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13/10/2016 | FRANCE | N°15/08051

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 13 octobre 2016, 15/08051


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 30B
14e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2016
R.G. No 15/08051
AFFAIRE :
SCI DE LA BIJAYE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège social

C/ SASU BONNY dont l'enseigne est JACADI, agissant par son Président domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No RG : 15/02217
Expéditions exécutoires Expéditions

Copies délivrées le : à :
Me Pierre GUTTIN
Me Bertrand LISSARRAGUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPL...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 30B
14e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2016
R.G. No 15/08051
AFFAIRE :
SCI DE LA BIJAYE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège social

C/ SASU BONNY dont l'enseigne est JACADI, agissant par son Président domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No RG : 15/02217
Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à :
Me Pierre GUTTIN
Me Bertrand LISSARRAGUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCI DE LA BIJAYE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège social No SIRET : 400 749 107 92 avenue du Général Leclerc 92340 BOURG LA REINE Représentée par Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - No du dossier 15000385 assistée de Me Carole LEPETIT-LEBON, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE ****************

SASU BONNY dont l'enseigne est JACADI, agissant par son Président domicilié en cette qualité audit siège No SIRET : 340 455 211 92 avenue du Général Leclerc 92340 BOURG LA REINE Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T.625 - No du dossier 1555379 assistée de Me François-Régis VERNHET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE ****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 04 Juillet 2016, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, Madame Véronique CATRY, conseiller, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte sous seing privé du 1er juin 1991, la Sci de la Bijaye a donné à bail à la société Bonny des locaux commerciaux situés 92 avenue du Général Leclerc à Bourg la Reine (92).
Le bail a été renouvelé le 1er janvier 2010 dans les termes d'un arrêt rendu par cette cour le 9 septembre 2014, les parties étant en désaccord sur le montant du loyer.
La société locataire se plaignant de subir des infiltrations d'eau dans ses locaux, une expertise a été ordonnée le 30 mars 2010 et la société Bonny a été autorisée à consigner ses loyers à hauteur du tiers de la somme mensuelle acquittée, soit 554,16 euros par mois, auprès de la Caisse des dépôts et consignations, à compter du mois d'avril 2010.
L'expert judiciaire désigné, M. Y..., a déposé son rapport le 5 novembre 2012.
La Sci de la Bijaye a effectué un certain nombre de travaux, les réparations en toiture supprimant les infiltrations subies.
Elle a également formulé une offre de règlement du préjudice subi par sa locataire, troublée dans la jouissance normale des lieux donnés à bail, à laquelle il n'a pas été apporté de réponse.
La bailleresse a donc saisi le juge du fond le 30 juillet 2015 afin de voir fixer la somme correspondant au préjudice subi par la société Bonny et se voir autorisée, par compensation, à se faire remettre le surplus des sommes consignées au titre des loyers.
Entre temps, elle a fait délivrer à sa locataire le 3 mars 2015 un commandement visant la clause résolutoire pour paiement de la somme en principal de 5 288,74 euros correspondant aux loyers et charges hors séquestre restant dus depuis le mois de décembre 2014.
La société Bonny a réglé les causes du commandement dans le délai d'un mois qui lui était imparti.
N'ayant pas obtenu de réponse, elle a fait délivrer le 24 avril 2015 à sa locataire un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 34 357,92 euros à valoir sur le montant des loyers à consigner en exécution de l'ordonnance du 30 mars 2010, couvrant la période du 1er avril 2010 au 1er mai 2015.

