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04/10/2016 | FRANCE | N°15/02280

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre section 2, 04 octobre 2016, 15/02280


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DA

Code nac : 39H



12e chambre section 2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 4 OCTOBRE 2016



R.G. N° 15/02280



AFFAIRE :



SA SINIAT venant aux droits de la société LAFARGE PLATRES COMMERCIALISATION





C/

SA PLACOPLATRE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 22 Janvier 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section

:

N° RG : 2010F03383



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD,

Me Anne laure DUMEAU







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DA

Code nac : 39H

12e chambre section 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 4 OCTOBRE 2016

R.G. N° 15/02280

AFFAIRE :

SA SINIAT venant aux droits de la société LAFARGE PLATRES COMMERCIALISATION

C/

SA PLACOPLATRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 22 Janvier 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2010F03383

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD,

Me Anne laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA SINIAT venant aux droits de la société LAFARGE PLATRES COMMERCIALISATION

N° SIRET : 562 620 773

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2015105

Représentant : Me Pierre BOUBEE, Plaidant, avocat

APPELANTE

****************

SA PLACOPLATRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Anne laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41495

Représentant : Me Pierre COUSIN de l'ASSOCIATION COUSIN ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R159

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Juin 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

FAITS :

La société Lafarge plâtres (société Lafarge), opérateur majeur sur le marché français des matériaux de construction en plâtre, a entrepris la commercialisation à la fin des années 90 de plaques de plâtre 'Pregydeco' pour la protection desquelles elle avait déposé deux brevets français et européen en 1995 et 1996. A la suite d'actes de distribution de la plaques de plâtre de la gamme 'PlacoPremium' par son concurrent, la société Placoplâtre du groupe Saint Gobain, la société Lafarge a, d'une part, diffusé aux distributeurs de matériaux de construction une lettre-circulaire du 28 avril 2002 aux termes de laquelle elle s'est prévalue des brevets qu'elle détenait sur son 'système exclusif PREGYDECO' en indiquant 'nous poursuivrons avec vigueur tous les contrefacteurs', et d'autre part, entrepris des actions judiciaires.

Ainsi, saisi d'une première action de la société Siniat en contrefaçon d'un brevet français numéro 2736079 et d'un brevet européen EP-B-0777800 et de concurrence déloyale à l'encontre de la société Placoplâtre, le tribunal de grande instance Paris a jugé le 9 juillet 2002 qu'il devait être sursis à statuer à la demande, ordonné une expertise, et, sur la demande reconventionnelle de la société Placoplâtre, a jugé que la diffusion d'une lettre-circulaire du 28 avril 2002 par la société Lafarge constituait un acte de concurrence déloyale et interdit la poursuite de sa diffusion sous astreinte, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2002, sauf sur l'expertise.

En suite de ses décisions des 14 juin 2005 et 4 octobre 2007, la Chambre de recours de l'office européen des brevets a révoqué les brevets européens de la société Lafarge numéro EP 0777800 et EP 1130188.

Alors qu'il avait été saisi le 21 octobre 2002 d'une seconde action de la société Lafarge en contrefaçon d'un second brevet de plaques de plâtres à l'encontre de la société Placoplâtre, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement du 14 octobre 2008, relevé l'abandon de la société Lafarge de son action, rejeté l'exception de litispendance ainsi que la fin de non-recevoir fondée sur l'absence de lien suffisant entre la demande reconventionnelle et le litige porté devant le tribunal, et déclaré irrecevable, la demande reconventionnelle de la société Placoplâtre en dommages et intérêts pour concurrence déloyale par dénigrement.

