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03/05/2016 | FRANCE | N°15/019421

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2b, 03 mai 2016, 15/019421


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 30Z
12e chambre section 2
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 03 MAI 2016
R. G. No 15/01942
AFFAIRE :
Antonio X......

C/ Pierrette Y... veuve Z......

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 06 Janvier 2015 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE No Chambre : 1 No Section : No RG : 13/ 03578

LE TROIS MAI DEUX MILLE SEIZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Antonio X... né le 22 Avril 1955 à AGUA BOAS (PORTUGAL) de national

ité Portugaise... 93300 AUBERVILLIERS Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Po...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 30Z
12e chambre section 2
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 03 MAI 2016
R. G. No 15/01942
AFFAIRE :
Antonio X......

C/ Pierrette Y... veuve Z......

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 06 Janvier 2015 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE No Chambre : 1 No Section : No RG : 13/ 03578

LE TROIS MAI DEUX MILLE SEIZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Antonio X... né le 22 Avril 1955 à AGUA BOAS (PORTUGAL) de nationalité Portugaise... 93300 AUBERVILLIERS Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619- No du dossier 20150116- Représentant : Me Fabrice ORLANDI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0066

SARL AB LOCATIONS No SIRET : 439 55 1 8 62... 93300 AUBERVILLIERS Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619- No du dossier 20150116- Représentant : Me Fabrice ORLANDI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0066

APPELANTS ****************

Madame Pierrette Y... veuve Z... née le 19 Août 1924 à SAINT DENIS de nationalité Française... 06400 CANNES Représentant : Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180- No du dossier 215048- Représentant : Me Isabelle CHATIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0659

SCP FRÉDÉRIQUE A... ET PHILIPPE B...... 84800 L'ISLE SUR SORGUE Représentant : Me Michel RONZEAU de la SCP SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 9- No du dossier 1121013 Représentant : Me Jean-Michel DIVISIA, Plaidant, avocat au barreau de NIMES

INTIMEES ****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président, Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller, Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS :
Par acte authentique du 20 février 2009 passé devant Maître A..., notaire de l'étude A... B... (ci-après ‘ SCP A...'), Madame Y... veuve Z... a consenti à la société AB locations - représentée par Monsieur X...- un bail commercial sur un terrain situé ... à Gonesse comprenant un bâtiment couvert à usage de garage, d'entrepôt vestiaire et d'atelier, un hangar métallique attenant, une construction de quatre pièces à usage de bureau et d'annexe, un local d'archives ainsi qu'une station de distribution du carburant comprenant deux cuves de stockage à carburant. Le bail a pris effet au 1er février 2009 pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 42 000 euros HT, et stipulait la faculté pour le locataire d'affecter les lieux à l'usage de traitement et de recyclage de déchets et de dépôt logistique de semi-remorques.
Le 16 mars 2009, le maire de la commune de Gonesse a notifié à la société AB locations l'interdiction d'exercer l'activité de déchetterie sur le terrain classé en zone agricole et lui a enjoint de cesser toute activité et de libérer les lieux. Le 17 avril 2009, la société AB locations a vainement mis en demeure Madame Y... de lui rembourser le dépôt de garantie, les loyers versés et les honoraires du notaire pour la rédaction du bail, en sorte qu'elle a fait assigner Madame Y... et la SCP A... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise avant de les faire assigner devant les juges du fond auxquels elle a demandé que soient prononcées l'annulation du bail et la condamnation de Madame Y... et la SCP A..., in solidum, à lui payer les sommes de 21 000 euros en remboursement du dépôt de garantie, 12 558 euros en remboursement du loyer payé pour le premier trimestre 2009, et 4 186 euros en restitution des honoraires de rédaction du bail.
Sur appel du jugement du tribunal de grande instance de Pontoise du 2 novembre 2009, la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles a, par arrêt définitif du 10 mars 2011, retenu le manquement de la SCP A... à ses obligations d'information et de conseil en relevant ‘ que la destination stipulée pour les terrains étant celle de dépôt logistique de semi-remorque et de déchetterie, le simple fait que le terrain, ayant déjà fait l'objet de travaux de dépollution en 2007, est classé en zone agricole au PLU, aurait du conduire la SCP A... à consulter la réglementation particulière applicable à cette zone, ce qui lui aurait permis de constater que l'activité prévue était strictement interdite pour déduire qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification élémentaire et d'informer les parties de l'impossibilité de conférer au terrain la destination pour laquelle la location été prévue (...) la SCP avait privé l'acte rédigé par ses soins de toute efficacité. La cour a ainsi prononcé au 20 février 2009, la résolution du bail, condamné Madame Y... à payer à la société AB locations les sommes de 21 000 euros et 12 558 euros aux titres du dépôt de garantie et du loyer payé pour les trois premiers mois de location, dit que la société AB locations devait restituer le terrain dans son état au jour de la signature du bail, condamné la société AB locations à payer à Madame Y... la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité d'occupation, condamné la SCP A... à payer à la société AB locations la somme de 4 186 euros au titre des honoraires de rédaction du bail et débouté la société AB locations de sa demande de condamnation solidaire de la SCP A... au paiement des sommes dues à titre de restitution par Madame Y....
Sur assignations que la société AB locations et Monsieur X... ont fait délivrer les 30 juin et 1er juillet 2011 à la SCP A... et à Madame Y..., le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise a ordonné le 30 août 2011 une expertise en vue de déterminer leur préjudice économique lié à la faute du notaire, et après que l'expert a déposé son rapport le 4 janvier 2013, la société AB locations et Monsieur X... ont fait assigner le 15 avril 2013 la SCP A... et Madame Y... devant le tribunal de grande instance de Pontoise en vue de voir condamner l'étude de notaires à les indemniser de leur préjudices économiques, Madame Y... ayant aussi réclamé la réparation de préjudices économiques.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise du 6 janvier 2015 qui a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par la société AB locations et Madame Y... et mal fondées celles de Monsieur X... ;- condamné la société AB locations, Madame Y... et Monsieur X... à verser, chacun, une indemnité de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la SCP A... ;- condamné la société AB locations et Monsieur X... aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 12 mars 2015 par Monsieur X... et la société AB locations ;
Vu les conclusions remises par le RPVA le 5 août 2015 pour la société AB locations et Monsieur X... aux fins de voir sur le fondement des articles 1351 et 1382 du code civil, 122, 480 et 515 du Code de procédure civile,
- déclarer la société AB locations et Monsieur X... recevables en leurs demandes,- infirmer le jugement et en conséquence :- condamner la SCP A... à payer à la société AB locations :

