COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4BB
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2016
R.G. N° 15/02151
AFFAIRE :
Société ALKOR
anciennement dénommée
MAJUSCULE
C/
Me [Q] [D] [B] (liquidateur judiciaire de la Société EQUIP'BURO 59)
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 avril 2008 par le Tribunal de Commerce de PARIS
N° Chambre : 3ème
N° Section :
N° RG : 2005070319
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.06.2016
à :
Me Mélina PEDROLETTI,
Me Bertrand ROL
Me Anne-Laure DUMEAU,
Ministère Public
CA PARIS (Pôle 5 - chambre 5)
C.CASSATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (Commerciale, financière et économique) du 17 mars 2015 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 12 septembre 2013
Société ALKOR anciennement dénommée MAJUSCULE Société coopérative à forme anonyme à capital variable au capital de 3 000 000,00 € immatriculée au RCS de SAINT QUENTIN sous le N° 775 663 453, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Autre(s) qualité(s) : Défendeur dans 15/07563 (Fond)
Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23092
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Maître [Q] [B], décédé, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société EQUIP'BURO 59, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement du Tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing du 16 mars 2004
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Maître [W] [N], Mandataire de Justice, ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Maître [Q] [B], liquidateur judiciaire de la société EQUIP'BURO 59, désigné en cette qualité par jugement du tribunal de commerce de Roubais Tourcoing du 16 mars 2004
[Adresse 5]
[Adresse 6]
INTERVENANT VOLONTAIRE
Représentés par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 2015029et par Me Jean-François CORMONT, avocat plaidant au barreau de LILLE
SARL SODECOB SOCIETE DE DEVELOPPEMENT COMMERCIAL BUREAUTIQUE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 434 062 360
[Adresse 7]
[Adresse 8]
Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mai 2016, Madame Aude RACHOU, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Aude RACHOU, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Séverine ALEGRE ;
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général, dont le visa a été transmis le 23 octobre 2015
FAITS ET PROCEDURE,
La société Sodecob a développé, à partir du 28 novembre 2000, un concept de franchise à l'enseigne Bureau Center ayant pour objet la distribution de matériel de bureau.
Les franchisés avaient pour obligation de s'approvisionner de façon quasi exclusive auprès de la société Majuscule, associée à 49 % au capital de la société Sodecob.
Au début de l'année 2002, M. [F] [R] qui avait exercé des fonctions de chef de secteur dans la grande distribution a souhaité intégrer ce réseau et a créé, à cet effet, la société Equip Buro 59, qui a conclu le 30 août 2002 un contrat de franchise de 'supermarché de papeterie, produits de bureau, informatique de bureau ', selon le concept dit Superstore, avec la société Sodecob dans le cadre d'une implantation à Roubaix.
Le magasin a ouvert début 2003, et dès les premiers mois d'exploitation, les résultats se sont avérés très inférieurs aux prévisions ce qui a conduit, le 4 décembre 2002, à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, puis le 16 mars 2004 à sa conversion en liquidation judiciaire ; Me [B] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Le liquidateur a estimé que le franchiseur Sodecob avait failli à la fourniture de documents d'informations pré contractuels complets, que les études de site et économique pourtant contractuellement validées par le franchiseur étaient inexactes et que celui-ci avait manqué à son obligation de conseil.
Il a en conséquence poursuivi l'annulation du contrat de franchise et a mis en cause la société Majuscule, en sa qualité de centrale d'achat fournisseur obligatoire du franchisé pour 80% de ses approvisionnements, d'actionnaire à 49 % du franchiseur Sodecob et de propriétaire initial du concept de franchise.
Par acte du 16 septembre 2005, Me [B], ès qualités de liquidateur, a assigné les sociétés Sodecob et Majuscule devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu entre la société Equip'buro 59 et la société Sodecob et la condamnation de ces sociétés à des dommages et intérêts.
Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 16 avril 2008, le tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité du contrat de franchise,
- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me [B] en sa qualité de liquidateur de la société Equip'buro 59 la somme de 560 000 euros au titre des dommages et intérêts,
- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me [B] en sa qualité de liquidateur de la société Equip'buro 59 la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement et les en a déboutées.
