COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
AP
Code nac : 36E
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 MARS 2016
R.G. N° 15/00600
AFFAIRE :
[E] [H]
C/
SAS BAYER
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 23 Avril 2013 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11/06904
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Martine DUPUIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2014 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de versailles le 23 avril 2013
Monsieur [E] [H]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (BRESIL)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20111104 -
Représentant : Me Céline DEMAISON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0001
Représentant : Me Nuria BOVE ESPINALT de la SDE CUATRECASAS, GONCALVES PEREIRA, SLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J023 -
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
SAS BAYER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1149758 -
Représentant : Me Guillaume FORBIN de la SELARL ALTANA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R021 - et Me M'ZEBLA
Représentant : Me Johannes JONAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0092
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Février 2016, Monsieur Alain PALAU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE;
La société Bayer SAS est une filiale française détenue à 100%, directement ou indirectement, par la société Bayer AG, holding du groupe Bayer.
Monsieur [H], né le [Date naissance 1] 1949, a été engagé courant 1976 par la société Bayer AG.
Il a été engagé le 24 juin 1998, avec effet au 1er septembre 1998, par la société Bayer SA, désormais Bayer SAS, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable des divisions opérationnelles.
Il a également été nommé par le conseil de surveillance, à effet au 1 er septembre 1998, président du directoire de la société Bayer SAS.
De 2002 à 2008, le directoire était composé de lui-même et de Messieurs [L], directeur des ressources humaines, et [V], directeur financier.
De 2000 à 2010, des plans de sauvegarde de l'emploi, PSE, sont intervenus dans la quasi totalité des filiales du groupe Bayer en France.
Un accord sur les mesures de préretraites accompagnant ces restructurations a été signé le 15 avril 2002 et a été appliqué lors des plans sociaux décidés de 2002 à 2008.
Un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en place en 2006.
Il prévoyait un dispositif de départ anticipé à la retraite selon les modalités de l'accord du 15 avril 2002 et le versement d'indemnités de rupture.
Messieurs [H], [L] et [V] se sont intégrés dans ce plan et, le 13 décembre 2006, se sont notifiés mutuellement leur licenciement économique, leur départ effectif étant prévu dans un délai de deux ans à deux ans et demi.
Le 28 janvier 2008, le conseil de surveillance de la société Bayer SAS a pris acte de la fin du contrat de travail de Monsieur [H] à effet au 31 décembre 2008.
Par lettre du 30 janvier 2008, la société Bayer SAS a demandé à Monsieur [H] de rester en activité jusqu'au 30 juillet 2008 et l'a dispensé d'effectuer son prévis du 1 er juillet au 31 décembre 2008 en lui conservant sa rémunération.
Par courriel du 26 juin 2008, la société Bayer AG a adressé à Monsieur [H] un contrat de rupture pour motif économique, la société le rappelant au service de Bayer AG à effet au 31 décembre 2008 et convenant d'une cessation de leurs relations contractuelles à cette date. Ce courriel indique que le licenciement prononcé le 13 septembre 2006 est caduc ce qui interdit tout droit à perception de sommes pouvant trouver son principe dans le plan social de la société Bayer SAS.
Monsieur [H] a refusé de signer cette convention.
Par lettre du 23 juillet 2008, la société Bayer AG a procédé à sa mutation d'office à compter du 1 er août 2008 ce que Monsieur [H] a refusé.
La société Bayer SAS a suspendu le versement de son salaire à compter du 1 er août 2008 et ne lui a pas versé les sommes correspondant à sa préretraite.
Par ailleurs, la SAS Bayer a souscrit en 1989 auprès de la compagnie Les Mutuelles du Mans, désormais Quatrem Assurances Collectives, un contrat permettant d'instituer une retraite surcomplémentaire.
Les membres du directoire ont, le 26 mai 2006, établi deux règlements de retraite surcomplémentaire.
La société Bayer SAS a demandé l'annulation de ces règlements.