-984 584 euros en réparation de sa perte de chance de dégager un chiffre d'affaires plus performant par suite de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable que constituait précisément le terrain loué, objet de l'acte inefficace,-155 628 euros en réparation de la perte effective accusée par elle des éléments qui valorisaient son fonds de commerce et des charges effectives supportées par elle à raison de l'inefficacité de l'acte instrumenté par l'étude notariale,-752 904 euros en réparation de la perte de valeur de capitalisation de son fonds de commerce par suite de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable que constituait précisément le terrain loué, objet de l'acte inefficace,

- condamner la SCP A... à payer à Monsieur X... :
-76 424 euros en réparation de la perte effective de son compte courant d'associé,-100 470, 95 euros en réparation de la perte de gains actuels et futurs,-57 384, 36 euros en réparation de la dévaluation de ses droits à la retraite,- dire et juger le jugement à intervenir commun à Madame Y...,- condamner la SCP A... à payer à la société AB locations et à Monsieur X..., chacun, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamner la SCP A... aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* * Vu les conclusions remises par le RPVA le 30 septembre 2015 pour Madame Y... veuve Z... aux fins de voir sur le fondement des articles 4, 56, 122, 753 et 954 du code de procédure civile, 1351 et 1147 du code civil,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- dire et juger Madame Montelrecevable en ses demandes de réparation de son préjudice formulées à l'encontre de la SCP A... compte tenu des fautes commises par ce dernier et de la résolution du contrat de bail susmentionné consécutive,- écarter le rapport final de Monsieur l'expert C... comme ne résultant pas d'un travail sérieux et fondé ainsi qu'il convient à la mission d'un expert judiciaire et retenir les termes de son pré-rapport,- condamner la SCP A... B... à réparer l'entier préjudice subi par Madame Y... du fait des fautes qu'elle a commises et de la résolution du contrat de bail consécutive, se décomposant comme suit :

-386 532 euros au titre de la perte de loyers pendant la durée initiale du contrat de bail soit neuf années,-29 086 euros au titre des charges indûment supportées par Madame Y...,-117 663, 60 euros au titre de la perte de valeur vénale des biens immobiliers

