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19/01/2017 | FRANCE | N°15/02513

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 19 janvier 2017, 15/02513


COUR D'APPEL

DE

[Localité 1]





21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2017



R.G. N° 15/02513



AFFAIRE :



[B] [A]





C/

SA SOPRA STERIA GROUP VENANT AUX DROITS DE STE STERIA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]



N° RG : 13/984





Copies exécutoires délivrées à

:



la SELARL BERNARD - VIDECOQ

la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés





Copies certifiées conformes délivrées à :



[B] [A]



SA SOPRA STERIA GROUP VENANT AUX DROITS DE STE STERIA







le : 20 Janvier 2017

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU...

COUR D'APPEL

DE

[Localité 1]

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2017

R.G. N° 15/02513

AFFAIRE :

[B] [A]

C/

SA SOPRA STERIA GROUP VENANT AUX DROITS DE STE STERIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1]

N° RG : 13/984

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL BERNARD - VIDECOQ

la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

[B] [A]

SA SOPRA STERIA GROUP VENANT AUX DROITS DE STE STERIA

le : 20 Janvier 2017

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de [Localité 1], a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD - VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2002

APPELANT

****************

SA SOPRA STERIA GROUP VENANT AUX DROITS DE STE STERIA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Virginie DEVOS de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438, substitué par Maître Zaidi Ghislain

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Mme Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

Par arrêt avant dire-droit du 4 mai 2016, auquel la cour renvoie pour l'exposé des faits et de la procédure, la société Sopra Stéria Groupe a été invitée à communiquer des pièces justificatives sollicitées par M. [A], en vue de statuer sur ses prétentions de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

L'affaire a été renvoyée au 7 novembre 2016 pour plaidoiries sur le fond, avec un calendrier de procédure pour la communication des pièces et conclusions des parties.

A l'audience, les parties ont respectivement manifesté leur opposition à la communication tardive de certaines pièces et de conclusions adressées après les délais fixés par la cour.

Après en avoir délibéré, la cour a décidé d'écarter :

- pour l'appelant, les pièces 105 à 111, et les conclusions n°2 datées du 7 novembre 2016 ;

- pour l'intimé, les pièces 66 bis et 68, et les observations dans ses conclusions concernant ces deux pièces.

Les parties ont pris acte de la décision et ont été invitées à plaider sur le fond.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [A] demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Stéria à lui verser les sommes de 2.670 euros au titre des heures supplémentaires sur la période de juillet à décembre 2010 et 267 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Sopra Stéria Groupe à lui payer les sommes suivantes :

* 150.000 euros en réparation du préjudice sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail

* 50.000 euros en réparation du préjudice sur le fondement des articles L.4121-1 et L.1152-4 du code du travail

* 99.171 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier sur le fondement de l'article L.1134-5 du code du travail et du principe à travail égal salaire égal

* 100.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le préjudice moral et de carrière subi sur le fondement des articles L.1132-1 et L.1134-5 du code du travail

- ordonner le repositionnement de M. [A] au coefficient 130 niveau 2.2 avec un salaire mensuel de 3.824,60 euros,

- à titre subsidiaire si la cour retient le panel de la société, ordonner le repositionnement au coefficient 130 niveau 2.2 avec un salaire mensuel de 3.827 euros,

- ordonner la remise de bulletins de paie conformes,

- condamner la société Sopra Stéria Groupe au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner la société aux entiers dépens et aux intérêts légaux avec anatocisme.

A l'audience, le conseil de M. [A] a rectifié sa demande sur les heures supplémentaires et la réformation du jugement, en sollicitant une confirmation pure et simple de la condamnation de la société Sopra Stéria groupe à ce titre, et non pas seulement une condamnation à verser sur le compte épargne temps de M. [A], comme l'a jugé le CPH de [Localité 1].

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Sopra Stéria Groupe demande à la cour de:

- constater le caractère infondé de la demande de M. [A],

en conséquence

- le débouter de l'ensemble de ses demandes.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, dans le cadre déterminé lors de l'audience de plaidoiries après avoir statué sur les incidents de communication.

