COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IE
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 JANVIER 2017
R.G. N° 16/00836
AFFAIRE :
[N] [K]
C/
Me [M] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Janvier 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 14/02269
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.01.2017
à :
Me Stéphane CHOUTEAU
Me Patricia MINAULT
TGI NANTERRE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [K]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 002655 et par Me DE MAISON, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANT
****************
Maître [M] [X]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représenté par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20160089 et par Me Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2016, Madame Aude RACHOU, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Aude RACHOU, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Antoine DELPON
FAITS ET PROCEDURE,
La société Reso 2 (anciennement dénommée Resoserv)qui exploitait un fonds de commerce d'achat et de vente de produits informatiques a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 juin 2009, Me [X] étant désigné en qualité de liquidateur.
Son président était la société Cadres, représentée par M.[K].
La société Reso spare avait pour objet le négoce et la réparation de pièces détachées.
Elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 juin 2009, Me [X] étant désigné en qualité de liquidateur.
Son dirigeant était la société Reso 2, représentée par la société Cadres, représentée par M.[K].
La société Technic reso a reçu en location gérance le fonds de commerce de la société Reso 2.
Elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 juin 2009, Me [X] étant désigné en qualité de liquidateur.
Son dirigeant était la société Cadres, représentée par M.[K].
Par ailleurs, M.[K], salarié de la société Reso 2, a été licencié, du fait de la liquidation judiciaire de celle ci, par Me [X] ès qualités le 23 juin 2009.
Par courrier du 17 mai 2010, Me [X] ès qualités a informé M.[K] que le CGEA avait refusé de lui faire l'avance des fonds concernant sa créance de salaire à hauteur de 452 914,53 euros du fait que la limite plafond 6 avait été atteinte et que les sommes suivantes étaient portées au passif de la société Reso 2 :
- 8 577 euros brut au titre de l'article L. 622-17 du code de commerce
- 189 876,03 euros brut au titre du privilège des salaires
- 254 461,50 euros brut à titre chirographaire.
Il lui indiquait également ignorer si les actifs réalisés permettraient de le désintéresser de sa créance de salaire.
Me [X] a introduit trois procédures en comblement de passif à l'encontre de la société Cadres et de M.[K].
Par arrêts définitifs du 31 janvier 2013, la cour d'appel de Versailles, confirmant les jugements du tribunal de commerce de Nanterre du 16 mai 2012, a condamné M.[K] à une interdiction de gérer de dix ans et à payer au titre du comblement de passif :
- 200 000 euros à la liquidation judiciaire de la société Reso 2,
- 50 000 euros à la liquidation judiciaire de la société Technic reso,
- 100 000 euros à la liquidation judiciaire de la société Reso spare.
Estimant que le liquidateur avait commis une faute dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Reso 2 en inscrivant sa créance salariale sur la liste des créances antérieures au jugement d'ouverture alors qu'elle aurait dû être, selon lui, inscrite au titre des créances postérieures éligibles au traitement préférentiel, M. [K] a assigné M. [X] devant le tribunal de grande instance de Nanterre , en responsabilité professionnelle.
Par jugement du 7 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir soulevée par M.[X], débouté M.[K] de ses demandes et l'a condamné à payer à M. [X] 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a par ailleurs débouté M.[X] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
M.[K] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 février 2016.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 mai 2016, il demande à la cour l'infirmation de la décision sauf en ce qu'elle lui a reconnu l'intérêt à agir, et la condamnation de M. [X] à lui payer la somme de 378 711,51 euros en réparation de son préjudice et 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, il conclut à une perte de chance de voir se compenser les sommes lui étant dues au titre de ses indemnités de licenciement avec sa condamnation en comblement de passif des sociétés Reso spare et Technic reso du fait de l'abstention du liquidateur qui n'a pas introduit d'action en confusion des patrimoines entre les différentes sociétés du groupe et à la condamnation à lui payer la somme de 83 654,965 euros (1/2 des sommes dues par M. [K] au titre du comblement de passif des sociétés Reso spare et Technic reso), soit une somme totale de 295 056,54 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 juin 2016 par RPVA, M. [X] soulève l'irrecevabilité des demandes de M.[K] faute d'intérêt à agir.
