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06/07/2016 | FRANCE | N°14/03404

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 06 juillet 2016, 14/03404


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A



15e chambre

Renvoi après cassation



ARRET N°



contradictoire



DU 06 JUILLET 2016



R.G. N° 14/03404



AFFAIRE :



[G] [D]





C/

SA BNP PARIBAS PERSONAL FRANCE

veant aux droits de la SNC GSG GIE COFINOGA









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 18 Juin 2014 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Section :

N° RG : Y13-17.139
r>









Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL ARBOR

la SCP CABINET VINCENT SEGUREL





Copies certifiées conformes délivrées à :



[G] [D]



SA BNP PARIBAS PERSONAL FRANCE

veant aux droits de la SNC GSG GIE COFINOGA







le : ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

contradictoire

DU 06 JUILLET 2016

R.G. N° 14/03404

AFFAIRE :

[G] [D]

C/

SA BNP PARIBAS PERSONAL FRANCE

veant aux droits de la SNC GSG GIE COFINOGA

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 18 Juin 2014 par le Cour de Cassation de PARIS

N° Section :

N° RG : Y13-17.139

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL ARBOR

la SCP CABINET VINCENT SEGUREL

Copies certifiées conformes délivrées à :

[G] [D]

SA BNP PARIBAS PERSONAL FRANCE

veant aux droits de la SNC GSG GIE COFINOGA

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 25 juillet 2014 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2014 cassant et annulant l'arrêt rendu le 07 mars 2013, par la cour d'appel de PARIS

Madame [G] [D]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Elvire DE FRONDEVILLE de la SELARL ARBOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1185

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA BNP PARIBAS PERSONAL FRANCE

veant aux droits de la SNC GSG GIE COFINOGA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marie-Aude DE MONAGHAN de la SCP CABINET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P98

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2016, devant la cour composée de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL

Suivant contrat à durée déterminée du 16 mai 1994, renouvelé le 04 novembre 1994, Madame [D] a été engagée par la société COFINOGA aux droits de laquelle vient la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, en qualité de chef de production, statut cadre, coefficient 450 de la convention collective nationale des sociétés financières.

Par avenant du 22 décembre 1994, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

A compter du 14 décembre 2005, Madame [D] a été soumise à une convention de forfait jours, renouvelée chaque année par avenant signé au mois de décembre.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2009, Madame [D] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 20 mars 2009 et mise à pied à titre conservatoire. Par lettre du 25 mars 2009, adressée sous la même forme, elle a été licenciée pour faute grave.

Le GIE COFINOGA employait habituellement plus de 11 salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Madame [D] a saisi le Conseil des Prud'hommes de PARIS le 11 mai 2009 afin d'obtenir le versement de créances salariales et indemnitaires liées à la rupture abusive de son contrat de travail.

Par jugement du 04 octobre 2010, le Conseil de Prud'hommes de PARIS a dit que le licenciement de Madame [D] était sans cause réelle et sérieuse et en conséquence a condamné le GIE GROUPE COFINOGA à lui payer les sommes suivantes :

- 2.412,84 euros de rappel de salaire concernant la période de mise à pied,

- 241,28 euros de congés payés afférents,

- 1.089,29 euros au titre du prorata de prime de fin d'année,

- 108,92 euros de congés payés afférents,

- 13.071,45 euros d'indemnité de préavis,

- 1.307,14 euros de congés payés afférents,

- 42.278,58 euros d'indemnité de licenciement,

- 28.700,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 7 mars 2013, la Cour d'appel de PARIS a confirmé le jugement entrepris et majoré le quantum des dommages intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle a fixé à la somme de 42.131,00 euros.

