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12/05/2016 | FRANCE | N°14/03448

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 12 mai 2016, 14/03448


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre







ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 MAI 2016



R.G. N° 14/03448



AFFAIRE :



[B] [L]





C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 13-01704/N





Copies exécutoires délivrées à :>


Me Olinda PINTO

la SELEURL LEGAL AVOCATS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[B] [L]



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE







le : 13 mai 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DOUZE MAI DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 MAI 2016

R.G. N° 14/03448

AFFAIRE :

[B] [L]

C/

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 13-01704/N

Copies exécutoires délivrées à :

Me Olinda PINTO

la SELEURL LEGAL AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[B] [L]

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

le : 13 mai 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Olinda PINTO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0168

APPELANTE

****************

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Caroline LEGAL de la SELEURL LEGAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1750

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Madame Mariella LUXARDO, Conseiller,

Madame Céline MARILLY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,

Le 24 mai 2006, Mme [L] née le [Date naissance 1] 1953, s'est vue reconnaître par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) des Hauts-de-Seine une allocation adulte handicapé pour une durée de trois ans en raison d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80%, ce à compter du 13 juillet 2005.

Par décision du 26 juin 2008, cette allocation a été renouvelée pour une durée de cinq ans à compter du 13 juillet 2008.

L'allocation mensuelle versée par la CAF des Hauts-de-Seine s'élevait en dernier lieu à 696,63 euros.

Informée par la CPAM d'une difficulté susceptible de concerner la condition de résidence en France, la CAF a fait procéder à une enquête administrative courant 2011 sur la situation de Mme [L].

Au vu d'un rapport d'enquête du 16 août 2011, la CAF a suspendu l'allocation à compter du 1er août 2011.

Le 26 janvier 2012, elle a informé Mme [L] de la suspension de ses droits par une attestation de non-paiement.

Le 31 janvier 2012, Mme [L] a saisi la commission de recours amiable pour contester cette suspension, contestation rejetée par décision du 11 avril 2013.

Malgré le renouvellement de ses droits par décision du 26 juillet 2013 de la CDAPH, l'allocation n'a pas été rétablie, ce qui a motivé une nouvelle saisine de la commission de recours amiable

le 30 septembre 2013, restée sans réponse.

Par deux requêtes des 30 août 2013 et 10 décembre 2013, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre pour contester la suspension initiale de ses droits et le maintien de cette suspension après la décision de la CDAPH du 26 juillet 2013.

Le tribunal a rejeté l'intégralité de ses demandes par jugement du 20 mai 2014 dont appel.

Par conclusions écrites et soutenues oralement, Mme [L] demande à la cour de :

- réformer le jugement du 20 mai 2014,

- ordonner à la caisse d'allocations familiales de procéder au versement de l'allocation aux adultes handicapés du 1er septembre 2011 au 1er juillet 2014,

- condamner la caisse à lui verser la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du code civil,

- la condamner au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement, la CAF des Hauts-de-Seine demande à la cour de confirmer le jugement du 20 mai 2014.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

A l'appui de son appel, Mme [L] fait valoir que la suspension de l'AAH est illégale dès lors qu'aucune décision ne lui a été notifiée, ayant été seulement destinataire d'une attestation de non-paiement le 26 janvier 2012, sans mentions des délais et voies de recours. Mme [L] estime que la caisse a manqué à son obligation d'information en ne lui indiquant pas qu'elle était soumise à une condition de résidence en France, qui en tous cas, ne peut lui être opposée du fait de sa qualité de ressortissante de l'Union européenne, étant de nationalité portugaise.

Elle considère que le tribunal n'a pas tenu compte des pièces qu'elle produisait, établissant la réalité de sa résidence en France, qu'il a statué ultra petita en faisant remonter à 2006 son appréciation de la condition, et a fait preuve de partialité et de déni de justice.

Elle soutient qu'elle résidait chez sa soeur Mme [J] lorsqu'elle la remplaçait comme gardienne de l'immeuble situé [Adresse 3], jusqu'à une dispute, ce qui l'a conduit à résider chez une amie Mme [D] à compter de décembre 2010, au [Adresse 1].

