuelle de l'indice INSEE.

Selon l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier cependant : " Est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision."

La variation indiciaire doit ainsi, toujours être calquée sur la périodicité fixée par la clause.

Compte tenu de la distorsion effective qu'entraîne à l'évidence, l'application de la clause d'indexation insérée au bail litigieux entre l'intervalle de variation indiciaire (un an) et la durée s'écoulant pour la première révision (9 mois) et de l'effet amplificateur qu'opère mécaniquement une telle distorsion à l'occasion des indexations suivantes pendant toute la durée du bail, c'est à bon droit, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont dans les circonstances précises de la présente espèce, décidé que la clause incriminée devait être réputée non écrite comme contraire à l'ordre public de direction voulue par le législateur, peu important que les faits de l'espèce concernent la première période contractuelle d'indexation.

Sur les conséquences de cette illicéité

En ce qui concerne la demande de restitution de la surévaluation du loyer

La société SOD' s'estime subséquemment en droit, d'obtenir la restitution de l'ensemble des majorations appliquées aux loyers réclamés, en exécution de la clause litigieuse réputée non écrite dès la formation du bail et ainsi, la déduction des sommes correspondantes de tout décompte établi par le bailleur, en vue de déterminer un quelconque arriéré.

Elle précise que : - la clause litigieuse, réputée non écrite en vertu de l'article L.112-1 du code monétaire et financier, ne peut souffrir la moindre régularisation, les indexations pratiquées par application de cette clause étant toutes inexistantes dès l'origine ; - la demande, tendant à faire réputer non écrite cette clause d'indexation, n'est enfermée dans aucun délai de prescription et n'est pas soumise au respect du délai biennal de l'article L.145-60 du code de commerce lequel se rapporte uniquement au statut des baux commerciaux ; - les conséquences de cette demande ne sauraient être soumises au régime de la répétition de l'indû de sorte que les premiers juges ont à tort, fait application de l'article 2224 du code civil à la demande de restitution.

La société Outlet Invest réplique, qu'alors que l'action exercée s'analyse d'évidence en une demande en répétition de l'indû, le réputé non écrit ne peut jouer que pour l'avenir et ne peut donc prendre effet qu'à compter de la date de prononcé d'une décision judiciaire ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Elle précise que : - la société SOD'ayant payé en parfaite connaissance de cause les sommes dont elle lui réclame aujourd'hui le remboursement ne peut donc être accueillie en sa demande ; - ce preneur a en effet librement signé en 2008 l'acte de cession de fonds de commerce stipulant les conditions de l'indexation et n'a en réalité, élevé de contestation se rapportant à l'indexation du loyer litigieux qu'après avoir été mis en demeure de payer les arriérés de celui-ci et après qu'une assignation lui ait été délivrée, dans l'unique dessein de faire échec à la mise en oeuvre de la clause de résolution de plein droit pour non-paiement des loyers à bonne date qui lui était opposée ; - les premiers juges qui ont écarté à tort sa demande subsidiaire de substitution de l'indice, auraient du se référer à la commune intention des parties laquelle n'était pas de déroger aux dispositions impératives de l'article L.112-1 du code monétaire et financier ; - quoi qu'il en soit et à titre très subsidiaire, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il retient que la demande de remboursement du trop-perçu au titre de l'indexation se heurte à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil tandis que le point de départ de ce délai de prescription ne peut, dans les circonstances de cette espèce, qu'être la date des conclusions au fond de la partie adverse et ainsi, le 23 janvier 2014 ou à tout le moins, le 24 avril 2013, date de la demande en référé visant à voir constater que le reliquat de loyers réclamé au preneur, avait en réalité déjà été réglé du seul fait de la sur-facturation consécutive à la mise en oeuvre de la clause d'indexation incriminée.

C'est à bon droit, que les premiers juges ont souligné, qu'aucun élément du dossier ne permettait, dans les circonstances de cette espèce, d'affirmer que le locataire avait en connaissance du caractère illicite de la clause d'indexation susvisée, procédé au règlement des loyers et ce d'autant plus que, non seulement la société SOD' justifie avoir, avant l'introduction de la procédure judiciaire, interpellé le bailleur sur les conséquences de cette illicéité portée à sa connaissance mais encore, que le mécanisme institué par l'article L.112-1 du code monétaire et financier relève sans contestation possible d'un ordre public de direction à laquelle la volonté privée des parties ne peut donc déroger. Le fait d'avoir payé le loyer réclamé et révisé sans protestation durant plusieurs années ne saurait donc valoir renonciation à se prévaloir de l'illicéité de la clause dont s'agit.