Par acte du 26 juillet 2010, la société Placoplâtre a assigné la société Siniat - venant aux droits de la société Lafarge plâtres - devant le tribunal de commerce de Nanterre pour la voir condamner à lui verser la somme de 5 676 000 d'euros en réparation du préjudice né de la lettre circulaire du 28 avril 2002 constitutive à son encontre de concurrence déloyale par dénigrement. En suite des recours sur l'exception de litispendance invoquée devant cette juridiction par la société Siniat, la chambre commerciale de la cour de cassation a, par arrêt du 11 juin 2013, confirmé que la demande tendant à faire interdire à la société Siniat la diffusion de la lettre circulaire litigieuse n'avait pas le même objet que la demande en réparation du préjudice résultant de cette diffusion.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu les jugements des 22 janvier et 18 février 2015 du tribunal de commerce de Nanterre qui a :

- condamné la société Siniat à verser à la société Placoplâtre la somme de 4 800 000 d'euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la société Siniat de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Siniat à verser à la société Placoplâtre la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

* *

Vu l'appel interjeté le 25 mars 2015 par la société Siniat ;

* *

Vu les conclusions remises par le RPVA le 20 mai 2016 pour la société Siniat aux fins de voir :

- constater la violation du principe du contradictoire et en conséquence écarter des débats le rapport Néra du 24 juillet 2008,

- dire et juger que la société Placoplâtre ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de l'envoi par Siniat de la lettre du 28 avril 2002,

- débouter la société Placoplâtre de ses demandes fins et conclusions,

en tout état de cause,

- dire et juger que la société Placoplâtre a mis en 'uvre à l'encontre de la société Siniat des agissements déloyaux par parasitisme,

- condamner la société Placoplâtre à devoir réparer le préjudice résultant des agissements déloyaux par parasitisme mis en 'uvre à l'encontre de la société Siniat (précédemment dénommée Lafarge plâtres),

- désigner tout expert avec pour mission d'entendre les parties et se faire remettre tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission, évaluer le préjudice de la société Siniat résultant des agissements parasitaires et déloyaux mis en 'uvre à son encontre par la société Placoplâtre et résultant de la commercialisation par cette dernière, à compter de l'année 2001 de sa gamme de produits Premium,

- condamner la société Placoplâtre à payer à la société Siniat la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Placoplâtre aux dépens ;

Vu les dernières conclusions remises par le RPVA le 3 juin 2016 pour la société Placoplâtre aux fins de voir :

- condamner, sur appel incident, la société Siniat, en réparation du préjudice qu'elle a fait subir à la société Placoplâtre par sa lettre circulaire du 28 avril 2002, constitutive à son encontre de concurrence déloyale par dénigrement, au paiement, au paiement de la somme de 5 676 000 d'euros,

- confirmer les jugements des 22 Janvier et 18 février 2015 en toutes leurs dispositions non contraires,

- déclarer la société Siniat irrecevable et mal fondée en toutes les dispositions de ses conclusions d'appel tendant notamment : à voir écarter des débats le rapport Néra, à voir débouter la société Placoplâtre de toutes ses demandes fins et conclusions; à voir dire et juger que la société Placoplâtre avait mis en 'uvre à son encontre des agissements déloyaux par parasitisme ; et en conséquence, à voir condamner la société Placoplâtre à devoir réparer le prétendu préjudice résultant desdits agissements déloyaux par parasitisme, à voir désigner tout expert avec pour mission d'entendre les parties et se faire remettre tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission, évaluer le préjudice de la société Siniat résultant des agissements déloyaux par parasitisme mis en 'uvre à son encontre par la société Placoplâtre et résultant de la commercialisation par cette dernière, à compter de l'année 2001 de sa gamme de produits 'Premium', et à la voir condamner à payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner la société Siniat à payer à la société Placoplâtre la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Siniat en tous les dépens, et autoriser Maître Dumeau, avocat, à les recouvrer en application de l'article 699 du code de procédure civile.

* *

Vu l'ordonnance de clôture du 7 juin 2016.

