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02/02/2017 | FRANCE | N°16/01449

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 02 février 2017, 16/01449


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 FEVRIER 2017



R.G. N° 16/01449



AFFAIRE :



SA SOCIETE

GENERALE



C/



[G] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2013F02625



Expéditions exécutoires



Expéditions

Copies

délivrées le : 02.02.2017

à :



Me Frédérique LEPOUTRE



Me [Z] [P]



TC NANTERRE



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 FEVRIER 2017

R.G. N° 16/01449

AFFAIRE :

SA SOCIETE

GENERALE

C/

[G] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2013F02625

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.02.2017

à :

Me Frédérique LEPOUTRE

Me [Z] [P]

TC NANTERRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA SOCIETE GENERALE,

immatriculée sous le N°B 552 120 222 au RCS de PARIS,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédérique LEPOUTRE de la SCP B.L.S.T., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 709 - N° du dossier 132116

APPELANTE

****************

Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me [Z] [P] de la SELARL CONCORDE AVOCATS, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 407 - N° du dossier 1602297 et par Me Anne-Victoria FARGEPALLET, avocat plaidant au barreau d'AVIGNON

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Décembre 2016, Madame Hélène GUILLOU, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aude RACHOU, Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Antoine DELPON

FAITS ET PROCEDURE,

Selon acte sous seing privé en date du 4 août 2010, la Société générale a consenti un prêt d'un montant de 750 000 euros destiné à la gestion de la trésorerie, remboursable en 60 mensualités de 14 211,91 € chacune au taux d'intérêt conventionnel de 5,17 % l'an, hors frais et assurance à la SARL Tech Patrimonia M. [G] [F], qui en était le gérant, s'est porté caution solidaire de ce prêt dans la limite de 243 750 euros.

Par jugement en date du 7 mars 2013, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Tech Patrimonia.

La Société générale a régulièrement déclaré sa créance selon lettre recommandée du 11 avril 2013, à hauteur de 946,04 € au titre du solde débiteur de compte, et de 440 506,38 euros au titre du prêt de 750 000 euros. Cette créance a été admise au passif de la société.

Le 7 juin 2013, la Société générale a assigné M. [F] en exécution de son engagement devant le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement du 4 février 2016 a :

- dit remplies les conditions de l'exception au principe de l'irresponsabilité des créanciers du fait des concours consentis à leur débiteur posé par l'article L.650-1 du code de commerce,

- dit en conséquence nul l'engagement de cautionnement souscrit le 4 août 2010 par M. [F] au profit de la SA Société générale,

- dit en conséquence n'y avoir lieu de se prononcer sur le moyen soulevé par M. [F] relatif à l'inopposabilité de son engagement de caution,

- débouté la Société générale de l'ensemble de ses demandes

- débouté M. [F] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- condamné la Société générale au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Société générale aux dépens.

La Société générale a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 30 novembre 2016, la Société générale demande à la cour de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Nanterre le 4 février 2016 entre les parties en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la Société générale pour les préjudices subis du fait du concours consenti, et déclarer nul l'engagement de caution de M. [F],

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner M. [F] à payer à la Société générale en sa qualité de caution solidaire de la société Tech Patrimonia la somme de 110 127,39 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de 8,17 % l'an à compter du 12 avril 2013 et jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de caution en date du 4 août 2010,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner la capitalisation des intérêts qui seront échus depuis plus d'un an,

- condamner M. [F] à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions du 28 novembre 2016 M. [G] [F] demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a jugé l'engagement de M. [F] nul pour soutien fautif sur le fondement de l'article L.650-1 du code de commerce,

- rejeter toutes les demandes de la Société générale,

- réformer la décision pour le surplus,

- condamner la Société générale à indemniser M. [F] du préjudice qu'il a subi à savoir:

' Crédit souscrit de 130.000€ investi à la demande de la banque dans le compte courant de Tech Patrimonia

' Prêt de 25 000 euros

' Caution au bénéfice de la Société générale dont celle-ci demande le paiement pour un montant de 110 127,39 euros,

' Perte du capital social de 300 000 euros

' Préjudice moral et psychologique: 10 000 euros

- condamner la Société générale à verser à M. [F] la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la Société générale aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 1er décembre 2016.

