COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
15e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 11 JANVIER 2017
R.G. N° 15/01833
AFFAIRE :
[I] [G]
C/
SAS UBIQUS
Syndicat CFDT BETOR PUB
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° RG : 13/03499
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL LEPANY & ASSOCIES
Me Sonia FUSCO OSSIPOFF
Copies certifiées conformes délivrées à :
[I] [G]
SAS UBIQUS
Syndicat CFDT BETOR PUB
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [I] [G]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Aline CHANU de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 substituée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222
APPELANTE
****************
SAS UBIQUS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [M] [G], responsable des ressources humaines, en vertu d'un pouvoir, assistée de Me Sonia FUSCO OSSIPOFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B793
INTIMEE
****************
Syndicat CFDT BETOR PUB
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Aline CHANU de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 substituée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Madeleine MATHIEU, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Madeleine MATHIEU, Président,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,
EXPOSE DU LITIGE :
Le 12 avril 2012, Mme [I] [G] a été engagée par la société UBIQUS en qualité de rédactrice par le biais d'un contrat à durée déterminée.
49 autres contrats à durée déterminée se sont succédés jusqu'au terme du dernier, en mai 2013. La rémunération moyenne des 12 derniers mois s'élevait à 805,78 €.
Le 27 mai 2013, Mme [G] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 20 février 2014. Le 6 octobre 2014, Pôle Emploi l'a informée qu'elle ne pouvait pas bénéficier des indemnités journalières. À cette période, l'entreprise comptait plus de 11 salariés.
Aucune convention collective n'est applicable.
Par requête du 18 novembre 2013, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la requalification des contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée à temps plein et de faire condamner la société UBIQUS à lui payer divers montants à titre de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement rendu le 12 mars 2015, le conseil de prud'hommes a condamné la société UBIQUS à payer à Mme [G] les sommes suivantes:
- 993,81 euros au titre du rappel de salaire avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2013
- 99,38 euros au titre des congés payés afférents avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2013
- 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2015
Le conseil a également condamné la société Ubiqus à la délivrance de l'attestation de fin de contrat destinée à Pôle Emploi et d'un bulletin de paie conformes à la décision rendue, sans pour autant prononcer une astreinte ; il a ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an à compter du 25 novembre 2013 et débouté Mme [G] du surplus de ses demandes, condamnant la société UBIQUS aux dépens.
Mme [G] a régulièrement interjeté appel du jugement susvisé par déclaration au greffe en date du
29 avril 2015.
Dans ses écrits déposés et soutenus oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 12 mars 2015, de requalifier les contrats de travail conclus avec la société UBIQUS en un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 3 avril 2012, et de condamner cette dernière à lui payer les sommes suivantes :
- 8 160 euros à titre d'indemnité de requalification,
- à titre de rappel de salaire d'avril 2012 à mai 2013 :
A titre principal, sur la base d'un temps plein :
- Fixer le salaire mensuel à la somme de 4.079,92 euros, et condamner la société UBIQUS à lui payer :
- 47 494,46 euros à titre de rappel de salaire, sur la base d'un temps plein, ainsi que 4 749,44 euros au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire à titre de rappel de salaire sur la base des heures de travail effectuées sur la même période condamner la société UBIQUS à lui payer :
- 13 631,66 euros à titre de rappel de salaire, ainsi que 1 363,16 euros au titre des congés payés afférents ;
En tout état de cause
- Condamner la société UBIQUS à lui payer une somme de 24 480 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail.
- condamner la société UBIQUS à lui payer, au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail :
- une somme de 6 731,87 euros à titre de rappel de salaire, du 3 juin au 1er août 2013, ainsi que 673,18 euros à titre de congés payés afférents,
- un rappel de salaire à compter du 21 février 2014, évalué au jour de l'audience à la somme de 135 317,35 euros, ainsi que 13 531,73 euros de congés payés afférents,
- une somme de 8 159,84 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents soit 815,98 euros ;
- une somme de 3 876 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- une somme de 32 640 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail
A titre subsidiaire : dans le cadre d'une rupture abusive du contrat de travail, condamner la société UBIQUS à lui payer les sommes suivantes :
- 8 159,84 € à titre d'indemnité de préavis ainsi que les congés payés afférents soit 815,98 €
- 1 086 € à titre d'indemnité de licenciement
- 32 640 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail.