* *

*

SUR CE, LA COUR,

Considérant que pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré, aux écritures des parties ainsi qu'aux rapports que chacune d'elles a fait réaliser comme que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

1. Sur les effets du dénigrement sur la durée de la concurrence déloyale

Considérant que pour voir infirmer le jugement qui a retenu sa responsabilité dans la concurrence déloyale par dénigrement sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et déterminé du jour de la diffusion de la lettre dénigrante jusqu'en 2007, la société Siniat soutient avoir cessé, dès le jugement 9 juillet 2002, les faits de dénigrement auprès des distributeurs, pour conclure que la société Placoplâtre ne démontre par le lien de causalité entre cette lettre et le préjudice qu'elle revendique, et prétend en conséquence à la réparation d'une perte de chance pour un préjudice purement éventuel ;

Que la société Siniat prétend être à l'origine du nouveau produit de placoplâtre dont elle avait engagé la promotion depuis 1996, et que les annulations des brevets qu'elle avait déposés sont essentiellement liées à sa volonté de ne pas divulguer le secret de la composition du produit ;

Que la liberté qu'elle a exercée de déposer ses brevets n'est pas de nature à entrer dans l'appréciation de l'étendue du préjudice au contraire de ce que le jugement a retenu dans ses motifs, tandis que ces brevets sont demeurés valides jusqu'aux décisions de la Chambre de recours de l'office européen des brevets, l'Office européen des brevets ayant reconnu l'originalité de l'agent Hydophobe de ses produits ;

Que la société Placoplâtre a délibérément tardé à faire valoir sa demande indemnitaire huit ans après le jugement du 9 juillet 2002 afin d'étendre abusivement la durée pour l'évaluation du quantum de cette indemnisation dont l'estimation est passée de 500 000 euros en 2008, à 5 676 000 d'euros aujourd'hui ;

Que l'exploitation du produit PlacoPremium n'avait pas encore débuté au moment de la diffusion de la lettre circulaire du 28 avril 2002 ;

Mais considérant que les actions de la société Siniat ont été entreprises en suite d'une procédure de saisie-contrefaçon du matériau Premium sur un chantier du bâtiment, de sorte qu'elle ne peut contester que la commercialisation du produit par la société Placoplâtre n'avait pas démarré en 2002 ; 

Qu'ainsi que cela résulte de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Placoplâtre, il est acquis la preuve que la commercialisation des produits 'Premium' a stagné entre 2002 et 2005, avant de connaître un début de croissance en 2006, puis de décoller en 2007, la cour relevant à cet égard, que la société Siniat s'est gardée d'invoquer l'évolution de son propre chiffre d'affaires pour la vente de son matériau ;

Que ces cycles de ventes correspondent à leur début, avec les actions engagées par la société Siniat en avril et mai 2002, ainsi que la diffusion simultanée de la lettre-circulaire aux distributeurs de matériaux nationaux ;

Que dans cette lettre, le directeur des ventes de la société Lafarge rappelait avec précision 'la protection' des 'brevets français et européens FR B 2 736 079 et européen EP B 0777 800" attachés à son 'système exclusif PREGYDECO', et inspirait avec une expression déterminée, sa volonté de '[poursuivre] avec vigueur tous les contrefacteurs' ; qu'en réponse aux inquiétudes des distributeurs qui ont reçu cette lettre, la société Placoplâtre a dû les assurer en mai et juin 2002 contre tout risque financier ;

Que d'après la renommée des deux opérateurs sur le marché national de construction, de la dépendance de leur activité aux achats de leur produits par les distributeurs, et en suite du risque, objectivement inspiré aux distributeurs par la lettre circulaire, d'encourir des poursuites du chef de complicité en contrefaçon du produit de la société Lafarge, et matérialisé par les actions qu'elle a effectivement engagées à l'encontre de la société Placoplâtre ;

Qu'une fois les brevets annulés en 2005 puis en 2007, ôtant définitivement le risque de contrefaçon sur les produits de la société Lafarge, il s'en déduit que les premiers juges ont retenu à bon droit, la preuve du lien de causalité direct entre les faits de dénigrement et la concurrence déloyale qui en est résultée de 2002 à 2007, risques objectifs que les moyens que la société Siniat oppose pour la détermination du préjudice ne sont pas de nature à remettre en cause.