Enfin, le nouveau président du directoire de la société Bayer SAS a fait procéder à un audit interne qui aurait mis en évidence des irrégularités principalement au titre d'avances sur indemnités versées à Messieurs [H] et [L] avant leurs départs effectifs, des conditions d'éligibilité de Messieurs [H] et [V] au régime des retraites surcomplémentaires et de certaines dépenses personnelles de Monsieur [H].
La société Bayer SAS a déposé plainte contre X auprès du procureur de la république du tribunal de grande instance de Nanterre qui a saisi un juge d'instruction.
Par actes des 10 novembre 2008 et 15 décembre 2011, Monsieur [H] a, après une procédure de référé infructueuse, fait assigner les sociétés Bayer SAS et Bayer AG devant le conseil des prudhommes de Nanterre.
Par actes des 19 décembre 2008 et 22 mai 2009, la société Bayer SAS a assigné Messieurs [H], [L] et [V] devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 8 juillet 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a condamné Monsieur [H] à :
restituer les indemnités incitatives au départ volontaire en payant à la société Bayer SAS la somme de 575.442,74 euros outre intérêts légaux à compter de chacun des versements effectués et capitalisation des intérêts,
payer à la société Bayer SAS la somme de 7.566,87 euros outre intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts
payer la somme de 174.150 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts relatifs à la surévaluation des déclarations de rémunération au fonds de retraite surcomplémentaire
payer la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a également jugé que Monsieur [H] n'était pas éligible au programme de retraite surcomplémentaire de la société Bayer SAS.
Il a statué sur les demandes formées à l'encontre de Messieurs [V] et [L].
Monsieur [H] a interjeté appel et, par acte du 9 août 2012, appelé la société Bayer AG en intervention forcée.
Par arrêt du 23 avril 2013, la cour d'appel de Versailles a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer, dans l'attente du jugement du conseil des prud'hommes, présentée par Monsieur [H] pour ce qui concerne les prétentions de la société Bayer SAS relatives à son admission au bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi et du régime de retraite surcomplémentaire Quatrem et rejeté celle-ci pour le surplus.
Elle a déclaré irrecevable l'appel en intervention forcée formée par Monsieur [H] à l'encontre de la société Bayer AG.
Elle a infirmé le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [H] à :
restituer les indemnités incitatives au départ volontaire en payant à la société Bayer SAS la somme de 575.442,74 euros outre intérêts légaux à compter de chacun des versements effectués et capitalisation des intérêts,
payer à la société Bayer SAS la somme de 7.566,87 euros outre intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts
payer la somme de 174.150 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts relatifs à la surévaluation des déclarations de rémunération au fonds de retraite surcomplémentaire
Elle l'a également infirmé en ce qu'il a dit que Monsieur [H] n'était pas éligible au programme de retraite surcomplémentaire de la société Bayer SAS.
Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour a dit que l'admission de Monsieur [H] au bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Bayer SAS et le règlement pris le 26 mai 2006 pour l'application du contrat de retraite surcomplémentaire Quatrem étaient, en ce qui concerne Monsieur [H], des conventions réglementées au sens des articles 28 des statuts de la société Bayer SAS et L 225-86 du code de commerce.
Elle a débouté la société de ses demandes de nullité de l'admission de Monsieur [H] au bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi et du règlement pris le 26 mai 2006 pour l'application du contrat de retraite surcomplémentaire en ce qui le concerne.
Elle a rejeté les demandes en paiement de la société au titre des dépenses dites personnelles de Monsieur [H] et de sa quote-part dans l'abondement excessif du contrat Quatrem.
Elle a, avant-dire droit sur les préjudices de la société Bayer résultant des défauts d'autorisation et de consultation du conseil de surveillance :
invité les parties à s'expliquer sur la caractérisation du préjudice en relation avec le défaut de consultation du conseil de surveillance sur l'admission de Monsieur [H] au bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi
invité la société Bayer SAS à communiquer et produire aux débats un calcul établi par Quatrem de la différence entre le montant des cotisations payées pour l'abondement du fonds collectif pour l'année 2009 pour l'ensemble des bénéficiaires du contrat et le montant de ce qu'elles auraient été si Monsieur [H] avait été exclu de l'effectif des bénéficiaires.
Elle a fixé au 29 octobre 2013 les débats.
