COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82B
15e chambre
Renvoi après cassation
ARRET N°
contradictoire
DU 30 MARS 2016
R.G. N° 14/01532
AFFAIRE :
Comité central d'entreprise UES MCCANN
...
C/
Société MCCANN-ERICKSON FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège.
...
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 05 Mars 2014 par le Cour de Cassation de PARIS
N° Section :
N° RG : 12-29.315
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jérémie JARDONNET
Me [I] [J]
Copies certifiées conformes délivrées à :
Comité central d'entreprise UES MCCANN, Syndicat BETOR PUB CFDT
Société MCCANN-ERICKSON FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège.
SAS MC CANN ERICKSON PARIS,
SASU MRM WOLRDWIDE, LONSDALE OPÉRATIONS
ex SAS MOMENTUM SAS ORION TRADING FRANCE (OT FRANCE)
ex Société UNIVERSAL COMCORD,
SASU MCCANN TORRE AZUR
ex Société MWORKS
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSES ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 27 mars 2014 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2014 cassant et annulant l'arrêt rendu le 11 septembre 2012 par la cour d'appel de Versailles
Comité central d'entreprise UES MCCANN
[Adresse 1]
[Localité 1]
Syndicat BETOR PUB CFDT
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté toutes les deux par Me Jérémie JARDONNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028 (avocat plaidant)
****************
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
Société MCCANN-ERICKSON FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 1]
SAS MC CANN ERICKSON PARIS
[Adresse 3]
[Localité 1]
SASU MRM WOLRDWIDE
[Adresse 1]
[Localité 1]
LONSDALE OPÉRATIONS
ex SAS MOMENTUM
[Adresse 4]
[Localité 2]
SAS ORION TRADING FRANCE (OT FRANCE)
ex Société UNIVERSAL COMCORD
[Adresse 5]
[Localité 3]
SASU MCCANN TORRE AZUR
ex Société MWORKS
[Adresse 1]
[Localité 1]
toutes représentées par Me [I] [J], avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 substitué par Me Thierry ROMAND de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Février 2016, devant la cour composée de :
Madame Michèle COLIN, Président,
Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL
EXPOSE DU LITIGE :
Le 30 septembre 2010, le comité d'entreprise de l'UES (unité économique et sociale) MC CANN et le syndicat BETOR PUB CFDT ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Nanterre les 6 sociétés composant l'UES MC CANN, à savoir, MC CANN ERICKSON FRANCE, MC CANN ERICKSON PARIS, MRM WORLWIDE, MOMENTUM, UNIVERSAL COMCORD et MWORKS, afin de les voir condamner à redresser la réserve spéciale de participation de la somme de 145 000 euros suite à un redressement fiscal de la société MC CANN ERICKSON PARIS.
Ils ont fait valoir que la dite société ayant fait l'objet d'un contrôle fiscal en 2008 ayant porté ses résultats pour l'exercice 2004 à la somme de 6 381 933 euros au lieu de 5 302 628 euros, ce nouveau résultat devait être répercuté par l'UES sur la réserve de participation de l'année 2004.
Aux termes de son ordonnance du 13 septembre 2011, le juge de la mise en état de [Localité 4] s'est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande, sauf aux demandeurs à produire une attestation de l'Inspecteur des impôts sur les conséquences du redressement sur la réserve de participation ou une décision des juridictions administratives, et a ordonné le retrait du rôle jusqu'à ce que soit produite l'une de ces pièces.
Les demandeurs ont régulièrement interjeté appel de cette décision et par arrêt du 11 septembre 2012, la Cour d'appel de Versailles a réformé l'ordonnance du juge de la mise en état pour déclarer irrecevable la demande aux motifs que l'UES avait bien produit deux attestations du commissaire aux comptes, lesquelles certifiaient que le montant des capitaux affectés à la réserve d'investissement n'était pas affecté par les résultats du contrôle fiscal de 2008 et qu'ils ne pouvaient dès lors remettre en cause ces constatations.
Suite au pourvoi formé par les demandeurs, la Cour de cassation, aux termes de son arrêt du 5 mars 2014, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 11 septembre 2012 aux motifs qu'il n'y avait pas deux attestations mais une seule du commissaire aux comptes, qu'en ne mentionnant ni le montant du bénéfice net, ni celui des capitaux propres pour l'année 2004, elle ne répondait pas aux exigences légales des articles L.3326-1, D 3324-40 et D.3325-4 du code du travail et qu'aucune attestation rectificative n'était produite.
Le COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE de l'UES MC CANN et le syndicat BUTOR PUB CFDT ont, dans le délai de 4 mois prévu par l'article 1304 du code de procédure civile, saisi cette cour autrement composée désignée comme cour de renvoi.