2. Sur l'évaluation du préjudice réparable

Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa condamnation à payer la somme de 4 800 000 euros de dommages et intérêts, et subsidiairement, voir ordonner une expertise du préjudice, la société Siniat relève, en premier lieu, les différences de chiffrage, à la hausse, du préjudice dont la société Placoplâtre s'est successivement prévalu au gré des actions et des instances et conteste par ailleurs les volumes de vente mensuelle de son propre produit qui n'a pas été audité ;

Qu'au demeurant, il est manifeste que les différentes preuves acquises au cours des procédures ne préjudicient pas, par elles-mêmes, l'appréciation du préjudice auquel elles concourent et qui peuvent être discutées ; que par ailleurs, l'attestation du commissaire aux compte de la société Placoplâtre sur le volume de ses ventes est suffisant pour en établir la réalité, alors que la société Siniat n'indique pas en quoi il est irréaliste et n'oppose d'ailleurs pas, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, les chiffres des ventes qu'elle a elle-même réalisées pour son produit concurrent ;

Que la société Siniat prétend voir écarter le rapport Néra que la société Placoplâtre a fait établir, en relevant qu'il n'a pas été contradictoirement établi et que ce cabinet n'est pas indépendant de la société Placoplâtre qu'elle a requis ; qu'en outre, il contiendrait des contradictions entre les deux approches qui ne donnent pas des résultats identiques, ou dans les résultats des chiffres d'affaires différents qu'il retient de ceux annoncés par la société Placoplâtre et enfin, qu'il est fondé sur l'hypothèse que dix distributeurs ont reçu la lettre dénigrante du 28 avril 2002, ce qui n'est pas démontré ;

Que toutefois, la société Siniat a elle-même pu confronter ce rapport à deux cabinets spécialistes des études de marché, les cabinets Mapp et Madame Degeilh, tandis que la société Placoplâtre a encore provoqué un second rapport confié au cabinet Accuracy ; qu'après connaissance prise par la cour du rapport Néra, les données sur lesquelles il s'est appuyé pour établir le préjudice réparable sont transparentes à la discussion, de sorte que ce rapport sera conservé dans l'examen du préjudice ; que s'agissant de la reconstitution d'un chiffre d'affaires perdu d'après deux modèles de marché, loin d'encourir la critique, le rapport doit être loué dans son offre de comparaison, et des chiffres approchants que ses méthodes ont produits ; que par ailleurs, de par leur nature, les résultats des modèles de volumes de ventes ne sont pas invalidés par une comparaison arithmétique des valeurs observées, mais d'après les ordres de grandeur entre les deux sources de résultats ; qu'alors enfin, qu'il est établi la preuve que quatre des dix distributeurs ont reçu la lettre dénigrante, il se déduit suffisamment, après les motifs retenus au paragraphe 2 ci-dessus, la preuve de l'impact du dénigrement auprès des distributeurs principaux du matériau pour retenir cette variable dans les modèles ;

La détermination de la perte de marge d'après la reconstitution des ventes perdues par les rapports Néra et Accuracy

Considérant, en second lieu pour la détermination de son préjudice, que la société Placoplâtre se prévaut de la marge perdue de 2002 à 2007 établie par le rapport du cabinet Néra ('Néra') sur la base de deux méthodes de reconstitution des chiffres d'affaires et dont elle a soumis l'analyse au cabinet Accuracy ;

Que pour contester la demande, la société Siniat se prévaut des évaluations de ces rapports qu'elle a successivement suscitées des cabinets d'expertise Degeilh et 'Mapp' ;