Le 10 juillet 2015, la Caisse des dépôts et consignations a informé la Sci de la Bijaye qu'un compte avait été ouvert au nom de la société Bonny sur lequel avait été versée la somme de 1 662,48 euros au titre de la consignation ordonnée pour la période d'avril à juin 2010.
C'est dans ce contexte que la Sci de la Bijaye a fait assigner en référé le 30 juillet 2015 la société Bonny aux fins de constatation de la résiliation du bail et d'expulsion de la locataire.
Par ordonnance du 22 octobre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties n'étaient pas réunies, déboutant la Sci de la Bijaye de ses prétentions et la condamnant au paiement d'une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La Sci de la Bijaye a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions reçues au greffe le 12 mai 2016, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la Sci de la Bijaye demande à la cour de :
A titre principal, - dire que la société Bonny a contrevenu à la clause "Loyer" du bail en ne procédant pas à la consignation ordonnée le 30 mars 2010 du tiers des loyers contractuellement dus, - constater qu'il n'a pas été procédé à la consignation de la somme de 34 357,92 euros dans le mois du commandement délivré le 24 avril 2015, - constater l'acquisition de la clause résolutoire ensuite du commandement demeuré infructueux, - ordonner l'expulsion de la société Bonny au besoin avec l'assistance de la force publique, - la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer mensuel conventionnel, hors charges, hors taxes, soit la somme de 1 827,09 euros x2 = 3 654,18 euros jusqu'à la libération effective des lieux,
A titre subsidiaire, - ordonner la main levée de l'autorisation de consignation des loyers à compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause, - condamner la société Bonny à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais du commandement.

La Sci de la Bijaye soutient essentiellement que, contrairement à ce qui a été jugé, l'acquisition de la clause résolutoire peut être valablement invoquée dès lors que la locataire n'a pas satisfait à son obligation de paiement du loyer, dont pour partie, seules les modalités ont été modifiées par l'ordonnance du 30 mars 2010 ; que l'infraction à la clause contractuelle relative au paiement du loyer est caractérisée, la société Bonny n'ayant jamais été dispensée de s'acquitter du versement de son loyer en totalité.
Elle souligne la mauvaise foi de la locataire dont l'expert judiciaire a relevé une part de responsabilité dans la survenance des désordres, mettant à sa charge une partie des travaux qui n'ont jamais été exécutés, et s'oppose à l'octroi de tout délai de paiement.
Par conclusions reçues le 10 mars 2016, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la société Bonny demande à la cour de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et de :
A titre principal, - constater que le commandement de payer vise la non exécution d'un jugement alors que la clause résolutoire vise la non exécution d'une des conditions du bail, - en conséquence, constater que la clause résolutoire ne peut être invoquée et débouter la Sci bailleresse de ses demandes,
Subsidiairement et en tout état de cause, - constater qu'une instance au fond est pendante devant le tribunal de grande instance de Nanterre et qu'il existe une difficulté sérieuse, - renvoyer en conséquence les parties devant le juge du fond,
Infiniment subsidiairement, - constater que la somme restant due au titre de l'ordonnance du 30 mars 2010 s'élève à la somme de 34 357,92 euros et autoriser la société Bonny à se libérer de cette somme en 24 mensualités,
En tout état de cause, - condamner la Sci de la Bijaye au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Bonny fait valoir essentiellement que la bailleresse dénonce en réalité l'inexécution de l'ordonnance rendue en 2010 et que la consignation ne fait pas partie des obligations contenues au bail, la Caisse des dépôts et consignations n'étant pas le mandataire du bailleur.

Elle se prévaut également de l'existence d'une contestation sérieuse, rappelant que la bailleresse se reconnaît débitrice de sommes résultant du trouble de jouissance subi par sa locataire et qu'elle ne peut donc se prétendre créancière pour le quantum allégué.
L'intimée rappelle enfin qu'elle a toujours réglé le surplus des loyers au bailleur, qu'elle a connu de graves difficultés d'exploitation et précise qu'elle s'acquitte désormais de la consignation mise à sa charge.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 juin 2016.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
L'article L 145-41 du code de commerce dispose que "toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge".
La société Bonny ne conteste pas n'avoir pas satisfait dans le délai imparti d'un mois au commandement qui lui a été délivré le 24 avril 2015, pas plus qu'elle ne conteste sur le principe le quantum réclamé.
La Sci de la Bijaye fait grief au premier juge de ne pas avoir retenu l'existence d'une violation de la clause du bail relative au paiement du loyer qui stipule notamment que "le preneur s'oblige à payer ledit loyer au bailleur ou à son mandataire, en quatre termes égaux et d'avance et les premiers janvier, avril, juillet et octobre de chaque année, et pour la première fois le 1er juin 2000".
La clause de résiliation de plein droit, qui doit être interprétée de manière restrictive, ne peut être invoquée par le bailleur que si elle figure au contrat et qu'elle vise à sanctionner un manquement du locataire à ses obligations contractuelles expressément énoncées au bail.

