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03/11/2016 | FRANCE | N°14/05923

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 03 novembre 2016, 14/05923


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63C



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2016



R.G. N° 14/05923



AFFAIRE :



[O] [I]





C/



[K] [X]



COVEA RISKS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 12/09539



Expédition

s exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Alexis BARBIER de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX BARBIER ET ASSOCIÉS, avocat au barreau du VAL D'OISE,
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63C

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2016

R.G. N° 14/05923

AFFAIRE :

[O] [I]

C/

[K] [X]

COVEA RISKS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 02

N° Section :

N° RG : 12/09539

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Alexis BARBIER de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX BARBIER ET ASSOCIÉS, avocat au barreau du VAL D'OISE,

Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de VERSAILLES,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogations dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1] (62)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20140277 - et pour avocat plaidant Me Christophe LAUNAY, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 170

APPELANT

****************

Monsieur [K] [X]

de nationalité

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Alexis BARBIER de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX BARBIER ET ASSOCIÉS Postulant /Plaidant avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 102 - N° du dossier 314969

EUROGESTION CONSEIL

association de gestion comptable

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Alexis BARBIER de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX BARBIER ET ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 102 - N° du dossier 314969

Madame [T] [N]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4] (95)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 - N° du dossier 418608

(ordonnance d'irrecevabilité des conclusions par le magistrat de la mise en état en date du 19 janvier 2015)

INTIMES

****************

Société COVEA RISKS

inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 378 716 419

[Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 - N° du dossier 418608 - et pour avocat plaidant, Maitre KORVIN Pauline membre de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0133

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2016, Madame Anne LELIEVRE, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu le jugement rendu le 12 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- débouté M. [I] de ses demandes à l'encontre de M. [X], l'Association de Gestion Comptable Eurogestion Conseil et Mme [N],

- condamné M. [I] à régler à M. [X] et l'Association de Gestion Comptable Eurogestion Conseil une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] à régler à Mme [N] une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] aux dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Vu l'appel interjeté le 30 juillet 2014 par M. [I] à l'encontre de M. [X], de l'association de gestion comptable Eurogestion Conseil et de Mme [N] ;

Vu l'ordonnance rendue le 19 janvier 2015 par le magistrat chargé de la mise en état qui a déclaré irrecevables les conclusions déposées par Mme [N] le 10 décembre 2014 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 avril 2016, par lesquelles M. [I] demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles 1382 du code civil, 564 et 566 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que M. [X], l'association de gestion comptable Eurogestion Conseil et Maître [N] ont manqué à leurs obligations respectives de conseil et d'information,

En conséquence,

- les condamner solidairement, avec la société Covea Risks, à lui verser les sommes suivantes :

+ 660.000 euros en réparation de son préjudice financier,

+ 50.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- les condamner solidairement avec la société Covea Risks à lui verser la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [X], Eurogestion Conseil, Maître [N] et la société Covea Risks de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner solidairement avec la société Covea Risks aux entiers dépens d'instance, qui comprendront les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 1er avril 2016 par lesquelles M. [X] et l'association Eurogestion Conseil demandent à la cour de :

- vu les articles 377 et 564 du code de procédure civile, 1147 et suivants et 1315 du code civil,

- juger irrecevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel par M. [I] à concurrence de 565 965,41 euros, l'en débouter,

- pour le reste, dire recevable mais mal fondé l'appel de M. [I],

- confirmer par ailleurs le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- condamner M. [I] à leur payer à chacun la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et aux dépens d'appel.

