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06/07/2016 | FRANCE | N°14/02586

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 06 juillet 2016, 14/02586


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80B



15e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 06 JUILLET 2016



R.G. N° 14/02586



AFFAIRE :



[Q] [Q]





C/

SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



N° RG : 13/02406





Copies exécut

oires délivrées à :



la AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY

la SCP FRANCIS LEFEBVRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Q] [Q]



AVIVA VIE venant aux droits de SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE



POLE EMPLOI





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 06 JUILLET 2016

R.G. N° 14/02586

AFFAIRE :

[Q] [Q]

C/

SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : 13/02406

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY

la SCP FRANCIS LEFEBVRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Q] [Q]

AVIVA VIE venant aux droits de SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Q] [Q]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas LE QUINTREC de l'AARPI FOURMENTIN, LE QUINTREC, VEERASAMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R035 substituée par Me Fabien MAUDUIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R035

APPELANT

****************

AVIVA VIE

venant aux droits de SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Laure TREDAN de la SCP FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2016, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL

Par contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [Q] [Q] a été engagé à compter de 19 juillet 2010 par la société AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE en qualité de "head of business process excellence", avec une rémunération moyenne de 10.506,00 euros.

Le 19 avril 2012, la société, par un courrier de son directeur général, informait le personnel d'un projet de réorganisation intitulé "Simplify" consistant principalement à la suppression des structures régionales de l'entreprise et donc de 62 postes.

Le 19 septembre 2012, le comité d'entreprise était consulté sur ce projet de réorganisation ainsi que sur le projet de licenciement collectif pour motif économique. Il demandait alors la nomination d'un Expert, le Cabinet [U] qui présentait son rapport le 30 octobre 2012.

A compter du mois de septembre 2012, le comité d'entreprise a été informé et consulté sur le projet de réorganisation, le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Il s'est réuni les 28 septembre, 30 octobre, 12 novembre et le 20 novembre 2012.

Le 26 novembre 2012, le comité d'entreprise exprimait un avis négatif tant sur le projet de PSE que sur le projet de congés de reclassement.

Le 17 décembre 2012, l'employeur adressait à ses personnels les informations relatives au PSE modifié.

Le 11 janvier 2013, la société AVIVA proposait à Monsieur [Q], au titre du reclassement, un poste de chargé d'études en conseil patrimonial, accompagné d'une fiche descriptive du poste et d'une rémunération envisagée de 60.000,00 euros annuels bruts.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2013, Monsieur [Q] refusait cette proposition et relevait des irrégularités entachant l'ensemble de la procédure de licenciement.

Le 4 février 2013, la société AVIVA adressait une lettre de licenciement pour motif économique à Monsieur [Q] accompagnée d'un document d'adhésion au congé de reclassement.

Le 1er mars 2013, Monsieur [Q] adhérait au congé de reclassement d'une durée de neuf mois, à compter du 13 février et jusqu'au 12 novembre 2013, incluant un préavis de six mois, dont il était dispensé d'exécution.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des sociétés d'assurances.

La société AVIVA employait habituellement plus de 11 salariés au moment du licenciement.

En dernier lieu, la rémunération de Monsieur [Q] était de 13.886,33 euros.

Contestant son licenciement, Monsieur [Q] a saisi le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE le 17 juillet 2013 afin de voir prononcer l'annulation de son licenciement et obtenir sa réintégration. Il sollicitait également la condamnation de la société AVIVA à lui verser diverses sommes liées à la rupture abusive du contrat de travail et à des rappels de salaire.

Par jugement du 13 mai 2014, le Conseil a débouté Monsieur [Q] de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [Q] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 23 mai 2014. Il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de dire, à titre principal, que son licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation de la législation d'ordre public sur les licenciements économiques collectifs et en vertu d'un PSE établi en fraude des droits des salariés. Il sollicite que soit ordonnée sa réintégration à son poste ou à un poste équivalent sous astreinte de 850,00 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et la condamnation de la Société AVIVA EUROPE SERVICE FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 379.469,71 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période comprise entre la fin de son préavis et sa réintégration effective,

- 37.946,97 euros à titre de congés payés afférents,

- 32.600,00 euros d'indemnité en réparation de son préjudice moral et d'image.

A titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, Monsieur [Q] sollicite que son licenciement soit reconnu sans cause réelle et sérieuse et que la Société AESF EUROPE SERVICE FRANCE soit condamnée à lui verser la somme de 412.069,71 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause, Monsieur [Q] sollicite la condamnation de la Société AESF EUROPE SERVICE FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 93.138,56 euros à titre de rappel de salaire sur sa rémunération variable de années 2010, 2011 et 2012,

- 9.313,85 euros de congés payés afférents,

- 60.514,56 euros à titre de rappel de salaire sur sa rémunération variable de l'année 2013,

- 6.051,45 euros de congés payés afférents,

- 7.200,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il sollicite en outre la remise des bulletins de salaire conformes, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision à venir sera devenue exécutoire et l'application des dispositions des articles 1153 et 1154 du Code Civil.

La société AVIVA demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et sollicite en outre la condamnation de Monsieur [Q] à lui payer la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, si le licenciement devait être annulé, elle sollicite la restitution de la somme de 91.369,27 euros qu'elle a versée dans le cadre du PSE.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA COUR

- Sur le rappel de salaires au titre du bonus 2010 à 2012:

Monsieur [Q] soutient que les documents contractuels fixant ses objectifs annuels lui sont inopposables car rédigés en anglais et qu'au surplus les éléments de leur détermination sont imprécis ou inexistants. Il estime qu'il est en droit, dès lors, de bénéficier de la totalité de la part variable prévue au contrat de travail, soit 48% de sa rémunération annuelle brute.

Il convient de rappeler qu'en cas d'inopposabilité des objectifs en matière de rémunération variable, le salarié est en droit de percevoir le taux maximum prévu au contrat de travail à objectifs atteints.

Aux termes de l'article L1321-6 du Code du travail, 'Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers'.

En l'espèce, le contrat de travail rédigé en français et signé par les deux parties, dispose en son article 6-2 "qu'à la rémunération brute annuelle s'ajoutera à compter de l'année 2011 au titre de l'exercice 2010, un bonus dont le montant peut représenter, dans les conditions actuelles (fixées par le groupe Aviva et susceptibles d'évoluer dans l'avenir) 24% de votre rémunération brute annuelle fixe si vous atteignez vos objectifs et peut représenter jusqu'à 48% en cas de dépassement selon les indicateurs qui vous seront précisés".

La clause qui a servi au calcul de la part variable était bien celle prévue par le contrat de travail, rédigée en langue française. Elle est précise et claire et prévoit que le salarié peut prétendre à 48% de son salaire annuel fixe uniquement "en cas de dépassement des objectifs". Si les objectifs annuels ont par la suite été rédigés en anglais, ce n'est que parce qu'ils étaient fixés, conformément au contrat de travail, par le groupe, qui est de droit étranger.

De surcroît, l'exigence d'une rédaction en langue française se justifie par la nécessité de s'assurer que le salarié a une parfaite compréhension de l'étendue des obligations mises à sa charge par l'employeur. Or, en l'espèce, il n'est pas contesté de Monsieur [Q], qui le confirme à l'audience, que la langue qu'il utilisait, à l'oral et à l'écrit, dans le cadre professionnel, était l'anglais, étant rappelé que le groupe pour lequel il travaillait était de droit anglais et situé à Londres. Il ne peut donc, dans ce cas précis, invoquer l'inapplicabilité des documents précisant les objectifs à atteindre.

Il ressort de la lecture des bulletins de salaires que Monsieur [Q] a perçu, au titre de sa rémunération annuelle variable, les sommes suivantes :

- 19.810,00 euros brut au titre de l'exercice 2010,

- 32.976,00 euros brut au titre de l'exercice 2011,

- 31.518,00 euros brut au titre de l'exercice 2012.