En tout état de cause Mme [G] demande à la cour de condamner la société UBIQUS à délivrer des bulletins de paie, et des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de
250 euros par jour de retard et par document, le tout avec le bénéfice des intérêts au taux légal et de l'anatocisme, conformément à l'article 1154 du code civil,
Le syndicat CFDT BETOR PUB sollicite la condamnation de la société UBIQUS à lui payer une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 2132-3 du code du travail,
Enfin Mme [G] et le syndicat CFDT BETOR PUB demandent la condamnation de la société UBIQUS à leur payer respectivement les sommes de 5 000 euros et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écrits déposés et soutenus oralement à l'audience, la société UBIQUS demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [G] les sommes de 993,81 euros, 99,38 euros et 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à porter à Mme [G] l'attestation de fin de contrat destinée à Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de paie, conformes au dispositif du jugement, de le confirmer pour le surplus, de débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:
Au soutien de son appel, Mme [G] fait valoir que les contrats à durée déterminée établis par son employeur ne respectent pas les dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail faute d'en préciser le motif, la mention 'accroissement temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise n'étant pas suffisante, même si, à partir de février 2013, la société UBIQUS a ajouté la mission pour laquelle ils étaient conclus. Elle soutient que tous les contrats ont été anti-datés puisqu'après envoi par son employeur d'une fiche de mission comportant la durée estimée de la réunion, elle lui communiquait par mail la durée réelle
de celle-ci, un contrat anti-daté de deux jours lui étant alors adressé, ne rémunérant que la durée réelle de la réunion. Elle estime que ce procédé contrevient aux dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail et souligne que la création informatique du contrat à la date qu'il mentionne n'est pas prouvée par la société UBIQUS qui ne produit aucune pièce au soutien de cette affirmation.
Elle prétend que les contrats successifs de rédacteur qu'elle a signés correspondaient en réalité à une activité normale et permanente de l'entreprise, qui indique d'ailleurs sur son site internet que ses salariés sont à temps plein et qui ne justifie pas de l'accroissement temporaire d'activité dont elle se prévaut. Elle fait valoir sa collaboration régulière et continue et se prévaut de l'accord cadre du 18 mars 1999 visant à prévenir l'utilisation abusive des CDD et faisant peser sur l'employeur la charge de la preuve du caractère par nature temporaire de l'emploi au sein de l'établissement.
En réplique, la société IBIQUS soutient que Mme [G] a reçu, pour chacune de ses missions, un contrat à durée déterminée qu'elle a systématiquement signé et conteste avoir violé les règles de forme attachées au contrat à durée déterminée. Elle estime que l'indication d'un accroissement temporaire d'activité suffit, et qu'elle n'était pas tenue de préciser la nature des travaux ou des tâches à accomplir. Elle conteste que les contrats aient été anti-datés, affirmant que pour chaque mission proposée au salarié et acceptée par lui, un contrat est immédiatement créé sur son système informatique, lequel porte, sans modification possible, la date de sa création, la déclaration réelle de la mission permettant de renseigner le contrat et de l'adresser au salarié pour signature ; elle fait valoir qu'en tout état de cause, le contrat est transmis au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, conformément aux dispositions de l'article L.1242-13 du code du travail, qu'une éventuelle irrégularité de ce chef ne peut entraîner la requalification du contrat de travail et que Mme [G], en signant tous les contrats, a purgé toutes les irrégularités de forme susceptibles de les affecter.