Vu les conclusions aux fins d'intervention volontaire et au fond notifiées le 27 janvier 2015 par la société Covea Risks qui demande à la cour de :

- vu les dispositions de l'article 554 du code de procédure civile,

- la juger tant recevable que bien fondée en son intervention volontaire en sa qualité d'assureur du Barreau des Hauts-de-Seine et, en conséquence, de Maître [N], avocat régulièrement inscrite au Barreau des Hauts-de-Seine,

Y faisant droit, liminairement,

- débouter M. [I] de sa demande de sursis à statuer dans l'attente :

-des deux jugements qui seront rendus par le tribunal de Commerce de Nanterre en suite de l'assignation délivrée le 14 octobre 2011 à son encontre en sa qualité de dirigeant de droit de la société Comptoir Technique des Professionnels (RG 2009/J01133 et RG 2011/L02559) et de la société Telstar Multimédia (RG 2009/J01134 et RG 2011/L02558) jusqu'au jour où lesdits jugements seront définitifs,

-de l'arrêt à intervenir de la 13ème chambre de la cour d'appel de Versailles (RG 2013/0072), statuant sur le jugement rendu le 8 janvier 2013 par le tribunal de commerce de Pontoise saisi par la Caisse d'Épargne Île-de-France jusqu'au jour où ledit arrêt sera définitif,

Sur le fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire, la responsabilité de son ancien conseil ne pouvant être raisonnablement envisagée à partir de documents et de l'argumentation versée aux débats par l'appelant,

- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 7. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société Telstar Multimédia a été créée le 12 mai 2003 pour exploiter un fonds de commerce de création, acquisition, installation, exploitation, vente de tout fonds de commerce de services après vente, vente de matériaux aux collectivités en gros et éventuellement aux particuliers ; qu'elle avait pour associés, M. [I] gérant de la société et Mme [C], chacun porteur de parts à hauteur de 50% ;

Que parallèlement, était également créée le 23 juin 2003, la société Comptoir Technique des Professionnels (CTP) ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de service après vente de réparation de matériels audio, radio, télé, hi-fi, vidéo, ménagers, électroménagers ; que le capital social de cette société était réparti à hauteur de 50 % pour M. [I], 25 % pour M  [H] et 25 % pour Mme [H] épouse [C], ces derniers étant frère et soeur;

Que les deux fonds de commerce étaient domiciliés à la même adresse, [Adresse 5] (Hauts-de-Seine) ;

Que selon lettres de mission du 20 septembre 2005, les deux sociétés ont confié la tenue de leur comptabilité à l'Association de Gestion Comptable Eurogestion Conseil (ci-après Eurogestion Conseil), M. [X] étant l'interlocuteur de M. [I] au sein de cette structure ;

Que la partie juridique a été confiée à Maître [N], avocat au Barreau des Hauts-de-Seine ;

Qu'en raison de la situation financière des deux sociétés et de la mésentente entre associés, deux déclarations de cessation des paiements ont été déposées au tribunal de commerce de Nanterre le 16 novembre 2009 ; que par jugements du 25 novembre 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire tant à l'égard de la société Telstar Multimédia que de la société CTP ;

Que Maître [Y], désigné en qualité de mandataire liquidateur, a mis en oeuvre une procédure d'extension de la liquidation judiciaire à la SCI Sancyr, dont M. [I] est porteur de parts à concurrence de 80 %, ainsi que le 14 octobre 2011, une action en comblement de passif à l'encontre de M.[I] , afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 858 432,53 euros pour chacune des deux sociétés ;

Que reprochant à M. [X] et à l'Association de Gestion Comptable Eurogestion Conseil ainsi qu'à  Mme [N] d'avoir respectivement manqué à leurs obligations de conseil et d'information à son égard et ainsi engagé leur responsabilité, M. [I] les a assignés par actes du 6 août 2012, aux fins de les voir condamner solidairement à lui régler une somme de 2 700 000 euros ;

Sur l'intervention volontaire de la société Covea Risks

Considérant que la société Covea Risks, assureur en responsabilité de Me [N], demande de voir déclarer recevable son intervention volontaire, étant précisé que par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 19 janvier 2015, les conclusions de Me [N] notifiées le 10 décembre 2014 ont été déclarées irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de l'article 554 du code de procédure civile que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ;

