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30/06/2016 | FRANCE | N°14/04424

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 30 juin 2016, 14/04424


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70E



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 JUIN 2016



R.G. N° 14/04424



AFFAIRE :



[D] [S]





C/





[R] [Y] épouse [F]









Décision déférée à la cour : Jugements rendus le 24 Octobre 2013 et le 20 février 2014 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 04

N° Section :

N° RG :

12/09878 et 13/9037



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





- Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES,





Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat au barreau de VERSAILLES

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COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70E

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2016

R.G. N° 14/04424

AFFAIRE :

[D] [S]

C/

[R] [Y] épouse [F]

Décision déférée à la cour : Jugements rendus le 24 Octobre 2013 et le 20 février 2014 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 04

N° Section :

N° RG : 12/09878 et 13/9037

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [S]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, agissant par Maîre Martine DUPUIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 145334

Plaidant par Maître Karine PEROTIN membre de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T10 -

Madame [Q] [L] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, agissant par Maitre Martine DUPUIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1453324

Plaidant par Maître Karine PEROTIN membre de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T10 -

APPELANTS

****************

Madame [R] [J] [Y] épouse [F]

née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 253

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2016, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, chargé du rapport et Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 24 octobre 2013 ayant, notamment :

- constaté que les époux [S] ne forment pas de demande de sursis à statuer, de demande tendant à voir constater la connexité au profit du tribunal d'instance de Poissy, tendant à voir constaté la litispendance avec la procédure engagée devant le tribunal d'instance de Poissy,

- rappelé que Mme [Y] s'est désistée de ses demandes formées devant le tribunal d'instance de Poissy,

- condamné in solidum les époux [S] à payer à Mme [Y] la somme de '6.0000' euros au titre des réfections du mur ancien de Mme [Y],

- débouté Mme [Y] de sa demande tendant à la pose de contreforts,

- débouté Mme [Y] de sa demande tendant à la pose des bâches de protection,

- débouté Mme [Y] de sa demande de remplacement de lattes de la porte ancienne sous voûte,

- débouté Mme [Y] de sa demande tendant à ce que les époux [S] laissent au niveau du terrain naturel un couloir de 2 mètres de large, le long du mur de séparation des propriétés des [Adresse 1] et [Adresse 2] pour permettre au propriétaire du [Adresse 2] de venir entretenir ou faire entretenir son mur côté du [Adresse 1],

- débouté les époux [S] de leur demande tendant à faire élaguer les arbres de la propriété de Mme [Y],

- débouté les époux [S] de leur demande tendant au remboursement de frais d'huissier,

- débouté les époux [S] de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral,

- débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

- débouté Mme [Y] de toutes ses autres demandes,

- débouté Mme [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les époux [S] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à l'exception des dispositions ci-après,

- condamné chaque partie à payer la moitié des dépens comprenant les frais d'expertise.

Vu le jugement rectificatif rendu le 20 février 2014 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

- débouté Mme [Y] de sa demande tendant à ce qu'il soit ajouté au dispositif du jugement : 'dit que Mme [Y] dispose d'un droit d'échelle pour lui permettre d'entretenir son mur du côté de la propriété des époux [S]',

- débouté les époux [S] de leur demande tendant à ce que le jugement soit rectifié et qu'ils soient condamnés à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros,

- débouté Mme [Y] de sa demande tendant à la rectification du dispositif du jugement en remplaçant l'antépénultième paragraphe de la page 10 "Déboute Mme [Y] de toutes ses autres demandes" par "Déboute Mme [Y] de toutes ses autres demandes relatives au mur de séparation',

- faisant droit au surplus des demandes de Mme [Y],

- rectifié le jugement du 24 octobre 2013 rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles en ajoutant au dispositif : 'condamne les époux [S] à retirer côté [Adresse 1] toute terre en remblai s'appuyant sur le mur de séparation des propriétés des [Adresse 1] et [Adresse 2], et ceci avec toutes les précautions mentionnées au paragraphe 'C) Retrait des terres des conclusions récapitulatives n°4 de Mme [Y]',