Elle a sursis à statuer sur le surplus.
Elle a condamné Monsieur [H] à payer à la société Bayer AG la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. (Procédure 11/6904).
La société Bayer SAS a formé un pourvoi en cassation.
Par ordonnance du 3 octobre 2013, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour de cassation et ordonné la radiation de la procédure 11/6904.
Par jugement du 17 mars 2014, le conseil des prud'hommes a également sursis à statuer dans cette attente.
Par arrêt du 9 décembre 2014, la cour de cassation a cassé l'arrêt prononcé par la cour d'appel seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Bayer tendant à la condamnation de Monsieur [H] au paiement des sommes de 174.150 euros et de 7.566,87 euros et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
En ce qui concerne la somme de 174.150 euros, la cour a reproché à la cour d'appel d'avoir méconnu l'objet du litige en soutenant que le mode de calcul de son préjudice ne pouvait être retenu.
En ce qui concerne la somme de 7.566,87 euros, préjudice résultant, selon la société, de dépenses personnelles effectuées au moyen de fonds sociaux, la cour a reproché à la cour d'appel d'avoir considéré qu'il appartenait à la société de rapporter la preuve du caractère indu de ces dépenses alors qu'il incombe à Monsieur [H] de justifier de celles-ci.
La cour a écarté le moyen tiré de l'absence de décision sur la demande de dommages et intérêts de la somme de 100.000 euros au motif que la cour d'appel a réservé cette demande.
Par acte du 20 janvier 2015, Monsieur [H] a saisi la cour d'appel de Versailles à la suite de cet arrêt. (Procédure 15/600).
Il a également fait rétablir au rôle l'instance prud'homale.
La procédure ayant été radiée a été rétablie sous le numéro 15/571.
Par ordonnance du 14 septembre 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de jonction des deux procédures pendantes devant la cour et de sursis à statuer dans l'attente de la décision du conseil des prud'hommes présentées par la société Bayer SAS.
Les procédures portant les numéros 15/571 et 15/600 ont fait l'objet de débats tenus le même jour.
Par jugement du 30 novembre 2015, le conseil des prud'hommes a :
dit que Monsieur [H] n'est pas éligible au plan de départ volontaire et au bénéfice du plan de retraite qui y était adossé
dit que toutes les sommes qui lui ont été versées à ce titre ne lui étaient pas dues
rejeté ses demandes
condamné Monsieur [H] au paiement d'une amende civile de 3.000 euros.
rejeté les autres demandes.
Il a jugé que Monsieur [H] n'était pas éligible au plan de départ volontaire notamment au motif qu'il n'en remplissait pas les conditions et qu'il n'était pas éligible à la retraite surcomplémentaire car il ne remplissait pas les conditions du règlement de retraite du 29 mai 2009 dénonçant le règlement de 2006.
Monsieur [H] a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions portant le numéro 2 en date du 14 décembre 2015, Monsieur [H] demande que soit infirmé le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer les sommes de 174.150 euros et de 7.566,87 euros et que les demandes de la société Bayer SAS soient rejetées.
Il demande que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [H] rappelle sa carrière professionnelle et fait état de la reconnaissance par la société Bayer de ses qualités professionnelles.
Il cite les échanges intervenus, affirme que sa candidature au plan de départ volontaire a été acceptée et validée par son supérieur hiérarchique qui en a informé, le 7 décembre 2006, des responsables de la société Bayer AG et se prévaut d'un document du 20 février 2008 faisant état de l'accord du président du groupe Bayer sur les conditions de son départ.
Il indique que les relations entre les parties se sont dégradées à compter de juin 2008, excipe de son rappel, de la convention de rupture proposée et de la suspension des indemnités et prestations de retraites prévues.
Il affirme que seul le droit français est applicable à sa relation avec la société Bayer SAS.
Il rappelle les diverses procédures.
Il fait valoir qu'à la suite de l'arrêt du 9 décembre 2014, les demandes de la société Bayer SAS tendant à la nullité de son admission au bénéfice du PSE et du règlement du 26 mai 2006 pour l'application du contrat de retraite Quatrem sont définitivement rejetées.