La société UBIQUS soutient que l'accroissement temporaire d'activité s'entend de l'augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise, sans qu'il y ait lieu d'exiger un caractère exceptionnel, puisqu'il peut s'agir d'un accroissement cyclique de l'activité, même si ce cycle est régulier. Elle expose que son activité se concentre notamment en fin de mois et les mardis et les jeudis qui sont les jours où les entreprises organisent le plus grand nombre de réunions en France ; qu'ainsi elle connait des fluctuations constantes d'activité, ce qui explique le caractère très ponctuel des interventions de Mme [G], laquelle n'a travaillé pour son compte que quelques heures réparties sur 76 jours en l'espace de 13 mois. Elle prétend que les dispositions spécifiques aux contrats à durée déterminée d'usage ne lui sont pas applicables, ni la loi ni la jurisprudence n'imposant que l'emploi occupé par un salarié en contrat à durée indéterminée pour accroissement temporaire d'activité soit par nature temporaire.
Subsidiairement, elle souligne que Mme [G] a perçu une indemnité de précarité, et plus subsidiairement encore, elle demande la réduction des montants réclamés au titre de l'indemnité de requalification.
***
Le contrat à durée déterminée écrit est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche ; sa transmission tardive pour signature équivaut à une absence d'écrit qui entraîne re-qualification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
Il résulte des pièces produites par Mme [G] que la salariée était saisie par un mail intitulé 'fiche de mission' envoyé par la société UBIQUS 1 à 15 jours, le plus souvent entre 2 et 5 jours, avant la réalisation de ladite mission. Mme [G] se rendait à la réunion indiquée par la fiche et adressait ensuite à son employeur un document intitulé 'retour de mission', dans lequel elle indiquait le temps effectivement consacré à la réunion, qui était pris en compte dans le contrat établi postérieurement afin de déterminer la rémunération. Les
fiches de mission produites contiennent toutes la mention suivante : 'cette mission est effectuée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour accroissement d'activité qui vous sera adressé prochainement par courrier postal'. Les contrats étaient manifestement anti-datés, ainsi qu'il résulte par exemple de l'examen des documents relatifs à la mission n° 506161 concernant le client NESPRESSO.
Il convient de relever que cette date, fixée systématiquement deux jours avant l'exécution de la mission, varie d'une mission à l'autre et ne correspond ni à la date de la fiche de mission ni à la date d'une éventuelle acceptation de mission par Mme [G] qui ne résulte d'aucun des documents produits. La date des contrats ne correspond pas, comme le prétend sans en justifier la société UBIQUS, à leur établissement informatique lors de la proposition effectuée à Mme [G]. En effet, à titre d'exemple, la mission n°511975 a fait l'objet d'une fiche de mission adressée le 11 juin à la salariée pour une réunion du 19 juin, alors que le contrat est daté du 17 juin étant observé que tous les contrats sont systématiquement datés de 2 jours avant la mission.
En application des dispositions de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, qu'il s'agisse ou non d'un contrat de travail à durée déterminée d'usage. Le juge doit être en mesure de vérifier que l'engagement ne correspond pas à l'occupation durable d'un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et en cas de litige sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
En l'espèce, le motif invoqué est l'accroissement temporaire d'activité habituelle de l'entreprise.
L'accroissement pris en considération par la loi est celui de l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il consiste en l'augmentation temporaire de son activité habituelle, cet accroissement ne devant pas être constant ni durable. Il n'a pas besoin, pour être temporaire, d'être exceptionnel. Il peut notamment consister en des variations cycliques de production.
La réalité de cet accroissement doit être établie par l'employeur qui l'invoque.