Considérant en liminaire, qu'il sera relevé que pour rechercher la perte de marge sur coûts variables, Néra a posé les préalables d'une comparaison des ventes réalisées et des ventes anticipées, ainsi que de la croissance annuelle du marché de la plaque de plâtre et des produits à base de plâtre, de la relation entre les volumes de vente du produit PlacoPremium perdus avec les autres produits de la société Placoplâtre en raison du surcoût logistique entraîné par le volume de livraison des produits ; qu'il a relevé l'absence d'information sur les ventes des autres produits de la société Placoplâtre, donc non corrélés avec les autres gammes de produit ; qu'elle a donc conduit une analyse des pertes limitées aux plaques, cloisons et doublages de la gamme Premium ; qu'enfin il a adopté un taux e marge sur coûts variables du produit PlacoPremium à 27 % ;

Que la seconde méthode que Néra a établie d'après le cumul des ventes du produit PlacoPremium réalisées par les dix principaux distributeurs depuis leur lancement en 2002, puis par l'identification des principales tendances pour reconstituer un volume de vente sans la diffusion de la circulaire, ne sera, ni discutée, ni exposée, ni non plus par conséquent le modèle statistique que le cabinet Mapp à développé pour tester cette méthode, alors d'une part, que la société Placoplâtre ne s'en prévaut pas au titre du quantum du préjudice, que de deuxième part, cette seconde méthode conclut à des valeurs peu éloignées de celles issues de la première, et que de troisième part, partant d'une reconstitution des chiffres d'affaires sur la base de données exogènes à celles de la société Placoplâtre, les critiques de cette seconde méthode, ou les résultats d'un contre-modèle ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à invalider les résultats obtenus par la première méthode ;

Considérant que la première méthode proposée par Néra a consisté dans la recherche de l'écart entre les prévisions de vente de la société Placoplâtre et les ventes effectivement réalisées pour l'appliquer aux prévisions de ventes initiales des produits PlacoPremium en reconstituant les pertes de ventes du produit PlacoPremium, en déterminant la différence entre les ventes reconstituées et les ventes constatées, puis en appliquant à cet écart la perte de marge sur coûts variables ;

Qu'en ce qui concerne la période de 2002 et 2003, Néra a procédé à une comparaison des données sur les ventes réalisées et les ventes anticipées par la société Placoplâtre pour l'ensemble de ses produits lancés depuis plus de 3 ans à compter de la date de lancement de chacun des produits, afin de tester la qualité des prévisions conduites par la société Placoplâtre et sur la base d'un panel de produits excluant les plus récents et les plus anciens ; qu'elle a ensuite déterminé l'écart moyen entre les ventes réelles et les prévisions ; qu'elle a appliqué la valeur de l'écart retenu aux produits PlacoPremium (plaque, cloisons et doublages) en milliers de mètres carrés, convertis en euros, pour ajouter à ces valeurs le volume d'enduits qui leur correspond, et obtenir un prix moyen au mètre carré pour les plaques et au kg pour les enduits ; qu'enfin, elle a appliqué l'écart moyen des prévisions de la société Placoplâtre pour déduire le volume des ventes de la gamme des produits PlacoPremium lors de son lancement en 2002 et en 2003 ;

Qu'en ce qui concerne la projection sur les ventes perdues de 2004 à 2007, à défaut de pouvoir reconstituer les ventes en l'absence de prévisions de la société Placoplâtre pour cette période, Néra a retenu l'hypothèse qu'après la simulation des ventes de 2002 et 2003, la courbe de croissance des ventes des produits PlacoPremium aurait du suivre la dynamique du marché des plaques de plâtre, et qu'à défaut d'études sur ce marché, Néra a emprunté à l'organisme The freedonia group incorporation d'avril 2008, les données sur la demande totale de plaques de plâtre en France en 2002 et 2007, exprimée en mètres carrés, et suivant laquelle le taux de croissance annuel était de 4,1 %, puis a : 1) appliqué à la croissance du volume l'évolution du prix sur le marché du plâtre en 2004, 2005, 2006 à partir d'une étude Xerfi de mars 2007, pour déduire une croissance en valeur de 7,8% en 2004, 6,5 % en 2005, 7,1% en 2006, appliqué ce même taux de 7,1 % en 2007, 2) corrélé la dynamique des taux de croissance des ventes à la hausse et la baisse sur la période à partir des taux de croissance annuels du chiffre d'affaires du marché des ouvrages à base de plâtre à partir des chiffres de Xerfi, 3) ajusté, d'après une étude de l'organisme 'i+c' de 2005, le taux de croissance de manière à refléter le dynamisme propre du marché de la plaque blanche, dont le produit est différent et plus performant que celui traditionnel de la plaque de plâtre, et enfin, 4) sur la base de la pondération de ces taux obtenus par année, appliqué le taux de 2004 au taux de croissance reconstitué en 2003, pour réappliquer la même pondération aux années 2005, 2006 et 2007 ;