Par arrêt en date du 18 juin 2014, la Cour de cassation a censuré l'arrêt entrepris dans les termes suivants 'Attendu que pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes, la Cour d'appel retient que le refus, par la salariée, de reprendre les commandes d'imprimés de courriers de gestion est prescrit ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, la salariée n'avait pas persisté dans ses agissements, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'

Madame [D] a, dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du Code de procédure civile, saisi cette cour désignée comme cour de renvoi. Elle sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il lui a alloué les sommes suivantes :

- 2.412,84 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- 241,28 euros bruts de congés payés afférents,

- 1.089,29 euros au titre de la prime de fin d'année,

- 108,92 euros de congés payés afférents,

- 13.071,45 euros bruts d'indemnité de préavis,

- 1.307,14 euros bruts de congés payés afférents,

- 42.278,58 euros nets d'indemnité de licenciement,

- 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

mais de le réformer pour le surplus et condamner la société BNP PARIBAS à lui verser les sommes suivantes :

- 86.075.28 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 757,81 euros bruts au titre du rappel de 4,5 JRTT,

- 28.691,76 euros de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile.

La société BNP sollicite la réformation du jugement rendu le 4 octobre 2010 par le Conseil de prud'hommes de PARIS sauf en ses dispositions sur le rappel de jours RTT et les dommages intérêts pour préjudice distinct. A titre subsidiaire, elle demande que le licenciement de Madame [D] soit reconnue fondé sur une cause réelle et sérieuse et de fixer les créances de la salariée de la manière suivante :

- 2.412,84 euros bruts au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied,

- 241,28 euros bruts de congés payés afférents,

- 927,26 euros de rappel de prime de fin d'année,

- 92,72 euros de congés payés afférents,

- 13.071,45 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.307,14 euros de congés payés afférents,

- 42.141,00 nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de Madame [D] à lui verser la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA COUR :

- Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, invoque à l'encontre de Madame [D] quatre griefs, à savoir :

- des actes d'insubordination répétés envers sa direction,

- une opposition à toutes les décisions prises par les cadres autonomes de son service et à toute forme d'échanges avec leur N+2,

- une partialité en faveur de fournisseurs d'un même groupe de sociétés plaçant l'entreprise dans une situation de dépendance vis-à-vis desdits fournisseurs,

- un mode de management inapproprié.

Elle est rédigée de la manière suivante :

' Votre ancien manager, [E] [I], vous avait demandé fin 2006 de reprendre les commandes d'imprimés de courriers de gestion. [Q] [P] votre manager actuel, vous a confirmé la nécessité d'intégration de cette activité dans le périmètre de votre service fin 2007.

Cependant, force est de constater que, dans les faits, vous n'avez rien réalisé. En effet, la Direction des Supports Opérationnels, concernée par ce transfert d'activité, reste en attente depuis deux ans de la mise en 'uvre de cette directive ce qui l'a obligée à vous lancer un véritable « ultimatum » début 2009. En dépit de cette relance, vous n'avez néanmoins toujours pas pris en charge le sujet, qui est pourtant dans le champ de votre responsabilité et avez contraint votre manager à intervenir personnellement auprès des imprimeurs et Interlocuteurs internes.'

'En juillet 2008, dans le cadre d'une réorganisation interne au groupe LASER, la fusion des deux services de fabrication du groupe a été décidée par la direction. Vous avez alors refusé d'Intégrer l'effectif ainsi que la part importante d'études et de devis existants du côté de Loyalty, entité du groupe LASER, concernée par cette fusion. Vous n'avez finalement accepté uniquement que les productions. Par ailleurs, vous avez refusé d'apporter le moindre soutien dans un appel d'offres à fort enjeu en termes de chiffre d'affaires pour la logistique de coffrets IDKDO destinés à des partenaires. Vous avez clairement refusé la reprise des dossiers en cours. Les conséquences de votre attitude et posture de blocage, font que contre toutes attentes en terme d'efficacité opérationnelle, 50 % de l'activité seulement a été reprise.

Nous n'avons dès lors pu que constater l'échec de la fusion des services, ce qui caractérise une insubordination flagrante outre votre manque d'exemplarité en tant que manager qui se doit de répondre à des enjeux majeurs d'optimisation de l'existant'.