-condamner la SCP A... à s'acquitter entre les mains de Madame Y... des intérêts au taux légal sur les sommes précitées à compter de la date de l'introduction de sa demande et assortir cette condamnation de la capitalisation des intérêts,
A titre subsidiaire :
- condamner à tout le moins la SCP A... B... à réparer la perte de chance subie par Madame Y... du fait des fautes commises par l'étude notariale sur les bases évaluées ci-avant,
En tout état de cause :
- débouter la SCP A... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Madame Y...- condamner la SCP A... à verser à Madame Y... la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile-condamner la SCP A... aux entiers dépens de la présente procédure dont distraction au profit de Maître Poulain, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions remises par le RPVA le 30 juillet 2015 pour la SCP A... B... aux fins de voir :
Confirmer le jugement,
- en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société AB locations, de Monsieur X... et de Madame Y...,- condamné les demandeurs à verser à la SCP A... une indemnité sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement, dans le cas où les demandes seraient déclarée recevables :
- les déclarer infondées,- constater qu'aux termes du bail du 20 février 2009 les parties ont prévu la mise en jeu de la clause résolutoire dans le cas où le locataire n'obtiendrait pas les autorisations nécessaires pour exploitation,- constater que les parties sont convenues que le locataire ne serait en droit d'exercer l'activité de traitement et recyclage des déchets qu'après obtention par les services préfectoraux compétents d'une autorisation lui permettant d'exercer cette activité,- constater que le bailleur avait fait du respect de l'obtention de cette autorisation une condition essentielle du bail dont le non-respect par le locataire enracinerait la mise en jeu de la clause résolutoire prévue à l'acte,- constater que la durée du bail était prévue pour 9 années sauf mise en oeuvre des dispositions réglementaires et légales applicables en la matière ou de la clause résolutoire prévue à l'acte,- constater que AB locations a débuté l'exploitation sans avoir obtenu une quelconque autorisation,- dire et juger que le jeu de la clause résolutoire n'a constitué aucun préjudice puisque prévu par les parties,- dire et juger en conséquence que la responsabilité de Maître A... est limitée aux frais de l'acte inutilement dressé,- débouter la société AB locations et Monsieur X... et Madame Y... de toutes leurs demandes fins et conclusions,- condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel.