En réplique, la CAF soutient que la suspension de l'AAH était justifiée en raison du refus de l'allocataire de fournir les justificatifs réclamés sur sa résidence lors des enquêtes de contrôle. Elle rappelle que la condition de résidence en France s'ajoute à la qualité de ressortissante de l'Union européenne, et estime que Mme [L] n'a pas pu résider chez sa soeur dans un logement de 22 m² occupé par cinq personnes, qu'elle n'a pas su donner l'adresse de Mme [D] au contrôleur et que ses relevés bancaires ne comportent aucune dépense de la vie courante en France.

En droit, il convient de rappeler que les dispositions des articles L. 821-1 et R. 821-1 du code de de la sécurié sociale soumettent le bénéfice de l'allocation adulte handicapé à une condition de résidence en France. La loi admet que le bénéficiaire puisse accomplir un ou plusieurs séjours à l'étranger dont la durée n'excède pas trois mois au cours de l'année civile.

Un dispositif de contrôle est organisé par l'article L. 583-3 sur les conditions d'ouverture et de maintien des droits, l'allocataire pouvant se voir suspendre le versement de l'allocation s'il refuse de se soumettre aux vérifications nécessaires.

En l'espèce, la CAF a suspendu le 1er août 2011 le versement de l'allocation adulte handicapé servie à Mme [L] en application de la décision du 26 juin 2008 de la CDAPH des Hauts-de-Seine, à la suite d'un rapport de contrôle du 16 août 2011 versé aux débats.

Cette suspension ne peut pas être considérée comme illégale dès lors que les procédures de contrôle sont prévues par les dispositions légales qui organisent le rétablissement du versement de l'allocation si le bénéficiaire produit les documents demandés par le service de contrôle.

A défaut, la décision de la CAF peut être contestée devant la commission de recours amiable et le cas échéant devant la juridiction de sécurié sociale.

La cour relève qu'il s'est écoulé un délai relativement long entre la suspension du 1er août 2011 et la première lettre d'information du 26 janvier 2012 de la CAF.

Mais il ressort du rapport de l'agent de contrôle assermenté, que des pièces justificatives sur le domicile de Mme [L] lui avait été réclamées, et face à son refus de les communiquer, le rapport a conclu à la suspension de l'allocation.

Mme [L] avait la possibilité de commmuniquer ces documents dès la constatation de la suspension en août 2011, voire de contester cette décision, sans attendre l'information reçue le 26 janvier 2012.

Le défaut de mention des délais et voies de recours sur cette lettre d'information, a pour effet de ne pas faire courir le délai de forclusion de la contestation, sans entâcher la décision de suspension, d'une illégalité.

S'agissant de l'opposabilité à Mme [L] de la condition de résidence en France, il convient de relever que cette condition prévue par l'articles L. 821-1 du code de la sécurié sociale s'impose aux ressortissants de l'Union européenne. Mme [L] ne peut pas invoquer un manquement à l'obligation d'information de la caisse, dès lors que cette condition résulte d'une disposition légale impérative, applicable à tous les allocataires.

En outre, les griefs concernant l'office du juge de première instance ne sont pas fondés dès lors qu'il ressort de la décision du 20 mai 2014 que le tribunal des affaires de sécurité sociale a statué sur les demandes des parties, après avoir procédé à l'examen des pièces régulièrement communiquées entre elles, ce qui l'a conduit à apprécier les éléments de preuve concernant la résidence de Mme [L], le fait d'avoir rejeté ses prétentions ne pouvant être interprété comme un déni de justice ni comme une preuve de partialité, et encore moins comme une décision dépassant les termes de la contestation.

S'agissant du bien-fondé de la contestation, le litige porte sur l'effectivité de la condition de résidence en France. L'article L. 821-1 du code de de la sécurié sociale autorise un ou plusieurs séjours à l'étranger dont la durée n'excède pas trois mois au cours de l'année civile.

La CAF produit son rapport de contrôle du 16 août 2011 et les rapports de la CPAM des Hauts-de-Seine en date des 20 décembre 2010 et 3 février 2011, communiqués à la CAF, à l'origine du contrôle portant sur le versement de l'AAH.