Il ressort des écrits de l'intimée que les accroissements d'activité dont elle se prévaut intervenaient régulièrement, à la même fréquence chaque mois, voire chaque semaine sur les mêmes périodes, la société UBIQUS indiquant que son activité 'se concentre notamment en fin de mois et les mardis et les jeudis'. Il en résulte que si chacun de ces pics d'activité était temporaire, ils constituaient néanmoins une activité prévisible et permanente, donc non occasionnelle pour la société UBIQUS. Par ailleurs la société UBIQUS ne produit aucune pièce permettant d'apprécier si Mme [G] a été recrutée, comme elle le prétend, à l'occasion d'un surcroît d'activité, se contentant de produire des documents concernant l'activité de ses concurrents ainsi qu'un schéma établi par ses soins, sensé représenter les variations de son chiffre d'affaires sur la période d'activité de Mme [G], comparé au chiffre d'affaires généré par cette dernière, sans qu'aucun document comptable ne soit produit pour permettre à la cour de vérifier la réalité de ces variations.
En conséquence de ce qui précède, les contrats à durée déterminée successifs seront requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 2012;
- sur la requalification des contrats de travail en contrat à temps plein :
Mme [G] fait valoir qu'elle n'avait aucune visibilité sur le temps de travail que sa mission exigerait, ni sur celui qui lui serait rémunéré, lorsqu'elle était envoyée chez un client ; elle souligne que certaines missions étaient annulées un ou deux jours avant leur date prévue, qu'aucun planning ni aucun document relatif à la répartition de son travail sur la semaine ou sur le mois ne lui était transmis, ce qui la mettait dans l'incapacité de prévoir son rythme de travail et la contraignait à se tenir constamment à la disposition de la société UBIQUS.
Elle souligne en outre que le volume de travail qui lui était demandé était sans rapport avec le temps rémunéré, la société UBIQUS ayant d'ailleurs conclu un accord d'entreprise le 11 janvier 2013, par lequel elle reconnaissait le temps de rédaction nécessaire en sus du temps passé à assister à la réunion, et le rémunérait de manière forfaitaire. Elle estime que c'est à l'employeur de prouver la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail lorsqu'elle ne résulte pas des termes du contrat ; à défaut elle s'estime fondée à réclamer un rappel de salaire sur la base d'un temps plein. Subsidiairement, elle fait valoir que, conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, c'est à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié et fait reposer son estimation du temps de travail réel accompli par elle sur l'accord d'entreprise du 11 janvier 2013.
En réplique, la société UBIQUS soutient que l'article L.3123-14 n'a pas vocation à s'appliquer aux contrats à temps partiel à exécution successive, comme en l'espèce. Elle fait valoir que les différents contrats ayant été entrecoupés de périodes d'inactivité au cours desquelles Mme [G] n'était plus sa salariée et ne se trouvait plus dans un lien de subordination, cette dernière retrouvait toute liberté de refuser de nouvelles interventions et de vaquer à ses occupations ou d'occuper un autre emploi, comme elle reconnaît l'avoir fait. Elle fait valoir que Mme [G] a accepté tous ses contrats et connaissait en amont de chaque événement à couvrir sa date et sa durée. Elle se prévaut de l'article L. 3121-1 du code du travail, de l'article L.7412-1 concernant les travailleurs à domicile et de la convention collective nationale de l'enseignement, à titre d'exemple, pour estimer que les temps de rédaction passés à domicile ne s'analysent pas en un temps de travail effectif ou doivent pour le moins faire l'objet d'une rémunération forfaitaire. Elle soutient que Mme [G] a perçu une rémunération forfaitaire et globale comprenant les travaux de rédaction, et qu'elle l'a acceptée, le taux horaire ainsi alloué étant bien supérieur à celui appliqué aux salariés cadres recrutés en 2015/2016, lequel oscille entre 13,14 € et 16,48 €. Elle critique le calcul réalisé par Mme [G] sur la base de l'accord d'entreprise du 17 janvier 2013, mettant en doute le nombre exact de pages de ses productions et soulignant qu'un pôle de relecture se chargeait des travaux annexes des rédacteurs juniors. Elle souligne en outre que l'accord d'entreprise repose sur une tarification horaire bien inférieure à celle dont a bénéficié Mme [G] avant son application.