* *
Vu l'ordonnance de clôture du 15 décembre 2015.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1. Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
Considérant que pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société AB location et Madame Y... irrecevables en leurs demandes, la SCP A... soutient qu'en application du principe de " concentration des moyens " et de la sécurité juridique, du droit d'être jugé dans un délai raisonnable et des droits de la défense que ce principe garantit, ces demandes auraient dû être soumises au tribunal de grande instance de Pontoise et à la cour d'appel de Versailles déjà saisis de la responsabilité de l'étude de notaires et de ses conséquences, et qui sont revêtues de l'autorité de la chose jugée depuis l'arrêt du 10 mars 2011 ;
Mais considérant qu'aux termes de son arrêt du 10 mars 2011, non seulement la cour n'a pas statué dans son dispositif sur les demandes déférées, mais a en outre relevé, que si la responsabilité professionnelle de la SCP A... est recherchée et les manquements à ses obligations retenus, aucune demande en paiement n'est formée à son encontre à titre de dommages et intérêts ; les demandes dirigées contre elle, en l'état, se limitent de la part de AB locations à la restitution du dépôt de garantie et du premier loyer payé en exécution du bail résolu, et de la part de Madame Y... à la garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre de ces chefs ; que la cour a retenu que la restitution des sommes au titre du dépôt de garantie et du premier loyer payé n'est que la conséquence naturelle et nécessaire de la résolution du contrat pour défaut de délivrance du bailleur, imposant la remise des parties en l'état antérieur à l'acte résolu, non la réparation d'un préjudice susceptible de résulter de ce défaut de délivrance et/ou de la résolution du bail ; qu'enfin, la cour a énoncé n'y avoir " lieu de donner acte à AB locations de ce qu'elle se réserve la possibilité de réclamer ultérieurement, en référé, la désignation d'un expert avec pour mission d'établir son entier préjudice commercial tiré de l'absence de délivrance conforme" ;
Et considérant en second lieu, que si l'arrêt du 10 mars 2011 a acquis l'autorité de la chose jugée sur l'indemnisation de la prestation du notaire ainsi que sur les effets attachés à la résolution du bail commercial, la cause et l'objet des conséquences de cette résolution sur lesquelles la société AB location et Madame Y... fondent leurs demandes en réparation poursuivent un résultat économique et social différent, en sorte que par ces motifs, il convient d'infirmer le jugement et de déclarer les demandes recevables.
2. Sur l'indemnisation des préjudices
Considérant que l'appréciation des dommages directs, actuels et certains avec la faute du notaire dont les appelants réclament la réparation ne peut être détachée de la qualité et des relations des parties au contrat, de la matière dont celui-ci a été l'objet ainsi que des causes et des conditions de sa résolution ;
- revendiqués par Madame Y...
Considérant que pour prétendre à l'indemnisation des pertes de loyer et des charges locatives qu'elle a supportées pendant les neuf années du bail dont elle a été privée, ainsi que de la perte de la valeur vénale de ses biens immobiliers, Madame Y... soutient que ces pertes sont en lien direct et certain avec la faute du notaire qui n'a pas vérifié les dispositions du plan local d'urbanisme qui privaient de tout effet le contrat de bail de sorte que la résolution du contrat était irrémédiable ;
Mais considérant que l'activité dont ce bail était l'objet était interdite en raison de l'autorité des règles d'urbanisme pour le classement de l'immeuble en zone agricole à laquelle aucun conseil du notaire n'aurait pu suppléer, en sorte que Madame Y... ne peut revendiquer les revenus dont elle a été privée ou des charges qu'elle a dû supporter sur la durée du bail, ou prétendre à la valorisation de l'immeuble qui serait résultée de l'exécution de ce contrat ;
Et considérant que dès le 17 avril 2009, Madame Y... était informée par la société AB locations de son intention irrévocable de renoncer au bail, que le litige né des manquements de la SCP A... n'a pu avoir pour effet de rendre indisponible son bien et qu'enfin, Madame Y... n'établit pas avoir entrepris de contraindre la société AB locations à enlever les déchets que cette dernière avait entreposés sur son terrain, ni qu'elle a cherché à remettre son bien à la location pour un usage conforme à sa destination, de sorte que par ces motifs, il convient de la débouter de l'ensemble de ses demandes.
- revendiqués par la société AB locations
Considérant que pour réclamer la condamnation de la SCP A... à l'indemniser de la perte de chance de dégager un meilleur chiffre d'affaires, de la perte effective des éléments qui valorisaient son fonds de commerce et des charges qu'elle a supportées, et enfin de la perte de valeur de capitalisation de son fonds de commerce, la société AB locations invoque le projet qu'elle a nourri d'optimiser et de diversifier son activité de tri, d'augmenter ses marges et de réduire ses charges externes dont le bail lui offrait l'opportunité en raison de la superficie du terrain, des équipements qui le garnissaient ainsi que du droit de sous-location que Madame Y... avait consenti ;
Mais considérant qu'en sa qualité de commerçant de l'industrie des déchets et de l'entreposage de matériaux provenant de travaux de construction et de véhicule polluants, la société AB locations ne pouvait ignorer la responsabilité qui lui incombait d'apprécier les risques associés aux conditions légales des autorisations d'urbanisme et environnementales strictes auxquelles était nécessairement subordonnée l'exploitation qu'elle avait projetée dans le contrat de bail passé avec Madame Y... ; que cet aléa a en outre été dûment pris en considération par la société AB locations, alors qu'ainsi que le conclut la SCP A..., l'obtention de l'autorisation administrative stipulée au bail était assortie d'une condition résolutoire ;
Et considérant d'autre part, que la société AB locations ne justifie pas des circonstances dans lesquelles elle a décidé de liquider l'essentiel de ses actifs et a dû cesser toute activité du seul fait de la résolution du bail commercial, il ne peut être déduit la preuve que le manquement retenu au détriment de la SCP A... soit en relation directe avec les dommages invoqués par la société AB locations ;
Que par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de discuter l'évaluation des préjudices offerte par l'expertise judiciaire ou celle résultant de l'expertise comptable dont l'appelant se prévaut, il convient de débouter la société AB locations de l'ensemble de ses demandes.
- revendiqués par Monsieur X...
Considérant que Monsieur X... invoque ses qualités de gérant salarié et d'associé de la société AB locations pour conclure sur le fondement de l'article 1382 du code civil au lien direct entre la faute du notaire dans la rédaction de l'acte et les dommages qui sont résultés pour lui et dont il réclame la réparation à hauteur de 76 424 euros au titre de la perte de son compte courant d'associé, de 100 470, 95 euros au titre des pertes de salaires et de 57 384, 36 euros au titre de la dévaluation de ses droits à la retraite ;
Mais considérant en premier lieu, que si la faute du notaire reconnue par la cour dans son arrêt du 10 mars 2009 a nécessairement entretenu Monsieur X... dans l'erreur sur l'efficacité du bail commercial dont il attendait les fruits et a concouru à précariser son investissement personnel dans son activité, cette faute entre en concours avec celle de Monsieur X... résultant de ses manquements dans l'évaluation du risque retenu ci-dessus au détriment de la société AB locations, et qu'il lui appartient personnellement de répondre en ses qualités d'associés et de gérant ;
Et considérant en second lieu, que l'assiette des pertes de salaires et des droits à la retraite à laquelle Monsieur X... prétend doit être diminuée par la considération retenue ci-dessus au détriment de la société AB locations, et imputable personnellement à Monsieur X... de ce qu'il ne justifie pas des circonstances dans lesquelles il a décidé de liquider l'essentiel de ses actifs et a dû cesser toute activité du seul fait de la résolution du bail commercial ; qu'en outre, la perte de sa créance sur son compte courant d'associé doit être rapportée à la moitié des parts sociales qu'il détenait dans la société AB locations, étant par ailleurs relevé que le montant du compte courant des associés n'a pas ou peu varié depuis 2007 ;
Que sur la base de ces éléments d'appréciation, et sans qu'il soit nécessaire de discuter le rapport d'expertise, la cour est en mesure de fixer à 50 000 euros le montant des dommages et intérêts que la SCP doit être condamnée à verser à Monsieur X... en réparation de la perte de chance.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la SCP A... succombe dans le principe des demandes de Monsieur X..., en sorte qu'il convient d'infirmer le jugement sur les frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en équité, de la condamner, y compris en cause d'appel, à lui verser la somme de 6 000 euros ; que Madame Y... sera en revanche déboutée de ses prétentions à cette fin ;
Considérant qu'en suite de la faute retenue à l'encontre de la SCP A... et des aléas judiciaires qu'elle a entraînés, il convient de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de Monsieur X... et statuant à nouveau,
Déclare la société AB locations et Madame Y... veuve Z... recevables en leur action ;
Les déboute en toutes leurs demandes ;
Condamne la SCP A... B... à verser à Monsieur X... :
-50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance ;
-6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCP A... B... aux dépens de première instance et d'appel ; Autorise Maître Weisenburger à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle a fait l'avance,