Par ailleurs le juge ne peut, alors que la clause d'indexation convenue entre les parties est déclarée réputée non écrite, refaire le contrat et remplacer la clause illicite par une clause nouvelle puisque, contrairement aux allégations du bailleur, aucun élément porté à la discussion des parties, ne permet de soutenir que la commune intention des parties était de prévoir une première indexation annuelle et une période de variation annuelle.

Il est exact que les parties étaient convenues à l'article 24 du bail que"si l'indexation prévue ci-dessus se révélait contraire par la suite, à la législation en vigueur, telle que les tribunaux l'interpréterons, les parties désignent d'ores et déjà Monsieur le Président de la Chambre Syndicale des Administrateurs de Biens, Syndics de Copropriété de Paris et d'Ile de France, avec faculté de se substituer toute personne de son choix, membre du Conseil de ladite Chambre syndicale, à l'effet de choisir en qualité d'expert unique conformément aux dispositions de l'article 1592 du Code civil, le nouvel élément de référence qui lui paraître le plus proche de celui adopté aux termes des présentes conventions.". Une telle énonciation signifie simplement que les parties entendent respecter la législation en vigueur mais ne suffit pas à affirmer, qu'elles entendaient de manière certaine, prévoir une indexation annuelle et une période d'indexation annuelle dès la première période contractuelle d'indexation.

S'il suit également de cette première constatation, que le bailleur doit restituer toutes les augmentations de loyer résultant de l'application de la clause litigieuse invalidée, censée n'avoir jamais existé, la demande de répétition aujourd'hui formée ne peut cependant d'évidence s'exercer que dans la logique de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.

Selon ce dernier article en effet, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La société SOD' apparaît donc être recevable et fondée à solliciter la restitution des surfacturations pratiquées dans les cinq années ayant précédé le 1er octobre 2011, date de sa connaissance des faits telle que celle-ci résulte de la lettre de réclamation de son conseil du 16 décembre 2011 qui comporte les énonciations suivantes : " J'ai été saisie par la société SOD' de ses intérêts./Celle-ci m'a remis copie de votre courrier de mise en demeure du 21 octobre dernier./Ma cliente rencontre actuellement des difficultés de plusieurs ordres dans le cadre de l'exploitation de son droit au bail liées : (...) - au contenu du bail quant à ses conditions financières laissant apparaître qu'un certain nombre de sommes lui ont été facturées à tort pour des montants extrêmement important.; difficultés mettant aujourd'hui en péril son exploitation. (...)" [souligné par la Cour].

La société Outlet Invest ne saurait limiter les droits à répétition de son adversaire à la date à laquelle celle-ci a acquis le fonds de commerce dont s'agit soit, à celle du 20 mars 2008 puisqu'il est établi, par l'acte de cession de fonds de commerce produit aux débats, que la société SOD' vient aux droits de la société Dadier, venderesse. La clause intitulée "Propriété-Jouissance" prévoit ainsi de manière précise que : " L'Acquéreur a la propriété et la jouissance du fonds cédé à compter du 20 mars 2008, par la prise de possession réelle et effective./Dès l'entrée en jouissance, il bénéfice de tous les droits et prérogatives attachés à l'exploitation du fonds dont s'agit et a la faculté de prendre le titre de successeur dans ses relations avec les tiers." .

Au vu du décompte établi par la société SOD' dans ses écritures devant la Cour, que la partie adverse ne critique pas sur le plan mathématique, les sommes dues à celle-ci au titre de la surfacturation imputée à faute du bailleur, s'élève à 126 317, 15 € toutes taxes comprises au titre d'une période comprise entre le 1er octobre 2006 [soit 5 ans avant la date de la connaissance des faits par le preneur] et le 1er octobre 2012.

En ce qui concerne l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit

Il est constant que selon acte extrajudiciaire du 11 octobre 2012, la société Outlet Invest a fait délivrer au preneur un commandement de lui payer à titre d'arriérés de loyers, charges et accessoires arrêté au 31 août 2012, la somme de 128 319, 30€ toutes taxes comprises sous peine de résiliation de plein droit du bail commercial consenti en application de la clause résolution insérée au bail litigieux, laquelle s'énonce comme suit : " Il est expressément stipulé qu'à défaut de paiement d'un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoire à son échéance ou en cas d'inexécution d'une seule des conditions du bail, du cahier des charges, du règlement intérieur et/ou des statuts du groupement des commerçants et de leurs annexes, et un mois après une mise en demeure restée infructueuse, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, même dans le cas de paiement ou d'exécution postérieur à l'expiration des délais ci-dessus." .

Il est tout aussi constant que ce commandement est resté sans effet et que cette circonstance, fonde la demande de constatation de résiliation de plein droit à la date du 12 novembre 2012, aujourd'hui formée par la société Outlet Invest.

La société SOD' s'oppose à cette prétention, observant notamment, que son adversaire se prévaut de la clause de résiliation de plein droit avec mauvaise foi.