Motifs de la décision

Sur l'évolution de carrière de M. [A]

Il ressort des écritures des parties que l'évolution objective de la carrière de M. [A] au sein de la société Stéria s'est déroulée de la sorte :

- embauche le 14 novembre 2005, en qualité d'ingénieur, position 1.2, coefficient 100 de la convention collective des bureaux d'études techniques.

- 21 mars 2011, classé en position Cadre technique 2, position 2.11, coefficient 115 C, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011.

Evolution du salaire :

- salaire à l'embauche : 2.160 euros bruts

- janvier 2007 : 2.188,60 euros

- janvier 2008 : 2.800 euros bruts

- pas d'augmentation depuis cette date mais modification de la structure du salaire en septembre 2011 (salaire de base de 2.489,02 euros bruts et 310,98 euros pour des heures supplémentaires structurelles, représentant un volume de 15,16 heures par mois)

- janvier 2015 : 2.812,16 euros bruts (par ajustement de la cotisation salariale au titre de la prévoyance [Localité 2]).

Diplômes :

- 1998 : maîtrise en économie

- 1999 : diplôme universitaire de 3ème cycle, en sciences et techniques

- 2010 : diplôme CNAM de Paris, Ingénieur réseaux et multimédias

Missions chez les clients, formations et inter-contrats :

- 16 décembre 2005 à novembre 2007 : mission de 2 ans Bouygues Telecom

- novembre 2007 à juin 2008 : mission de 8 mois AP-HP

- juillet 2008 à février 2009 : mission SNCF de 7 mois

- février à novembre 2009 : formation CNAM d'Ingénieur en informatique dans le cadre d'un CIF

- novembre 2009 à juin 2010 : inter-contrat

- juin 2010 au 28 février 2011 : mission AP-HP de 8 mois

- 1er mars 2011 à octobre 2011 : inter-contrat

- octobre 2011 à décembre 2011 : mission Société Générale (traduction) effectuée au sein de la société Stéria

- janvier 2012 : inter-contrat

- novembre 2013 à avril 2014 : mission interne SAP au sein de la division ERP de Stéria

- avril-juin 2014 : formation Consultant expert SAP avec des ingénieurs relevant de la division ERP

- juillet 2014 : inter-contrat

- 29 février 2016 au 31 août 2016 : mission Thalès

- septembre 2016 : inter-contrat

Départements d'affectation au sein de Stéria :

- depuis son embauche en 2005 : département Testing (TMU)

- janvier 2011 : Infrastructure Management France (IM), dans l'entité Direction de Production

- décembre 2014 : division SAP

La relation de travail se poursuit, en parallèle de la procédure judiciaire engagée depuis le 29 mai 2013, M. [A] revendiquant son positionnement au coefficient 2.2, coefficient 130, avec un salaire mensuel de 3.232 euros lors de la saisine du conseil. L'audience de conciliation s'est tenue le 9 octobre 2013, le bureau de jugement le 15 décembre 2014, le jugement du 30 mars 2015 ayant rejeté les principales demandes du salarié qui a fait appel de la décision. L'audience devant la cour s'est tenue le 10 mars 2016, date à laquelle M. [A] a réclamé avant dire-droit la communication de pièces concernant un panel de comparaison de salariés. L'arrêt du 4 mai 2016 a fait droit partiellement à la demande de communication et renvoyé l'affaire au 7 novembre 2016.

Sur le harcèlement moral

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; toute rupture du contrat de travail qui résulterait de tels agissements est nulle de plein droit.

A l'appui de son appel, M. [A] soutient que le harcèlement moral résulte de l'absence de travail pendant 5 ans, sans mission externe pour un client, de l'interdiction de venir travailler pendant 7 mois entre juillet 2012 et janvier 2013 du fait de l'absence d'organisation de la visite médicale de reprise, de son affectation de janvier 2011 à décembre 2014 sur la division IM qui ne correspond pas à son niveau de qualification puisqu'elle emploie des administrateurs et des techniciens et non des ingénieurs, de ses conditions de travail humiliantes lors des deux missions confiées en 2011 son manager tenant des propos dénigrants à son égard. M. [A] ajoute que la société Stéria a été plusieurs fois condamnée pour avoir mis à l'écart les salariés dont elle ne veut plus.