- modifié le jugement en remplaçant au 3ème paragraphe du dispositif : 'Rappelle que Mme [Y] s'est désistée de ses demandes formées devant le tribunal d'instance de Poissy" par "rappelle que Mme [Y] s'est désistée de ses demandes relatives au mur de séparation formées devant le tribunal d'instance de Poissy",

- constaté que le tribunal s'est prononcé sur une demande non formulée à savoir la faute des époux [S] s'agissant de l'écoulement des eaux et rectifier le jugement en supprimant en page 6 le passage suivant : "L'expert relève (page 16) que lors de la réunion du 1er octobre 2009, les parties et lui-même ont constaté que les eaux s'écoulaient normalement dans le puisard et avaient pour exutoire la fontaine adjacente sur la propriété [Y]. Les dispositions actuelles s'avèrent donc satisfaisantes, sous réserve d'un entretien régulier du puisard." L'expert précise que M. [S] entretient le puits de décantation des eaux tous les trimestres, il en résulte qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre des époux [S] s'agissant de l'écoulement des eaux,

- faisant droit au surplus des demandes des époux [S],

- rectifié le jugement en date du 24 octobre 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Versailles en remplaçant au 4ème paragraphe du dispositif : "Condamne in solidum les époux [S] à payer à Mme [Y] la somme de 6 000 euros au titre des réfections du mur ancien de Mme [Y]',

- ordonné mention du dispositif de la présente décision en marge du jugement du 24 octobre 2013 prononcé par la quatrième chambre civile du tribunal de grande instance de Versailles ainsi que de toutes les expéditions qui pourraient en être délivrées,

- laissé les dépens à la charge de l'État.

Vu la déclaration du 11 juin 2014 par laquelle les époux [S] ont formé à l'encontre de ces décisions un appel de portée générale ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 avril 2016, aux termes desquelles les époux [S] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à Mme [Y], la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à retirer côté [Adresse 1], toute terre en remblai s'appuyant sur le mur de séparation des propriétés des [Adresse 1] et [Adresse 2], et ceci avec toutes les précautions mentionnées au paragraphe C, « retrait terres », des conclusions récapitulatives n° 4 de Mme [Y],

- leur donner acte qu'ils acceptent de faire procéder à la construction d'un mur de soutènement sur une longueur de 35 mètres linéaires entre leur terrain et celui de Mme [Y], avec utilisation d'une mini pelle mécanique,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de condamnation sous astreinte de Mme [Y] à faire procéder ou à procéder à l'élagage des arbres, arbustes et arbrisseaux avançant sur leur terrain,

- en conséquence,

- condamner à procéder ou à faire procéder à l'élagage des arbres de sa propriété avançant sur la leur, une fois par an, devant en justifier au plus tard le 31 décembre de chaque année pour l'année précédente, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er janvier de chaque année,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [Y] à leur payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 mai 2016, aux termes desquelles Mme [Y] demande à la cour de :

- débouter les époux [S] de toutes leurs prétentions,

- confirmer les jugements des 24 octobre 2013 et 20 février 2014 en ce qu'ils ont condamné les époux [S] à retirer côté [Adresse 1] toute terre en remblai s'appuyant sur le mur de séparation des propriétés des [Adresse 1] et [Adresse 2], ce sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant celui de la signification de l'arrêt à intervenir, et ceci avec toutes les précautions mentionnées au paragraphe « C) Retrait des terres » de ses conclusions récapitulatives n°4 devant le tribunal,

- la recevant en son appel incident,

- infirmer le jugement du 24 octobre 2013 en ce qu'il a cru pouvoir ne retenir que partiellement la responsabilité des époux [S] et limiter à la somme de 6 000 euros toutes causes confondues le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués et l'a déboutée de ses demandes en réparation,

- juger que les époux [S] ont commis une faute engageant leur responsabilité en accumulant des terres contre le mur de séparation des propriétés des [Adresse 1] et [Adresse 2], en arrachant le lierre du mur lui appartenant, et en ne construisant pas de mur de soutènement,