Il ressort des ces rapports que la preuve de la résidence en France de Mme [L] n'a pas été retenue au vu des constatations des contrôleurs : Mme [L] a effectué des remplacements ponctuels de sa soeur, Mme [J], en qualité de gardienne d'immeuble à [Localité 4]. Elle ne peut pas résider chez elle en dehors de ces périodes de remplacement, compte tenu de l'exigüité du logement, ces remplacements ayant duré quelques jours sur l'année 2010. Mme [L] déclare être hébérgée par une amie Mme [D], depuis décembre 2010, à [Localité 3]. Ses comptes bancaires ne comportent pas de mouvements de retraits de fonds en France.

Il appartient à Mme [L] de justifier de l'effectivité de la condition de résidence en France, condition appréciée sur l'année précédant la suspension du 1er août 2011.

Force est de constater que cette preuve n'est pas rapportée.

Mme [L] produit son relevé de carrière de la CNAV, dont il ressort que deux trimestres ont été validés en 2010, sans plus de précision, ce qui est insuffisant pour préciser des dates de présence en France sur cette année.

Le titre de séjour régulier ne donne pas plus de précision à cet égard, ni la déclaration fiscale établie le 8 juillet 2011, les quittances de loyer de Mme [D] ou l'attestation d'hébergement rédigée par celle-ci.

Mme [L] invoque des remboursements d'assurance maladie mais le rapport de la CPAM du 20 décembre 2010 met en cause la condition de résidence effective.

Au surplus, les remboursements ponctuels de médicaments ne peuvent démontrer la réalité de la résidence en France sur une durée de 9 mois au minimum sur l'année civile.

Aucun élément ne permet de remettre en cause le bien-fondé de la suspension de l'allocation à compter du 1er août 2011.

Toutefois, Mme [L] a obtenu une décision de renouvellement de ses droits le 26 juillet 2013 pour une durée de cinq ans, par la CDAPH qui indique expressément que le versement de l'allocation est soumis à la vérification par la CAF du respect des autres conditions légales, dont la condition de résidence en France.

Il convient de relever que la caisse n'a procédé à aucune enquête sur la situation de Mme [L] après cette décision.

Celle-ci produit ses relevés de compte bancaires qui révèlent des retraits mensuels opérés à [Localité 5] ou à [Localité 4] depuis mars 2013 et sur l'année 2014, ce qui démontre l'utilisation des ressources en France pour subvenir à ses besoins.

En outre, la CPAM a rétabli Mme [L] dans ses droits, laquelle effectue au moins une fois par mois, des achats de médicaments et des actes médicaux.

Malgré la saisine le 30 septembre 2013 de la commission de recours amiable, qui n'a pas statué sur la contestation, la CAF n'a pas procédé à un nouvel examen de la situation de Mme [L].

Compte tenu de ces éléments, il convient de décider que la CAF devait reprendre le versement de l'allocation adulte handicapée à compter du 26 juillet 2013.

Il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts pour le non rétablissemnt de l'allocation alors que sa suspension à compter du 1er août 2011 était fondée.

La demande de dommages et intérêts présentée par Mme [L] en appel, sera donc rejetée.

Le jugement du 20 mai 2014 sera donc réformé dans ce sens.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 20 mai 2014 en ce qu'il a rejeté la contestation de Mme [L] portant sur la décision de suspension de l'allocation adulte handicapé à compter du 1er août 2011,

Le réforme sur le surplus,

Statuant à nouveau,

Constate que la CAF n'a pas procédé à un nouvel examen de la condition de résidence effective de Mme [L] après la décision du 26 juillet 2013 de la CDAPH des Hauts-de-Seine,

Dit que Mme [L] rapporte la preuve de sa résidence en France depuis mars 2013,

Ordonne à la CAF de rétablir, l'allocation adulte handicapé au profit de Mme [L] à compter du 26 juillet 2013, conformément à la décision du 26 juillet 2013 de la CDAPH des Hauts-de-Seine,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [L],

Rappelle que la procédure est exempte de dépens,

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Dominique DUPERRIER, Président, et par Madame Christine LECLERC, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 14/03448
Date de la décision : 12/05/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°14/03448 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-12;14.03448 ?
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