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07/07/2016 | FRANCE | N°14/02516

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 07 juillet 2016, 14/02516


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 79B



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2016



R.G. N° 14/02516



AFFAIRE :



SA SITA FRANCE





C/





[C] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 12/13105



Expédi

tions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES







- Me Anne Laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2016

R.G. N° 14/02516

AFFAIRE :

SA SITA FRANCE

C/

[C] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 12/13105

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

- Me Anne Laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation dans l'affaire entre :

SA SITA FRANCE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège  sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

RCS de Nanterre 775 690 035

Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 -

Représentant : Me Jacques BOEDELS, Association BOEDELS, AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R131

APPELANTE

****************

Monsieur [C] [P]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

- Représentant : Me Anne Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41193

Représentant : Me Jean-Louis LAGARDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0127

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2016,les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, président, chargé du rapport et Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

*

Vu le jugement rendu le 20 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- condamné la société Sita France à payer à M. [P] une somme de 46.000 € en réparation de son préjudice pour rupture abusive des pourparlers contractuels,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Sita France à payer à M. [P] une somme de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sita France aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Vu l'appel de cette décision relevé le 1er avril 2014 par la SA Sita France qui, par ses dernières conclusions du 12 février 2016, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il énonce qu'aucun contrat n'a été conclu entre elle et M. [P] notamment en ces termes 'aucun bon de commande n'a jamais été établi', 'les pourparlers n'ont ainsi pas abouti et les parties ne se sont jamais accordées sur la chose et le prix',

- de condamner M. [P] à lui verser la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions du 4 février 2016 de M. [C] [P] qui demande à la cour de :

1/ à titre principal

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Sita France de toutes ses demandes,

- condamner la société Sita France à lui payer la somme complémentaire de 8.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

2/ à titre subsidiaire, sur le préjudice

- condamner la société Sita France à lui payer la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'allongement fautif et de la rupture fautive des pourparlers précontractuels,

3/ à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ne confirmerait pas le jugement sur la rupture fautive des pourparlers

- constater que les parties s'étaient entendues sur la chose et le prix et qu'un accord contractuel a été concrétisé entre elles sur une somme de 50.000 € HT à titre de rémunération en droits d'auteur de [C] [P], pour l'exploitation de ses photographies dans un livre et la conception de celui-ci, somme détaillée dans le devis du 20 février 2008,

- dire que la société Sita France a fautivement rompu le contrat conclu et que cette rupture lui a causé un préjudice,

- dire que la société Sita France, de mauvaise foi, a prolongé pendant plusieurs années une résistance abusive et fautive au paiement qui lui est dû ou à l'exécution des engagements contractuels de la société Sita,

3/ en toutes hypothèses

- condamner la société Sita France à lui payer une somme de 8.000 € en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens avec application de l'article 699 du même code ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'à la suite d'un reportage qu'il avait réalisé en 2004, pour le compte de la société Sita France, sur le site de Metaleurop à [Localité 2] que cette société était chargée de démanteler et de dépolluer, M. [P], photographe professionnel, a proposé à la société Sita France de réaliser un livre de photographies retraçant les différentes étapes de l'opération ; que les parties sont alors entrées en pourparlers ; que M. [P] a adressé plusieurs devis, dont un devis le 18 avril 2007, puis un devis le 20 février 2008 ; qu'il s'est rendu sur le site, pour des prises de vues, à de nombreuses reprises ;

Que par lettre du 19 juin 2009, l'avocat des sociétés Sita Nord et Sita Agora a proposé à M. [P] une réunion 'pour éviter toutes mauvaises interprétations et mauvaises communications entre les parties' ; que la rupture des relations entre la société Sita France et M. [P] était consommée au début de l'année 2010 ;

Considérant que le 6 décembre 2012, M. [P] a assigné la société Sita France pour voir constater la rupture fautive des relations contractuelles et obtenir paiement de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1149 du code civil, subsidiairement, pour voir constater la rupture fautive des pourparlers précontractuels et obtenir paiement de la somme de 62.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que par le jugement déféré, les premiers juges, constatant l'absence d'accord sur la chose et le prix, ont rejeté la demande formée à titre principal par M. [P] et fait partiellement droit à sa demande subsidiaire en lui allouant la somme de 46.000 € en réparation de son préjudice pour rupture abusive des pourparlers, cette indemnité comprenant la somme de 6.000 € au titre des frais occasionnés à l'occasion de la négociation engagée par les parties et celle de 40.000 € au titre de la perte de chance de signer le contrat au regard du travail accompli et du temps consacré au projet à la demande de la société Sita France ;