Que ni l'appelant, ni les intimés ne contestent l'intérêt à agir de cette compagnie d'assurance, dès lors que le Barreau des Hauts de Seine dont Me [N] fait partie, a souscrit une police d'assurance auprès d'elle et qu'elle pourrait être amenée, le cas échéant, à prendre en charge les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de Me [N] ;

Que par conséquent, l'intervention volontaire de Covea Risks est déclarée recevable ;

Sur le fond

+ Sur la recevabilité des nouvelles demandes de M. [I]

Considérant que M. [X] et Eurogestion Conseil concluent à l'irrecevabilité des demandes de M. [I] 'présentées pour la première fois en cause d'appel à concurrence de la somme de 565.965,41 € ', sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ;

Mais considérant que M. [I] s'oppose à bon droit à cette demande en faisant justement valoir que ses prétentions ne sont pas nouvelles ;

Qu'en effet, alors qu'il sollicitait devant les premiers juges la condamnation solidaire des intimés à lui payer la somme de 2.700.000 € à titre de dommages et intérêts, il a, devant la cour réduit ses prétentions indemnitaires aux sommes de 660.000 € en réparation de son préjudice financier et 50.000 € en réparation de son préjudice moral ; que le fait d'abandonner certains chefs de préjudices pour leur en substituer d'autres ne saurait constituer l'expression d'une demande nouvelle ; que l'article 563 du code de procédure civile permet, aux parties de justifier des prétentions soumises au premier juge en invoquant des moyens nouveaux se fondant sur de nouvelles pièces ou de nouvelles preuves ;

Qu'ainsi, le moyen d'irrecevabilité soulevé par les intimés est rejeté ;

+ Sur le sursis à statuer

Considérant que les conclusions des intimés qui s'opposent à la demande de sursis à statuer que M. [I] avait formée au principal dans un premier temps, sont sans objet dès lors qu'une telle demande n'est pas reprise dans les dernières conclusions de M. [I] notifiées le 12 avril 2016 qui seules saisissent la cour ; qu'en effet, M. [I] ne fonde plus ses demandes indemnitaires sur le préjudice pouvant résulter pour lui de l'action en comblement de passif exercée à son encontre par le mandataire liquidateur des sociétés CTP et Telstar Multimedia, ni sur celui résultant de l'action tendant à l'extension de la liquidation judiciaire à la SCI Sancyr ;

Sur les demandes dirigées contre M.[X] et Eurogestion conseil

Considérant que M. [I] fonde désormais ses demandes sur l'article 1382 du code civil ;

Qu'il soutient, s'agissant de la mise en cause de M.[X] , qu'il a le choix de rechercher la défaillance non seulement de la société d'expertise comptable, mais encore de l'associé de cette société ou encore des deux à la fois ;

Qu'il fait valoir que la responsabilité de M. [X] et d'Eurogestion conseil est nécessairement engagée dès lors que la comptabilité dont ils avaient la charge était irrégulière ; qu'il prétend fonder cette affirmation sur les conclusions d'une expertise réalisée par un cabinet d'expert-comptable, mettant en évidence de multiples carences commises par M. [X] et Eurogestion conseil ; que selon lui, M.[X] et Eurogestion Conseil ont commis des erreurs sur la valeur du stock des deux sociétés, sur l'évaluation des comptes clients et sur le montant du passif des deux sociétés ; qu'il leur reproche également l'absence de déclarations fiscales et sociales ; qu'il en déduit que ces erreurs ont eu des répercussions sur la viabilités des deux sociétés et sur sa situation financière personnelle, puisqu'il s'est porté caution sur ses biens propres, sur la base de ces données erronées pourtant certifiées par eux, envers trois banques, la Caisse d'épargne , la banque BPI, et la banque BPN devenue BCP ; qu'il fait valoir qu'il a été condamné en sa qualité de caution à payer à la première de ces banques, la somme de 95.600,98 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2010, que la BPN devenue BCP est créancière envers lui d'une somme de 139.626,60 € au titre du concours bancaire octroyé à la société Telstar multimedia et d'une somme de 90.121,69 € au titre du concours bancaire accordée à la société CTC , outre les intérêts conventionnels sur ces deux créances ; que sa créance envers la BPI a été fixée à 227.817,12 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2010 et qu'une procédure de saisie immobilière portant sur le bien immobilier situé à [Localité 2] est en cours ;