Par arrêt en date du 19 mai 2010 la cour d'appel de Paris a :
- débouté la société Majuscule de sa demande aux fins d'annulation du jugement,
- infirmé celui-ci en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- rejeté l'ensemble des demandes tant aux fins de nullité qu'en octroi de dommages et intérêts formées par Me [B] ès qualités de liquidateur,
- ordonné ' la déconsignation des fonds séquestrés' réclamée par la société Majuscule.
Me [B] ès qualités de liquidateur a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 4 octobre 2011, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé l'arrêt d'appel, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et d'octroi de dommages-intérêts formés par Me [B], ès qualités de liquidateur,
- remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Par arrêt du 12 septembre 2013, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 avril 2008 en ce qu'il a constaté le vice du consentement de M.[R] et de la société Equip'Buro 59, prononcé l'annulation du contrat de franchise du 30 août 2002 et condamné la société Sodecob à payer à Me [B] ès qualités de liquidateur la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformé le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société Majuscule,
Et statuant à nouveau,
- condamné in solidum la société Majuscule à payer à Me [B] ès qualités la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me [B] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Sodecob et la société Majuscule aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Sodecob et la société Majuscule ont chacune formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 17 mars 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Sodecob et sur le pourvoi de la société Majuscule a cassé et annulé l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Majuscule, in solidum avec la société Sodecob, à payer à Me [B] ès qualités la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles.
Par déclaration du 19 mars 2015, la société Majuscule a saisi la cour de renvoi en intimant Me [B] ès qualités et la société Sodecob.
La procédure a été enrôlée sous le n° RG 15/2151.
Par ordonnance du 4 juin 2015, le conseiller de la mise en état a :
- donné acte à la société Majuscule de sa déclaration de saisine et de son désistement d'appel à l'encontre de la société Sodecob,
- constaté l'extinction de l'instance entre la société Majuscule et la société Sodecob,
- déclaré la cour dessaisie partiellement,
- laissé les dépens à la charge de la partie qui se désiste.
Par déclaration du 2 novembre 2015, la société Sodecob a saisi la cour de renvoi en intimant Me [B] ès qualités et la société Majuscule.
La procédure a été enrôlée sous le n° RG 15/7563.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 novembre 2015 sous le n° RG 15/2151.
Me [Q] [B] étant décédé, Me [W] [N] est intervenu volontairement à la procédure ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B] désigné en cette qualité par ordonnance du 4 mai 2016 rendue par le président du tribunal de grande instance de Lille.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er avril 2016, la société Alkor, anciennement dénommée Majuscule, soulève l'irrecevabilité de l'appel incident de Me [B] ès qualités et l'irrecevabilité de la saisine de la société Sodecob.
Elle conclut à l'infirmation du jugement et à sa mise hors de cause, n'ayant commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
En conséquence, elle demande la restitution des sommes versées à Me [B] ès qualités en vertu de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2008 avec intérêts à compter du versement et la condamnation de celui ci à lui payer 15 000 euros pour procédure abusive.
Elle conclut également à la condamnation de la société Sodecob au paiement de cette somme pour le caractère abusif de son intervention devant la cour d'appel de céans.
Très subsidiairement, si la cour ne devait pas réformer le jugement déféré, elle conclut à l'absence de préjudice de la société Equip'buro 59.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la réduction des sommes allouées à titre de dommages et intérêts et leur restitution partielle pour le surplus.
En toute hypothèse, elle conclut à la condamnation de Me [B] ès qualités à lui payer 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 9 mai 2016, Me [N], ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B], demande à la cour de le recevoir en sa qualité de liquidateur de la société Equip'buro 59 en son intervention au fin de reprise d'instance.
