La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2016 | FRANCE | N°15/08748

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 26 mai 2016, 15/08748


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4GB



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MAI 2016



R.G. N° 15/08748



AFFAIRE :



Société FCT EUROPROP (EMC) -





C/



LE PROCUREUR GENERAL

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 15/00049

>
Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26.05.2016

à :



Me Anne laure DUMEAU,



Me Franck LAFON,



Ministère Public



TGI NANTERRE



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4GB

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MAI 2016

R.G. N° 15/08748

AFFAIRE :

Société FCT EUROPROP (EMC) -

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 15/00049

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26.05.2016

à :

Me Anne laure DUMEAU,

Me Franck LAFON,

Ministère Public

TGI NANTERRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FCT EUROPROP (EMC) - COMPARTMENT 'SIGNAC COMPARTME anciennement dénommée FCC EUROPROP (EMC) - COMPARTMENT 'SIGNAC COMPARTMENT', Fonds Commun de Titrisation à compartiments géré et représenté par sa Société de gestion, la SA EUROTITRISATION, immatriculée au RCS BOBIGNY 352458368, elle-même agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]'

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41715 et par Me Nathalie MOREL, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

LE PROCUREUR GENERAL, représenté par M. BONAN Fabien, Avocat Général

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 3]

[Localité 2]

SELARL [A] [D], mandataire judiciaire, représenté par Maître [A] [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI LE SEVINE désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 21 juillet 2011

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

SELARL FHB, administrateur judiciaire, représentée par Maître [W] [U] prise sa qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la SCI LE SEVINE, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 5 juin 2012

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Société SCI LE SEVINE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 434 196 788-RCS NANTERRE

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentées par Me Franck LAFON, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20160011 et par Me Stéphane CAVET de la SELARL SIMON, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2016, Madame [W] GUILLOU, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aude RACHOU, Présidente,

Madame [W] GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Karine MOONEESAWMY, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier

En présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis a été transmis le 5 janvier 2016

FAITS ET PROCEDURE,

La SCI Le Sevine (la SCI) a été constituée en 2000 pour l'acquisition d'un terrain sis à Gennevilliers en vue de la construction d'un immeuble à usage de bureaux appelé 'Le Signac'. La société Findi Real estate (la société Findi) et la société France invest Real estate (la société Fire) ont été constituées en 2006 pour acquérir des parts de la société Barbanniers, société mère de la SCI. Un prêt d'un montant de 61,9 millions d'euros a été consenti le 12 juillet 2006 à la société Findi par la banque Citibank (la Citibank, le prêt Citi). Il était destiné à être remboursé in fine dans le délai de 5 ans, soit le 18 juillet 2011, par la vente ou le refinancement de l'immeuble. Le même jour la société Findi a consenti à la SCI un prêt de 41 958 999,69 euros destiné à refinancer son compte courant d'associé (prêt de refinancement). Le même jour également, la société Findi a cédé à la société Fire les créances issues du prêt de refinancement.

Par acte du 26 juin 2007, la Citibank a cédé au FCT Europrop (le FCT) la créance relative au prêt Citi et les sûretés attachées à celle-ci, ainsi que les droits cédés par la société Findi au moyen de deux bordereaux de cession de créances Dailly, soit :

- une créance de 61,9 millions d'euros avec les sûretés attachées, sur la société Fire, résultant du crédit in fine consenti par la société Findi à la société Fire,

- une créance de 41 598 999,69 euros sur la SCI cédée par la société Findi à la société Fire, représentant le montant du prêt de refinancement consenti le même jour par la société Findi à la SCI.

Cette cession est contestée en raison d'un litige opposant le FCT et la société Citibank sur la régularité des bordereaux constatant la cession de créances de la société Findi à la société Fire, dont il est soutenu qu'il ne comporte pas les mentions imposées par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier.

Saisie de ce litige, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 5 novembre 2015, débouté le FCT de sa demande de nullité de la cession Dailly et de résolution du contrat de vente. Cet arrêt est frappé de pourvoi.

L'immeuble ayant perdu de sa valeur en raison de la crise immobilière, le prêt n'a pu être remboursé et la SCI a été mise en redressement judiciaire le 21 juillet 2011. Les sociétés Findi, Fire et Barbanniers se sont mises en sauvegarde.

Compte tenu du litige les opposant sur la régularité des cessions, tant le FCT que la Citibank ont déclaré :

- au passif de la société Fire une créance d'un montant de 61 900 000 euros,

- au passif de la SCI une créance au titre du nantissement de la créance de prêt de refinancement d'un montant de 41 598 999,69 euros, ainsi que des créances de frais, intérêts de retard et d'accessoires.