Considérant que M. [X] ne sollicite plus devant la cour sa mise hors de cause et conclut, avec la société Eurogestion conseil, au débouté de M. [I] de l'intégralité de ses demandes ; qu'ils font valoir que seule la demande portant sur la somme de 95.600,98 € pourrait constituer un préjudice ; que pour autant, ils soutiennent qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués, au motif que'il résulte des propres déclarations de M.[X], contenues dans le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 8 janvier 2013, qu'il était parfaitement informé de la situation définitivement obérée des sociétés dont il est le seul responsable ; qu'il a indiqué ce fait dans le litige l'opposant à la Caisse d'Epargne et que la banque HSBC avait dénoncé son concours en juin 2008 en raison du passif existant ; que la BPN et la BPI avaient fait de même courant juillet 2009 ; que ce n'est que pour cette raison qu'il s'est alors adressé à la Caisse d'Epargne sans lui révéler l'existence de ses autres engagements, afin d'obtenir son concours ; qu'en outre, M.[I] ne produit aux débats que les bilans réalisés pour les exercices 2006 et 2007, soit pour une comptabilité s'arrêtant au 31 décembre 2007 ; qu'il n'a déposé sa déclaration de cessation des paiements que le 16 novembre 2009, soit 22 mois plus tard, de sorte qu'il n'y a pas de rapport entre les prétendues fausses informations figurant aux bilans 2007 et le dépôt de bilan ; que M. [I] avait en réalité une parfaite connaissance des difficultés très importantes de fonctionnement de ses sociétés et n'est pas fondé à leur reprocher un défaut d'information sur ce point ;

Que subsidiairement M.[X] et Eurogestion conseil contestent les fautes qui leur sont reprochées, en faisant valoir que la valorisation du stock présentait une cohérence certaine avec le montant des achats et le chiffre d'affaires réalisé ; que l'état des stocks et sa valeur constituent par essence même un élément que seul l'exploitant peut connaître et indiquer au comptable dont le rôle consiste seulement à vérifier que la valeur indiquée par le client est cohérente par rapport aux autres informations dont il dispose ; que le compte client était également cohérent et que rien ne devait inquiéter le comptable ; qu'en outre celui-ci dépend exclusivement des écritures saisies par les sociétés CTP ou Telstar et des lettrages des factures également réalisées par elles ; que le différentiel important existant entre le compte clients figurant au bilan 2008 et son montant à la date de cessation des paiements peut avoir plusieurs causes et notamment le fait qu'un client important ait payé début 2009 ; que n'ayant pas traité la comptabilité pour l'année 2009, ils ne disposent pas des éléments comptables permettant d'expliquer cette différence ;

Qu'ils contestent avoir sous estimé le passif bancaire lequel est expressément mentionné à hauteur de 459.095 € ;

Considérant qu'il est liminairement observé que M. [I] ne fournit pas le bilan des exercices clos au 31 décembre 2008 ; qu'en effet ses pièces 13 et 15 relatives à cet exercice ne sont que parcellaires et ne correspondent pas aux bilans des sociétés CTP et Telstar multimedia ; que seuls sont produits aux débats en leur entier les bilans clos au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007 ;