SUR CE :

Considérant que M. [F] demande en appel la nullité de son engagement de caution sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce pour soutien abusif et l'octroi de dommages-intérêts ainsi que la nullité de la caution et le rejet des demandes de la Société générale en invoquant les dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation, (la disproportion de l'engagement), des manquements de la banque à son devoir d'information et de conseil (article 1147 du code civil) et 'également sur le fondement de l'article 1382 puisqu'elle l'a obligé à emprunter pour réinvestir en compte courant 130 000 euros outre 25 000 euros', les dispositions de l'article 2314 du code civil (la décharge de la caution pour perte d'un droit préférentiel) et le dol de la banque au regard des conditions d'intervention d'OSEO ; que ces moyens seront envisagés successivement ;

Sur la responsabilité de la banque recherchée sur le fondement de l'article L.650-1 du code de commerce :

Considérant que la Société générale reproche au jugement déféré d'avoir retenu sa responsabilité en considérant que le crédit cautionné était constitutif d'une fraude au sens de l'article L 650-1 du code de commerce ; qu'elle soutient que le concours octroyé à la société Tech Patrimonia n'était pas fautif et qu'elle a seulement recherché avec sa cliente les possibilités de réduction des engagements de celle-ci en rapport avec l'évolution de sa trésorerie et ce dans le but de maintenir son activité ; que le prêt de 750 000 euros avait pour objet de substituer une dette potentiellement exigible à une dette d'emprunt payable sur 5 ans ; qu'elle a accompagné la société dans les restructurations qu'elle envisageait ; que la société OSEO a accepté d'apporter sa garantie ce qui est un gage du sérieux du prêt consenti ; que le liquidateur judiciaire n'a d'ailleurs envisagé aucune action en responsabilité contre la banque ; qu'aucune intention frauduleuse n'est établie à son égard ; qu'elle ne s'est pas immiscée de façon 'caractérisée', comme l'exige le texte, dans la gestion de la société ;

Considérant que M. [F] rappelle en premier lieu que la société Tech Patrimonia a été créée en qualité de filiale de la société [H] à l'instigation de M. [H] qui souhaitait élargir les activités de son entreprise à la réhabilitation tous corps d'état; qu'il en est devenu associé mais que c'est la société [H] qui dirigeait en fait sa filiale, M. [F] étant un homme de terrain et non un gestionnaire ; que les sièges administratifs étaient d'ailleurs logés dans les même locaux ; que la Société générale qui avait pour objectif de devenir la banque de la société [H] travaillait en étroite collaboration avec les dirigeants de cette société et suivait de près l'évolution comptable et économique de la société Tech Patrimonia ; que pourtant, alors que le découvert autorisé n'était que de 25 000 euros, elle l'a laissé s'accroître jusqu'à atteindre 424 148 euros en juin 2008 ; qu'après avoir enjoint à la société Tech Patrimonia de réduire le découvert à moins de 25 000 euros, la Société générale l'a pourtant laissé atteindre 1 172 612,92 euros et a payé tous les chèques présentés malgré les lettres d'avertissement de rejet ; qu'après des dénonciations de concours et des rendez-vous avec les dirigeants de la société [H] la Société générale a consenti un prêt de 750 000 euros à la société Tech Patrimonia mais avec la caution de M. [F] et le blocage de son compte courant de 112 000 euros ; qu'à cette date la société [H] était en grande difficulté et avait déposé son bilan ; qu'il lui a également été demandé de souscrire un prêt de 130 000 euros pour procéder à un apport en compte courant ; que la Société générale a ensuite exigé que le capital de la société Tech Patrimonia soit augmenté ce qui l'a contraint d'une part à emprunter 25 000 euros à un ami et d'autre part à incorporer son compte courant de 224 517,50 euros au capital de la société ; que la Société générale lui a ainsi fait supporter les conséquences de son soutien abusif et s'est immiscée dans la gestion de la société en maintenant un découvert de plus d'un million d'euros en faisant souscrire un prêt personnel au gérant et un prêt à la société Tech Patrimonia alors même que la société [H] avait déposé le bilan ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.650-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; que la mise en cause de la responsabilité de la Société générale suppose donc d'une part l'existence d'un concours fautif et d'autre part la caractérisation de l'une des exceptions prévues par cette disposition au prinicipe de non responsabilité ;

Sur le caractère fautif du concours:

Considérant qu'est en cause l'octroi du prêt de 750 000 euros le 4 août 2010, cautionné par M. [F] et bénéficiant aussi d'une garantie OSEO de 50% et d'un nantissement ;