Ils demandent à la Cour de :
- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état,
- constater le refus de la société MC CANN ERICKSON PARIS de communiquer l'attestation
de l'Inspecteur des impôts qui a été rédigée dans les 3 mois de la rectification des comptes en 2008,
- faire injonction aux sociétés composant l'UES de verser sur la réserve spéciale de participation pour l'année 2004 la somme de 145 000 euros,
- dire que cette somme sera majorée de l'intérêt légal prévu à l'article D.3324-40 du code du travail à compter du 1er avril 2005 avec capitalisation,
- dire que ce versement de la dette principale et des intérêts devra intervenir au plus tard dans le mois suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard,
- condamner solidairement les 6 sociétés composant l'UES à leur verser à chacun la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- ordonner l'exécution provisoire.
Les 6 sociétés composant l'UES MC CANN demandent à la Cour de :
A titre principal,
- dire et juger que le montant du bénéfice net tel qu'il apparaît sur l'attestation du commissaire aux comptes du 5 mai 2014 ne peut être remis en cause à l'occasion du présent litige relatif à la participation et en tout état de cause ne peut être contesté devant les juridictions de l'ordre judiciaire,
- en conséquence, confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a conclu à l'incompétence du TGI pour statuer sur le présent litige et a renvoyé les appelants à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif, mais l'infirmer en ce qu'elle a ouvert la possibilité aux demandeurs de réintroduire l'affaire en produisant une attestation de l'inspecteur des impôts ou une décision des juridictions administratives,
A titre subsidiaire,
- déclarer le comité d'entreprise et le syndicat BETOR PUB CFDT irrecevables en leur demande tendant à obtenir un versement complémentaire sur la réserve spéciale de participation,
A titre encore plus subsidiaire,
- les débouter de leurs demandes,
En tout état de cause, les condamner solidairement à verser à chacune des sociétés composant l'UES la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de maître [J].
MOTIFS DE LA COUR :
Le COMITE CENTRAL d'ENTREPRISE de l'UES MC CANN et le syndicat BETOR PUB CFDT soutiennent que l'inspecteur des impôts a procédé à une rectification fiscale du bénéfice net de l'entreprise pour l'année 2004 qui a été acceptée par la société MC CANN ERICKSON PARIS à qui il appartenait dès lors de procéder à un nouveau calcul de la réserve spéciale de participation ; que tel n'ayant pas été le cas, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige et tirer toutes les conséquences du refus de l'UES de communiquer l'attestation de l'Inspecteur des impôts qui a été rédigée dans les 3 mois de la rectification des comptes en 2008 ; que sans s'arrêter à l'attestation du commissaire aux comptes, il appartient à la Cour de se baser sur le courrier de l'administration fiscale du 18 novembre 2008 pour faire injonction à l'UES de lui verser la somme de 145 000 euros à titre de rappel pour la réserve de participation 2004.
Les 6 entreprises de l'UES rétorquent que la nouvelle attestation du commissaire aux comptes, qui mentionne désormais expressément le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres, met également en évidence que le redressement fiscal de la société MC CANN ERICKSON PARIS n'a pas eu d'incidence sur le calcul de la réserve de participation, en raison des règles d'intégration fiscale ; que la Cour ne peut que se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes visant à contester les montants retenus par le commissaire aux comptes ; que si les demandeurs soutiennent maintenant fonder leur demande sur des éléments chiffrés émanant de l'administration fiscale acceptés par la société, il ne saurait s'agir de l'attestation visée à l'article
L.3326-1 du code du travail, laquelle répond à un formalisme qui n'est absolument pas rempli en l'espèce, le document auquel se réfère les demandeurs étant le courrier clôturant le redressement fiscal ; qu'en tout état de cause, l'UES n'a jamais été destinataire d'une telle attestation et ne saurait dès lors la produire ; que subsidiairement, les demandeurs n'ont pas qualité ni pas davantage d'intérêt direct et personnel à agir ; que les intérêts propres du comité d'entreprise ne
sont pas en cause ; que le syndicat BETOR CFDT, qui se doit d'agir pour l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, agit ici au nom des intérêts individuels des salariés et n'est dès lors pas recevable en son action ; qu'en tout état de cause, l'exercice fiscal de 2004 de la société MC CANN ERICKSON PARIS, qui fait partie d'un groupe fiscal, étant prescrit lors du contrôle, elle ne pouvait faire l'objet d'aucun rehaussement comme si elle avait été imposée séparément, le redressement ayant eu pour seul effet d'ajuster à la baisse le déficit de l'ensemble du groupe ; que c'est donc à juste titre que le commissaire aux comptes a maintenu au même niveau le bénéfice net et les capitaux propres.
Sur la recevabilité de la demande :
Il résulte des articles L.2132-1 et L.2132-3 du code du travail que 'les syndicats professionnels sont dotés de la personnalité civile et qu'ils ont le droit d'agir en justice en exerçant tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent'.