Il peut donc être remarqué que Monsieur [Q] a bien perçu une rémunération variable de plus de 24% de sa rémunération brute annuelle fixe, conformément au plafond prévu par son contrat de travail, pour des objectifs atteints à 100%. Il ne peut, par contre, valablement se prévaloir du plafond de 48%, s'agissant d'une disposition dérogatoire applicable en cas de dépassement des objectifs, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

En conséquence, Monsieur [Q] a été rempli de ses droits concernant la part variable de sa rémunération perçue au cours des années 2010, 2011 et 2012 et il sera débouté de sa demande de rappel de salaire sur ces périodes.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

- Sur le rappel de la part variable au titre de l'année 2013 :

Monsieur [Q] sollicite un rappel de salaire au titre de la rémunération variable concernant l'année de la rupture de son contrat de travail en 2013, aux motifs que son employeur ne lui a fixé aucun objectif . Il estime qu'il doit percevoir le pourcentage contractuel maximum de 48%,

soit la somme de 60.514,56 euros augmentée de 6.051,45 euros de congés payés afférents.

Pour autant, il ne peut être reproché à la Société AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE de ne pas avoir fixé les objectifs de Monsieur [Q] au titre de sa rémunération variable pour l'année 2013 alors qu'à cette même période, dès avril, une procédure de licenciement pour motif économique était engagée. Par ailleurs, il ressort des pièces produites aux débats, et qui ne sont pas contestées du salarié, que la Société AVIVA a versé à Monsieur [Q], au mois de novembre 2013, la somme de 18.565,00 euros représentant la part variable de sa rémunération 2013 au prorata temporis, comme elle s'y était engagée devant le comité d'entreprise, étant rappelé que dès le mois de mars 2013, il se trouvait en congé de reclassement.

Monsieur [Q] a donc été rempli de ses droits et ne peut revendiquer de complément de salaire.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

- Sur le licenciement :

Monsieur [Q] invoque la nullité de son licenciement pour avoir été pris à la suite d'un PSE nul. Pour justifier cette nullité, Monsieur [Q] évoque deux irrégularités. La première liée à l'absence de consultation du comité d'entreprise au moment de l'annonce du plan, la seconde liée à l'insuffisance du plan. Sur le premier point, il affirme que la décision de réorganisation « Simplify » a été annoncée le 19 avril 2012 alors que le Comité d'Entreprise

n'avait pas été informé ou consulté sur ce projet. Sur le second point, il soutient qu'un certain nombre de postes ont été délibérément attribués à certains salariés avant la mise en place de la procédure de licenciement collectif de sorte que lorsque celui-ci a été appliqué, ces postes n'étaient plus disponibles. Le salarié relève aussi non seulement les insuffisances du PSE puisque de nombreux postes inscrits dans le plan de reclassement étaient déjà pourvus mais également l'insuffisance des mesures d'accompagnement au regard de la capacité financière et des moyens du groupe.

La société AVIVA soutient au contraire qu'elle a rempli ses obligations légales en faisant évoluer l'ensemble de son dispositif d'accompagnement et de reclassement en fonction des préconisations des représentants du personnel. Elle précise que, s'agissant de Monsieur [Q], elle n'a pas failli à son obligation de reclassement et que le salarié n'a postulé à aucun des autres postes annexés au PSE.

* sur la nullité du PSE :

Au préalable, en application du principe 'pas de nullité sans texte', seule l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à entraîner sa nullité et celle du licenciement prononcé dans ce cadre.

a) sur la consultation des instances représentatives :

Aux termes de l'article L.1233-30 du Code du travail dans sa version applicable à l'époque, «Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise.Il peut procéder à ces opérations concomitamment à la mise en oeuvre de la procédure de consultation prévue par l'article L. 2323-15».

Dès lors, les consultations du Comité d'entreprise au titre de ses attributions économiques et du projet de licenciement économique peuvent valablement être réalisées concomitamment. En l'espèce, la Société AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE a informé, le 19 avril 2012, les salariés et les instances représentatives de la volonté du groupe de se réorganiser de sorte que le Comité d'entreprise s'est réuni dès le 09 juillet 2012 afin d'évoquer cette annonce, étant précisé qu'à cette date, les conséquences sur l'emploi et les modalités de la réorganisation n'étaient pas encore connues par la société.

Par la suite, la société a procédé à la consultation du Comité d'entreprise le 19 septembre 2012 dès qu'elle a eu suffisamment connaissance des conséquences de la mise en oeuvre du Projet «SIMPLIFY» en France à la fois dans le cadre des dispositions de l'article L.2323-15 du Code du travail concernant la réorganisation à intervenir mais également dans le cadre des dispositions de l'article L.1233-30 du même Code concernant le licenciement collectif pour motif économique.

