COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 14 AVRIL 2016 prorogé au 26 mai 2016
R.G. N° 13/05187
AFFAIRE :
SASU ND LOGISTICS
C/
[W]-[Q] [Z]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE
Section : Commerce
N° RG : 13/00085
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL CAPSTAN LMS
la SELARL O.B.P. Avocats
Copies certifiées conformes délivrées à :
SASU ND LOGISTICS
[W]-[Q] [Z]
le : 27 mai 2016
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SASU ND LOGISTICS
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 substituée par Me Stéphanie ROBIN-BENARDAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020
APPELANTE
****************
Monsieur [W]-[Q] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136 substitué par Me Julien - Alexandre DUBOIS
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique DUPERRIER, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Mariella LUXARDO, Conseiller,
Madame Céline MARILLY, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
M. [Z] a été engagé par la société Tailleur Industrie à compter du 1er juin 1998 en qualité de manutentionnaire polyvalent.
Il est devenu préparateur polyvalent depuis le 1er janvier 1999, puis cariste à compter de 2006.
Le contrat de travail a fait l'objet de plusieurs transferts par suite du rachat de la société d'origine, la société ND Logistics ayant repris le contrat courant 2009.
La convention applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Le salaire de référence, calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, est de 2.177,37 euros brut.
Le 20 novembre 2012, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable, tenu le 30 novembre 2012, avec dispense d'activité professionnelle jusqu'à l'issue de la procédure disciplinaire.
Le 17 décembre 2012, il a été licencié pour faute grave.
Par requête reçue le 6 février 2013, M. [Z] a saisi le conseil des prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins de contester son licenciement.
Par jugement rendu le 27 novembre 2013, le conseil des prud'hommes a :
- dit que le licenciement de M. [Z] est nul,
- condamné la SAS Norbert Dentressangle à lui verser les sommes de :
* 7.620,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4.354,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 435,47 euros à titre de congés payés y afférents,
* 26.128,44 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,
* 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les sommes seront assorties des intérêts capitalisés,
- débouté M. [Z] du surplus de ses demandes.
La SAS ND Logistics a interjeté appel du jugement.
Par conclusions écrites et soutenues oralement, la société ND Logistics demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement du 27 novembre 2013,
statuant à nouveau, de
- dire que le licenciement de M. [Z] repose sur une faute grave,
en conséquence :
- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- le condamner à verser à la société la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire :
- apprécier le préjudice de M. [Z] dans de bien plus juste proportions, en le limitant en particulier à la somme de six mois de salaire, soit 13.064,22 euros.
Par conclusions écrites et soutenues oralement, M. [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS ND Logistics à payer :
* 7.620,79 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 4.354,74 euros au titre du préavis outre 435,47 à titre de congés payés y afférents
* 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- l'infirmer pour le surplus,
en conséquence,
- condamner la SAS ND Logistics au paiement des sommes suivantes :
* 2.177,37 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 40.000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse,
* 3.000,00 euros au titre des frais d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la requalification du contrat à durée déterminée
M. [Z] sollicite le paiement d'une indemnité de requalification au titre de son contrat à durée déterminée du 1er juin 1998 au motif que l'employeur n'établit pas la réalité d'un surcroît temporaire d'activité, et que son contrat lui aurait été consenti pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société.
La société ND Logistics soutient en réplique que la société Tailleur Industrie a dû faire face à une multiplication des commandes, nécessitant le recrutement temporaire d'un salarié, dont le contrat a été maintenu en raison de la persistance de cette activité.
S'il ressort de l'article L.1242-1 du code du travail, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, l'article L.1242-2 autorise le recours à ce type de contrat pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire notamment en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
En l'espèce, le contrat à durée déterminée consenti par la société Tailleur Industrie à M. [Z] le 28 mai 1998, pour une période de 4 mois, renouvelé pour 3 mois jusqu'au 31 décembre 1998, au titre d'un emploi de manutentionnaire polyvalent, vise expressément le motif de surcroît d'activité.
M. [Z] qui conteste la réalité de ce motif près de 15 ans après la conclusion du contrat, doit apporter des éléments de preuve permettant de mettre en cause la véracité de ce surcroît d'activité.
Or, aucun élément de preuve n'est versé aux débats ni aucune contestation n'a été élevée sur cette question.
Par suite, le conseil des prud'hommes de Cergy-Pontoise a exactement considéré que M. [Z] qui doit établir la réalité de ses allégations, devait être débouté de sa demande de requalification.
Le jugement du 27 novembre 2013 sera donc confirmé à ce titre.