'Le 23 janvier 2009, [Q] [P] et [C] [R], responsables du Pôle auquel vous appartenez, vous ont demandé les chiffres d'affaires 2007 et 2008 des fournisseurs avec lesquels vous avez décidé de travailler. Le 3 février 2009 vous avez simplement communiqué une comparaison de prix 2007-2008 basée sur la notion approximative de coût moyen par famille de produit, qui n'avait pas été demandée, car non significative. Le 12 mars, vous n'aviez toujours pas communiqué à vos hiérarchiques ces chiffres fournisseurs.

Cette attitude de non transparence est à nouveau préjudiciable au bon fonctionnement de l'activité et à son pilotage dont les enjeux portent notamment sur 9 millions d'euros d'achats annuels. Elle caractérise, là encore, une insubordination de votre part.'

'Le 10 mars 2009 vous avez contredit un ordre direct de votre supérieur hiérarchique concernant un fournisseur et une procédure de contrôle lors de réimpression. Vous avez de plus interdit à un membre de votre équipe d'opérer l'ordre qu'il a reçu de son N+2. Ce fait constitue une nouvelle fois une marque d'insubordination intolérable à votre niveau de responsabilité outre que votre comportement est très déstabilisant pour les membres de votre équipe qui sont désorientés et parfois ont très peur de vos réactions abruptes, déplacées et inexplicables',

'Le 23 octobre 2008, vous avez écrit à votre manager que la décision sur le choix des fournisseurs était collégiale au sein de votre équipe. Or, des entretiens individuels menés par votre supérieur hiérarchique, démontrent au contraire que vous imposez vos choix, y compris lorsque vos collaborateurs expérimentés dans le domaine font des remarques sur des insuffisances constatées dans les dossiers ou dans les choix que vous leur demandez de faire ou d'appliquer. En outre, vous exigez qu'ils n'aient aucun échange avec leur N+2.

Vous ne communiquez pas aux chefs de fabrication de votre équipe, pourtant cadres et gestionnaires des productions, les chiffres d'affaires respectifs des fournisseurs.

Cette opacité dans le cadre de vos décisions est contraire aux règles internes de transparence managériale que vous connaissez et êtes sencée appliquer'.

'Début mars 09, votre supérieur hiérarchique, arrivant enfin à obtenir des données chiffrées, a découvert que vous aviez retiré une part très importante de production récurrente à des fournisseurs historiques de l'entreprise, pour la confier à un groupe de fournisseurs appartenant en réalité à une même holding (TFH). Pour l'année 08, le niveau de dépendance de notre entreprise vis-à-vis de ce groupe TFH a ainsi atteint 59 % sur les impressions et 41 % sur les prestations de personnalisation de mailings.

Tout d'abord, vous n'avez jamais alerté votre hiérarchie de cet état de fait et ce n'est que par un courrier du 04 mars 2009 de la société Vprint adressé au responsable des achats du groupe, que votre hiérarchie a été saisie de la problématique.

Par ailleurs, vous avez expliqué que la raison pour laquelle vous aviez fait cela avait trait à une diminution des coûts. Cependant, vous n'avez à aucun moment sollicité les fournisseurs évincés sur un alignement tarifaire même lorsqu'ils opéraient, pour le compte de notre société, depuis dix ans ou davantage sans aucun reproche de délai ou de qualité.

Nous considérons que cette pratique consistant à écarter des fournisseurs sans aucun motif et sans en avertir la hiérarchie, alors que le risque de dépendance est important, constitue une faute dans le cadre de votre fonction, aggravée par l'opacité de fonctionnement que vous avez imposée à votre hiérarchie et à vos collaborateurs.'