Considérant par ailleurs que si certaines anomalies ne manquent pas de susciter des interrogations en ce qui concerne la valorisation du stock, lequel n'a cessé de croître en valeur absolue depuis la création des sociétés, qui pourraient être de nature à révéler un défaut de conseil de la part de la société d'expertise comptable, encore faudrait-il que M.[I] démontre qu'il n'avait pas connaissance de cette surévaluation à laquelle il avait intérêt, afin de préserver l'apparence d'un actif supérieur au passif de ses sociétés ; que les éléments du stock, tout comme les éléments permettant de déterminer l'encours client ne pouvaient qu'émaner de l'entreprise elle-même et que M. [I] se garde bien de fournir le moindre début d'explication au sujet des distorsions dont il se prévaut, entre les mentions figurant au bilan, et celles indiquées dans ses déclarations de cessation des paiements ; qu'en toutes hypothèses, M.[I] ne démontre pas que les éventuelles erreurs ou inexactitudes qu'il dénonce auraient été de nature à lui dissimuler l'état réel des deux sociétés dont il était le gérant, alors qu'il n'a cessé de devoir s'engager à titre personnel pour obtenir des concours financiers ou leur maintien et qu'il ne pouvait que constater, que la situation financière de ses sociétés était obérée ;

Qu'il résulte des pièces produites aux débats que les cautions fournies aux banques BPI et BPN étaient la nécessaire condition de l'octroi de crédits aux sociétés dont M.[I] était le gérant ; que ses engagements de caution vis à vis de ces banques datent d'août et octobre 2006 et comme tels sont antérieurs à l'établissement des bilans critiqués établis par M.[X] et Eurogestion conseil , de telle sorte que ces derniers n'ont pu induire M.[I] en erreur ;

Que s'agissant de l'engagement de caution de M. [I] à hauteur de 96.000 € envers la Caisse d'Epargne, celui-ci a été contracté le 20 octobre 2009, moins d'un mois avant la déclaration de cessation des paiements qu'il a effectuée le 16 novembre 2009 ; qu'il résulte de l'ensemble des pièces produites aux débats qu'il connaissait à cette date la situation obérée de la société CTP débiteur cautionné ; que les inexactitudes alléguées relatives au dernier bilan de cette société n'ont pu avoir aucune incidence sur la connaissance dont disposait le gérant de l'état réel de la société au moment où il s'est engagé ; qu'en effet la déclaration de cessation des paiements signée de M. [I] mentionne un passif de 1.199.821 €, pour un actif de 431.175 € et que le passif mentionné n'est pas né en un mois ;

Que M. [I] ne démontre pas que les erreurs contenues au bilan, qu'il dénonce mais qui ne constituent pas des irrégularités de comptabilité, seraient à l'origine des choix de gestion des sociétés qui lui incombaient exclusivement et que sans ses erreurs, il aurait géré autrement ;

Qu'en conséquence, les fautes de vérification de la valeur réelle des stocks, dont la dépréciation rapide n'a probablement pas été suffisamment envisagée, seule faute pouvant être reprochée à l'expert-comptable, se trouve sans lien de causalité avec la liquidation judiciaire, qui n'est que la conséquence des mauvaises affaires réalisées par les deux sociétés animées par M. [I] et avec l'endettement souscrit par ce dernier, lequel s'est engagé en toute connaissance de cause de la situation de ses sociétés ;

Que par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de dommages et intérêts contre M. [X] et Eurogestion conseil ;

Sur les demandes dirigées contre Me [N]

Considérant que M. [I] reproche à Me [N] d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information, notamment en n'attirant pas son attention sur les risques qu'il encourait en multipliant ses engagements à titre de garantie ; qu'il lui fait également grief de son inaction pour n'avoir pas sollicité du tribunal de commerce de Nanterre un délai pour convoquer l'assemblée générale annuelle d'approbation des comptes de l'exercice 2008, sans l'alerter des conséquences d'un défaut d'approbation ; qu'il soutient que s'il avait été informé il ne se serait pas engagé en qualité de caution et aurait procédé à une déclaration de cessation des paiements plus tôt ;