- juger qu'ils doivent réparer les conséquences de ces fautes en l'indemnisant des dégâts déjà subis par ce mur de séparation dont elle est propriétaire,

- subsidiairement, les déclarer responsables du fait des terres présentes sur leur propriété du [Adresse 1] et les déclarer tenus de réparer intégralement son préjudice,

- juger que cette indemnisation sera effectuée par la condamnation des époux [S] à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

-18.226,46 euros, pour la pose de contreforts,

- 436,49 euros pour la pose et le remplacement de bâches de protection,

- 6.865,92 euros pour le coût de réfection de l'effondrement du mur de 2009,

-3.119,05 euros pour le coût de réfection de l'effondrement du mur de 2011,

- 150 euros pour le coût de la barrière effondrée,

-3.151,41 euros pour la réfection du faîtage du mur,

-5.136 euros pour le réfection des joints du mur côté [Adresse 1],

- 200 euros pour le remplacement des lattes de la porte,

- 15.000 euros en réparation du préjudice moral et des désagréments subis,

- juger qu'en ne laissant aucun espace côté [Adresse 1] permettant l'entretien et la réfection occasionnelle de son mur, les époux [S] ont commis un abus de leur droit de propriété,

- juger qu'en conséquence, après le retrait de leurs terres, ils devront en tout état de cause, soit revenir à la pente naturelle aboutissant à la base de son mur, soit laisser, au niveau du terrain naturel, un couloir d'au moins 2 mètres de large le long du mur de séparation des propriétés du [Adresse 1] et du [Adresse 2], ou de la largeur que la cour appréciera, pour permettre au propriétaire du [Adresse 2] de venir entretenir ou faire entretenir son mur du côté du [Adresse 1], et mettre ainsi fin à la vue directe et plongeante du fonds [S] vers son fonds,

- juger que, préalablement à l'enlèvement des terres ou de tous travaux de creusement du terrain sur le côté du pignon ouest de la maison des époux [S], ces derniers devront l'en aviser au moins 15 jours à l'avance et celle-ci pourra être présente lors de ces travaux, le cas échéant accompagnée d'un huissier de justice et de l'entreprise mandatée par elle,

- ordonner aux époux [S] de lui laisser l'accès à leur propriété du [Adresse 1] ou à l'entreprise mandatée par elle, pour que puissent être effectués les travaux suivants :

-la finition des travaux de réfection de la partie sud du mur proche de la rue, de sa base à son faîte,

-l'inspection de l'état du reste du mur sur toute sa longueur, de sa base et jusqu'à son faîte, pour vérification des joints et de toutes dégradations causées par l'accumulation de terres humides depuis 6 ans,

-la fixation convenable du côté de la propriété des époux [S] d'une ou plusieurs nouvelles bâches pour protéger le faîte du mur,

- ce, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à compter du 60ème jour suivant celui de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum les époux [S] à lui verser 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et une somme de 5.000 euros pour les frais exposés en cause d'appel et aux entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire de M. [E], dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Mme [Y] est propriétaire d'une maison sise [Adresse 2], sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] (précédemment cadastrée section [Cadastre 2]) ;

Que M. et Mme [S] sont propriétaires de la parcelle sise [Adresse 1], cadastrée section [Cadastre 3] (précédemment cadastrée section [Cadastre 4]), qu'ils ont acquise en 2008 et sur laquelle ils ont fait édifier une maison d'habitation suivant permis de construire délivré le 24 janvier 2008 ;

Que la parcelle de Mme [Y] se trouve en-dessous, à l'ouest de la parcelle de M. et Mme [S], dans une zone pentue de [Localité 2] ;

Que les deux parcelles faisaient antérieurement partie d'une même propriété agricole appelée 'ferme de la Cauchoiserie' et sont séparées par un mur de clôture qualifié de 'remarquable' ancien d'une hauteur variable, allant jusqu'à 4,50 mètres de hauteur pour son point le plus élevé ;

Qu'estimant qu'à l'occasion des travaux réalisés sur leur terrain, les époux [S] avaient apporté une grande quantité de terre venue s'appuyer contre son mur et provoquant son effondrement en deux endroits, Mme [Y] a saisi le tribunal d'instance de Poissy le 6 avril 2009 ;