Considérant qu'ainsi que l'a relevé le tribunal de commerce ce prêt a été consenti le 4 août 2010 alors que la société [H] avait déjà été mise en redressement judiciaire et que depuis janvier 2008 la Société générale avait averti à plusieurs reprises la société Tech Patrimonia de ce qu'elle allait mettre fin à ses concours compte tenu des importants dépassements du découvert autorisé ; que c'est ainsi que depuis le 25 juin 2008 elle demande la réduction du solde débiteur du compte courant dans les limites de l'autorisation de découvert de 25 000 euros, qu'en octobre 2008 elle indiquait mettre fin à la ligne Dailly dans les 60 jours, soit le 16 décembre 2008 ; que le 16 décembre 2008 elle a accepté de proroger cette décision d'un mois, que le 26 août 2009 la Société générale a indiqué qu'elle mettait fin au découvert et à 'ligne Dailly' compte tenu du montant des fonds propres négatifs de - 275 000 euros au 31 décembre 2008, du montant du solde débiteur de 929 138,34 euros représentant 48 jours de CA HT et du refus de 'ses confrères' de participer à un crédit de consolidation des dettes ; que le 23 octobre 2009 puis 22 décembre 2009 et le 26 février 2010 elle a mis en demeure la société Tech Patrimonia de rembourser le solde débiteur du compte dans les huit jours, puis a prorogé cette échéance de 90 jours dans l'attente de l'obtention du cautionnement solidaire de la société [H], son 'actionnaire de référence' ; que cette échéance a à nouveau été prorogée de 23 jours le 8 juin 2010 aux mêmes fins, puis de 30 jours le 30 juin 2010 ; que la société [H] s'est trouvée en difficulté et a été mise en redressement judiciaire le 22 juillet 2010 ; que néanmoins, et alors même que cette société était actionnaire à 50% de la société Tech Patrimonia la Société générale a consenti à cette dernière un prêt de 750 000 euros, soit un prêt bien plus important que le prêt de 500 000 euros envisagé plusieurs mois auparavant à un moment où la société [H] ne faisait pas l'objet d'une procédure collective et que sa caution était demandée ; que l'augmentation du capital s'était précédemment faite en ce qui concerne M. [F] à l'aide d'un prêt personnel que lui a consenti la Société générale ; qu'en outre le 20 avril 2010 la société Tech Patrimonia a été invitée à quitter les lieux que lui louait la société [H] jusqu'au 30 juin 2010 et à assurer elle-même sa comptabilité, qui était jusque là hébergée sur les serveurs de la société [H] laquelle assurait l'établissement des feuilles de paye ;

Considérant que, ainsi que l'a relevé le tribunal de commerce, par ce prêt la Société générale a substitué à un découvert non autorisé un prêt garanti par un cautionnement et à un découvert immédiatement exigible un prêt remboursable sur 5 ans ; que ce faisant elle prenait un risque, mais avec une garantie nouvelle et au vu des éléments que lui avait donnés le gérant de la société Tech Patrimonia et notamment du carnet de commandes et de prévision d'un budget de 7 500 000 d'euros en 2010 générant 250 000 euros de résultat ; que l'étude financière de M [L] versée aux débats confirme d'ailleurs que, comme l'avait envisagé M. [F], le chiffre d'affaires de la société a été croissant en 2011 ainsi que le résultat de l'exercice et que la situation financière de la société n'a cessé de s'améliorer de 2007 à 2011 ; que la situation de la société Tech Patrimonia même difficile ne peut être considérée comme irrémédiablement compromise en août 2010 puisque ces concours lui ont néanmoins permis de poursuivre son activité pendant plus de deux ans et demi, la procédure collective ayant été ouverte en mars 2013 ;

Considérant qu'en tout état de cause, même à supposer que le concours consenti ait été fautif, il ne pourrait engager la responsabilité de la Société générale qu'en cas d'immixtion dans la gestion du débiteur, de fraude ou de disproportion des garanties prises ; qu'en l'espèce le tribunal de commerce a à juste titre écarté l'immixtion dans la gestion, en relevant que les nombreux échanges de mails, les réunions entre le gérant de la société Tech Patrimonia, de la société [H] son associée et la Société générale ne révélaient pas de relations excédant celles que l'on peut attendre d'une banque dans le cadre de recherches de solutions financières ; que les renseignements demandés par la Société générale avant qu'elle prenne une décision sur la poursuite ou l'arrêt des concours ne présentent aucun caractère anormal et préparent avec l'aide du gérant demandeur de délais et de crédit une décision qui n'appartenait qu'à la banque ; que les documents versés aux débats ne permettent pas de caractériser une prise en main par la Société générale de la gestion de la société Tech Patrimonia mais seulement une recherche commune d'une solution financière permettant la poursuite de l'activité malgré la déconfiture de l'un des associés ;