Ces créances ont été contestées et les juges-commissaires ont sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris sur le litige opposant le FCT à la Citibank.

Un plan de redressement de la SCI a été adopté par jugement du 5 juin 2012, rectifié le 3 juillet 2012, prévoyant un règlement des dettes sur 3 ans. Parmi les créanciers le FCT a accepté les modalités d'apurement de sa dette. Ce plan est lié au plan de sauvegarde des sociétés Findi, Fire et Barbaniers et les modalités du plan de remboursement au titre du prêt de refinancement ont été calquées sur les modalités du plan de remboursement du prêt Citi.

Par requête du 9 avril 2015 la SCI a demandé la prorogation du plan pour une nouvelle période de 3 années afin de lui permettre de céder dans de meilleures conditions l'immeuble le Signac dont le taux d'occupation n'était que de 55 % et dont la valeur était estimée à 33 millions d'euros.

Par jugement du 28 mai 2015 le tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à cette demande. Le FCT a formé tierce opposition le 19 juin 2015.

Par jugement du 11 décembre 2015 le tribunal a déclaré cette tierce opposition irrecevable aux motifs que le FCT ne serait pas créancier et n'aurait pas qualité à agir.

Le 17 décembre le FCT a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 18 mars 2016, le FCT demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 11 décembre 2015 en ce qu'il a écarté des débats les pièces n°4, 5, 22, 25, 27 et 27-2 produites par la SCI en langue étrangère sans être accompagnées d'une traduction en langue française,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le FCT agissant par sa société de gestion Eurotitrisation, irrecevable en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI,

statuant à nouveau,

- dire le FCT, recevable en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI,

au fond,

- dire bien fondée la tierce opposition formée par le FCT à l'encontre de ce jugement,

en conséquence,

- rétracter le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 11 décembre 2015 en ce qu'il a débouté la SCI et maître [D], ès-qualités, de leur demande de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la SCI à payer au FCT une somme d'un montant de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 14 mars 2016 devant la cour, la SCI, la SELARL FHB administrateur judiciaire et la SELARL C.[D], mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le FCT irrecevable en sa tierce-opposition à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 28 mai 2015 ayant modifié le plan de redressement de la SCI,

- à titre subsidiaire

- débouter le FCT de sa demande de rétractation du jugement du tribunal de grande instance du 28 mai 2015 ayant modífié le plan de redressement de la SCI,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2015 par le tribunal de grande instance ayant modifié le plan de redressement de la SCI,

en tout état de cause,

- condamner le FCT à payer à chacune des intimées, une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner le FCT à payer à chacune des intimées, une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le FCT aux entiers dépens de la présente instance dont distraction est requise au profit de maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par un avis du 5 janvier 2016, transmis aux parties via le RPVA le ministère public a conclu à la confirmation du jugement en faisant valoir d'une part que n'étant pas créancier mais futur créancier dès lors que sa créance n'est pas encore admise au passif de la SCI, le FCT pourrait être recevable en sa tierce opposition, mais qu'il ne l'est pas en l'espèce, faute d'intérêt à agir au sens de l'article 583 du code de procédure civile, puisque l'immeuble [Adresse 9], actif principal de la SCI, est estimé à ce jour à 33 millions d'euros et qu'une expertise l'évalue à 60 millions d'euros en 2017 et que ce n'est donc pas de l'intérêt du FCT de s'y opposer.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur la demande relative aux pièces n° 4,5,22,25, 27 et 27-2 produite par la SCI :

Considérant que le rejet de ces pièces est demandé au motif qu'elles sont rédigées en anglais ; que cette demande a déjà été formée devant les premiers juges qui les ont écartées ; que cette demande est renouvelée en appel pour les mêmes motifs ; que la SCI ne forme pas plus d'observations qu'en première instance ; que c'est à bon droit que le tribunal de grande instance a écarté ces pièces, rédigées en anglais sans être accompagnées d'une traduction en langue française ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition du FCT :

Sur l'ouverture de la voie de recours au FCT :

Considérant que le FCT conteste en premier lieu le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré irrecevable en sa tierce opposition au jugement du 28 mai 2015 ;