Il conclut à l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2008 en ce qu'il a condamné la société Majuscule solidairement avec la société Sodecob à payer à Me [B] ès qualités la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau de ce chef à la condamnation de la société Majuscule in solidum avec la société Sodecob à lui payer la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts et à la confirmation de la décision pour le surplus ainsi qu'à la condamnation de la société Majuscule à verser 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 25 mars 2016, la société Sodecob demande à la cour de dire que le préjudice de la société Equip'buro est né de l'opération commerciale commune aux sociétés Sodecob et Majuscule devenue Alkor et de condamner solidairement la société Majuscule devenue Alkor avec elle même conformément à l'arrêt de la cour d'appel de Paris, la solidarité des obligations étant présumée en matière commerciale.
A titre subsidiaire, elle conclut à la condamnation de la société Majuscule, devenue Alkor, au paiement des dommages et intérêts arrêtés par la cour d'appel de Paris, la faute propre de la société Majuscule et imputable à celle ci étant parfaitement caractérisée.
Elle sollicite enfin sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans son avis du 23 octobre 2015 transmis via le RPVA, le ministère public demande la confirmation de la décision sauf en ce qu'elle a prononcé la condamnation in solidum, de l'appelante à payer conjointement avec la société Sodecob la somme de 560 000 euros à Me [B] ès qualités, la preuve d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil commise par la société Majuscule n'étant pas suffisamment rapportée par les intimés.
Vu les dernières conclusions ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 avril 2016 ;
Vu le message via le RPVA et le courrier en date du 24 mai 2016 des conseils des sociétés Alkor et Sodecob ;
SUR CE :
Sur l'intervention volontaire aux fins de reprise d'instance de Me [N] ès qualités :
Considérant que Me [B] liquidateur de la société Equip'buro 59 est décédé ;
Que Me [N] a été désigné ès qualités d'administrateur provisoire de son étude par ordonnance du 4 mai 2016 rendue par le président du tribunal de grande instance de Lille ;
Qu'il a conclu en la qualité d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B], liquidateur judiciaire de la société Equip'buro 59 ;
Considérant que l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible à compter de la notification qui en est faite à l'autre partie ;
Qu'en l'espèce, en l'absence de notification du décès de Me [B], l'instance n'a pas été interrompue, les autres parties indiquant toutefois en cours de délibéré après interrogation de la cour sur ce point lors des débats en avoir été informées ;
Qu'il convient en conséquence de recevoir l'intervention volontaire de Me [N] ès qualités ;
Sur la recevabilité de la saisine de la société Sodecob :
Considérant que la société Alkor, anciennement dénommée Majuscule, soulève l'irrecevabilité de la saisine de la société Sodecob et de son intervention volontaire, le pourvoi formé par elle sans se joindre à son propre pourvoi ayant été rejeté ;
Considérant que la société Sodecob conclut à la recevabilité de la saisine effectuée, étant en droit de faire valoir des moyens de droit et de fait démontrant le nécessaire caractère solidaire de la condamnation sans pour autant remettre en cause les autres dispositions de l'arrêt non atteintes par la cassation ;
Qu'elle entend se défendre sur le caractère in solidum, solidaire ou non de la condamnation prononcée ;
Qu'elle conteste être intervenante volontaire à la procédure, ayant été partie aux instances antérieures ;
Mais considérant que la société Sodecob a formé un pourvoi en cassation sans se joindre au pourvoi de la société Majuscule ;
Considérant que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Sodecob ;
Considérant que la société Alkor, anciennement dénommée Majuscule, a saisi la cour par déclaration de saisine du 19 mars 2015 à l'encontre de Me [B] ès qualités et de la société Sodecob ;
Considérant que par ordonnance en date du 4 juin 2015, le conseiller de la mise en état lui a donné acte de sa déclaration de saisine et de son désistement d'appel à l'encontre de la société Sodecob, constatant l'extinction de l'instance entre la société Majuscule et la société Sodecob ;