Il souligne que seules les demandes de la société portant sur les sommes de 174.150 euros et de 7.566, 87 euros sont à examiner dans la présente instance.
Il s'oppose à la demande de sursis présentée par la société.
Il observe que le jugement du conseil de prud'hommes ne met aucune indemnité à la charge de la société.
Il fait valoir que la cour d'appel, dans son arrêt du 23 avril 2013, a jugé que l'issue de la procédure prudhommale était sans incidence, s'agissant d'un litige opposant la SAS Bayer à Monsieur [H] en sa seule qualité d'ancien membre du directoire en raison de manquements qui lui sont reprochés en cette qualité essentiellement au regard du droit régissant le fonctionnement des sociétés commerciales alors que le conseil des prud'hommes est saisi de prétentions formées par Monsieur [H] en sa qualité de salarié et de moyens de défense opposés par la société Bayer SAS en sa qualité d'employeur dans un litige ayant pour objet les droits et obligations nés du contrat de travail et le conseil statuant en application des règles du droit du travail.
Il en conclut que la question de savoir si le préjudice allégué par la société du fait des défauts d'autorisation et de consultation du conseil de surveillance doit être apprécié au regard de indemnités mises à sa charge a été tranché.
Il relève que la société Bayer s'était alors opposée, pour ces motifs, à sa demande de sursis.
Il s'oppose également à la jonction entre les deux procédures pendantes devant la cour, celles-ci ayant des objets distincts soit le préjudice qui aurait été subi du fait de la non consultation du conseil de surveillance et celui qui aurait été subi du fait de la surévaluation de son salaire et de dépenses personnelles. Il ajoute que les deux procédures sont susceptibles d'évoluer à un rythme différent.
En ce qui concerne la surévaluation des rémunérations déclarées au fonds de retraite complémentaire, Monsieur [H] soutient que l'inéligibilité à ce plan déduite de l'annulation par le tribunal de commerce du règlement de 2006 est définitivement écartée et relève que la cour avait considéré que le seul préjudice subi par la société était son obligation de continuer à abonder le fonds pour la seule année 2009, question ayant fait l'objet du sursis à statuer. Il en conclut que l'arrêt de la cour de cassation permet à la société d'alléguer un préjudice portant sur une période plus étendue.
Il affirme qu'il était bénéficiaire potentiel de la retraite surcomplémentaire depuis 2001 soit avant le litige.
Il en infère qu'il n'a commis aucune fraude en revendiquant son bénéfice. Il déclare que la société Bayer AG en était d'accord et se prévaut du document remis par son supérieur le 20 février 2008 transmis à l'avocat de la société et non contesté par le responsable de l'administration des cadres supérieurs.
Il soutient que le règlement du 21 août 2004 invoqué par l'intimée n'est pas entré en vigueur et que l'accord du 15 avril 2002 permet à un préretraité de reprendre une activité non concurrente jusqu'à un certain montant, souligne qu'il est en retraite depuis le 1er décembre 2009, déclare disposer d'un mandat social et non d'un contrat de travail dans diverses sociétés et affirme que celles-ci ne sont pas concurrentes de la société Bayer car leur activité n'est pas similaire et ne touche pas le même marché.
Il en conclut qu'il satisfait aux conditions requises pour bénéficier de la retraite litigieuse.
Il soutient que le fonds collectif Quatrem a toujours été alimenté en adéquation avec le passif social de la société Bayer SAS.
Il conteste avoir communiqué un salaire surévalué, 760.000 euros au lieu de 498.494 euros.
Il déclare qu'il s'agit de simulations réalisées par Quatrem figurant dans un document qualifié de « non contractuel ». Il indique que les paramètres de calcul sont nombreux et, pour la plupart, connus uniquement lors de la liquidation de la retraite. Il souligne qu'un tel calcul était d'autant plus difficile à effectuer qu'il a travaillé en France, en Allemagne et en Belgique. Il affirme que ce salaire est une hypothèse et excipe d'un courriel de la société Quatrem en date du 16 février 2007.
Il ajoute que le recours à des hypothèses est visé dans le rapport des commissaires aux comptes.