Considérant que le FCT soutient qu'il peut former tierce opposition au jugement du 28 mai 2015 sur le fondement de l'article L. 661-3 du code de commerce, l'article 583 du code de procédure civile ouvrant la tierce opposition aux personnes qui y ont un intérêt dans la mesure où elles n'ont été ni parties ni représentées au jugement attaqué ; que le FCT a déclaré une créance d'environ 43 millions d'euros ; qu'il dispose donc de moyens propres pour faire opposition, l'admission de sa créance n'étant pas une condition posée à la recevabilité de la tierce opposition ; que sa demande de nullité ou de résolution de la cession de créance lui ayant été consentie a été rejetée par un arrêt ayant force de chose jugée, malgré le pourvoi qui le frappe ; qu'un créancier a un droit propre à contester les dispositions du plan qui lui préjudicie à lui seul, les autres créanciers voyant leurs créances payées immédiatement, quand lui-même doit attendre 3 années supplémentaires le remboursement de sa créance en espérant que l'immeuble reprenne une hypothétique valeur ; qu'il n'avait accepté le plan de redressement que parce que ses modalités prévoyaient le remboursement des créances du prêt de refinancement dans les 3 ans, ce qui ne lui interdit pas de s'opposer à un report de ce remboursement au bout de 3 années supplémentaires ;

Considérant que la SCI réplique que le FCT n'a jamais contesté l'irrégularité des bordereaux de cession et qu'il ne pouvait donc prétendre être titulaire des créances cédées ; qu'il a d'ailleurs formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui démontre qu'il ne se prétend pas créancier ; que sa tierce opposition n'a pour but que de parvenir à la liquidation judiciaire des sociétés Findi, Fire et de la SCI, ce qui constitue une fraude à la loi ; qu'en se prévalant désormais de sa qualité de créancier de la SCI le FCT se contredit au détriment d'autrui puisqu'il reconnaît lui-même que les bordereaux de cession de créance étaient irréguliers ; qu'il n'a d'ailleurs entrepris aucune démarche pour faire statuer sur les créances déclarées, continuant de solliciter le sursis à statuer dans les procédures de vérification du passif et non l'admission de ses créances ; qu'en tout état de cause il n'a ni intérêt à agir, ni moyens propres à faire valoir : qu'il a été représenté au jugement du 28 mai 2015 et ne détient aucune créance admise à l'encontre de la SCI ; qu'en outre il a accepté de n'être désintéressé que dans le seul cadre de la procédure collective ouverte contre la société Findi et qu'il ne peut donc prétendre à un désintéressement dans le cadre de la procédure ouverte contre la SCI ; qu'il n'a pas de moyen propre, distinct de celui des autres créanciers à faire valoir ; qu'aucune fraude à ses droits n'a été commise et qu'il a pu faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure de prolongation du plan devant le tribunal de grande instance ; qu'enfin la prorogation du plan est justifiée par l'évolution de la conjoncture immobilière ;

Considérant que les créanciers d'un débiteur en redressement judiciaire, intéressés à la procédure collective du débiteur, ne sont pas partie à cette procédure ; qu'ils ne disposent donc pas d'un droit d'appel contre la décision arrêtant le plan ; que l'article L. 661-3 du code de commerce leur ouvre cependant la voie de la tierce-opposition dès lors qu'ils disposent d'un moyen propre et d'un préjudice personnel distinct d'une atteinte à l'intérêt collectif des créanciers ;

Considérant qu'en l'espèce la créance du FCT n'a pas été admise au passif de la procédure ; que cette créance a néanmoins été déclarée et que le juge commissaire a été saisi d'une contestation  et a sursis à statuer ;

Considérant que le plan doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, y compris des créances contestées ; que quoique sa créance n'ait pas encore fait l'objet d'une décision d'admission, le FCT est considéré par la procédure comme un créancier puisque le plan a été arrêté en considération de sa créance et après qu'il a été consulté ; qu'il ne peut donc pas être privé du droit d'exercer un recours ouvert aux créanciers ; que, de même, le fait que sa créance ne soit pas nécessairement payée en définitive dans le cadre de cette procédure collective, mais dans le cadre de la procédure ouverte au bénéfice de la société Findi ne le prive pas davantage du droit d'exercer, si il en remplit les conditions, un recours contre une décision qui lui sera opposable si sa créance est admise ;

Sur l'irrecevabilité tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui :

Considérant que le FCT a déclaré une créance de 41 598 999,69 euros sur la SCI au titre du prêt de refinancement consenti par la société Findi à la SCI ; que cette créance lui a été cédée par la Citibank ; que le FCT a poursuivi l'annulation et la résolution de cette cession de créances ; que l'arrêt rendu le 5 novembre 2015 par la cour d'appel de Paris a rejeté ses demandes ; que cet arrêt a force de chose jugée, nonobstant le pourvoi qui le frappe ; qu'il a déclaré réguliers les deux bordereaux de cession signés le 12 juillet 2006 valant actes de cession de créances professionnelles et a rejeté la demande de résolution de la cession ; qu'en soutenant être créancier de la SCI le FCT ne se contredit pas au détriment de celle-ci mais prend seulement acte de la décision de la cour d'appel de Paris qui le déclare titulaire des créances ainsi cédées, y compris des créances de garanties au titre du prêt Citi ;