Que sur la base de ces données, Néra a déterminé le manque à gagner en agrégeant le total des ventes de plaques, cloisons, doublages et enduits réalisées en 2002 et 2005, augmentées de celles reconstituées en 2006 et 2007 ;

Que le calcul des ventes d'enduit entre 2005 et 2007 a fait l'objet d'une reconstitution à part, en suite de la substitution par la société Placoplâtre en 2006 du produit PlacomixPremium par un nouveau produit ; qu'après avoir constaté une diminution du rapport du poids total d'enduit vendu par rapport aux surfaces totales de plaques de plâtre vendues de 9,7 % entre 2004 et 2005, Néra a appliqué ce taux aux années suivantes ; qu'en constatant une augmentation du prix de kg d'enduit, Néra a émis l'hypothèse que le prix restait constant de 2005 à 2007, et par la combinaison des effets prix et des volumes, a déduit un prix au mètre carré de la plaque, des cloisons et des doublages vendus glissant de 0.19 euros le mètre carré en 2002 à 0,10 euros le mètre carré en 2007 ; qu'il a multiplié ce coefficient-prix de l'enduit par le total des ventes de mètres carrés de plaques, cloisons et doublages ;

Qu'une fois établi l'écart entre les ventes réalisées et les ventes reconstituées, Néra a tenu compte de l'érosion du prix du chiffre d'affaires unitaire perdu entre 2002 et 2007 en actualisant les montants de chaque année sur la base de l'année 2007 

Qu'ainsi, sur la base de la différence entre les ventes reconstituées et les ventes réalisées, le rapport Néra a déduit une perte de chiffre d'affaires de 21 053 000 euros et un manque à gagner de 5 676 000 euros ;

Considérant que pour contester cette méthode et ses résultats, la société Siniat se prévaut des rapports Degeilh, et particulièrement Mapp, qui contestent, d'une première part, le taux de marge de 27 % retenu qui n'est pas justifié d'après la comptabilité analytique de la société Placoplâtre ; que cependant, il n'est pas opposé d'indication contraire sur des marchés de produits comparables au moment de leur lancement, notamment, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'après l'historique des informations dont la société Siniat dispose nécessairement sur la marge de ses propres produits directement concurrents de ceux de la société Placoplâtre, en sorte que la valeur sera retenue ;

Que de deuxième part, Degeilh et Mapp estiment que les valeurs de marché n'ont pas été pondérées, sur la durée du préjudice, par les facteurs tels que l'introduction de nouveaux produits et d'un effort de marketing intense ; que toutefois, ces simples affirmations ne peuvent suppléer ni la valeur des coûts de conception et de production comprise dans celle du chiffre d'affaires, et tandis qu'il n'est pas contesté le partage entre les deux groupes de la mise sur le marché de ces produits, le moyen manque encore en fait ;

Que de troisième part, sur les valeurs adoptées pour la reconstitution des chiffres d'affaires par l'application de régressions statistiques, Mapp critique le réalisme du volume pour l'année de référence de 2002 pour un produit mis sur le marché un an avant, et dont les volumes n'ont pas été communiqués ;