***
Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
La requalification de plusieurs contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Dans ce cas, le salarié ne peut prétendre au paiement de rappels de salaire pour les périodes intermédiaires séparant deux contrats qu'à la condition de justifier qu'il se trouvait alors à la disposition de l'employeur en distinguant les périodes d'emploi successives pour lesquelles il existait un contrat de travail et les périodes intercalaires non travaillées entre deux contrats.
Sur les périodes entre deux contrats à durée déterminée, dites périodes interstitielles :
Sur les documents de retour de mission, produits par Mme [G], figure une mention que celle-ci a toujours renseignée, et qui l'interroge sur ses dates de prochaine disponibilité. Il ne résulte pas de l'examen des pièces que la société UBIQUS lui aurait proposé une mission pendant l'une de ses indisponibilités déclarées.
En outre, l'appelante ne conteste pas avoir travaillé ponctuellement pour un autre employeur, pendant la période considérée. En conséquence, Mme [G] n'établit pas qu'elle se soit trouvée à la disposition permanente de son employeur. Sa demande de requalification et de rappel de salaires de ce chef sera rejetée.
Sur les périodes couvertes par des contrats de travail
Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue.
En l'espèce, à chaque mission correspond un contrat écrit sur lequel figure le nombre d'heures travaillées, le taux horaire de rémunération variant entre 27,74 € et 60,59 € auquel s'ajoutent la prime de précarité et la prime de congés payés. Ce taux s'applique jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise de janvier 2013, ce dernier fixant un taux horaire unique de 10,50 € dès lors qu'il prend en compte en termes d'horaires forfaitaires les temps de trajet et de rédaction ainsi que la nature des travaux et leur durée. C'est donc à juste titre que la société UBIQUS fait valoir le caractère forfaitaire de la rémunération antérieure à janvier 2013, laquelle avait été acceptée par Mme [G] qui n'a pas davantage remis en cause le mode de rémunération différent instauré par l'accord d'entreprise.
En conséquence, Mme [G] sera également déboutée de ce chef.
- Sur l'indemnité de requalification :
L'article L.1245-2 du code du travail dispose qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié peut prétendre à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire, sans préjudice des règles relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
La cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour chiffrer cette indemnité à la somme de 3 000 €.
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Mme [G] soutient que c'est en parfaite connaissance de cause que l'employeur a décidé de ne pas payer l'intégralité de ses heures de travail.
La société UBIQUS l'estime mal fondée en sa demande.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Toutefois, cette intention ne se déduit pas de la seule absence de mention de certaines heures de travail sur les bulletins de paie. À défaut d'établir le caractère intentionnel de ce manquement, Mme [G] sera déboutée de ce chef de demande.
- Sur les circonstances de la rupture du contrat de travail :
À titre principal, Mme [G] demande le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors que la société UBIQUS n'a pas respecté ses obligations essentielles, à savoir verser le salaire et fournir un volume de travail correspondant à un temps plein dès lors qu'elle maintient la salariée à sa disposition. Elle se prévaut également d'un manquement à l'obligation de sécurité, aucune visite médicale d'embauche n'ayant été organisée.
Elle soutient que son contrat de travail s'est poursuivi après la suspension due à son arrêt de travail pour maladie du 27 mai 2013 au 20 février 2014 dès lors que seul l'examen pratiqué par le médecin du travail peut y mettre un terme et qu'aucune visite de reprise n'a été organisée par la société UBIQUS. Elle se prévaut des dispositions de la convention collective des prestataires de service pour demander le maintien de son salaire en cas de maladie à compter du 8ème jour de celle-ci, à hauteur de 90% pendant 30 jours puis à hauteur de 75% pendant 30 jours. Elle réclame également les salaires échus postérieurement à l'arrêt de maladie, jusqu'à la date de l'audience devant la cour.
Elle prétend que la résiliation judiciaire doit être prononcée aux torts de l'employeur et produit en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit aux indemnités corrélatives.
À titre subsidiaire, elle fait valoir qu'un licenciement sans forme constitue nécessairement une rupture abusive.
