COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70A
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 AVRIL 2016
R.G. N° 13/06542
AFFAIRE :
[Q] [W]
C/
[L] [P]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre : 02
N° Section :
N° RG : 11/01926
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me [L] GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES
- Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT AVRIL DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [Q] [W]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 13000413
ayant pour avocat plaidant Me Thierry MALHERBE de la SELARL MOREL - LE LOUEDEC - MALHERBE, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 82 -
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [P]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130536
Représentant : Me Christian BOUSSEREZ, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 89 -
Madame [R] [A] épouse [P]
née le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 5] ([Localité 5])
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130536
Représentant : Me Christian BOUSSEREZ, Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 89 -
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 février 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BLUM, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise du 24 juin 2013 ayant, notamment :
- dit que M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] sont propriétaires du garage et du terrain d'assise de 24 m² situés sur la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 1] pour 10 a 70 ca, située [Adresse 3], et dont l'emplacement figure sur le plan annexé à l'acte notarié du 4 juillet 1989,
- débouté Mme [Q] [W] de ses demandes dirigées à leur encontre,
- condamné Mme [Q] [W] à verser à M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Q] [W] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;
Vu la déclaration du 19 août 2013 par laquelle Mme [Q] [W] a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2013, aux termes desquelles Mme [Q] [W] demande à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- constater qu'elle est propriétaire du terrain situé à [Adresse 4], cadastré section AB n° [Cadastre 1] pour 10 a 70 ca,
- constater que les époux [P] sont occupants sans droit ni titre de la parcelle de 24m² sur laquelle est édifié un garage,
- ordonner l'expulsion des lieux que les époux [P] occupent, s'agissant d'un garage et d'un terrain d'assise de 24 m² situé sur sa propriété,
- les condamner à lui verser une indemnité mensuelle de 100 euros à compter du 3 décembre 1998 jusqu'à leur départ définitif des lieux,
- condamner à lui payer la somme de 3.000 euros pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel,
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2014, aux termes desquelles les époux [P] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [Q] [W] de ses demandes,
- condamner Mme [Q] [W] à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens dont distraction ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que par acte du 15 octobre 1977, M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] ont acquis un terrain situé à [Adresse 4], cadastré section AB n°[Cadastre 1] ;
Que le 4 juillet 1989, les époux [P] ont vendu ce terrain à la société Safire, l'acte de vente comportant une clause par laquelle l'acquéreur s'engageait à rétrocéder au vendeur le terrain de 24m² sur lequel est édifié le garage, moyennant un franc symbolique ;
Que la société Safire ayant été placée en liquidation judiciaire, le terrain précité a été revendu à la barre du tribunal de grande instance de Paris au profit de M. [K] [H] le 13 octobre 1994 ;
Que M. [H] ayant à son tour fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, le terrain a été revendu à la barre du tribunal de grande instance de Pontoise le 3 décembre 1998 au profit de Mme [Q] [W], moyennant le prix de 230.000 francs ; que le cahier des charges mentionnait un terrain situé à [Adresse 4], cadastré section AB n° [Cadastre 1] pour 10 a 77 ca ;
Que s'estimant propriétaire du terrain de 24 m² sur lequel est édifié le garage litigieux, Mme [Q] [W] a engagé une procédure d'expulsion à l'encontre des époux [P] le 22 juin 2004 dont elle a été déboutée par ordonnance du 3 novembre 2004, le juge des référés ayant constaté l'existence d'une contestation sérieuse ;
Que par assignation du 11 mars 2011, elle a saisi le tribunal de grande instance de Pontoise, demandant que soit ordonnée l'expulsion des époux [P] et leur condamnation à lui verser une indemnité d'occupation jusqu'à leur départ définitif des lieux ; qu'elle en a été déboutée par le jugement entrepris qui, faisant droit à la demande reconventionnelle des époux [P], a dit qu'ils étaient propriétaires du garage et du terrain d'assise de 24 m² litigieux ;
Considérant qu'au soutien de son appel, Mme [Q] [W] expose qu'en vertu de l'acte de vente du 2 juillet 1989, les époux [P] ont vendu à la société Safire la totalité de leur propriété sans exclure la propriété du terrain de 24m² sur lequel est édifié le garage, la division des lots n'ayant pu être obtenue ; qu'ils ont seulement prévu qu'une partie de leur terrain leur serait rétrocédée sous certaines conditions, notamment l'obtention d'un certificat d'urbanisme prévu par l'article L 111-5 du code de l'urbanisme et la rétrocession expresse de la société Safire ;