'Puisque nous réfutons votre argument de baisse des coûts, nous nous interrogeons depuis début mars 2009 sur les raisons réelles qui vous ont poussée à nous faire dépendre d'une seule holding. En effet, un des prestataires, appartenant au groupe favorisé, a commis une erreur sur une suite d'opérations sensibles (mélange de pages d'avenants) réalisées entre mai et septembre 08. Vous avez refusé de leur demander un avoir pour compenser ce préjudice alors que le chef de fabrication gestionnaire considérait, tout comme votre supérieur hiérarchique, qu'un avoir de 50 % du prix de la prestation aurait été conforme aux usages dans cette profession que vous maîtrisez en tant qu'experte du domaine de la fabrication'. (...) 'Au surplus, le 16 janvier 2009, une commande d'impressions a été passée à ce groupe malgré une proposition moins chère de 8 134 € d'un autre fournisseur avec lequel nous n'avons jamais eu de problème de qualité ou de délai. La même anomalie s'est répétée le 2 mars 2009, avec cette fois, un écart de prix de 15 535 euros'.

Madame [D] conteste la réalité de l'ensemble de ces griefs, précisant qu'en réalité son éviction est la conséquence du souhait de Monsieur [P] de gérer seul le service dont elle avait la charge jusqu'à son arrivée. Elle soutient que son licenciement est directement lié aux entreprises de déstabilisation et de harcèlement mené par ce supérieur hiérarchique.

La société conteste cette analyse des faits et indique que le licenciement est fondé sur le comportement de Madame [D] qui a fait régner dans son service un climat de tension permanent, s'est opposée systématiquement aux instructions de son supérieur hiérarchique et, dans l'exercice de ses missions, a entretenu une opacité sur les fournisseurs de manière à en favoriser certains.

* Sur la prescription :

Aux termes de l'article L 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le délai de prescription court à compter du jour où l'employeur a eu pleine connaissance de la faute du salarié, à savoir la date de leur commission ainsi que de la nature et de l'ampleur des faits fautifs. Il se trouve interrompu tant que le comportement fautif se poursuit.

En conséquence, au vu des pièces versées aux débats, le GIE GSG COFINOGA est bien fondé à retenir des faits antérieurs de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires, s'agissant non pas d'une faute tirée d'un acte unique, mais d'un comportement continu, depuis l'année 2006 et jusqu'au mois de février 2009. Au surplus l'existence et l'ampleur de certains agissements n'ont été découverts qu'au début du mois de mars 2009. Ainsi, en est-il du grief tiré du choix des fournisseurs qui relève d'un comportement ayant perduré jusqu'au 12 mars 2009, soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement. Ainsi en est-il encore des méthodes de management qui n'ont été découvertes qu'à compter du mois de février 2009.

Les faits évoqués dans la lettre de licenciement ne sont donc pas prescrits.

* sur les actes d'insubordination :

Les pièces versées aux débats établissent que, dans le cadre de la réorganisation du service fabrication auquel Madame [D] était rattachée, il avait été prévu qu'à compter de l'année 2008, elle serait hiérarchiquement rattachée à Monsieur [P].

Il n'est pas contestable que, dès qu'elle a eu connaissance de cette décision, qui s'imposait à tous les salariés en vertu du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, Madame [D] s'est opposée à ce rattachement hiérarchique, au motif que Monsieur [P] aurait été, plusieurs années auparavant, sous sa direction.

C'est ainsi qu'elle indiquait, dès le 21 septembre 2006, par couriel, que cette décision 'aboutirait forcément à un échec' alors même qu'elle admettait ne rencontrer aucun problème relationnel avec Monsieur [P], reconnaissant que 'tout se passe très bien entre nous et les échanges son nombreux et productifs'.