Que Mapp souligne l'incohérence des variations de quantité relative de plaques et d'enduits, alors que la mise en oeuvre de la plaque PlacoPremium est associée à l'enduit PlacomixPremium, et que si le ratio des volumes de 2 m2/kg est constant en 2002 et 2007, il varie de 4 m2/kg, voire à 5 m2/kg en 2003, 2004 et 2005 ;

Que les résultats obtenus à partir des ventes prévisionnelles de la société Placoplâtre reposent sur un mix-produit pour les plaques constituées de 25 % pour les cloisons, et de 50 % pour les doublages, très éloigné de la réalité de marché ;

Que Mapp estime improbable que l'équipe commerciale de la société Placoplâtre ait pu estimer les ventes prévisionnelles pour les plaques, les cloisons et les doublages et déterminer un volume de vente de cloisons, deux ans après le lancement du produit à 500 mètres carrés près, de sorte que ces chiffres sont surestimés, tout comme le volume des doublages, et alors que ce sont les produits les plus onéreux ;

Que ce chiffre d'affaires déjà surestimé est augmenté de 23,2 % pour l'année 2003, année de référence pour la détermination des chiffres d'affaires des années suivantes au 'rythme de marché', et qui n'est pas justifié, le rapport Accuracy contestant d'ailleurs l'approche empirique ;

Qu'enfin, Mapp conteste le retraitement des écarts entre les prévisions de vente et les ventes constatées ;

Mais considérant qu'à l'exception de critiques générales et abstraites, ni Degeilh ni Mapp n'opposent de données ou de valeurs de marché à celles documentées et adoptées par Néra ; que les volumes prévisionnels retenus pour déterminer l'année de référence et les retraitements adoptés pour reproduire la dynamique du lancement du produit ne sont ni irréalistes, ni contredits par la société Siniat d'après les informations historiques dont elle dispose sur ses propres produits ; que de même, la répartition des volumes par type de plaques ou le redressement du ratio de la vente d'enduit justifié par la substitution d'un ancien par un nouveau en 2006 ne sont pas non plus contredits, ni par des chiffres de marchés de la construction, ni même par ceux que la société Siniat pouvait opposer à partir de l'historique de ses propres marchés ;

Et considérant que si les résultats de Néra sont affecté d'un biais par l'introduction, d'une démarche empirique dans la suite logique des régressions statistiques appliquées aux valeurs prévisionnelles, les premiers juges ont à bon droit pris en considération la portée de ce biais dans la réduction à 4 800 000 euros du montant des dommages et intérêts, de sorte que par ces motifs, la mesure d'expertise n'est pas justifiée, et que le jugement doit être confirmé de ce chef.

3. Sur la demande de la société Siniat au titre des actes parasitaires et déloyaux

Considérant que pour reprocher à la société Placoplâtre des actes parasitaires, et réclamer une expertise pour déterminer le montant du préjudice qui en serait résulté, la société Siniat soutient qu'il n'est pas sérieusement contestable que la gamme de produits Premium commercialisée à partir de l'année 2002 par la société Placoplâtre constitue la copie servile des produits 'Pregydeco' qu'elle a développés au prix d'efforts de recherche et développement et de promotion très importants ;

Mais considérant que la société Siniat se limite soit à des affirmations, soit à invoquer abstraitement des précédents judiciaires, et tandis qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges par des motifs que la cour adopte, le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent n'est pas fautif en raison du principe de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce, de sorte que le jugement sera confirmé.

4. Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'abus de procédure, les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que la société Siniat succombe en son recours, en sorte que pour l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé et la société Siniat sera condamnée à verser en, cause d'appel à la société Placoplâtre la somme de 10 000 euros ainsi que les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la société Siniat à payer à la société Placoplâtre la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Siniat aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Alain Palau, Président et Monsieur James Boutemy, Greffier faisant fonction, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier f.f. Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre section 2
Numéro d'arrêt : 15/02280
Date de la décision : 04/10/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 2B, arrêt n°15/02280 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-04;15.02280 ?
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