Sur l'irrecevabilité de la tierce opposition tirée de l'absence d'intérêt à agir, de moyens propres et de l'existence d'une fraude :

Considérant que la SCI soutient que le FCT ne fait pas valoir de moyen différent de celui des autres créanciers ayant déclaré cette même créance puisque le délai supplémentaire de 3 ans lui est imposé comme aux trois autres déclarant au titre du même prêt de refinancement, soit la société Fire, la société Findi et la Citibank ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris ne préjuge en rien d'une admission de sa créance au passif de la SCI ; qu'en effet outre le fait que cet arrêt n'est pas définitif, l'objet de la procédure à laquelle il a abouti porte seulement sur la titularité au titre du prêt Citi et donc sur la seule détermination du créancier de la société Findi ; que cette procédure n'a aucune incidence sur les créances déclarées par le FCT et la Citibank au passif de la société Fire et de la SCI ; que le seul créancier au titre du prêt de refinancement reste la société Fire, les créances déclarées par les autres sociétés l'ayant été au titre d'un droit de nantissement ; que la créance déclarée par la société Findi pour la même cause a été admise sans que le FCT ne forme de réclamation contre cette admission ; que les moyens propres dont disposerait le FCT doivent être appréciés au regard de la seule procédure collective de la SCI et non de celle ouverte à l'égard de la société Findi ; qu'il n'a pas d'intérêt à faire valoir dans la mesure où il a accepté que son désintéressement intervienne dans le cadre de la seule procédure collective ouverte à l'égard de la société Findi, comme le prévoit le plan de redressement de la SCI, qu'en effet c'est par l'effet du remboursement par la SCI du prêt de refinancement que la société Findi pourra rembourser le solde du prêt Citi ; que le plan de sauvegarde de la société Findi a aussi été modifié et prévoit un amortissement du prêt 'Citi' sur 6 ans ; que le délai de 6 ans prévu dans le cadre du redressement de la SCI n'est que le reflet de cette prolongation ; que la créance du FCT n'ayant pas encore été admise au passif de la SCI, la rétractation du jugement n'entraînera aucun paiement puisque si une créance était admise au profit du FCT elle ne le serait qu'au terme d'un long processus judiciaire ;

Considérant que le FCT soutient qu'il a intérêt à agir en sa qualité de créancier déclarant, qu'il invoque un moyen qui lui est propre puisque les modifications du plan ne préjudicient qu'à lui-même, sa créance n'étant payée qu'au bout de 6 ans quand les autres créanciers voient leurs créances payées immédiatement ; qu'il fait valoir qu'il n'a consenti à renoncer aux créances de frais, accessoires et intérêts de retard qu'en considération du bref délai qui lui était proposé pour le recouvrement de sa créance ; qu'il a intérêt à ce que l'immeuble ne perde pas de sa valeur comme il l'a déjà fait en 3 ans, la valorisation de l'immeuble étant passé de 72 M d'euros dans le rapport de l'administrateur judiciaire de 2012 à 33 M d'euros en 2015, aux termes du rapport d'expertise de [I] et [B] ; que le taux d'occupation des locaux a diminué ; que le plan n'est pas viable ; qu'enfin le jugement a été rendu en fraude de ses droits, la mise en sauvegarde et le plan de redressement n'ayant eu pour objet que de protéger les seuls intérêts de l'investisseur d'une vente forcée de l'immeuble le privant de la plus value escomptée ;

Considérant qu'il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre ou établit une fraude ;

Considérant que le FCT fait valoir un moyen tiré de ce que des délais lui ont été imposés dans le cadre de la modification du plan, alors qu'il les a contestés et qu'il n'est pas traité comme les autres créanciers ; que ce moyen, qui lui est propre, ouvre son droit à former tierce opposition contre le jugement modifiant le plan ; qu'il a au surplus intérêt à contester cette modification en raison de l'impossibilité de vendre l'immeuble sur lequel il détient des sûretés pendant la durée du plan ; que sa tierce opposition est donc recevable ;

Sur le mérite de la tierce-opposition :