Ce refus d'être hiérarchiquement soumise à Monsieur [P] s'est traduit immédiatement par un comportement d'opposition systématique à son égard, dans des termes qui sont contraires à toutes les règles de courtoisie, de correction et de respect. C'est ainsi que, dès le 26 juillet 2007, elle lui écrivait 'j'ai attiré plusieurs fois ton attention sur les effets néfastes de ton intervention directe auprès des chefs de fabrication ; j'ai dû réintervenir pour remettre les choses en ordre', remarque qu'elle réitérait le 27 juillet 2007, en lui écrivant que ses interventions 'entraînaient un dysfonctionnement dans le management', que son service 'travaillerait plus sereinement quand [il] respectera les règles de management'. Cette attitude s'est poursuivie au cours de l'année 2008, reprochant à son supérieur hiérarchique d'intervenir sur son service durant ses vacances, au mépris de la répartition des tâches de chacun, dans des termes ne laissant aucun doute sur le fait qu'elle n'entendait pas qu'il exerce son pouvoir de supervision sur un service qu'elle avait jusque là géré seule. Elle lui indiquait ainsi, par couriel du 23 septembre 2008, 'je constate que pendant mon absence, tes interventions opérationnelles dans le service se sont amplifiées', étant précisé, bien que l'intervention d'un supérieur hiérarchique sur l'organisation du service qu'il chapeaute n'ait pas à être justifiée, qu'il était intervenu à la demande des collaborateurs qui n'avaient plus de référent durant les congés de Madame [D] et non dans le but de porter atteinte à son autorité. Il est également établi qu'elle tentait de contourner les interventions de Monsieur [P] en prenant attache directement avec le supérieur hiérarchique de ce dernier, comme en atteste le couriel qu'elle lui adressait le 13 octobre 2008 pour se plaindre de ce 'qu'il voulait intervenir dans l'organisation du service', ce qui entrait pourtant dans ses attributions.

Outre le fait de s'opposer de manière directe à Monsieur [P], il est démontré que Madame [D] avait donné l'ordre à ses collaborateurs de ne pas exécuter les directives de celui-ci et de ne pas lui parler, comportement qui, à la lecture des attestations, s'est poursuivi jusqu'en mars 2009. Il ressort ainsi des témoignages de l'ensemble des collaborateurs, en l'occurrence, Madame [G], Monsieur [B], Madame [N], Monsieur [M], Madame [F], Madame [X] et Madame [L] que, jusqu'à son départ de la société, elle leur avait interdit tout contact avec Monsieur [P], y compris lorsqu'elle était en vacances et leur imposait, dans ce cas, de l'appeler personnellement. Elle leur interdisait même de respecter ses consignes, sous peine de représailles. Tous sont unanimes pour préciser que, s'ils ne respectaient pas cet ordre, elle les menaçait d'être 'virés'.

Il n'est pas contesté que dans le cadre d'une réunion tenue le 14 novembre 2007, l'activité des commandes d'imprimés de courrier de gestion, traitée jusque là par la Direction des Supports Opérationnels (DSO), a été intégrée au sein du service fabrication. Dans ce cadre, il revenait à Madame [D] d'une part de faire réaliser par son équipe une étude tarifaire dans un but de limitation des coûts et d'autre part d'assurer le suivi technique des productions et livraisons d'imprimés. Or, la lecture des nombreux couriels produits aux débats par les deux parties, notamment ceux de Monsieur [W] et de Monsieur [P] du 6 février 2009, enseigne que Madame [D] a été relancée à de nombreuses reprises pour à procéder à un appel d'offres, ce qu'elle n'a pas fait au motif que les tarifs actuels étaient suffisamment compétitifs. Pour autant, lorsque face à son inertie, Monsieur [P] a confié cette mission à Madame [N], il est apparu que la Société aurait pu réaliser une économie de 25.000,00 euros en changeant de fournisseur. Bien qu'elle conteste ces faits, il n'en demeure pas moins qu'entre 2007 et 2009, elle ne peut contredire le fait qu'elle n'a pas opéré d'appels d'offres et que le premier qui a été fait, l'a été après l'intervention de Monsieur [P] en février 2009. De surcroît, son opposition est confirmée par Madame [N] qui affirme que Madame [D] a refusé de s'occuper de la fabrication des imprimés consommables appelés «courriers de gestion » et lui avait donné pour consigne de ne pas respecter l'ordre de Monsieur [P] à cet égard et de 'faire la morte', s'il la sollicitait. Elle ne peut pas non plus nier son refus d'accepter ce transfert de compétence puisqu'elle produit elle-même un couriel du 19 février 2009 dans lesquel elle refuse, sans explication, d'assurer un rendez-vous avec Monsieur [P] et un ancien fournisseur, IFORMA.