Qu'une expertise judiciaire a été ordonnée, le rapport étant déposé le 16 août 2012, après un changement d'expert et l'extension de sa mission ;

Considérant que le montant des demandes concernant le mur de séparation excédant la compétence du tribunal d'instance, Mme [Y] s'est désistée de ses demandes à ce titre devant le tribunal d'instance de Poissy ;

Que par acte du 30 novembre 2012, Mme [Y] a fait assigner à jour fixe les époux [S] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin, notamment, qu'ils soient condamnés, avec exécution provisoire, à l'indemniser des dégâts subis par ce mur de séparation, à retirer toute terre de remblai du côté [Adresse 1] sous astreinte, et à laisser un couloir de deux mètres de large le long du mur pour lui permettre d'entretenir son mur, le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire, outre une demande au titre du préjudice moral ;

Que par jugement du 23 octobre 2013 rectifié par jugement du 24 février 2014, dont appel, le tribunal de grande instance de Versailles a partiellement fait droit aux demandes, condamnant notamment les époux [S] à verser à Mme [Y] la somme de 6.000 euros au titre des réfections du mur, et à procéder au retrait de toute terre de remblai s'appuyant sur le mur litigieux et ceci avec toutes les précautions mentionnées au paragraphe C) Retrait des terres, des conclusions récapitulatives n° 4 de Mme [Y] ;

Qu'il sera précisé que, postérieurement, Mme [Y] a sollicité le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles qui, par ordonnance du 2 octobre 2014, a enjoint les époux [S] de lui laisser accès pour inspecter l'état du reste du mur, pour l'accomplissement des travaux de réfection du mur et la fixation de bâches sous astreinte provisoire de 5.000 euros ; que l'astreinte a toutefois été liquidée à 1 euro par ordonnance de référé du 2 juin 2015, montant porté à 1.500 euros par arrêt de la cour du 14 janvier 2016 ;

Sur les désordres subis par le mur

Considérant que les époux [S], appelants, concluent à leur absence de faute et au défaut de lien de causalité ; qu'ils font valoir un défaut d'entretien du mur par Mme [Y] et indiquent que les effondrements de certaines parties de ce mur ne peuvent leur être imputés, dès lors qu'il ont eu lieu sur des parties non limitrophes avec leur propriété ;

Qu'ils soutiennent qu'il n'est pas démontré qu'ils seraient à l'origine de l'augmentation de la hauteur du terrain, qui serait selon eux imputable à M. [D], ancien propriétaire et ex-mari de Mme [Y] et soutiennent que le dénivelé entre les terrains aurait toujours existé ; qu'ils font également valoir qu'ils n'ont pas rajouté des terres sur leur terrain mais au contraire en ont supprimé   ;

Qu'ils font par ailleurs valoir qu'ils ont construit un mur de séparation suffisamment robuste au regard des contraintes du terrain et de la fragilité du mur de Mme [Y] et que l'expert n'a pas mesuré la poussée exercée par les terres de remblai, de sorte qu'il ne peut conclure que ces terres exercent une sollicitation mettant le mur en péril ;

Que la somme de 6 000 euros qui a été mise à leur charge n'est pas justifiée dans son quantum ;

Que s'agissant du déblaiement des terres auquel le tribunal les a condamnés dans le jugement rectificatif, ils font valoir que celui-ci serait extrêmement coûteux, injustifié et que la méthode retenue, telle que proposée par Mme [Y] mais non retenue par l'expert, est impossible à mettre en 'uvre ; qu'ils indiquent avoir accepté de réaliser un vrai mur de soutènement à leurs conditions, celles proposées par Mme [Y] étant irréalisables et contraires à leur permis de construire ;

Qu'en réponse, Mme [Y] fait valoir que les époux [S] ont bien modifié le profilage du terrain, en violation de leur premier permis de construire daté du 24 janvier 2008, celui-ci attestant de l'état du terrain avant l'intervention des époux [S] ;