Considérant que la société Sodecob a saisi la cour par déclaration du 2 novembre 2015 soit postérieurement à l'ordonnance constatant le désistement d'appel et le dessaisissement de la cour ;
Considérant qu'une jonction d'instance ne crée pas de procédure unique ;
Considérant qu'en conséquence, si la société Sodecob conclut à juste titre ne pas être intervenante volontaire à la procédure, il n'en reste pas moins que la société Alkor soulève justement l'irrecevabilité de la saisine de la cour par celle ci ;
Qu'en effet, le rejet du pourvoi formé par la société Sodecob fait obstacle à la saisine de la cour de renvoi, sa condamnation prononcée par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2008 ayant été confirmée par l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 2013 et ainsi devenue irrévocable ;
Considérant que la société Sodecob sera donc déclarée irrecevable en sa saisine et l'ensemble de ses pièces écartées des débats ;
Considérant que la société Alkor ne caractérise pas un abus du droit d'ester en justice de la société Sodecob de nature à lui ouvrir droit à dommages et intérêts ;
Sur la recevabilité de l'appel incident du liquidateur ès qualités :
Considérant que la société Alkor, anciennement Majuscule, conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident du liquidateur qui est contraire à l'autorité de la chose jugée et remet en question la portée de la cassation intervenue le 17 mars 2015 ;
Que le liquidateur se rend coupable d'estoppel, ayant modifié son argumentation et étant en contradiction avec les propos tenus dans les précédentes instances, induisant ainsi Majuscule en erreur sur ses intentions ;
Qu'en effet, pour étendre ses demandes à son encontre, il conclut, maintenant que la société Sodecob est définitivement condamnée, que les données erronées constitutives du vice du consentement ne provenaient pas de cette société mais d'elle même ;
Considérant que le liquidateur soutient que contrairement à ce que conclut la société Alkor, anciennement Majuscule, la Cour de cassation n'a ni mis hors de cause la société Majuscule dans son arrêt du 4 octobre 2011 ni écarté sa responsabilité dans son arrêt du 17 mars 2015 ;
Qu'il ne se contredit pas davantage, ayant toujours soutenu que les sociétés Sodecob et Majuscule étaient co auteurs des données trompeuses, ce qui justifie leur condamnation in solidum ;
Considérant que le tribunal a pour l'essentiel dans son jugement du 16 avril 2008 :
- prononcé la nullité du contrat de franchise,
- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me [B] en sa qualité de liquidateur de la société Equip'buro 59 la somme de 560 000 euros au titre des dommages et intérêts.
- condamné solidairement la société Sodecob et la société Majuscule à payer à Me [B] en sa qualité de liquidateur de la société Equip'buro 59 la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que par arrêt en date du 19 mai 2010 la Cour d'appel de Paris a :
- débouté la société Majuscule de sa demande aux fins d'annulation du jugement,
- infirmé celui-ci en toutes ses dispositions et rejeté l'ensemble des demandes tant aux fins de nullité qu'en octroi de dommages et intérêts formées par Me [B] ès qualités de liquidateur,
- ordonné 'la déconsignation des fonds séquestrés ' réclamée par la société Majuscule ;
Considérant que par arrêt du 4 octobre 2011, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et d'octroi de dommages-intérêts formés par Me [B], ès-qualités de liquidateur ;
Que par arrêt du 12 septembre 2013, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 avril 2008 en ce qu'il a constaté le vice du consentement de M.[R] et de la société Equip'Buro 59, prononcé l'annulation du contrat de franchise du 30 août 2002 et condamné la société Sodecob à payer Me [B] ès qualités de liquidateur la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réformé le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société Majuscule et condamné in solidum la société Majuscule à payer à Me [B] ès qualités la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt par la société Sodecob et, sur le pourvoi de la société Majuscule, cassé et annulé l'arrêt au visa de l'article 1382 du code civil mais seulement en ce qu'il a condamné cette société in solidum avec la société Sodecob, les premiers juges n'ayant pas caractérisé une faute propre à la société Majuscule ayant concouru à la réalisation du dommage subi par la société Equip'buro ;
Considérantqu'il appartient en conséquence à la cour de statuer sur la faute éventuelle commise par la société Majuscule qui engagerait sa responsabilité et justifierait une condamnation ;