Au cas d'espèce, comme l'a justement analysé le premier juge, elle ne peut sanctionner le défaut de consignation d'une partie des loyers entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations tel qu'autorisée par une décision de justice, cette inexécution ne pouvant s'analyser en un manquement de la locataire aux obligations contractuelles contenues dans le bail et en particulier à la clause relative au paiement du loyer telle que rappelée précédemment.
C'est vainement que la Sci bailleresse soutient que la Caisse des dépôts et consignations serait devenue sa mandataire, recevant en ses lieu et place une partie du montant du loyer, l'autorisation judiciaire donnée en 2010 à la société Bonny de consigner partiellement le loyer visant à compenser le trouble de jouissance subi par la locataire du fait des infiltrations qu'elle subissait.
La Sci de la Bijaye ne peut donc se prévaloir de manière non sérieusement contestable de l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire visée au commandement de payer délivré le 24 avril 2015, peu important que la locataire n'y ait pas satisfait.
Elle sera déboutée de ses prétentions sur ce point.
Sur la consignation des loyers
Il n'est pas contesté que la bailleresse a réalisé les travaux réparatoires nécessaires lui incombant en août 2013 portant notamment sur la réfection de la toiture.
La société Bonny ne prétend ni ne démontre qu'elle continuerait à subir des désordres dans les locaux qui lui sont loués.
La mesure de consignation partielle des loyers n'est donc plus justifiée et la demande de la société bailleresse sera donc accueillie.

Sur les autres demandes
Aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties seront déboutées de leurs prétentions respectives à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance rendue le 22 octobre 2015 en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
DIT n'y avoir lieu au maintien de la mesure provisoire de consignation d'une partie des loyers telle qu'ordonnée par l'ordonnance de référé du 30 mars 2010,
DIT que la société Bonny devra s'acquitter du paiement de l'intégralité du montant de son loyer, outre les charges et taxes, entre les mains de son bailleur à compter du mois d'octobre 2016,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08051
Date de la décision : 13/10/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 13 octobre 2016 par la 14ème chambre de la cour d'appel de Versailles, RG n° 15/08051 BAIL COMMERCIAL - Résiliation. - Clause résolutoire. - Non paiement des causes d'un commandement - Commandement portant sur les sommes consignées en exécution d'une décision de justice - Difficulté sérieuse. Selon l'article L 145-41 du code de commerce toute clause insérée dans le bail prévoyant sa résiliation de plein droit produit ses effets un mois après un commandement demeuré infructueux. La clause de résiliation de plein droit pour non paiement des loyers, doit être interprétée de manière restrictive, et ne peut être invoquée par le bailleur que si elle vise à sanctionner un manquement du locataire à ses obligations contractuelles expressément énoncées au bail. Dès lors c'est à bon droit que le premier juge, a décidé qu'elle ne peut sanctionner le défaut de consignation d'une partie des loyers entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations tel qu'autorisée par une décision de justice, cette inexécution ne pouvant s'analyser en un manquement de la locataire à la clause relative au paiement du loyer. C'est vainement que la Sci bailleresse soutient que la Caisse des dépôts et consignations serait devenue sa mandataire, recevant en ses lieu et place une partie du montant du loyer, l'autorisation judiciaire donnée à la société locataire de consigner partiellement le loyer visant à compenser le trouble de jouissance subi par la locataire du fait des infiltrations qu'elle subissait.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2016-10-13;15.08051 ?
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