Enfin, il affirme que le seul salaire de référence communiqué à la société Quatrem est de 498.494 euros, montant déclaré par Monsieur [L] à Quatrem le 20 juin 2008.
Il soutient que la société Bayer n'a pas versé les montants prétendus soit une suralimentation de 4.008.922, 43 euros.
Il affirme que ce chiffre correspondrait à une espérance de vie de 30 ans alors qu'elle est de 22 ans.
Il relève que la société Quatrem fait état d'une erreur sur l'assiette des primes et non sur une surévaluation des salaires, lui reproche d'avoir procédé à un remboursement irrégulier pour accréditer la thèse de la société et explique l'importance de l'abondement en 2007 et 2008 par l'intégration de nouveaux bénéficiaires. Il réfute donc tout surabondement et tout lien de causalité avec la prétendue surévaluation.
Il ajoute que sa retraite est calculée sur la base de son salaire réel, tel qu'envoyé par la société Bayer.
Il conteste donc le préjudice invoqué et prétend, en tout état de cause, que les sommes versées sur le fonds Quatrem sont placées à un taux très supérieur, 4,5%, à celui invoqué, 1%. Il excipe également de l'exonération sociale de ces cotisations et de leur déductibilité du bénéfice imposable ce qui doit être pris en compte dans l'appréciation du préjudice.
En ce qui concerne ses dépenses personnelles, il reconnait avoir imputé à tort sur des notes de frais de 9.120,87 euros une somme de 1.554 euros qu'il a remboursée.
Il affirme que le solde correspond à des cadeaux faits à des clients ou membres de leur famille dans le cadre de ses fonctions d'un montant non significatif sur 10 ans. Il déclare ne pouvoir en justifier poste par poste sauf à demander des attestations à leur bénéficiaire. Il souligne que ces notes de frais ont été validées et rappelle que des audits internes n'ont pas relevé d'anomalie.
Dans ses dernières conclusions en date du 7 janvier 2016, la SAS Bayer sollicite la jonction des deux procédures pendantes devant la cour.
Elle s'en remet à justice quant au sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue par les juridictions prud'homales.
Elle demande que Monsieur [H] soit condamné à lui payer les sommes de :
174.150 euros au titre de l'abondement excessif
7.566, 87 euros de ses dépenses personnelles
50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conclut au rejet des demandes de Monsieur [H].
Dans le corps de ses écritures, elle demande qu'il lui soit donné acte qu'en cas d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, elle se réserve d'obtenir réparation du préjudice résultant de son admission à la retraite surcomplémentaire qui excèderait la somme réclamée dans la présente procédure et l'obligation d'abondement au titre de l'année 2009. Elle affirme qu'elle subirait alors un préjudice de 1.556.331 euros dont elle se réserve de solliciter l'indemnisation.
La société reproche à Monsieur [H], et aux deux autres membres du directoire, d'avoir monté un système dans leur intérêt exclusif en s'intégrant frauduleusement dans le plan de départs volontaires sans avoir obtenu l'autorisation du conseil de surveillance comme le prescrivaient le règlement intérieur et les statuts de la société et en manoeuvrant pour bénéficier d'une rente de retraite surcomplémentaire particulièrement avantageuse en établissant deux règlements le 26 mai 2006 sans autorisation préalable du conseil de surveillance alors qu'il s'agissait de conventions règlementées. Elle invoque également une surévaluation du salaire déclaré l'ayant amenée à verser indument à la société Quatrem, pour le compte de Monsieur [H], une somme de 4.256.846,38 euros remboursée par celle-ci. Enfin, elle fait état de fautes de gestion commises par Monsieur [H] lui permettant de bénéficier d'avantages.
Elle indique s'être aperçue de ces manoeuvres au cours du premier semestre 2008 et relate les mesures prises par elle et les diverses procédures opposant les parties. Elle précise que Monsieur [H] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour abus de biens sociaux - notamment en ce qu'il a signé les deux règlements de retraite surcomplémentaires, organisé son licenciement dans le cadre du PSE et fait prendre en charge des notes de frais - et faux sous seing privé, les débats étant fixés au 12 juillet 2016.
Elle s'en remet à la justice quant au sursis à statuer.