Considérant enfin que l'estoppel sanctionne le comportement d'une des parties qui adopte des comportements procéduraux incompatibles et est constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions ;
Considérant qu'il résulte des conclusions antérieures du liquidateur que celui ci a toujours recherché la responsabilité de la société Alkor, anciennement Majuscule, en lien avec celle de la société Sodecob et lui a toujours imputé des fautes, lui reprochant devant le tribunal de commerce d'avoir manqué à ses obligations légales, notamment d'informations pré contractuelles et rappelant les liens qui la liaient à Sodecob ;
Considérant que le liquidateur en concluant à la confirmation de la décision sauf en ce qu'elle a condamné solidairement les sociétés Sodecob et Majuscule et en demandant devant la cour la condamnation in solidum de la société Majuscule, ne fait que tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour de cassation et de l'évolution du litige, étant observé que la société Alkor, anciennement Majuscule, conclut à tort avoir été mise hors de cause ainsi que cela résulte du rappel des décisions sus visées ;
Considérant en conséquence que la fin de non recevoir soulevée par la société Alkor sera rejetée ;
Au fond :
Considérant que la société Alkor soutient n'avoir commis aucune faute à l'égard de la société Equip'buro 59 ni n'avoir concouru à la réalisation des fautes reprochées à la société Sodecob et pour lesquelles cette dernière a été définitivement condamnée ;
Qu'en effet, n'est pas fautif le fait d'être associée à 49 % de la société Sodecob et bénéficiaire d'une option d'achat des 51 % restant ;
Qu'elle n'était pas gérant de fait de la société Sodecob ;
Qu 'elle n'a pas imposé l'obligation de devenir le fournisseur quasi exclusif des franchisés ;
Que la société Equip'buro 59 était informée dès la remise du document d'information précontractuel de ses obligations inhérentes à la qualité d'adhérent à la coopérative Majuscule et notamment des contreparties financières en découlant , celle ci ne pouvant être responsable d'un éventuel défaut d'information du franchiseur ;
Qu'elle est donc étrangère aux griefs allégués par le liquidateur, griefs que la Cour de cassation a écartés comme ne constituant pas des fautes de nature à engager sa responsabilité ;
Qu'elle ajoute ne pas avoir davantage concouru aux fautes commises par la société Sodecob, étant tiers au contrat de franchise, n'étant redevable d'aucune information pré contractuelle et ne s'étant pas rendue coupable d'abus de dépendance économique ;
Qu'enfin, elle n'est ni auteur, ni co auteur des données qualifiées de trompeuses par la Cour de cassation ;
Qu'en toute hypothèse si la cour retenait une faute à son encontre, elle ne pourrait que constater que cette faute n'a pas concouru au préjudice de la société Equip'buro 59 ou seulement dans une proportion bien moindre ;
Considérant que le liquidateur reproche à la société Majuscule d'être l'auteur des données contenues dans le dossier de pertinence du projet du 2 mai 2002 remis à la société Equip'buro 59, permettant de calculer les perspectives de chiffre d'affaires attaché à la zone de chalandise ds laquelle Equip'buro envisageait de s'implanter, perspectives jamais atteintes et qualifiées de trompeuses par la Cour de cassation ;
Que le paragraphe V. ' Le Marché ' du document d'information pré contractuel renvoie à l'étude réalisée par le cabinet Dia-Mart, mandaté par Majuscule intitulée ' Le marché des super-stores dans le cadre du projet Majuscule' ;
Qu'a également été remis au mois de juin 2002 un troisième document à la société Equip'buro 59 intitulé ' projet de création d'un magasin Bureau center sur le site de [Localité 1] « qui reprend l'étude « Dia-Mart ' diligentée par Majuscule avec la validation Bureau center qui en réalité est une validation par Majuscule, Bureau center n'étant pas une personne juridique ;
Qu'enfin, la société Majuscule a contribué à tromper le franchisé en dissimulant des informations telles que les obligations financières préalables à l'adhésion au réseau d'autant
Que le support publicitaire laissait croire que celle ci était gratuite ;
Que cette dissimulation a eu une incidence sur la rentabilité du projet car cette charge financière de 41 200 euros n'a pas été intégrée dans les études de rentabilité ;
Considérant au préalable que la cour rappelle que les pièces versées aux débats par la seule société Sodecob sont écartées, la saisine de celle ci ayant été déclarée irrecevable ;