Considérant que la société Covea Risks, en sa qualité d'assureur, fait valoir que Me [N] a été uniquement chargée de suivre le dossier juridique de la société CTP et seulement à partir du mois de juin 2006 ; que Me [N] a accompli toutes les diligences relatives aux assemblées générales d'approbation des comptes, les associés se réunissant spontanément et que, concernant l'année 2008, n'ayant pas été informée de la mésentente survenue entre les associés, elle n'a pu envisager de convoquer l'assemblée générale ou de déposer une requête que tardivement ; qu'elle n'a été informée que le 13 octobre 2009, de ce que Me [L] avocat, était chargée par M.[I] de reprendre le dossier juridique et qu'elle a eu à connaître de la mésentente entre associés dont M. [I] ne l'a pas informée ; qu'elle a alors remis à son confrère l'ensemble des actes préparés en vue de l'assemblée générale et le registre des assemblées à jour ; qu'une assemblée générale extraordianire a eu lieu le 14 novembre 2009 dont il ressort qu'aucune des résolutions proposées au vote n'a été adoptée ; que Me [N] n'a commis aucun manquement à son obligation de conseil , sa mission étant réduite à la tenue des assemblées ; qu'elle ne pouvait être chargée d'une mission comptable en tant qu'avocat chargé d'une mission juridique ;

Considérant que la pièce n°19 énoncée au bordereau de communication de pièces de M. [I] comme consistant en une facture de Me [N] n'a pas été remise à la cour ; qu'aucune autre pièce, hormis celles produites par Covea Risks n'établit l'exacte teneur de la mission confiée à Me [N] ; qu'il n'est cependant pas contesté que cette dernière était chargée de ' la partie juridique ' de la mission confiée à Eurogestion conseil ; que celle-ci s'entend, d'après les parties, de la préparation et de la rédaction des procès-verbaux des assemblées générales ;

Considérant qu'il n'incombait pas à Me [N], contrairement à ce que soutient M. [I], compte tenu de la spécificité de sa mission, qu'elle ne concerne que la société CTP ou également la société Telstar multimédia, de l'informer des risques encourus par la multiplication des garanties, risques qu'au demeurant il n'ignorait pas en sa qualité de caution avertie ;

Considérant que le fait pour Me [N] de n'avoir pas convoqué en temps et en heure l'assemblée générale des associés, c'est à dire avant le 30 juin 2009, en vue de l'approbation des comptes 2008, et de n'avoir pas déposé de requête devant le tribunal de commerce compétent aux fins d'octroi d'un délai pour ce faire, n'est à l'origine ni de la mésentente des associés, ni de la liquidation judiciaire prononcée, ni des actions exercées à l'encontre de M.[I] par les établissements bancaires envers lesquels il s'est porté caution ; que dans ces conditions, l'absence de lien de causalité entre la faute de négligence qui peut être reprochée à Me [N] et les préjudices invoqués, conduit à rejeter les demandes formées à son encontre et en conséquence à confirmer également sur ce point le jugement entrepris ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société Covea Risks à l'encontre de M. [I]

Considérant que Covea Risks fait valoir que c'est avec une particulière mauvaise foi ou à tout le moins une légèreté blâmable que M. [I] a engagé cette procédure abusive et sollicite sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros ;

Mais considérant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner maissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; qu'à défaut pour Covea Risks de faire la démonstration de l'existence de l'une de ces conditions, sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;

Que le jugement entrepris est encore confirmé à cet égard ;

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile ; que les dispositions du jugement de ces chefs reçoivent confirmation ;

Considérant que M.[I], qui succombe en son recours , sera condamné aux dépens d'appel ;

Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à M.[X] et à Eurogestion conseil d'une part et à Covea Risks d'autre part, la somme de 1.000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Covea Risks,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne M.[I] à payer à M.[X] et à l'association de gestion comptable Eurogestion conseil d'une part et à Covea Risks d'autre part, la somme de 1.000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne M. [I] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller ayant participé au délibéré, par empêchement du président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/05923
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/05923 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;14.05923 ?
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