Elle estime que son préjudice est lié à la décision du conseil des prud'hommes.
Elle déclare que celui-ci a jugé que le préjudice résultant du défaut d'autorisation et de consultation du conseil de surveillance était constitué pour partie par les sommes indûment perçues par lui au titre de son intégration dans le PSE. Elle ajoute que la cour a, dans son arrêt du 23 avril 2013, reconnu l'incidence de la procédure prud'homale sur la caractérisation de son préjudice en jugeant que la question de savoir si Monsieur [H] bénéficiait du PSE relevait de la compétence exclusive des juridictions prud'homales.
Elle affirme également que son préjudice au titre de l'abondement au fonds collectif pour l'année 2009 dépend de la décision sur l'éligibilité de Monsieur [H] à la retraite surcomplémentaire.
Elle considère qu'il est d'une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures pendantes aux motifs qu'elles font l'objet de débats fixés le même jour, qu'elles ont des objets similaires - son préjudice notamment celui en relation avec la retraite surcomplémentaire -, qu'elles opposent les mêmes parties et qu'elles résultent des mêmes faits.
Elle invoque un risque de contradiction.
En ce qui concerne le préjudice résultant de la retraite surcomplémentaire, elle rappelle que le conseil des prud'hommes a jugé que Monsieur [H] n'était pas éligible à cette retraite ce qui rend la convention règlementée sans effet.
Elle ajoute qu'il ne peut exciper de la lettre du 20 février 2008 et que le règlement du 21 août 2004 excluant les préretraités du bénéfice de la retraite surcomplémentaire est entré en vigueur.
Elle fait valoir que les règlements des 21 août 2004, 29 mai 2009 et ceux de 2006 réservent le bénéfice de la retraite surcomplémentaire aux collaborateurs achevant leur carrière au sein de la société Bayer SAS et, reprenant le jugement du conseil des prud'hommes, estime que tel n'est pas le cas.
La société invoque un préjudice causé par la surévaluation des rémunérations déclarées à Quatrem, 760.000 euros au lieu de 498.494 euros en ce qui concerne Monsieur [H], qui a entraîné une surévaluation du besoin de financement du fonds Quatrem à hauteur, pour Monsieur [H], de 4.008.922, 43 euros, somme remboursée par la société Quatrem.
Elle soutient que son préjudice résulte du financement indu de cette somme qui n'a pu faire l'objet d'un placement à court terme. Elle l'évalue à 188.273, 36 euros soit à un placement au taux Euribor de la date de versement à celle du remboursement (230.841,84 euros) dont à déduire les primes nettes remboursées par Quatrem (42.568,48 euros). Elle précise qu'elle a repris la répartition du tribunal soit au prorata des surévaluations pratiquées par les trois membres du directoire.
Elle fait valoir que la cour d'appel a jugé définitivement que Monsieur [H] avait fait communiquer des rémunérations surévaluées et que la cour de cassation a cassé le chef de l'arrêt rejetant sa demande indemnitaire. Elle affirme justifier de la fraction du préjudice imputable à la surévaluation de la rémunération de Monsieur [H]. Elle rappelle qu'elle n'est plus propriétaire des sommes versées à Quatrem et indique, se prévalant d'une lettre de celle-ci, ne percevoir qu'un taux d'1% sur les sommes versées.
Elle déclare justifier des chèques émis pour approvisionner indument le fonds et souligne que la surévaluation reconnue par la cour d'appel, de sa rémunération est responsable de la quasi totalité du surapprovisionnement. Elle affirme que la différence de 69.505 euros entre la somme versée et celle remboursée s'explique par une évolution des calculs actuaires. Elle souligne que c'est sur la base des simulations, réalisées sur la base de rémunérations volontairement erronées, que le fonds a été abondé conformément au principe des fonds d'assurances. Elle conteste que ce surabondement ait d'autres causes.
Elle affirme que les échanges entre Quatrem et la société de courtage Area Conseil démontrent que Monsieur [H] a sciemment fait communiquer à Quatrem une rémunération surévaluée. Elle ajoute que les membres du directoire ont 'uvré pour être les bénéficiaires exclusifs d'une pension de réversion en faveur de leurs épouses sans réduction de la rente de retraite surcomplémentaire qui aurait pu « ruiner » le fonds de retraite Bayer.