Elle rappelle avoir dès le 9 décembre 2011, date de délivrance du premier commandement, interpellé la société bailleresse sur la sur-facturation de loyers incriminée et avoir par ailleurs fait suivre sa première lettre de réclamation, de quatre autres sans qu'aucune n'ait fait l'objet de quelle réponse que ce soit.

La société Outlet Invest conclut pour sa part à la confirmation du jugement entrepris, observant que sa demande est d'autant plus fondée que le preneur a cessé toute activité depuis le 8 juin 2016 et maintient les locaux fermés ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi à sa demande le 15 juin 2016 et de la simple lecture de l'extrait K Bis récent de la société SOD' établi le 25 août suivant, qu'elle produit l'un et l'autre aux débats.

Il est exact que la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance d'un commandement visant une clause de résiliation de plein droit paralyse les effets de l'acte.

En l'espèce, le jugement entrepris sera donc nécessairement réformé en ce qu'il constate la résiliation de plein droit de la clause résolutoire alors que le bailleur avait été destinataire de plusieurs lettres de réclamation du preneur concernant une sur-facturation de loyers depuis plusieurs années, voir cotes à 4 à 7 du dossier de l'intimée, et qu'il ne peut justifier y avoir apporté la moindre réponse. Le décompte venant à l'appui du commandement litigieux ne pouvait dans ces conditions qu'être équivoque pour son destinataire, qui n'était ainsi pas mis en mesure de pouvoir le respecter correctement.

Sur la demande de résiliation du bail litigieux aux torts du preneur

La société Outlet Invest explique qu'à supposer que le jeu acquis de la résolution ne soit pas constaté, la fermeture des locaux litigieux, en totale contravention avec les dispositions du bail ainsi que les défauts de paiement réitérés du loyer dû, constituent des infractions au bail dont la gravité justifie le prononcé de la résiliation du bail litigieux aux torts exclusifs du preneur.

La société SOD' s'oppose à cette demande et répond que : - une fermeture temporaire de l'exploitation de son fonds, eu égard aux manquements majeurs commis par le bailleur, ne saurait être constitutive d'une infraction grave et renouvelée ; - si la résiliation devait être prononcée, elle ne pourrait cependant l'être qu'aux torts exclusifs du bailleur qui a tout mis en oeuvre pour mener à la ruine, le commerce qu'elle exploitait dans les locaux litigieux ; - la société Outlet Invest l'a ainsi maintenu dans un univers désaffecté et vide de chalands, a refusé toute autorisation d'effectuer des travaux de mise aux normes et d'éclairage et a même fait obstacle à tous travaux d'embellissement de nature à lui permettre de capter la clientèle, dans l'unique but de lui nuire et de l'amener à fermer ses portes ; - la perte de la clientèle l'a donc conduite à fermer l'exploitation du fonds.

Le procès-verbal de constat du 15 juin 2016 produit par la société bailleresse à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du bail litigieux aux torts du preneur, ne suffit certes pas à attester de la réalité d'une fermeture définitive, ou à tout le moins pérenne, de l'exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués imputable à faute du preneur. La société Outlet Invest produit cependant un extrait Kbis de la société SOD' établi le 25 août 2016, laissant penser que cette dernière exerce son activité d'achat, vente, commercialisation, distribution, diffusion de prêt à porter féminin et accessoires s'y rapportant depuis 2008, dans des locaux situés 81 rue Réaumur à Paris, cet extrait Kbis portant en effet, la mention suivante : "La société ne conserve aucune activité à son ancien siège".

Au demeurant, la société SOD' admet dans ses écritures que toute activité a cessé dans les locaux litigieux.

Elle ne précise cependant pas depuis combien de temps et en impute quoi qu'il en soit, l'origine et la responsabilité à la partie adverse.

Mais s'il ressort des documents qu'elle produit aux débats que dès décembre 2011, elle s'est plainte de la désertion de la galerie dans laquelle elle exploitait son commerce de prêt à porter femme griffé AN'GE, cette doléance écrite, même réitérée, ne saurait à elle seule, suffire à établir la réalité de cette déshérence ni celle des fautes alléguées à l'appui d'une demande de résiliation du bail imputables au bailleur.

Le différent né entre les parties à propos du compte existant entre elles, ne justifie pas davantage que l'exploitation des lieux loués ne soit plus effective depuis juin 2016 à la suite de fautes prétendument commises par la société bailleresse.

Sur ces constatations et pour ces raisons, en l'absence de tout élément de preuve permettant de conforter cette prétention, la demande de résiliation judiciaire du bail litigieux aux torts de la société bailleresse, sera donc écartée et la Cour, prenant acte de l'absence d'exploitation effective des lieux loués, ne peut compte tenu de la gravité de cette infraction au dit bail, que prononcer la résiliation de celui-ci aux torts du preneur dans les termes du dispositif ci-après, avec toutes les conséquences légales (expulsion, paiement d'une indemnité d'occupation, séquestration des biens ) .