Considérant que la Cour de cassation ds son arrêt du 17 mars 2015 a rejeté le pourvoi de la société Sodecob contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 septembre 2013 qui a retenu que le franchisé a été déterminé à conclure le contrat de franchise sur la base d'éléments trompeurs fournis par le franchiseur, lui laissant escompter des résultats bénéficiaires ;
Considérant que comme indiqué plus avant, il appartient à la cour de céans de statuer sur la faute éventuelle commise par la société Majuscule qui engagerait sa responsabilité et justifierait une condamnation, la Cour de cassation ayant censuré les premiers juges seulement pour ne pas avoir caractérisé une faute propre à la société Majuscule ayant concouru à la réalisation du dommage subi par la société Equip'buro 59 ;
Considérant que M.[R], envisageant d'adhérer au réseau Bureau center, s'est vu remettre par la société Sodecob le document d'information précontractuel visé à l'article 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 comprenant 45 pages dont un état de marché réalisé par le cabinet Dia-Mart le 30 juin 2000 et un projet de contrat de franchise Bureau center dont il a accusé réception le 25 mars 2002 ;
Considérant qu'il a convenu le 16 avril 2002 avec la société Sodecob d'une étude de faisabilité préalable à son engagement moyennant une rémunération de 3 500 euros à sa charge ;
Considérant que dans le cadre de cette étude de faisabilité, M.[R] a complété et rempli un document intitulé ' Dossier de pertinence du projet de Lys lez Lannois ' remis pour validation à la société Sodecob le 2 mai 2002 ;
Considérant que le 27 mai 2002 ont été adressés à M.[R] les résultats de l'étude intitulée ' Contrat d'étude de pertinence du projet Conclusions ' réalisée, selon les termes du courrier d'accompagnement, à partir des éléments fournis par celui ci dans le dossier de pertinence du 2 mai 2002 ;
Considérant que le caractère trompeur des éléments contenus dans le document du 27 mai 2002 a été reconnu par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 2013 définitif sur ce point ;
Considérant qu'au paragraphe ' Marché potentiel de la zone de chalandise ' du document du 2 mai 2002, il est indiqué :
' A calculer en fonction des données Majuscule' ;
Considérant qu'étaient joints in fine les tableaux récapitulatifs des différentes zones de chalandise mentionnant l'évolution de la population, les différentes répartitions par type d'activité, taille d'entreprise,catégories socioprofessionnelles et âge ainsi que le revenu net moyen imposable ;
Considérant que le liquidateur conclut donc à juste titre que les données communiquées par la société Majuscule ont été prises en compte pour l'élaboration du document du 27 mai 2002, lequel est nécessairement inséparable de celui du 2 mai 2002 comme fournissant les éléments analysés dans le document du 27 mai 2002, la société Alkor, anciennement Majuscule, ne pouvant pour rejeter sa responsabilité se contenter d'affirmer ne pas avoir participé à la rédaction de la dite étude ni d'avoir fourni les données statistiques dont elle ne peut, selon elle, être tenue pour responsable plus de dix ans après ;
Considérant qu'elle ne peut davantage conclure à une négligence du franchisé qui n'aurait que partiellement rempli son dossier de pertinence, le but de ce dossier étant justement d'aider la prise de décision du franchisé éventuel ;
Considérant que par ailleurs la société Alkor verse aux débats une interview de M.[F] au journal Points de vente en date du 14 mars 2005 intitulée ' [G] [F], le père de Bureau-center ' , dans lequel ce dernier retrace son parcours et expose le motif de la création d'une joint-venture avec la coopérative Majuscule en 2001 ;
Qu'il précise notamment :
' Parallèlement, Majuscule, qui était à la recherche d'un concept, avait mandaté Diat-Mart pour réaliser une étude d'opportunité. Les conclusions de l'étude Dia-Mart ont été d'adopter notre concept qui était le plus abouti dans l'Hexagone. De là est née en 2001 la joint-venture avec Majuscule avec pour but de développer le réseau Bureau-Center.' ;
Considérant en outre que le liquidateur souligne à juste titre que cette étude intitulée ' Le marché des super-stores dans le cadre du projet Majuscule' a été faite à la demande de Majuscule à partir des présentations au CA Majuscule des 2 septembre 1999 et 21 mars 2000 comme indiqué sur le document ;