Il est également établi, tant par les couriels échangés avec la direction que par couriels échangés entre les chefs d'autres services, que Madame [D] n'a pas voulu participer à la réalisation de la fusion de deux services, et s'est opposée à l'intégration deux chefs de fabrication de la société LOYALTY, pourtant décidée par la Direction.

Il est aussi établi que Madame [D] a refusé de s'occuper de l'activité de logistique des produits de LOYALTY aux motifs qu'elle n'entrait pas dans le périmètre du service fabrication, alors même que, s'agissant d'une décision de son supérieur hiérarchique, elle n'avait aucune légitimité pour s'y opposer. Elle a ainsi refusé d'apporter son soutien dans un appel d'offres pour la logistique des coffrets IDKDO et se désolidarisait des décisions de sa hiérarchie à cet égard. Il est également démontré qu'elle avait demandé aux membres de son équipe de ne pas la solliciter pour tout ce qui concernait cette activité, comme le confirme l'échange de couriels avec Madame [T] le 26 septembre et le 1er octobre 2008.

Contrairement à ce que Madame [D] indique, dès l'année 2008, année de la réorganisation de son service et de l'arrivée de Monsieur [P] comme N+1, la direction l'a alertée sur son comportement inadapté. Ainsi, le compte rendu de l'entretien d'évaluation de 2008, dont aucun élément objectif ne permet de douter de sa réalité, relève une 'résistance à des directives de la ligne hiérarchique sur le périmètre et les missions - Des difficultés à intégrer les contraintes des services commanditaires lorsqu'elles sont nouvelles - Une très faible délégation de décision aux collaborateurs - Une forte résistance aux échanges entre collaborateurs et N+2.' Il était déjà noté un 'demi échec sur la reprise de l'activité Loyalty et un désaccord avec son N+1, concernant périmètre, méthodes, organisation managériale de l'activité' et, s'agissant des compétences à acquérir, il était noté des carences en terme d'analyse des enjeux, de relationnel, et de management.

Même si elle conteste la réalité de ces faits, Madame [D] n'apporte aucun élément permettant de démentir ces observations, le rapport d'activité qu'elle produit à cette fin concernant une période antérieure à la réorganisation.

Enfin, il ne peut qu'être souligné que Madame [D] n'évoque aucun fait précis de la part de Monsieur [P], pouvant apparaître comme des interventions intempestives dans le but de remettre en cause son autorité.

La réalité du grief tiré de l'insubordination est donc établi.

* Sur les méthodes de management de Madame [D] :

Il ressort des attestations de Monsieur [B], de Madame [N] et de Monsieur [M], cadres dans le service de Madame [D], qu'aucun échange n'était possible avec elle, n'acceptant jamais d'entendre leur point de vue, notamment sur le choix des fournisseurs, dont elle s'arrogeait le monopole, alors qu'il appartenait à tous d'échanger sur ce point pour choisir les plus profitables à la société. Madame [T] précise qu'elle menaçait de sanctions disciplinaires les membres de son équipe qui tenteraient de proposer d'autres solutions que les siennes. Cette attitude a entraîné la démission de Madame [J], qui témoigne de ce que le comportement de Madame [D] a rendu le maintien de la relation contractuelle impossible.

L'ensemble des collaborateurs ayant travaillé avec Madame [D] relate qu'elle faisait régner un climat de peur dans son service, privilégiant certains, faisant des autres des boucs émissaires. Madame [N] indique ainsi qu'elle faisait régulièrement, en public, des remarques acerbes, amenant certains à pleurer. La concernant plus précisément, elle explique qu'à force d'être rabaissée et remise en cause, elle s'en est plainte auprès de la médecine du travail, ce qui a déplu à Madame [D] si bien qu'elle lui a retiré tous les dossiers en cours lui disant que désormais 'elle ne pouvait plus compter sur elle'. Cette attitude est confirmée par Monsieur [M] qui mentionne des menaces en cas de non respect de ses consignes.