Qu'elle fait valoir qu'ils n'ont pas plus respecté le permis rectificatif, attestant de leur volonté de surélever leur terrain pour l'aplanir, dans lequel était prévu la construction d'un mur de soutènement, à la place duquel ils n'auraient bâti qu'un simple muret en parpaings, insuffisant à supporter le poids des terres ; qu'elle soutient que l'expert a expressément retenu le lien de causalité entre les dommages subis par son mur et la pression exercée par les terres de remblai ; qu'elle indique également que, depuis lors, les époux [S] ont une vue plongeante sur son terrain, la création d'une telle vue étant prohibée par l'article 678 du code civil, qui s'applique aux cas d'exhaussement de terrain selon la jurisprudence ;

Qu'elle demande donc la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné les époux [S] à retirer ces terres, solution devant prévaloir sur la construction d'un mur de soutènement qui ne réparerait que partiellement ses préjudices ; qu'elle fait valoir que les époux [S] sont responsables, en leur qualité de gardiens de ces terres devant mettre fin à un trouble de voisinage, même en l'absence de faute et peu important que les apports de terre soient le fait du précédant propriétaire, à charge pour eux de le mettre en cause ; qu'elle ajoute qu'ils ont, quoi qu'il en soit, commis des fautes en procédant à l'arrachage du lierre et des joints du mur et en apportant des terres reposant directement sur son mur ayant entraîné des effondrements ;

Que s'agissant des modalités de retrait des terres qu'elle propose, elle fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, celles-ci ne seraient pas irréalisables et constitueraient le seul moyen de ne pas porter atteinte à son mur nonobstant le coût important de ces travaux ; qu'elle demande que la condamnation des époux [S] au retrait des terres soit assortie d'une astreinte au vu de leur mauvaise foi et de l'urgence ;

Qu'elle fait valoir que la proposition des époux [S] sur ce point est insatisfaisante et entraînerait en réalité une restriction de ses droits dès lors qu'elle ne respecterait pas son tour d'échelle, et ne serait pas soumise à l'intervention d'un architecte spécialisé tel que recommandé par l'expert ;

Que concernant l'état du mur, elle fait valoir que le caractère ancien de ce mur entraîne nécessairement une certaine vétusté et qu'elle et son ex-mari l'ont toujours entretenu, au besoin avec l'intervention de spécialistes, son état ne s'étant pas dégradé depuis leur acquisition ; qu'elle met en cause, à cet égard, la sincérité de l'expert et ses conclusions ;

Qu'elle prétend qu'il est indispensable de poser des contreforts pour renforcer le mur ; qu'elle signale que les époux [S] ont arraché le lierre sur le mur, portant atteinte à son étanchéité et ont agi, quoi qu'il en soit, de façon fautive dès lors que ce mur n'est pas mitoyen ; qu'elle sollicite donc la pose de bâches ;

Qu'elle sollicite également que soient réalisés les travaux de reconstruction des parties effondrées, de réparation du faîtage et des joints ainsi que de la porte ancienne sous voûte ;

Que Mme [Y] sollicite en outre la condamnation des époux [S] à lui laisser accéder à son mur afin d'exercer sa servitude de tour d'échelle et lui permettre de l'entretenir sur ce côté ;

Qu'elle demande enfin l'allocation d'une somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'elle fait valoir qu'elle est très affectée par l'atteinte à ce mur riche en biodiversité et qui faisait la caractéristique de sa propriété, ainsi que par le mépris avec lequel elle estime être traitée par ses voisins et les désagréments auxquels elle est soumise en raison de ces événements ;

*

Considérant, en premier lieu, qu'il ne peut être sérieusement contesté, au vu, notamment, du permis de construire accordé aux époux [S] et du plan annexé, des photographies produites aux débats et du rapport d'expertise, lequel se fonde notamment sur le relevé altimétrique établi par un sapiteur, que si les époux [S] ont enlevé des terres excédentaires sur la partie amont, côté est, de leur terrain, ils ont en revanche remblayé sur la partie aval, côté ouest, en déversant des terres qui sont venues s'appuyer sur le mur de clôture, propriété de Mme [Y], sur une hauteur finale globale de 1,80 m ;