Considérant que la société Sita France qui soutient qu'elle n'a jamais accepté le moindre devis et qu'il n'y a pas eu d'accord entre les parties en raison de l'intransigeance de M. [P], critique le jugement, d'une part, en ce qu'il a estimé que la rupture des pourparlers serait unilatérale et émanerait d'elle, alors qu'elle a été bilatérale, d'autre part, en ce que la rupture des pourparlers serait abusive et fonderait l'attribution de dommages et intérêts pour perte de chance de conclure un contrat et frais occasionnés alors que la liberté contractuelle implique celle de rompre des pourparlers, que l'indemnisation de M. [P] sur le fondement de la perte de chance est contraire à la jurisprudence et que M. [P] a été réglé de tous ses frais ;

Considérant que M. [P] qui conclut à titre principal à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, réplique qu'il avait la perspective de voir se réaliser le livre au vu des multiples assurances qui lui avaient été données et qu'il a mobilisé en pure perte son talent, son temps et ses compétences pendant six années, perdant, durant cette période, toute possibilité de négocier avec un autre partenaire et voyant par ailleurs désormais ses chances de négocier un nouveau livre avec les mêmes photographies tout à fait limitées ;

Qu'il soutient que la rupture fautive par la société Sita France des pourparlers précontractuels lui cause un préjudice équivalent à 'son intérêt négatif' soit à ses frais et à la perte subie laquelle est équivalente au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été payé pour faire des photographies, outre le gain qu'il aurait pu retirer de la publication de l'ouvrage avec ses photographies ;

Qu'il estime, à titre subsidiaire, avoir consacré en pure perte au projet, dans la croyance entretenue par Sita que le projet serait mené à bien, au moins 50 jours qu'il aurait pu consacrer à un autre client qui l'aurait payé 1.200 € par jour ; qu'il demande à être indemnisé de son préjudice sur cette base par l'allocation d'une somme de 60.000 € (50 jours x 1.200 €) ; qu'il précise que ce montant inclut le temps passé à la vaine négociation d'un contrat soit 12.000 € (10 jours x 1.200 €) ;

Qu'il entend soutenir, à titre plus subsidiaire encore, si la rupture des pourparlers devait ne pas être estimée fautive, qu'il y a eu un véritable accord sur la chose et le prix, à hauteur, pour sa rémunération, de 50.000 € HT pour 5 ans de prises de vues, 19 déplacements (38 jours) et la préparation d'un livre dont il avait la charge de suivre la bonne réalisation, que la rupture de ces accords notifiés le 5 novembre 2009 sous des motifs de façade constitue une faute engageant la responsabilité contractuelle de la société Sita France et que son préjudice tient au travail non rémunéré et au gain manqué ; qu'il sera toutefois relevé à cet endroit que M. [P] ne récapitule pas, dans le dispositif de ses dernières conclusions, les demandes pécuniaires qu'il a développées sur le terrain contractuel dans les motifs de ses écritures de sorte que par application de l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de statuer sur celles-ci ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que les premiers juges ont écarté l'argument de M. [P] selon lequel il était parvenu avec la société Sita France à un accord sur la chose et le prix et qu'un contrat avait été conclu entre eux ;

Que si M. [P] prouve avoir présenté à la société Sita France plusieurs devis pour la réalisation d'un ouvrage, aucun d'eux ne lui a été retourné signé ; qu'il ne lui a été adressé aucun bon de commande en dépit de ses demandes renouvelées en ce sens (notamment ses courriels du 22 avril 2008, 1er septembre 2008, 15 octobre 2008, 11 février 2009, 19 mars 2009) ; qu'au surplus, contrairement à ce que soutient M. [P], le courriel que lui a adressé le 11 juin 2008, Mme [H], chargée de communication chez Sita France pour lui indiquer qu'elle avait 'signé et transmis tous les devis' à l'assistante de la directrice de la communication ne peut valoir engagement de la part de cette dernière ou de son employeur qui avait le pouvoir de décision ; qu'en outre, aucune des pièces produites ne permet de dire que les parties, qui ont poursuivi leurs pourparlers, sont finalement parvenues à un accord concomitamment sur le prix et sur le format de l'ouvrage, sa présentation et son contenu et donc, sur une chose précise ;