Il est également établi par les attestations de Monsieur [B], de Monsieur [Y], de Madame [F], de Madame [X] et de Madame [M] que, dans le souci de faire échec à la réorganisation du service, Madame [D] a demandé à son équipe de choisir entre elle et Monsieur [P] et leur a interdit d'avoir de contact avec ce dernier, pourtant N+2 du service. Outre l'insubordination que cela traduit, il n'est pas contestable que ce comportement a créé un climat délétère et a placé les personnels de son service dans une situation très inconfortable. Il a empêché également un fonctionnement optimum du service et toute réorganisation en vue d'améliorer la productivité et la rentabilité.

Madame [D], qui conteste ces attestations, ne verse pourtant au débat aucun document permettant de les démentir. Les attestations de salariés ou de fournisseurs qu'elle produit pour démontrer son professionnalisme ne sauraient en effet contredire ses méthodes managériales puisqu'elles émanent soit de personnes qui l'ont connue avant qu'elle ne soit placée sous la

direction de Monsieur [P], comme Madame [Z], Madame [A] et Madame [U], soit de fournisseurs qui ne travaillaient pas au sein de la société.

Ce grief est donc également établi.

Une attitude d'opposition systématique aux décisions de la hiérarchie, ainsi que des méthodes managériales agressives, sont à l'évidence constitutives d'un comportement fautif sans qu'il ne soit nécessaire d'analyser les autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

En raison du fait que ce comportement empêche l'employeur d'exercer, dans des conditions normales, son pouvoir de direction et d'organisation et que par ailleurs il fait courir un risque sur la santé mentale des salariés, pouvant engager la responsabilité de la société à leur égard, il ne peut qu'être constaté qu'il est constitutif d'une faute grave empêchant la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, les demandes de Madame [D] relatives au rappel de salaire durant la mise à pied, ainsi que ses demandes indemnitaires liées à la rupture de la relation contractuelle seront rejetées.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

- Sur le préjudice distinct :

Madame [D] indique qu'elle n'a jamais été soutenue dans l'exercice de ses fonctions de management et que la société l'a privée du bénéfice d'un temps partiel pour création d'entreprise.

En réalité, ce que Madame [D] interprête comme un manque de soutien n'est que la traduction de l'exercice du pouvoir d'organisation, de contrôle et de direction de son employeur. N'acceptant pas son nouveau supérieur hiérarchique, il est apparu qu'elle s'est opposée systématiquement à lui, alors que les remarques qui lui étaient faites l'ont toujours été de manière courtoise et sans agressivité. Par ailleurs, elle ne saurait justifier sa mise à l'écart par le fait que Monsieur [P] serait devenu son manager, alors qu'il s'agit d'un choix de l'entreprise de créer une hiérarchie intermédiaire qu'il n'appartenait ni à l'un ni à l'autre de contester et qui, en tout état de cause, ne lui a pas retiré ses attributions.

S'agissant de la demande de temps partiel, il ressort des pièces produites qu'elle l'a sollicité quelques semaines avant l'engagement d'une procédure de licenciement. L'employeur n'a donc commis aucune faute en ne traitant pas favorablement sa demande.

Ce préjudice n'est donc pas établi.

- Sur les demandes annexes :

Madame [D] qui succombe à l'instance, doit supporter les dépens et elle sera également déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les frais irrépétibles par elle exposés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

Vu le jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS du 04 octobre 2010,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 07 mars 2013,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2014 ayant cassé l'arrêt du 07 mars 2013 en sa disposition concernant le licenciement,

INFIRME le jugement rendu le 04 octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, sauf en ce qu'il avait rejeté la demande au titre des JRTT,

Et statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Madame [D] fondé sur une faute grave,

DEBOUTE Madame [D] de ses demandes salariales et indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail,

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de dommages et intérêt pour préjudice distinct,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [D] aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Bérénice HUMBOURG, conseiller, faisant fonction de président, et Mme Brigitte BEUREL, greffier.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03404
Date de la décision : 06/07/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°14/03404 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-06;14.03404 ?
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