Considérant que la fraude n'est pas davantage caractérisée ; qu'il ne peut être soutenu que la Société générale n'avait pour seul objectif que de prendre une garantie qu'elle ne détenait pas jusqu'à cette date dès lors que les concours qu'elle a maintenus ont en définitive permis à la société Tech Patrimonia de poursuivre son activité pendant plus de deux années supplémentaires ;

Considérant enfin que le cautionnement de 243 750 euros consenti par le dirigeant de la société et le nantissement du fonds de commerce ne sont pas disproportionnées au regard du prêt de 750 000 euros accordé ;

Considérant en définitive qu'aucune des exceptions à l'irresponsabilité de principe édictée par l'article L 650-1 du code de commerce en faveur des créanciers du fait des concours consentis n'est donc caractérisée ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit remplies les conditions de l'exception au principe de l'irresponsabilité de principe des créanciers du fait des concours consentis à leur débiteur posée par l'article L. 650-1 du code commerce, et en ce qu'il a déclaré nul sur ce fondement l'engagement de caution souscrit par M. [F] au profit de la Société générale ;

Sur les demandes fondées sur l'article L 341-4 du code de la consommation:

Considérant que M. [F] soutient qu'il a accepté de signer le cautionnement d'un montant de 243 750 euros alors qu'il percevait un salaire mensuel de 8700 euros et un revenu annuel de 90 277 euros ; que ce revenu lui était versé par la société Tech Patrimonia dont la Société générale n'ignorait pas qu'elle était en était de cessation des paiements et que sa maison mère ne pouvait plus la soutenir ; qu'il avait des dettes importantes, ne possédait l'appartement qu'en indivision avec sa compagne et versait à son fils une pension de 475 euros, sa compagne étant elle-même sans ressources ;

Considérant que la Société générale réplique qu'elle verse aux débats la fiche remplie par M. [F] et faisant état de ses revenus et patrimoine qui établit que son engagement n'était pas manifestement disproportionné en août 2010 ; qu'il ne peut se prévaloir d'une surévaluation de l'appartement dont il est propriétaire puisqu'il l'a lui-même évalué à ce montant ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation repris aux articles L. 332-1 et L. 343-4 qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en apporter la preuve ; qu'en l'absence de toute vérification préalable de la solvabilité de la caution au moment de la souscription du cautionnement, la disproportion de l'engagement peut être démontrée par tous moyens ; que la disproportion d'un cautionnement s'apprécie au regard des revenus et du patrimoine de la caution à la date de la conclusion de son engagement ;

Considérant que la sanction d'une telle disproportion est l'impossibilité pour le créancier de s'en prévaloir et non la nullité ; qu'en tout état de cause il convient de noter que la fiche de renseignements remplie par M. [F] fait état de ce qu'il est propriétaire d'un appartement de 125 m² à [Localité 2] la Garenne évalué en 2010 à 720 000 euros ; qu'il ne mentionne aucune indivision ; que la fiche fait également état de deux prêts, un prêt 'chef d'entreprise' de 123 000 euros et un prêt personnel immobilier de 120 000 euros se terminant en 2015 ; qu'il a déclaré n'avoir personne à charge et n'a fait état d'aucune pension alimentaire ; que la banque n'était pas tenue de vérifier ces éléments en l'absence de toute anomalie manifeste ; que lorsqu'il a sollicité un prêt personnel en vue de financer un apport en compte courant en avril 2009 il a déclaré n'avoir aucune personne à charge et n'a pas davantage fait mention d'une indivision, même si son bien a été évalué à une somme beaucoup moins importante que celle qu'il a lui-même portée sur la fiche de renseignement en vue du prêt de 750 000 euros ; qu'alors que la preuve pèse sur lui de justifier du caractère disproportionné de son engagement M. [F] ne produit aucune autre estimation de son bien immobilier ; que même en tenant compte des deux prêts dans leur intégralité son patrimoine représentait encore 477 000 euros et ses revenus 8 735 euros par mois ; que son engagement de caution d'un montant de 243 750 euros n'était manifestement pas disproportionné au sens de l'article L. 343-4 du code de la consommation ; qu'il ne sera fait droit ni à la demande de nullité de cet engagement ni à la demande de rejet des prétentions de la banque au motif que le créancier ne pourrait s'en prévaloir ;

Sur les manquements de la banque au devoir de conseil et d'information :