En réplique, la société Steria soutient que l'absence de travail s'explique par un contexte économique dégradé à compter de janvier 2010, par les arrêts maladie de M. [A] renouvelés du 7 novembre 2011 au 1er juin 2012, avec de brèves périodes de reprise, que la visite médicale n'a pu être organisée dès la fin de l'arrêt maladie en raison de l'absence de médecin du travail jusqu'en janvier 2013, qu'ensuite la société a souhaité mettre en oeuvre un bilan de positionnement de M. [A] qui n'a été fait en raison de l'obstruction du salarié, que son attitude négative s'est confirmée lors de la formation SAP suivie entre avril et juin 2014 au cours de laquelle il a ouvertement critiqué la formatrice, qu'il n'existe pas de preuves suffisantes sur d'éventuels propos dénigrants tenus par son manager.

S'agissant de l'absence de missions chez des clients, force est de constater que M. [A] n'a pas été affecté sur une mission externe de mars 2011 à février 2016, même si des missions ponctuelles lui ont été attribuées en interne, ainsi que des périodes de formation, et avec cette précision qu'il a connu des périodes d'arrêts maladie quasi initerrompues entre novembre 2011 et juin 2012 qui ont été de nature à empêcher son affectation.

Ses plaintes de dégradation de conditions de travail se sont exprimées pour la première fois en août 2010 alors qu'il se trouvait en mission APHP mais elles ne concernent que des difficultés d'organisation de son manager, qui ne sont pas avérées autrement que par le mail qu'il a lui-même adressé. Toutefois, la cour relève que ce message constitue le point de départ des difficultés entre

M. [A] et la société Stéria.

En avril 2011, M. [A] s'est plaint de son affectation sur le département IM, sans concertation préalable, qui correspond à une activité production.

Contrairement à ce que soutient la société, le délégué du personnel a adressé un message à la DRH dans l'intérêt du salarié en avril 2013, soit deux ans après cette affectation, pour rappeler qu'il existe une règle interne selon laquelle un salarié en inter contrat est maintenu dans le secteur correspondant à sa dernière mission, soit en l'occurence la mission APHP, et que sa nouvelle affectation vers le pôle IM qui dure depuis deux ans, sans proposition de mission, reste incompréhensible.

Ce message est resté sans réponse de la société qui soutient dans ses conclusions que cette mission était "en partie gérée par ce département", ce dont elle ne justifie pas, et en tous cas ne peut pas expliquer le changement d'affectation sans explication, début 2011, sans nouvelle mission, et ce pour une période qui se poursuivra jusqu'à la veille de l'audience devant la cour d'appel en mars 2016.

Les arrêts maladie qui ont débuté le 7 novembre 2011, soit 8 mois après la fin de la dernière mission chez un client, ont pu s'expliquer par le maintien en inter contrat, associé à un changement de département sans perspective d'évolution, ce dont les médecins attestent, évoquant l'image professionnelle très dévalorisante vécue par M. [A].

La cour relève par ailleurs que l'absence de visite médicale entre le 1er juin 2012 et le 8 janvier 2013, est particulièrement anormale, la société qui ne justifie pas de ses prétentions, soutenant qu'elle a eu des difficultés pour recruter un médecin du travail, ayant placé le salarié durant cette période, en dispense d'activité pour ce motif.

La cour relève également l'anormalité du temps passé pour effectuer un bilan de positionnement, soit toute l'année 2013, alors que les échanges de mails démontrent le manque de diligences de la société dans l'organisation de ce bilan et la fixation d'un entretien.

Si M. [A] exprimait certaines réticences en indiquant qu'il souhaitait en priorité exercer une mission correspondant à sa qualification, s'étonnant également de ne pas disposer d'un poste de travail avec un ordinateur au sein de la société, il n'a jamais opposé de refus pour effectuer ce bilan.

La cour relève que la société Stéria produit un mail d'avril 2014 et une appréciation défavorable délivrée à l'issue de son stage effectué au titre de la formation SAP courant avril-juin 2014.