Qu'elle estime que les époux [P] ne disposent d'aucun titre de propriété sur le terrain litigieux et que l'absence de contestation des acquéreurs successifs ne leur confère pas ce titre, et sollicite leur expulsion des lieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt ainsi que le versement d'une indemnité d'occupation fixée à 100 euros par mois depuis le 3 décembre 1998 ;
Qu'en réponse, les époux [P] font valoir que depuis l'acquisition du terrain en 1977, ils ont toujours eu la propriété et la jouissance du garage sur lequel il était situé sans aucune contestation ; que le transfert de propriété s'est réalisé solo consensu et qu'il n'a jamais été question qu'ils transfèrent la propriété du garage à la société Safire, comme en atteste la clause particulière insérée dans le contrat qui exclut expressément cette partie de la vente ;
Qu'ils contestent le lien entre l'absence de réalisation des formalités administratives et leur acquisition de cette partie du terrain ;
Qu'ils soutiennent enfin que la société Safire, puis M. [H], ne pouvaient transférer à autrui plus de droits qu'ils n'en avaient eux-mêmes ; qu'ils ajoutent que la publication de l'acte à la conservation des hypothèques a bien été respectée et que le contrat de vente est opposable aux tiers, l'omission du rappel de la clause particulière au cahier des charges de l'adjudication ne pouvant porter atteinte à leur droit de propriété ;
Considérant qu'aux termes de l'acte notarié du 4 juillet 1989 par lequel les époux [P] ont vendu le bien à la société Safire, le bien vendu est désigné comme un terrain situé à [Localité 6] (Val d'Oise), Sente des jardins sans numéro, d'une surface de 10 a 77 ca, cadastré AB n° [Cadastre 1] pour une même contenance ;
Que sous la rubrique 'Conditions particulières', rappelant le contenu dans le compromis de vente signé le 15 mars 1989, cette désignation est immédiatement suivie d'une clause ainsi rédigée : Observation étant ici faite que n'est pas compris dans cette promesse de vente l'emplacement d'un petit bâtiment à usage de garage situé en façade à droite sur la Sente des Jardins, d'une contenance approximative de 24 m2. La division en deux lots de ce terrain n'a pu être obtenue à ce jour, aucun certificat L111-5 n'ayant été requis pour permettre le détachement tant du terrain acquis par la société SAFIRE que du terrain de 24 m2 sur lequel est édifié le garage et devant rester la propriété du vendeur.
L'acquéreur s'engage à obtenir ce certificat dans les délais les plus rapides, et à ses frais, et à rétrocéder le petit bâtiment à usage de garage ainsi que le terrain d'assise à Monsieur et Madame [P] moyennant le prix d'un franc symbolique ; l'emplacement de ce terrain figure sur un plan qui est demeuré ci-joint et annexé après mention (illisible) signé par les parties. L'ensemble des frais de cet acte de rétrocession sera supporté par la société SAFIRE qui s'y oblige ;
Qu'il résulte de cet acte que la totalité de la parcelle cadastrée AB n° [Cadastre 1] a été cédée pour sa contenance totale ; que les parties prévoyaient cependant une possibilité de rétrocession du garage et de son terrain d'assise, après obtention du certificat d'urbanisme et sous réserve du versement d'un euro symbolique ; qu'il est constant que le certificat d'urbanisme n'a été ni sollicité ni obtenu et que la rétrocession n'a pas été effectuée ;
Qu'en conséquence, l'acte transférant la propriété de l'entière parcelle cadastrée AB n° [Cadastre 1] à la société Safire, il a par là-même transmis la propriété du garage édifié sur la portion litigieuse du terrain, auquel il s'est incorporé par accession ;
Que, par suite, les ventes ultérieures du terrain, et notamment la vente sur adjudication réalisée au profit de Mme [W] portaient également sur la totalité de la parcelle, garage compris ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de constater que Mme [W] est propriétaire du garage litigieux et de son terrain d'assise ;
Que s'agissant de l'indemnité d'occupation, l'estimation produite aux débats par Mme [W] retient une valeur de 60 euros par mois, soit 720 euros par an, s'agissant d'une place de parking aérienne non close ; que compte tenu de la précarité de l'occupation, il convient de ramener ce montant à 40 euros par mois ;
Que Mme [W] ne justifiant pas avoir revendiqué la propriété du garage avant d'engager une procédure d'expulsion devant le juge des référés, et ne justifiant pas, par suite, des conséquences préjudiciables de cette occupation antérieurement à cette date, l'indemnité d'occupation ne sera mise à la charge des époux [P] qu'à compter du 22 juin 2004, date de l'acte introductif de l'instance en référé ;
Que les époux [P], succombant dans leurs prétentions, devront supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 24 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Pontoise ;
STATUANT à nouveau,
DIT que le terrain situé à [Adresse 4], cadastré section AB n° [Cadastre 1] pour 10 a 77 ca est la propriété de Mme [Q] [W], en ce compris le garage qui y est édifié et son terrain d'assise ;
DIT que M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] sont occupants sans droit ni titre de ce garage et son terrain d'assise ;
ORDONNE, à défaut de restitution volontaire des lieux, l'expulsion des époux [P] et celle de tous occupants de leur chef de ces lieux, passé le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;
CONDAMNE M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] à payer à Mme [W], à titre d'indemnité d'occupation , la somme de 40 euros par mois à compter du 22 juin 2004 jusqu'à parfaite libération des lieux ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement M. [L] [P] et Mme [R] [A] épouse [P] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,