Subsidiairement, il conclut à la confirmation de la décision et à la condamnation de M.[K] à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 599 du code de procédure civile et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2016 ;
Sur ce :
Sur l'intérêt à agir :
Considérant que M. [K] soutient que son action est recevable, invoquant un préjudice actuel, direct et certain et peu important qu'il n'ait pas exécuté les condamnations mises à sa charge ;
Considérant que M.[X] fait valoir que M.[K] est dépourvu d'intérêt à agir, celui ci soutenant que les fautes commises font obstacle à la compensation de ses condamnations avec ses créances salariales alors même qu'il n'a pas exécuté les dites condamnations ;
Mais considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré par adoption de ses motifs qui répondent aux moyens soutenus en cause d'appel ;
Au fond :
* sur les fautes reprochées à M.[X] :
- dans l'inscription de la créance salariale
Considérant que M. [K] reproche à M.[X] de ne pas avoir inscrit ses créances salariales au titre des créances postérieures éligibles au traitement préférentiel et subsidiairement de ne pas avoir engagé d'action en confusion des patrimoines entre les différentes sociétés du groupe ;
Que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la jurisprudence de la Cour de cassation du 16 juin 2010 était applicable au traitement de sa créance, d'autant qu'en toute hypothèse, il s'agissait d'appliquer la loi ;
Qu'en s'abstenant d'exercer une action en confusion des patrimoines, alors que les conditions en étaient réunies, M.[X] a commis une faute ;
Qu'en effet, la société Reso 2 disposant d'un stock important de pièces détachées, les créanciers des sociétés Reso spare et Technic reso avaient intérêt à produire leurs créances au passif de la société Reso 2 ;
Considérant que M.[X] rappelle qu'en matière de responsabilité, les professionnels du droit ne sont tenus de connaître les données acquises du droit et de la jurisprudence qu'au moment de leur intervention ;
Que la jurisprudence invoquée est postérieure à la date du licenciement de M.[K] ainsi qu'à la date du courrier du 17 mai 2010 par lequel il l'informait de la position du CGEA et de l'inscription de ses créances salariales au passif de la société Reso 2 ;
Qu'il ne pouvait donc la connaître, étant en outre observé que le salarié n'a, avant l'introduction de cette procédure, pas contesté l'inscription de sa créance au passif de la société Reso 2 ;
Qu'il n'a pas davantage commis de faute dans le cadre de la liquidation judiciaire des sociétés Reso spare et Technic reso en s'abstenant d'introduire une action en confusion des patrimoines ;
Que même à supposer la confusion des patrimoines établie, il n'en reste pas moins que d'une part cette confusion constituerait une faute de la part du dirigeant qui ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
Que d'autre part, le liquidateur a en charge l'intérêt des créanciers et la défense des intérêts collectifs de ceux ci et non pas du seul intérêt de M.[K] qui ne fait état que d'un intérêt personnel contraire à l'intérêt collectif ;
Qu'il explique en effet que cette extension lui aurait permis de compenser ses créances salariales avec sa condamnation en comblement de passif et d'être ainsi payé de manière préférentielle ;
Qu'enfin, cette procédure d'extension était dénuée d'intérêt s'agissant de trois sociétés en liquidation judiciaire dont aucune ne disposait d'un actif, même non disponible, supérieur au passif ;
Considérant que les éventuels manquements d'un professionnel du droit ne s'apprécie qu'au regard du droit positif existant à l'époque de son intervention ;
Considérant que sous l'empire des dispositions antérieures à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, étaient payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture en cas de poursuite de l'activité ;
Considérant que l'article L.641-13 issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 disposait que les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire [...] pour les besoins du déroulement de la procédure, pour les besoins, le cas échéant, de la période d'observation antérieure, ou en raison d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle postérieure à l'un de ces jugements, sont payées à leur échéance ;
Considérant que l'article L.641-13 I du code de commerce issu de l'ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 et applicable à l'espèce eu égard à la date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Reso 2 et du licenciement consécutif de M.[K] soit les 9 et 23 juin 2009 disposant que sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant ce maintien de l'activité est venu préciser les dispositions antérieures ;
Considérant enfin que la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 juin 2010 a jugé que, dès lors que le licenciement a été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail sont nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure et relèvent en conséquence de l'article L.641-13 I ;
Considérant qu'ainsi la Cour de cassation a pour la première fois qualifié ces créances de créances nées pour les besoins de la procédure de sorte que le traitement de la créance salariale de M.[K] par Me [X] le 17 mai 2010 en créance non éligible au traitement préférentiel ne peut être considéré comme fautif ;
Considérant qu'en conséquence, il importe peu que les faits de l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 16 juin 2010 soient de mai 2007, soit antérieurs à l'ordonnance n°2008-1345 ;
Considérant que la décision sera confirmée de ce chef, ne pouvant être reproché à faute à M. [X] de ne pas avoir eu connaissance d'une décision intervenue postérieurement au licenciement pratiqué ;
- dans la liquidation judiciaire des sociétés Reso spare et Technic reso :
Considérant que M.[K] reproche au liquidateur de ne pas avoir engagé d'action en confusion des patrimoines des sociétés du groupe ;
Mais considérant que même à supposer établie cette confusion des patrimoines, monsieur [K] ne peut le reprocher au liquidateur, étant mal fondé en tant que débiteur au titre des sanctions mises à sa charge pour agir en ce sens et à son seul profit ;
Qu'en effet, il soutient que cette abstention du liquidateur a fait obstacle à la possibilité pour lui de compenser les dettes de la liquidation avec ses condamnations en comblement de passif, le liquidateur concluant par ailleurs à juste titre être en charge de l'intérêt de l'ensemble des créanciers ;
Que la confusion des patrimoines ne présentait en l'espèce aucun intérêt pour les créanciers au vu de l'insuffisance d'actif de chacune des sociétés et notamment celle de la société Reso 2 d'un montant de 8 311 K € ;
Considérant que la décision sera confirmée sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant s'il y avait matière à confusion des patrimoines ;
Considérant que M.[X] ne démontre pas une mauvaise foi ou une légèreté blâmable de M. [K] de nature à lui ouvrir droit à dommages et intérêts de ce chef ;
Que la décision sera confirmée en ce qu'elle a débouté M.[X] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;
Qu'il convient de lui allouer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par Ces Motifs
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,
Condamne M.[K] à payer à M.[X] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Le condamne aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Monsieur MONASSIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,