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Alain Palau, Président et Monsieur James Boutemy, greffier faisant fonction, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2b
Numéro d'arrêt : 15/019421
Date de la décision : 03/05/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Sommaire Arrêt rendu le 3 mai 2016 par la 12ème chambre section 2 de la cour d’appel de Versailles RG 15/01942 La cour a été saisie des demandes d’indemnisation formulées par le preneur, le bailleur et par le gérant associé du preneur à l’encontre du notaire suite à une décision définitive qui a prononcé la résolution du bail commercial liant les parties et retenu le manquement du notaire à ses obligations d’information et de conseil. La cour considère que l'appréciation des dommages directs, actuels et certains avec la faute du notaire dont les appelants réclament la réparation ne peut être détachée de la qualité et des relations des parties au contrat de bail résilié, de la matière dont celui-ci a été l'objet ainsi que des causes et des conditions de sa résolution. Le bailleur est débouté de ses demandes d’indemnisation des pertes de loyer et des charges locatives ainsi que de la perte de la valeur vénale de ses biens immobiliers. Le preneur qui sollicitait la condamnation du notaire à l'indemniser de la perte de chance de dégager un meilleur chiffre d'affaires, de la perte effective des éléments qui valorisaient son fonds de commerce et des charges qu'il a supportées, et de la perte de valeur de capitalisation de son fonds de commerce est également débouté de l’ensemble de ses demandes. La cour alloue au gérant et associé du preneur la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance. (Perte de son compte courant, pertes de salaires et dévaluation de ses droits à la retraite).


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2016-05-03;15.019421 ?
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