Sur la nullité du licenciement
A l'appui de son appel, la société ND Logistics fait valoir que la faute grave de M. [Z], à l'origine de son licenciement, se trouve établie en raison de l'agression physique et verbale de M. [J] qu'il a délibérément frappé au niveau des lombaires alors qu'il savait qu'il portait une prothèse, et des injures et menaces proférées à l'encontre de M. [K]. La société ajoute que ces faits commis le même jour, ont fait suite à des violations répétées des règles de l'entreprise de M. [Z]. Elle considère par suite que la faute grave autorise la rupture immédiate du contrat même en cas de suspension de ce contrat pour défaut de visite de reprise à la suite d'un accident du travail, relevant que depuis le 19 décembre 2005, M. [Z] avait fait l'objet de 8 visites par la médecine du travail et qu'il a été déclaré apte à chaque fois.
M. [Z] conteste formellement les faits du 19 novembre 2012. Il estime que son contrat était toujours suspendu au moment du licenciement dès lors qu'il n'avait pas subi de visite de reprise à son retour d'arrêt de travail, le 20 décembre 2005, cet arrêt étant consécutif à un accident du travail survenu le 6 août 2003, ce qui justifie le prononcé de la nullité de la rupture du contrat.
La lettre de licenciement du 17 décembre 2012, est fondée sur les motifs suivants :
- le 19 novembre 2012, violences volontaires en frappant l'un de vos collègues d'un coup de pied dans le dos, qui font suite à une violente altercation avec un autre collègue au cours de laquelle vous avez proféré des propos injurieux, outranciers, le menaçant avec un morceau de bois, lui ayant violemment arraché un téléphone des mains lorsqu'il tentait de prévenir son supérieur hiérarchique de votre présence dans une zone de sécurité qui vous était interdite.
Les faits ont été contestés par lettre du 3 janvier 2013 de M. [Z].
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui produit une déclaration de main courante de M. [J] enregistrée au commissariat de [Localité 2] le 20 novembre 2012 à 14h10, les documents relatifs à une déclaration d'accident du travail de M. [J] du 19 novembre 2012, le registre des déclarations d'accidents du travail bénins tenu par la société sur l'année 2012, et deux attestations rédigées par M. [K].
Si les attestations signées par M. [K] doivent être écartées des débats car la pièce d'identité de M. [K] n'est pas communiquée, ce qui ne permet pas de s'assurer de l'identité de leur auteur, les autres pièces produites par la société étblissent que M. [Z] a porté un coup de pied à M. [J] le 19 novembre 2012 à 8h15, parce que ce dernier était intervenu pour séparer deux collègues de travail.
La déclaration de main courante comme le rapport d'enquête sur l'accident du travail, ainsi que le le registre des déclarations d'accidents du travail, visent directement M. [Z], en rapportant des éléments circonstanciés sur l'agression, qui s'est accompagnée d'insultes. M. [J] qui s'est présenté aux urgences du centre hospitalier de [Localité 3] le 20 novembre 2012, a bénéficié d'un arrêt de travail de 5 jours en raison d'un traumatisme au coccyx, ce qui atteste de la violence du coup de pied, alors que M. [J] a déclaré au commissariat qu'il portait une prothèse au niveau des lombaires.
L'attestation de M. [E] produite par M. [Z] ne porte pas sur les faits survenus le 20 novembre 2012 qui apparaissent établis dans leur réalité.
L'attestation de M. [A], qui a assisté M. [Z] lors de l'entretien préalable, n'a pour objet que de constater que celui-ci a contesté les faits.
Compte tenu de l'existence de plusieurs documents concordants imputant des faits de violences à M. [Z], la preuve des griefs visés par la lettre de licenciement est rapportée.
Les violences commises sur le lieu du travail sont constitutives d'une faute grave, privative de préavis et d'indemnité de licenciement, dans le cadre d'une rupture du contrat.
Indépendamment du débat portant sur la suspension du contrat de travail du fait de l'absence de visite de reprise depuis le 20 décembre 2005, il sera rappelé que la suspension du contrat n'interdit pas l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur qui peut licencier le salarié en cas de faute grave.
Par suite, le licenciement du 17 décembre 2012 est régulier.
Le jugement qui a fait droit aux demandes de M. [Z] après avoir prononcé la nullité de ce licenciement, sera donc infirmé à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la situation économique respective des parties, la demande présentée par la société ND Logistics sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du 27 novembre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'une indemnité de requalification présentée par M. [Z],
L'infirme en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement du 17 décembre 2012 et fait droit aux demandes indemnitaires de M. [Z] présentées à ce titre,
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Dit que le licenciement du 17 décembre 2012 est fondé sur la faute grave de M. [Z],
Rejette l'intégralité des demandes de M. [Z],
Rejette la demande présentée par la société ND Logistics sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [Z].
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique DUPERRIER, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,