Au vu de ces développements, il apparaît que la société a respecté des règles prescrites en matière d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel

b) Sur la fraude :

Monsieur [Q] soutient que lorsque le projet de réorganisation a été annoncé aux salariés le 19 avril puis en mai 2012, la société avait déjà procédé, sous couvert de mutations ou promotions, au reclassement de certains salariés «sélectionnés» discrétionnairement afin de les sortir du champ du licenciement qu'il s'apprêtait à réaliser et ce, au détriment des autres salariés concernés. De plus, il relève que ces 23 postes apparaissaient officiellement comme encore vacants, ou ouverts au reclassement, dans le PSE présenté au Comité d'Entreprise le 26 novembre 2012, alors qu'ils venaient d'être pourvus.

La société conteste ces allégations. Elle affirme qu'aucune des affectations visées n'était définitive s'agissant de simples missions confiées à certains salariés, qui devaient du reste également être reclassés.

* Sur la suffisance du plan et sur la réalité des postes proposés au reclassement :

L'article L.1235-11 du Code du travail précise que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise, l'unité économique et sociale ou le groupe.

L'insuffisance du PSE doit s'analyser en une absence, et sanctionnée par la nullité de la procédure de licenciement collectif et à tous les actes subséquents et en particulier aux licenciements prononcés.

L'article L.1233-62 du Code du travail énumère les différentes mesures devant/pouvant figurer dans le PSE (reclassement interne, création activités nouvelles par l'entreprise, reclassement externe, création ou reprise d'activités nouvelles ou existantes par les salariés, formations et VAE, et réduction ou aménagement du temps de travail) qui peuvent être complétées par d'autres mesures et dispositifs, notamment en fonction de l'ampleur du projet de licenciement, de la taille et des moyens de l'entreprise, de l'UES ou du groupe.

En l'espèce, sur le premier point, s'il n'est pas contestable que sur une liste de 190 postes disponibles annexée au PSE du 26 novembre 2012, une vingtaine était déjà pourvue, ce seul élément ne saurait rendre nul le plan de reclassement qui présente, par ailleurs, des mesures diverses en lien avec les possibilités du groupe.

En second lieu, comme plaidé par la société AVIVA VIE, il ressort de la lecture du plan de sauvegarde de l'emploi qu'il comportait un ensemble de mesures d'accompagnement prises, notamment , en tenant compte des observations formulées par le comité d'entreprise au cours des cinq réunions de consultation. Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi prévoyait, ainsi, en cas de reclassement interne :

- une période d'adaptation d'une durée de trois mois avec un suivi personnalisé,

- une visite du poste pendant la phase d'entretien individuel préalable,

- un séjour de reconnaissance du site pour le salarié et sa famille,

- une indemnité de compensation de salaire à hauteur de 100% de la perte de salaire mensuel brut de base hors variable pendant une durée de 3 mois à compter du reclassement et à hauteur de 50% pendant les 3 mois suivants,

- une formation d'adaptation au nouvel emploi,

- une aide à la mobilité géographique constituée d'indemnité d'un montant de 10.000,00 bruts,

- la prise en charge des frais de déplacement,

- une aide à la recherche d'emploi pour le conjoint,

- une aide à la création d'entreprise.

Plus précisémment, s'agissant du congé de reclassement, il était de 9 mois, ou 12 mois pour les salariés présentant des difficultés de reclassement. Durant ce congé, les salariés pouvaient bénéficier d'un dispositif d'accompagnement personnalisé en fonction de leur projet consistant en la mise en place d'un 'espace reclassement' ainsi qu'un accompagnement financier dans les conditions suivantes :

- une allocation mensuelle brute d'un montant égal à 65% de la moyenne des rémunérations des douze derniers mois précédent l'entrée en congé de reclassement sans pouvoir être inférieure à 80% de la rémunération moyenne de la classe du salarié,

- un maintien de la couverture sociale.

Il apparait donc que les mesures prises en vue d'assurer l'accompagnement des salariés licenciés sont suffisantes au regard des moyens dont disposaient l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, étant en outre précisé que 12 novembre 2012, le Comité d'entreprise conseillait aux salariés d'adhérer au plan de reclassement.

En conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et du licenciement de Monsieur [Q]. Ses demandes de réintégration et de réparations pécuniaires sur ce fondement seront donc rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

En vertu de l'article L1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et si celle ci appartient à un groupe, c'est dans le cadre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel qu'il faut se placer.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens. Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui ci de cause réelle et sérieuse.

Le projet de licenciement économique visant plus de 10 salariés, la société était soumise à la fois à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi intégrant un plan de reclassement et à l'obligation de procéder à une recherche individualisée des postes de reclassement.

Monsieur [Q] soutient que la société AESF n'a pas respecté son obligation de reclassement puisqu'elle n'a formulé qu'une seule offre de reclassement, de surcroît inadaptée à sa formation. Il rappelle en outre que certains postes avaient déjà été redéployés avant l'application du plan social.

En l'espèce, avant de prononcer le licenciement de Monsieur [Q], la société AVIVA justifie lui avoir proposé, le 11 janvier 2013, au titre du reclassement, un poste de chargé d'études en conseil patrimonial au sein de la société AVIVA Vie, proposition qui ne correspondait ni à sa qualification ni à ses compétence. Si Monsieur [Q] refusait cette proposition, ce refus n'avait pas pour vocation à interrompre toute autre recherche de nature à répondre à ces attentes et ne dispensait donc pas l'employeur de poursuivre une recherche de reclassement.

Par ailleurs, le fait, pour la société, d'avoir élaboré une liste de postes disponibles au sein du groupe, consultable sur « [Site Web 1] » et l'absence de postulation du salarié à l'un de ces postes n'est pas plus de nature à permettre d'affirmer que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement. En effet, il n'appartient pas au salarié de se porter candidat sur un poste disponible consultable sur l'intranet du groupe mais bien à l'employeur de procéder à une recherche personnalisée de reclassement. L'absence de toute autre recherche d'emploi et de proposition d'offre personnalisée adaptée aux compétences et capacités du salarié, ne permet pas de conclure que la société, qui comporte 4 700 salariés et qui appartient à un groupe composé d'environ 31 200 salariés, a loyalement et suffisamment rempli son obligation de reclassement, étant précisé en outre que certains des postes présentés comme disponibles avaient été en réalité déjà pourvus avant même l'établissement du PSE.

Ainsi, la société AVIVA VIE ne démontre pas s'être acquittée de son obligation de reclassement, ce qui rend ainsi le licenciement de Monsieur [Q] sans cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnisation du préjudice lié au licenciement :

* Sur le salaire moyen :

Aux termes de l'art. R.1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :« soit le douzième de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois dans ce cas toute prime ou gratification de périodicité annuelle versée pendant ce trimestre ne doit être prise en compte que prorata temporis. »

En l'espèce, sur les douze derniers mois précédant la rupture, la moyenne de la rémunération perçue par Monsieur [Q] était de 13.886,33 euros, somme comprenant la part fixe et la part variable.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur [Q] bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans et 3 mois au moment de son licenciement.

Il a adhéré à un congé de reclassement de neuf mois jusqu'en novembre 2013, et, après avoir subi une période de carence de quatre mois, a perçu des indemnités chômage jusqu'en mars 2016, date à laquelle il a retrouvé un emploi. Aucune précision n'est donnée sur la nature et la rémunération de cet emploi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [Q], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils ont été rappelés, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 83.500,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnisation du préjudice moral et d'image :

Aucune information n'étant donnée sur ce préjudice, la demande d'indemnisation sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société AVIVA aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Monsieur [Q] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.

- Sur les demandes annexes :

La société AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et elle sera également condamnée à payer à Monsieur [Q] une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2.000,00 euros.

La société AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE doit être déboutée de la demande qu'elle a formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 13 mai 2014 par le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE,

Y AJOUTANT :

DIT le licenciement de Monsieur [Q] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société AVIVA VIE à verser à Monsieur [Q] la somme de 83.500,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que cette somme ayant un caractère indemnitaire, elle porte intérêts au taux légal à compter de cette décision,

ORDONNE le remboursement par la société AVIVA VIE aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Monsieur [Q] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société AVIVA VIE à verser à Monsieur [Q] la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Bérénice HUMBOURG, conseiller, faisant fonction de président, et Mme Brigitte BEUREL, greffier.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02586
Date de la décision : 06/07/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°14/02586 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-06;14.02586 ?
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