Considérant qu'il demeure que M. [P] et la société Sita France ont entamé leurs pourparlers fin 2006 ; que le 18 avril 2007, M. [P] adressé à la société Sita France un devis détaillé, ainsi qu'il le lui avait été demandé, poste par poste, le poste le concernant, qui incluait la réalisation des reportages, la conception d'une maquette originale et la cession de ses droits de reproduction, s'élevant à un 'montant forfaitaire' de 50.000 € HT ; que le 20 février 2008, M. [P] a adressé à Sita France un autre devis où seuls les autres postes que celui le concernant étaient modifiés ;

Que jusqu'à son changement d'interlocuteur au sein des sociétés Sita, le projet étant repris par Sita Nord, et sa convocation à une réunion tenue le 17 avril 2009 dans les locaux de Sita Nord, soit durant plus de deux années après l'envoi de son devis du 18 avril 2007, M. [P] n'a jamais vu remettre en cause le principe de la réalisation d'un ouvrage de photographies sur le démantèlement du site Metaleurop ni le montant de sa rémunération à hauteur de 50.000 € HT, en sus du coût des prestations techniques ;

Que la rupture des pourparlers a été définitivement acquise à la suite de la lettre que lui a adressée, le 12 février 2010, la directrice de la communication de Sita Nord pour lui demander son accord sur la réalisation de l'ouvrage aux conditions précédemment convenues mais pour un montant global de 50.000 € tous frais inclus, ce que M. [P] a refusé ;

Considérant que si la société Sita France relève à juste titre que la rupture des pourparlers précontractuels est un droit de libre exercice, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en l'espèce, elle n'a commis aucune faute dans les circonstances de cette rupture ni que cette rupture, finalement actée en raison du refus de M. [P] d'accepter ses dernières propositions, ne peut donner lieu à dommages et intérêts ;

Qu'en effet, il est établi que M. [P] a été maintenu, pendant plusieurs années, dans l'illusion de la volonté de la société Sita France d'aboutir à la conclusion d'un contrat sur le principe duquel elles s'étaient accordées ; que seul, le recul tardif et soudain, en avril 2009, de la société Sita Nord sur le montant d'une rémunération, hors frais techniques, que M. [P] avait pourtant annoncée dès 2007 et dont il pouvait légitimement penser qu'elle lui serait acquise, a conduit à la rupture des pourparlers qui avaient débuté fin 2006 ;

Considérant, cependant, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préjudice de M. [P] consistait, non seulement dans les frais occasionnés à l'occasion de la négociation, mais encore dans la perte de chance de signer le contrat ; que le refus de contracter est un droit ; que la faute de la société Sita France tient au fait d'avoir, par son comportement, conduit M. [P] à poursuivre inutilement des pourparlers dont il se serait retiré plus tôt si elle ne l'avait pas maintenu, avec une grande légèreté, dans l'espoir de l'aboutissement du projet ;

Que le préjudice de M. [P] ne porte donc que sur ses dépenses inutiles qu'il a exposées de 2007 à 2009, en frais de maquettes et frais de déplacement ainsi que sur le temps qu'il a perdu à de vaines discussions avec les autres prestataires techniques participant à la réalisation de l'ouvrage projeté ; que ce préjudice sera entièrement réparé au vu des notes de frais précédemment adressées par M. [P] à la société Sita France, des frais qui lui ont été remboursés et des tarifs qu'il pratique au vu des pièces qu'il verse aux débats, par l'allocation d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que M. [P] sera débouté du surplus de sa demande et le jugement déféré infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués ;

Considérant que la société Sita France qui succombe partiellement sur son recours, conservera à sa charge les dépens d'appel, le sort des dépens de première instance étant confirmé ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées et les parties déboutées des demandes complémentaires qu'elles ont formées en appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement sauf sur les dommages et intérêts alloués ;

statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la société Sita France à payer à M. [P] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Déboute M. [P] du surplus de ses demandes ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Sita France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/02516
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/02516 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;14.02516 ?
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