En l'espèce, le litige porte sur le montant de la réserve de participation, laquelle présente un intérêt collectif dans la mesure où tous les salariés de l'entreprise ont vocation à en bénéficier.
Il s'ensuit que le syndicat BETOR PUB CFDT, qui fait valoir l'absence de réajustement de la dite réserve au préjudice de la profession qu'il représente, est recevable en sa demande.
Le comité d'entreprise ne peut en revanche ni agir en justice au nom des salariés, sauf mandat, ni se joindre à leur action et n'a pas qualité pour défendre les intérêts collectifs de la profession.
Il ne peut notamment pas demander la mise en place de la participation aux résultats.
En l'espèce, il ne justifie pas d'un mandat et doit dès lors être déclaré irrecevable en sa demande.
Sur la demande de versement complémentaire sur la réserve spéciale de participation :
S'agissant d'un litige relatif au calcul de la réserve spéciale de participation, il y a lieu de constater que la Cour est compétente, conformément aux articles L.3324-1 et suivants du code du travail.
Il résulte de l'article L.3324-1 du code du travail , de l'article 2 de l'accord de participation du 17 décembre 1984 et de celui du 11 janvier 2000 que le montant de la réserve de participation afférente à un exercice est calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise (B), de ses capitaux propres (C), des salaires versés au cours de l'exercice (S) et de la valeur ajoutée produite par l'entreprise (VA), selon la formule : R=1/2(B-5C/100)x(S/VA).
L'article L.3326-1 du code du travail prévoit que le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, attestations qui ne peuvent être remises en cause à l'occasion des litiges relatifs à la participation.
La cour constate que les pièces fiscales sur lesquelles les demandeurs entendent seulement se fonder pour justifier leur demande de redressement de la réserve de participation ne sauraient répondre aux exigences de l'attestation fiscale prévue à l'article L.3326-1, sachant qu'il s'agit seulement d'un courrier adressé le 18 novembre 2008 au président de la société MC CANN ERICSON PARIS par la Direction Générale des finances publiques sur les dernières conséquences financières du contrôle.
Si ce courrier précise le résultat fiscal imposable rectifié, il ne mentionne nullement le bénéfice net de l'entreprise et ses capitaux propres, avant et après le contrôle, et n'obéit nullement au formalisme (nécessité pour l'entreprise de joindre une annexe sur la demande de l'administration fiscale) qui préside à l'établissement de l'attestation fiscale visée à l'article L.3326-1 du code du travail ci-dessus cité.
Les demandeurs, qui sollicitent d'ailleurs, aux termes de leurs écritures, qu'il soit constaté par la Cour que l'UES MC CANN refuse de communiquer l'attestation de l'inspecteur des impôts, ne peuvent dès lors valablement prétendre que le document dont ils se prévalent constituerait l'attestation en question, étant observé que la démarche qu'ils ont eux-mêmes engagée auprès de l'administration fiscale pour obtenir une telle attestation s'est heurtée à une fin de non recevoir.
Il s'ensuit que la Cour ne saurait se baser sur ce document pour redresser la réserve spéciale de participation et qu'il y a lieu de rejeter leur demande formée sur ce fondement.
Force est de constater en revanche qu'est maintenant produite aux débats une attestation du commissaire aux comptes du 5 mai 2014 qui mentionne expressément le montant du bénéfice net et des capitaux propres à hauteur de 474 430 euros pour le premier et de 4 967 449 euros pour les seconds et que la dite attestation renvoie à un document dont le commissaire aux comptes atteste, précisant que le contrôle fiscal de 2008 a été sans impact sur le résultat fiscal de la société au titre de l'exercice 2004, cet exercice étant prescrit à la date du contrôle.
Cette attestation, qui répond aux exigences de l'article L.3326-1 précité, ne saurait être remise en cause à l'occasion du présent litige.
Il y a lieu également de débouter le syndicat BETOR PUB CFDT de sa demande visant à l'obtention de dommages-intérêts, la preuve de ce que l'UES MC CANN aurait manqué à ses obligations n'étant pas rapportée.
L'équité et la situation des parties commandent de n'allouer aucune indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
VU l'arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2014 ayant cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 11 septembre 2012 et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles autrement composée ;
INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre ;
STATUANT à nouveau,
SE DECLARE compétente pour statuer sur le présent litige ;
DECLARE le COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE MC CANN irrecevable en ses demandes;
REJETTE les demandes du syndicat BETOR PUB CFDT ;
CONSTATE que l'UES MC CANN produit une attestation du commissaire aux comptes datée du 5 mai 2014 qui ne peut être remise en cause à l'occasion du présent litige ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle COLIN, Président et par Madame BEUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,