Considérant que M. [F] soutient dans un paragraphe intitulé 'sur l'obligation de conseil' qu'il appartenait à la banque de le mettre en garde en sa qualité de caution, sur le fondement de l'article 1147 du code civil mais également en sa qualité d'emprunteur, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, lorsqu'il a souscrit le prêt de 130 000 euros sur le risque d'endettement au regard de ses ressources et soutient que la qualité de gérant n'exclut pas celle d'emprunteur et de caution profanes ; qu'en l'espèce c'est la maison mère qui gérait la société et qu'il n'était que le jouet de la société [H] ; qu'il n'était pas le gérant effectif de la société Tech Patrimonia ; qu'il en déduit tant, dans les motifs de sa demande, la nullité de l'engagement de caution, que son droit à dommages-intérêts sur les deux fondement précités ;

Considérant que la Société générale réplique que M. [F] n'était pas un gérant de paille ; que l'interlocuteur de la Société générale a toujours été M. [F] et qu'il a signé tous les actes y compris les procès verbaux d'assemblée générale en sa qualité de gérant ; qu'il gérait cette société depuis 10 ans et gérait auparavant la société Tech MMC ; qu'il était présent lors de l'audience qui a décidé de la reprise de cette société Tech MCC par le groupe [H] par l'intermédiaire de sa filiale Tech Patrimonia et était l'auteur de cette offre ;

Sur la demande fondée sur l'article 1147 du code civil:

Considérant que le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'une obligation de conseil à l'égard de l'emprunteur ou de la caution si celle-ci n'est pas contractuellement prévue ;

Considérant que la banque n'était pas davantage tenue d'une obligation de mise en garde de M. [F] qui était une caution avertie dès lors qu'il était gérant de la société Tech Patrimonia depuis 10 ans ; que la gestion de fait par la société [H] n'est pas établie même si les liens entre les deux sociétés, la société [H] étant associée de la société Tech Patrimonia, étaient manifestement forts ; que les échanges de mails versés aux débats démontrent certes que la société [H] était avisée et participait aux décisions relatives à la société Tech Patrimonia mais également que M. [F] était directement impliqué puisqu'il est resté l'interlocuteur principal de la banque ;

Considérant que la Société générale n'avait pour seule obligation, comme tout dispensateur de crédit, que d'informer complètement la caution sur les caractéristiques des prêts et les risques encourus, afin d'éclairer sa décision quant à l'engagement envisagé ; que les caractéristiques du prêt sont parfaitement détaillées dans l'offre de prêt (montant durée taux, autres garanties, modalités de remboursement) ; que M. [F], caution avertie a été suffisamment informé sur son engagement de caution ;

Sur la demandée fondée sur l'article 1382 du code civil :

Considérant que lorsqu'il a contracté le prêt de 130 000 euros en vue d'un apport en compte courant, M. [F] était un emprunteur averti ; qu'il était en effet le gérant de la société [F] depuis 10 ans et a contracté en vue de son activité professionnelle ; que la banque n'était débitrice à son égard ni d'une obligation de conseil, non contractuellement prévue, ni d'une obligation de mise en garde ; qu'elle n'était tenue que d'une obligation d'informer pleinement M. [F] ; que celui-ci n'établit pas que la banque aurait disposé d'informations que lui-même aurait ignorées ; qu'il n'établit pas avoir été contraint d'emprunter 130 000 euros pour un apport en compte courant, cette décision s'étant inscrite dans le cadre de la restructuration de la société décidée d'un commun accord et souhaitée par le gérant de la société ;

Considérant que tant la demande de nullité de l'engagement de caution que les demandes de dommages-intérêts de M. [F] seront donc rejetées ;

Sur les demandes fondées sur l'article 2314 du code civil :

Considérant que M. [F] se prévaut de la perte du nantissement sur le fonds de commerce ; qu'il indique que 'visiblement la Société générale qui bénéficiait d'un nantissement sur le fonds de commerce ne l'a pas fait jouer' ;

Considérant que la Société générale réplique que la garantie OSEO ne bénéficie qu'à la banque et intervient en perte finale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2314 du code civil la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que la mise en oeuvre de ces dispositions suppose la démonstration par la caution de la perte d'un droit préférentiel, de la faute du créancier et d'un préjudice en lien avec cette perte ;