Considérant que le FCT soutient que le tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir en lui imposant de nouveaux délais sans son accord ; qu'en l'absence de comités de créanciers les dispositions de l'article L. 626-30 ne sont pas applicables ; qu'au surplus cette modification du plan porte atteinte au principe d'égalité des créanciers ; qu'enfin ce plan n'est pas viable, que les travaux envisagés ne sont pas justifiés, aucun devis n'étant versé aux débats ; que la stratégie du gestionnaire qui prétend remplir à nouveau l'immeuble en 3 ans alors qu'il n'a augmenté que de 4 % le taux d'occupation en 11 mois, n'offre aucune garantie ;

Considérant que la SCI réplique que la loi n'interdit pas au tribunal dans le cadre d'une modification du plan d'imposer des délais aux créanciers récalcitrants ; que la consultation du professeur [Y] est particulièrement éclairante sur cette question ; que l'article L. 626-30-2 du code de commerce permet un traitement différencié des créanciers si les différences de situations le justifient ;

Considérant que le plan de redressement de la SCI a été élaboré en considération des créances existantes au titre du prêt de refinancement, des créances intergroupes et des créances de tiers, en l'espèce le service des impôts des entreprises, le cabinet Ernst and Young, la société Norton rose et les créances au titre de la restitution des dépôts de garantie et de régularisation des loyers déclarées par les locataires ;

Considérant que le jugement du 28 mai 2015 modifiant le plan est ainsi rédigé :

'- la durée du plan est prolongée de 3 années, soit jusqu'au 5 juin 2018,

- la SCI le Sevine doit rembourser toutes les créances admises au jour du présent jugement (soit les créances autres que la créance au titre du prêt de refinancement et des créances intragroupe),

- le règlement de 100% de la créance au titre du prêt de refinancement est reportée à N+6,';

Considérant que les dispositions de l'article L. 626-30-2 du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce, qu'aucun comité de créanciers n'a été constitué ;

Considérant que lors de l'arrêté du plan, le tribunal donne acte aux créanciers ayant accepté les propositions qui leur ont été transmises, des délais et remises acceptés ; que pour les autres créanciers le tribunal impose des délais uniformes de paiement ; qu'en application de l'article L. 626-18 du code de commerce, le tribunal ne peut donc imposer à un créancier des délais plus longs que ceux imposés aux autres créanciers ; que la modification du plan répond aux mêmes règles ;

Considérant qu'en l'espèce, dans le cadre du premier plan, le FCT avait donné son accord aux délais fixés pour le remboursement de sa créance, alors qu'il conteste le nouveau délai qui lui est imposé ; qu'il ne saurait lui être imposé de délai plus long lors de la modification du plan, pas plus qu'il ne saurait lui être imposé de maintenir les concessions faites lors du plan initial dans le cadre d'une modification de ce plan ; que le refus de consentir de nouveaux délais ne caractérise pas de fraude à la loi ;

Considérant en outre que ces délais n'ont pas été imposés à tous les créanciers ; que le plan prévoit en effet que les créanciers autres que les créanciers au titre du prêt de refinancement et les titulaires des créances intragroupe doivent être remboursés au jour du jugement de modification, seul le règlement de la créance due au titre du prêt de refinancement étant reporté au 5 juin 2018 ;

Considérant qu'en imposant de nouveaux délais à certains des créanciers seulement, le tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir qui rend bien fondée la tierce-opposition sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'opportunité d'attendre trois années supplémentaires la réalisation de travaux d'amélioration permettant d'atteindre un meilleur taux d'occupation de l'immeuble, passé de 72 % lors de la présentation du plan initial en 2011 à 55% en 2015 et une valeur suffisante pour rembourser la dette financière ;

Considérant qu'il sera donc fait droit à la tierce-opposition et que le jugement du 28 mai 2015 sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la modification du plan de redressement de la SCI le Sevine en ce qui concerne la créance du FCT ;

Considérant que la demande de dommages-intérêts formée par la SCI et maître [D], ès qualités, sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement en ce qu'il a écarté les pièces n° 4,5,22,25, 27 et 27-2 produites par la SCI: Le Sevine, et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SCI Le Sevine et Maître [D] en qualité de mandataire judiciaire de la SCI Le Sevine,

L'infirme pour le surplus,

et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare recevable la tierce-opposition formée par le FCT Europrop (EMC) Compartment 'Signac Compartment' à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI Le Sevine,

Rétracte le jugement du 28 mai 2015 qui a fait droit à la demande de modification du plan de redressement de la SCI Le Sevine, et rejette la requête en modification du plan en ce qui concerne la créance du FCT,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Le Sevine, en redressement judiciaire aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Madame Karine MOONEESAWMY, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08748
Date de la décision : 26/05/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°15/08748 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-26;15.08748 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award