Toutefois, ces documents auxquels le salarié n'a pas été associé, et notamment son évaluation non contradictoire qui aurait pu faire l'objet d'une observation de sa part, ne peuvent pas expliquer qu'il soit resté sans mission pendant encore près de 2 ans, jusqu'en février 2016, alors qu'il avait clairement exprimé sa volonté de bénéficier d'une affectation, qu'il avait obtenu son diplôme d'Ingénieur réseaux et multimédias du CNAM de [Localité 3] début 2010, et que depuis cette date, il n'avait effectué qu'une seule mission de 8 mois au sein de l'APHP qui s'est terminée en février 2011.

La cour considère au vu de l'ensemble de ces éléments, que les motifs invoqués par la société Stéria pour expliquer l'absence d'affectation chez un client, qui constitue son coeur de métier de prestataire de services informatiques, ne sont pas sérieux et traduisent une mise à l'écart de M. [A] non justifiée, sur une durée anormale, ayant engendré des effets sur sa santé et ses conditions de travail.

Le harcèlement moral est caractérisé et il convient de réparer le préjudice subi à ce titre, en accordant une indemnité évaluée à la somme de 10.000 euros.

Sur le non-respect de l'obligation de sécurité

Les moyens soutenus par M. [A] sont identiques à ceux développés en appui des demandes présentées au titre du harcèlement moral.

Elle seront rejetées, les mêmes éléments de fait ne pouvant pas justifier un cumul de condamnations.

Sur la discrimination et l'inégalité de traitement

M. [A] évoque une discrimination en raison de ses origines, qui n'est étayée par aucune pièce justificative. Il attribue à son manager une inscription dénigrante sur le tableau de l'open space, en octobre 2011, qui ne peut être considérée comme établie par une photographie et une seule attestation d'un collègue.

En revanche, la prétention d'inégalité de traitement doit faire l'objet d'un examen au vu des pièces produites par les parties.

Il sera rappelé qu'en application du principe "A travail égal, salaire égal", l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés qui sont placés dans une situation identique. Le salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement, doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de cette inégalité et l'employeur doit rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la différence de traitement.

En l'espèce, M. [A] soutient que son salaire est bien inférieur au panel de 12 salariés ayant été embauchés à la même qualification, sur une période de plus ou moins 9 mois. Il revendique son positionnement au coefficient 2.2, coefficient 130, et un salaire mensuel de 3.824,60 euros.

La société Stéria conteste le panel présenté par M. [A] au motif que les salariés choisis par lui, n'ont pas le même profil.

Les explications avancées par la société Stéria ne sont pas toutefois convaincantes.

Elle soutient de manière contradictoire que les autres salariés sont nettement plus jeunes, alors que cet argument fondé sur l'âge serait discriminatoire et en tous cas ne serait pas de nature à expliquer la différence de salaire avec M. [A] qui dispose de la plus longue expérience professionnelle.

Sans contester le panel produit par le salarié avant l'audience du 10 mars 2016, la société Stéria a présenté un nouveau panel après l'arrêt avant dire-droit intégrant sur 21 salariés, 13 dépendant d'établissement situés en province, ce qui est susceptible de justifier un salaire moindre que sur la région parisienne en raison du niveau de vie communément accepté par les employeurs de la région.

A supposer même que le tableau communiqué par la société soit pertinent, il apparaît que les salariés ayant le même coefficient que M. [A] (coefficient 115) perçoivent tous une rémunération supérieure, 2.998 euros pour M. [C], 3.290 euros pour M. [D] et 3.050 euros pour M. [Y] en 2014 au lieu de 2.800 euros pour M. [A].

Le panel présenté par M. [A] révèle que tous les salariés ont bénéficié chaque année d'augmentations régulières, à l'exception de M. [A], bloqué à 2.800 euros bruts depuis janvier 2008, l'écart entre les salaires s'étant aggravé tous les ans, au point d'atteindre en moyenne en 2016 plus de 34%.