Que les attestations en sens contraire produites par les époux [S], notamment celles émanant de l'entreprise ayant réalisé les travaux, n'apparaissent pas de nature à combattre utilement les constatations de l'expert ;

Que les mesures prises par les époux [S] pour contenir la poussée des terres, à savoir l'édification d'un muret en parpaings dépourvu de disposition technique pour assurer un réel soutènement des terres, apparaissent insuffisantes ; qu'il sera rappelé que le permis de construire modificatif accordé aux époux [S] prévoyait la construction d'un mur de soutènement en limite de propriété ; que l'expert a préconisé la réalisation d'un nouvel ouvrage qui assurera le soutènement des terres, indépendamment du mur en maçonnerie ancienne existant sur la propriété de Mme [Y] ;

Considérant qu'en cause d'appel, les époux [S] demandent qu'il leur soit donné acte qu'ils acceptent de faire procéder à la construction d'un mur de soutènement sur une longueur de 35 mètres linéaires entre leur terrain et celui de Mme [Y], avec utilisation d'une mini pelle mécanique ;

Considérant qu'il convient de leur en donner acte et de réformer le jugement en ce sens ; que, cependant, la cour n'entend pas se substituer à un maître d''uvre et privilégier telle ou telle technique ; qu'elle se limitera à dire que la réalisation du mur de soutènement devra être effectuée selon les règles de l'art et sous la responsabilité d'un maître d''uvre, les époux [S] devant répondre de toutes conséquences qu'occasionneraient les fouilles nécessaires à l'édification de ce mur de soutènement sur la stabilité du mur ancien, propriété de Mme [Y] ; qu'à cet effet, les époux [S] prendront, sous leur responsabilité, toutes mesures conservatoires que justifierait la situation ;

Qu'il sera fait droit à la demande de Mme [Y] tendant à la mise en place d'un délai de prévenance de 15 jours avant le démarrage des travaux ;

Que s'agissant des désordres causés au mur, l'expert a constaté que le mur était très vétuste et envahi par du lierre, qu'il est localement effondré et n'a manifestement fait l'objet d'aucun entretien depuis fort longtemps ; que les nombreuses photographies produites aux débats de part et d'autre viennent en renfort de cette constatation ; que Mme [Y] ne peut raisonnablement soutenir que le lierre recouvrant ce mur participerait à sa solidité et à son étanchéité, l'avis de l'expert étant au contraire que ce lierre dégrade peu à peu la maçonnerie ; qu'il apparaît, en outre, qu'avant la réalisation des travaux par les époux [S], le mur était incomplet ;

Que, pour autant, il est manifeste, au vu notamment des conclusions de l'expert et des photographies produites aux débats, que le remblai réalisé par les époux [S] a sollicité anormalement ce mur et accéléré sa détérioration ; que c'est par une juste appréciation des faits et circonstances de la cause que les premiers juges, reprenant les conclusions de l'expert, ont fixé à 6.000 euros le montant des dommages-intérêts devant être versés à Mme [Y] au titre de travaux de réfection du mur ancien ; qu'une somme de 200 euros sera ajoutée pour le remplacement des lattes de la porte, dont il n'est pas contesté qu'elle est en contact avec la terre déversée par les époux [S] ;

Que Mme [Y] sera déboutée du surplus des demandes qu'elle présente par voie d'appel incident ; qu'en particulier, les époux [S] n'ont pas à répondre du défaut d'étanchéité du mur, lequel n'est pas recouvert par un chaperon ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise, et n'ont donc pas à supporter les frais liés à la pose d'une bâche ; qu'il en est de même de la réalisation de contreforts, que l'expert n'a pas préconisés ;

Que s'agissant du tour d'échelle, il n'y a pas lieu d'ajouter aux décisions déjà prononcées et ayant condamné sous astreinte les époux [S] à permettre à Mme [Y] l'exercice de ses droits à cet égard ; que Mme [Y] sera déboutée de l'ensemble des demandes qu'elle forme à ce titre, celle-ci conservant la possibilité de faire supprimer, au besoin en référé, toute restriction ou tout obstacle au libre accès à la face extérieure de son mur de clôture, étant observé que l'accès ne peut concerner que la partie hors sol, telle qu'elle apparaîtra après réalisation du mur de soutènement ;