Sur le compte existant entre les parties

La société bailleresse entend obtenir la condamnation de son adversaire à lui régler 423 122, 81€ toutes taxes comprises à titre d'arriérés dûs au 24 août 2016 outre, une pénalité de retard évaluée à 42 312, 28€ par application de l'article 27 du bail litigieux.

Elle souligne que pour l'hypothèse où la société SOD' serait déclarée fondée à obtenir le remboursement de la sur-facturation découlant de l'application de la clause d'indexation invalidée et retenue comme étant radicalement illicite, il y a lieu d'en ordonner la compensation avec le montant de cette créance qu'elle détient contre elle.

La société SOD'objecte à juste titre que cette réclamation inclut le résultat de l'application de la clause d'indexation illicite alors qu'à la date du 1er octobre 2012, elle était déjà créancière envers la société bailleresse d'une somme de 126 317, 15€ toutes taxes comprises. Elle soutient que quoi qu'il en soit, cette demande en paiement de 423 122, 81€ est totalement infondée et qu'elle justifie pour sa part, s'être acquittée des loyers dûs hors indexation entre le 1er janvier 2013 et le 31 mars 2015 pour la somme de 170 682, 59€ toutes taxes comprises.

La justification de ces règlements est bien produite aux débats - voir cote 19/2 à 19/9 du dossier de l'intimée.

Il suit de ce qui précède que la société Oulet Invest ne pourrait, en l'état des comptes présentés, justifier que d'une créance de 126 123, 07€ à la date du 25 août 2016 [423 122, 81€ - (126 317, 15€ + 170 682, 59€)], dont à déduire cependant, le montant de la sur-facturation illicite dont elle n'établit pas le quantum.

La réclamation portant sur 423 122, 81€, contestée par le preneur, n'est cependant assortie d'aucune justification sérieuse.

Faute de créance certaine, liquide et exigible établie avec certitude, la société bailleresse sera donc déboutée de sa demande en paiement d'arriérés.

Pour cette même raison, la demande en paiement de la pénalité contractuelle réclamée par application de l'article 27 du bail litigieux sera écartée.

Sur les autres demandes

Le sort du dépôt de garantie ne saurait être déterminé aujourd'hui puisqu'il ne peut l'être qu'à l'expiration de la jouissance des lieux loués par le preneur "après déduction de toutes sommes pouvant être dues à titre de loyer, charges, impôts remboursables, réparation ou à tous autres titres" selon les stipulations contractuelles convenues entre les parties à l'article 24 du bail litigieux.

Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

Il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié par chacune des parties, avec pour ceux qui peuvent y prétendre recouvrement direct par les avocats en ayant fait la demande.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a dit que la clause d'indexation convenue au bail litigieux devait être réputée non-écrite et en ce qu'il a dit encore, que la demande de restitution des loyers sur-facturés était soumise à la prescription décennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.

PRONONCE la résiliation du bail litigieux aux torts exclusifs de la société à responsabilité limitée SOD'.

DIT que celle-ci devra donc libérer les lieux situés à Gonesse 95 500, lot no 54 dépendant du Centre commercial Usine Center Paris Nord II de toute personne de son chef et de tous biens lui appartenant, dans les deux mois de la signification de cet arrêt, sous peine d'expulsion de cette société SOD' ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier.

DIT que la bailleresse pourra en tant que de besoin, procéder à l'enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux loués, soit dans l'immeuble, soit chez un garde-meubles, au choix de la demanderesse, aux frais, risques et périls de la société SOD'.

FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel et dit qu'il seront partagés par moitié par chacune des parties avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct en faveur des avocats qui peuvent y prétendre, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f., Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 15/08820
Date de la décision : 07/02/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

Arrêt rendu le 7 février 2017 par la 12ème chambre section 2 de la cour d'appel de Versailles, RG n° 15/08820 Bail commercial. - Loyer. - Clause d’indexation illicite - Action en répétition.- Prescription quinquennale de droit commun.- Article 2224 du code civil. Si le bailleur doit restituer toutes les augmentations de loyer résultant de l'application d’une clause d’indexation invalidée, censée n'avoir jamais existé, la demande de répétition formée par le preneur ne peut s'exercer que dans la logique de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En l’espèce, le bailleur est tenu de restituer les surfacturations perçues entre le 1er octobre 2006 et le 1er octobre 2011, date à laquelle le preneur a eu connaissance de l’illicéité de la clause d’indexation.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-02-07;15.08820 ?
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