Considérant que M. [F] sur qui repose la charge de la preuve ne donne aucune indication sur le préjudice en lien avec l'éventuelle perte du nantissement, sur le sort du fonds de commerce et notamment sur le montant qu'aurait pu apporter ce nantissement et la valeur du fonds de commerce de la société Tech Patrimonia lors de la liquidation judiciaire ; qu'il ne peut être fait droit à ses demandes sur ce fondement ;

Sur le dol :

Considérant que M. [F] soutient enfin que la Société générale savait que la situation de la société Tech Patrimonia était définitivement obérée et qu'elle ne l'a pas renseigné sur les conditions de mise en oeuvre de la garantie OSEO, qu'en effet 'la garantie OSEO présente une ambiguïté dans la mesure où si la garantie OSEO est accordée la garantie de la caution personnelle étant limitée à 50% de l'encours du crédit, le débiteur peut être enclin à penser que son engagement est considérablement réduit' ;

Considérant que la Société générale réplique que l'offre de prêt comme le contrat de prêt stipulent expressément que la société OSEO ne profite qu'à la banque et n'intervient qu'en perte finale ;

Considérant qu'il a été précédemment retenu que la situation de la société Tech Patrimonia n'était pas irrémédiablement compromise lorsque le prêt a été consenti ; que l'offre de prêt porte en première page la mention précisant 'la garantie OSEO au seul profit de la banque' ; que cette mention est réitérée en page 8 de l'acte de prêt ; que l'acte de caution ne fait pas mention de la garantie OSEO ni du nantissement mais renvoie à l'acte de prêt ; que M. [F] n'a pas été trompé sur la situation de la société Tech Patrimonia qu'il connaissait parfaitement pour en être le gérant et avoir participé à toutes les négociations préalables comme en témoignent l'ensemble des documents échangés dont il est le principal destinataire ; qu'il n'a pas davantage été trompé sur la fonction de la garantie OSEO qui est clairement explicitée dans l'acte de prêt, étant au surplus précisé que lui-même cautionnait moins de la moitié du prêt, soit 243 750 euros ;

Considérant que M. [F] n'établit pas davantage l'intention frauduleuse de la Société générale ni le caractère déterminant pour son engagement de l'idée qu'il se serait faite de l'étendue et du fonctionnement de la garantie OSEO ; qu'il sera débouté de sa demande en nullité de son engagement de caution pour dol ;

Considérant en conséquence que ni les demandes de nullité présentées par M. [F], ni ses demandes de dommages-intérêts fondées sur des fautes de la Société générale qui n'ont pas été retenues ne peuvent aboutir ;

Sur les demandes en paiement formées par la Société générale :

Considérant que la Société générale demande la condamnation de M. [F] à lui payer la somme de 110 127,39 euros ; que M. [F], tout en en contestant le principe, ne forme aucune remarque sur le décompte versé aux débats par la Société générale ;

Considérant que la Société générale justifie avoir déclaré sa créance au passif de la société Tech Patrimonia et de l'admission de sa créance par ordonnance du juge commissaire du 26 juin 2014 à hauteur de 440 506,38 euros ; qu'elle réclame à M. [F] 25 % du montant dû soit 110 127,39 euros ; qu'il sera fait droit à cette demande ;

Considérant que les conditions générales du prêt stipulent en leur article 15 un intérêt majoré de 3 points en cas de non paiement ; que le taux du prêt était de 5,17%; qu'il sera fait droit à la demande en paiement d'un intérêt de 8,17% l'an ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois lors de l'introduction de l'instance le 7 juin 2013 ; que M. [F] ne peut être tenu au-delà de la limite de son engagement incluant principal, intérêts, frais, accessoires et pénalités soit 243 750 euros ;

PAR CES MOTIFS:

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 février 2016 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par M. [G] [F],

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette les demandes de M. [G] [F] sur le fondement de l'article L.650-1 du code de commerce,

Dit que l'engagement de caution de M. [F] n'est pas manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine,

Rejette les demandes de décharge et de nullité formée par M. [F] sur le fondement du dol et de l'article 2314 du code civil,

Condamne M. [G] [F] à payer à la Société générale la somme de 110 127,39 euros avec intérêt au taux majoré de 8,17% l'an à compter du 12 avril 2013,

Rappelle que les sommes dues ne pourront excéder la somme de 243 750 euros qui constitue la limite de l'engagement de M. [F] en principal, intérêts, frais, accessoires et pénalités,

Dit que les intérêts échus à compter du 7 juin 2013 produiront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année,

Condamne M. [F] à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Monsieur MONASSIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01449
Date de la décision : 02/02/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°16/01449 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-02;16.01449 ?
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