Considérant, enfin, qu'en refusant depuis 2009 de reconnaître la réalité de la situation préjudiciable qu'ils ont créée pour, finalement, convenir devant la cour qu'il ne se sont pas conformés au permis de construire en ne réalisant pas un mur de soutènement en bonne et due forme, les époux [S] ont occasionné à Mme [Y] un préjudice moral qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 2.000 à titre de dommages-intérêts ;

Sur l'élagage des arbres

Considérant que les époux [S] font valoir que les arbres de Mme [Y] empiètent régulièrement sur leur terrain et endommagent leur grillage ; qu'ils demandent, à titre subsidiaire, que Mme [Y] les autorise à les élaguer à leurs frais ;

Qu'en réponse, Mme [Y] fait valoir que cette demande est irrecevable car elle n'a pas été formulée par les époux [S] dans leurs conclusions d'appelants ou en réponse à un appel incident ;

Que sur le fond, elle rappelle qu'il existe une servitude d'avancement des branches dite de destination de bon père de famille, conformément à l'article 692 du code civil, servitude créée par M. [D], à l'époque où il était propriétaire des deux fonds ;

Qu'elle ajoute qu'elle a déjà fait abattre des arbres de haute tige côté sud et qu'à présent les époux [S] s'attaquent aux arbustes de la haie longeant le mur vers le nord ; qu'elle note que si les époux [S] n'avaient pas violé leur permis de construire, où ils décrivaient doubler son mur par un grillage de même hauteur, celui-ci arriverait 2 mètres plus bas et ne se trouverait pas à la hauteur des houppiers ;

Qu'elle fait valoir, en tout état de cause, que la demande est désormais sans objet, ayant, depuis, coupé les dépassements critiqués, ce dont elle justifie par la production de photographies ;

*

Considérant que la demande présentée par les époux [S] dans le dernier état de leurs écritures, qui sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'élagage des arbres plantés sur le fonds de Mme [Y] et dépassant sur leur propriété, est recevable ;  

Qu'elle apparaît toutefois sans objet, Mme [Y] justifiant par la production de photographies avoir coupé les branches litigieuses, ce que les époux [S], qui n'ont pas répliqué aux conclusions de Mme [Y] apportant cette précision, ne contestent pas ; que les époux [S] seront déboutés de leur demande et le jugement confirmé ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les époux [S] succombant principalement dans leur appel doivent supporter les dépens, lesquels comprendront les frais de l'expertise réalisée par M. [E] ;

Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à Mme [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 24 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Versailles et le jugement rectificatif du 20 février 2014, sauf en ce qui concerne les modalités de remise en état ;

STATUANT à nouveau de ce chef,

-CONDAMNE solidairement M. [D] [S] et Mme [Q] [L], épouse [S] à procéder à la construction d'un mur de soutènement sur une longueur de 35 mètres linéaires entre leur terrain et celui de Mme [Y] ;

-DIT que ce mur sera réalisé selon les règles de l'art et sous la responsabilité et la surveillance d'un maître d''uvre ;

-DIT que quinze jours au moins avant le démarrage des travaux, les époux [S] devront en informer Mme [Y] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;

Y AJOUTANT

-CONDAMNE solidairement M. [D] [S] et Mme [Q] [L], épouse [S] à verser à Mme [R] [Y] une somme de 200 euros au titre du remplacement des lattes de la porte ancienne sous voûte ;

-CONDAMNE solidairement M. [D] [S] et Mme [Q] [L], épouse [S] à verser à Mme [R] [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE solidairement M. [D] [S] et Mme [Q] [L], épouse [S] à payer à Mme [R] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties,

CONDAMNE solidairement M. [D] [S] et Mme [Q] [L], épouse [S] aux dépens d'appel, qui comprendront les frais d'expertise et pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/04424
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/04424 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;14.04424 ?
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