La cour relève également que malgré l'obtention de son diplôme du CNAM fin 2010 et son nouveau positionnement qui a suivi en janvier 2011, de Cadre technique 2, position 2.11, coefficient 115 C (unique évolution depuis son embauche en 2005) M. [A] n'a bénéficié d'aucune augmentation de salaire.

La cour relève également que le tableau communiqué par la société en pièce 41 n'est pas fiable, puisqu'à seul titre d'exemple le salaire de M. [H] est évalué à juillet 2014 à 2.750 euros alors que le bulletin de paie communiqué à la suite de l'arrêt avant dire-droit révèle qu'il s'élève en réalité à 4.320 euros bruts mensuels.

La société Stéria est mal venue à invoquer le fait que M. [A] n'occupe pas un poste de chef de projet alors que cette demande est précisément celle qu'il présente depuis 2011 (en particulier son mail du 18 avril 2011 dans lequel il rappelle qu'il a occupé un poste de chef de projet en 2010, et qu'il était identifié comme Analyste Test Senior dans le logiciel de gestion des personnes salariées de Stéria).

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'inégalité de traitement se trouve établie.

La société Stéria devra par suite positionner M. [A] au coefficient 2.2, coefficient 130, dès la notification de cet arrêt.

Le salaire perçu par M. [A] est supérieur au minimum conventionnel, de sorte qu'il ne peut lui être accordé pour le passé qu'une indemnité réparant le préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement, que la cour évalue à la somme de 20.000 euros, sans qu'il soit utile de fixer une indemnité distincte au titre d'un préjudice moral.

Au vu des tableaux communiqués par les parties, il est justifié de fixer le salaire mensuel de base de M. [A] à la somme de 3.200 euros bruts, hors avantages supplémentaires fixés par le contrat de travail calculés sur la base de cette somme, légèrement supérieure au salaire le plus bas des salariés de sa catégorie, soit 3.100 euros pour M. [C].

Sur les heures supplémentaires

M. [A] réclame le paiement d'heures supplémentaires effectuées entre juillet et décembre 2010, sa demande ayant été introduite en mai 2013, la société Stéria s'y opposant au motif que son salaire forfaitaire intègre ces heures qu'il peut le cas échéant récupérer sur son compte temps disponible.

Il ressort toutefois du tableau récapitulatif produit par M. [A] que celui-ci a effectué sur la période considérée des heures supplémentaires dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas donné lieu à rémunération dans la partie supérieure à 38h30 par semaine qui correspond au temps de travail défini par le contrat signé entre les parties.

La société Stéria doit par suite être condamnée au paiement des sommes réclamées par M. [A], et non pas seulement au versement d'un crédit jours sur son compte épargne temps disponible.

Le jugement du 30 mars 2015 mérite également l'infirmation à ce titre.

Sur les mesures accessoires :

La société Sopra Stéria Groupe, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [A] une indemnité de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Infirme le jugement du 30 mars 2015 sauf en ce qu'il a déjà fixé une indemnité de 1.000 euros pour les frais engagés par M. [A] en première instance,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [A] a été victime de harcèlement moral et d'une inégalité de traitement au sein de la société Stéria aux droits de laquelle se trouve la société Sopra Stéria Groupe,

Enjoint à la société Sopra Stéria Groupe de classer M. [A] en position 2.2, coefficient 130, au salaire brut mensuel de 3.200 euros augmenté des avantages contractuels, dès la notification de cet arrêt.

Condamne la société Sopra Stéria Groupe à lui payer les sommes suivantes :

- dix mille euros (10.000 euros) au titre de l'indemnité réparant le préjudice subi du fait du harcèlement moral,

- vingt mille euros ( 20.000 euros) au titre de l'indemnité réparant le préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement,

- deux mille six cent soixante dix euros (2.670 euros) au titre des heures supplémentaires,

- deux cent soixante sept euros (267 euros) au titre des congés payés afférents,

- trois mille euros (3.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que ces sommes produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le Bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour les sommes de nature salariale, et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Sopra Stéria Groupe à verser à M. [A] aux entiers dépens d'instance.

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Dominique DUPERRIER, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 15/02513
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°15/02513 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;15.02513 ?
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