En réplique, la société UBIQUS soutient que l'action en résiliation judiciaire ne vaut que dans les hypothèses où elle a été initiée alors que le contrat de travail était toujours en cours, et qu'en l'espèce le dernier contrat à durée déterminée signé par Mme [G] a couvert la période du 16 au 31 mai 2013, la suspension pour arrêt maladie à compter du 27 mai 2013 ne pouvant avoir pour effet de faire échec à l'échéance du terme conformément aux dispositions de l'article L.1243-6 du code du travail. Elle soutient que même en cas de requalification en contrat à durée indéterminée, l'action en résiliation judiciaire serait irrecevable, le terme du dernier contrat requalifié s'analysant en une rupture abusive.
***
Conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil, le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu'il allègue.
Les manquements de l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation et doivent avoir empêché la poursuite du contrat de travail.
La relation de travail a pris fin le 31 mai 2013, à l'échéance du terme du dernier contrat à durée déterminée liant les parties. Compte tenu de la requalification des contrats successifs en contrat à durée indéterminée, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, la demande en résiliation judiciaire n'est pas recevable;
Compte tenu des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail et d'un salaire moyen des 12 derniers mois de 729,80 € la société UBIQUS sera condamnée à payer à Mme [G] une somme de 729,80 € à titre d'indemnité de préavis outre celle de 72,98 € au titre des congés payés afférents ainsi que la somme de 158,12 € à titre d'indemnité de licenciement.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge de Mme [G], de sa situation personnelle au moment de la perte de son emploi et de ses capacités d'insertion professionnelle, la cour fixera à la somme de 3 000 € les dommages et intérêts dûs pour rupture abusive du contrat de travail
- Sur les demandes annexes :
Il convient de faire droit aux demandes de délivrance des bulletins de salaire et des documents sociaux conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Le syndicat CFDT BETOR PUB se prévaut des dispositions de l'article L.2132-3, aux termes duquel les organisations ont le droit de se constituer partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Il fait valoir qu'en l'espèce ce préjudice existe compte tenu de l'irrespect par l'employeur des dispositions relatives au recours au contrat à durée déterminée, outre le non respect de l'obligation de sécurité de résultat.
Le litige portant sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ses conséquences sur la rupture des relations contractuelles n'intéresse que la personne de la salariée et non l'intérêt collectif de la profession.
En revanche, la société UBIQUS ne conteste pas l'absence de visite médicale d'embauche. Le manquement de l'employeur qui a fait travailler le salarié au-delà de la période d'essai, sans s'assurer de la réalisation, par le médecin du travail, d'une visite médicale d'embauche afin de vérifier l'aptitude de l'intéressé à occuper le poste, porte nécessairement atteinte aux intérêts collectifs de la profession. En conséquence, la société UBIQUS sera condamnée à payer au syndicat CFDT BETOR PUB une somme de 500 € à ce titre.
La société UBIQUS succombant partiellement à l'instance, elle sera condamnée à payer les sommes de 1 000 € au syndicat CFDT BETOR PUB et 2 000 € à Mme [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée conclus entre Mme [I] [G] et la société UBIQUS en un contrat à durée indéterminée à compter du 3 avril 2012,
DIT que la rupture du contrat de travail survenue le 31 mai 2013 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société UBIQUS à payer :
- à Mme [I] [G] :
- la somme de 3 000 € à titre d'indemnité de requalification,
- la somme de 729,80 € à titre d'indemnité de préavis,
- la somme de 72,98 € au titre des congés payés y afférents,
- la somme de 158,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- au syndicat CFDT BETOR PUB, partie intervenante :
- la somme de 500 € sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail,
- la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
ORDONNE la remise à Mme [I] [G] par la société UBIQUS des bulletins de salaire et des documents sociaux conformes à la présente décision.
RAPPELLE que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
DEBOUTE de toutes conclusions plus amples.
CONDAMNE la société UBIQUS aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Madeleine MATHIEU, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,