Que cette étude indique notamment en son point 'Pourquoi être candidat aujourd'hui ' :
Plus spécifiquement, un tel projet peut répondre aux objectifs suivants
investir sur une activité rémunératrice à terme' ;
Que dans le document précontractuel d'information, la société Sodecob indique au point V Le Marché :
' Présentation de l'état général du marché des produits et services faisant l'objet du contrat : étude réalisée par le cabinet Dia- Mart
Perspective de développement du marché : ce sujet est développé dans l'étude du cabinet Dia-Mart ;'
Considérant que dans le troisième document 'projet de création d'un magasin Bureau center sur le site de [Localité 1]' , le liquidateur relève également avec justesse qu'est reprise la présentation du concept superstores dans des termes identiques à celle de l'étude Dia-Mart, étant sans incidence sur la responsabilité de la société Majuscule que l'expression ' validé par Bureau center' s'assimile ou non à elle ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments, sans s'attarder davantage sur les autres manquements allégués, que la société Majuscule a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en fournissant des données jugées trompeuses utilisées par la société Sodecob et M.[R] pour l'étude de faisabilité qui s'est notamment appuyée sur le concept de superstore, son développement et sa mise en 'uvre, lesquels étaient inadaptés à la société Equip'buro 59 ;
Qu'il importe peu que l'étude Dia-Mart ait été réalisée par un cabinet indépendant, cette étude ayant été réalisée à la demande de la société Majuscule ;
Considérant que ces manquements sont en relation directe avec le préjudice allégué au vu de la motivation du candidat franchisé dans le document du 2 mai 2000 qui déclarait :
' Le concept Bureau center se positionne sur un marché nouveau,le Superstore où se côtoient la vente en libre service pour les fournitures et un métier de conseil et de service pour l'informatique et mobilier de bureau.
Bureau-center m'a séduit par son cadre chaleureux avec la qualité de ses implantations, de sa réponse complète pour les métiers de l'informatique et de sa logistique qui profite de l'expérience de MAJUSCULE.' ;
Considérant que l'arrêt définitif précité a fixé le montant du préjudice subi par la société Equip'buro 59 à la somme de 560 000 euros ;
Considérant que le montant du préjudice à la charge de la société Alkor, anciennement Majuscule, sera également fixé à cette somme, les données fournies par la dite société ayant servi à l'élaboration du document du 27 mai 2002 dont le caractère trompeur a fait l'objet d'un jugement définitif ;
Considérant en conséquence que la décision déférée sera confirmée sauf à prononcer une condamnation in solidum à l'encontre de la société Alkor dont les agissements ont concouru à la réalisation du dommage subi par la société Equip buro 59 ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Me [N] ès qualités les frais irrépétibles ;
Qu' il convient de lui allouer la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 septembre 2013,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015,
Reçoit l'intervention volontaire de Me [N] en la qualité d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B], liquidateur judiciaire de la société Equip'buro 59,
Dit la société Sodecob irrecevable en sa saisine,
Dit recevable l'appel incident de Me [N] ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B], liquidateur de la société Equip'buro 59,
Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a prononcé la condamnation solidaire des sociétés Alkor, anciennement Majuscule, et Sodecob,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Alkor, anciennement Majuscule, in solidum avec la société Sodecob à payer à Me [N] ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B] liquidateur de la société Equip'buro 59 la somme de 560 000 euros,
Y ajoutant,
Déboute la société Alkor, anciennement Majuscule, de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Alkor, anciennement Majuscule, à payer à Me [N] ès qualités d'administrateur provisoire de l'étude de feu Me [B], liquidateur de la société Equip'buro 59, la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Sodecob aux dépens afférents à sa déclaration de saisine,
Condamne la société Alkor, anciennement Majuscule, aux surplus des dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Madame Karine MOONEESAWMY, adjoint administratif assermenté faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,La PRESIDENTE,