En ce qui concerne le préjudice subi du fait des dépenses personnelles de Monsieur [H], elle relève qu'il ne justifie pas du caractère professionnel des dépenses qu'elle cite. Elle conteste leur validation par Monsieur [V], complice de Monsieur [H].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2016.
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Considérant qu'il convient de rappeler que la présente procédure a pour seuls objets d'examiner les chefs de l'arrêt du 23 avril 2013 ayant fait l'objet d'une cassation soit la demande de paiement des sommes de 174.150 euros correspondant au financement excessif du fonds Quatrem en raison d'une déclaration de rémunération surévaluée et de 7.566,87 euros en raison de dépenses personnelles ;
Sur les demandes de sursis à statuer et jonction
Considérant que la demande au titre du financement excessif du fonds Quatrem est dépourvue de lien avec le droit pour Monsieur [H] de bénéficier de la retraite surcomplémentaire ; que la procédure prud'homale n'a donc pas d'incidence sur elle ; que ladite procédure n'a pas davantage d'incidence sur des dépenses personnelles qui auraient été payées par la société ;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ;
Considérant que l'objet des procédures 15/571 et 15/600 est distinct ;
Considérant que la demande de jonction n'est donc pas justifiée ;
Sur la demande en paiement de la somme de 174.150 euros
Considérant qu'il résulte d'un document en date du 21 mai 2008 intitulé « Données individuelles Groupe Bayer » que le passif social au titre de la souscription retraite a pris en compte, en ce qui concerne Monsieur [H], un salaire en fin de carrière de 760.000 euros et une rente de 300.000 euros ; que ce document fait état d'un passif, concernant Monsieur [H], de 7.190.801,43 euros ;
Considérant qu'une étude fournie par la société Quatrem le 1er septembre 2008 mentionne, en ce qui concerne Monsieur [H], un salaire de 498.494 euros, une rente de 169.247 euros et un passif de 3.181.879 euros ;
Considérant que la société Bayer justifie, par la production des chèques, des sommes émises pour approvisionner le fonds ;
Considérant que, par lettre du 15 décembre 2008, la société Quatrem a constaté qu'une erreur avait été commise dans les masses salariales transmises par la société Bayer pour l'établissement des primes, cette erreur ayant abouti à une estimation erronée du passif social ;
Considérant que si le document du 21 mai 2008 est « non contractuel », il résulte de l'étude du 1 er septembre et de la lettre du 15 décembre que les sommes qui y ont été mentionnées ont été prises en compte pour calculer le besoin d'approvisionnement de la société Quatrem ;
Considérant qu'ainsi, la société Bayer a versé à la société Quatrem des cotisations fondées, en ce qui concerne Monsieur [H], sur une rémunération annuelle de 760.000 euros alors que sa rémunération s'élevait à 498.494 euros ;
Considérant que la comparaison des tableaux des 21 mai et 1er septembre démontre que le surabondement total provient à hauteur de 92,5%, de la surévaluation de la rémunération de Monsieur [H] ; que la note faisant état de l'arrivée de nouveaux bénéficiaires qui émanerait de la société Area Conseil n'est ni signée ni datée et ne contredit pas ce surabondement imputable à Monsieur [H] ;
Considérant que l'abondement est calculé sur la base des rémunérations indiquées avant la date de la retraite et non sur celles perçues au jour de celle-ci ; que la circonstance qu'in fine, Monsieur [H] ait perçu une retraite calculée sur son revenu exact est donc sans incidence ;
Considérant qu'il résulte des courriels échangés en mars et mai 2008 entre les sociétés Quatrem et Area Conseil, courtier, que la société Area Conseil a demandé que la rente de Monsieur [H] soit fixée à la somme de 300.000 euros ce qui a entraîné la prise en compte d'un salaire de 760.000 euros ; qu'ainsi, le courtier a, dans l'intérêt de Monsieur [H] et, dans de moindres proportions, des autres membres du directoire, fixé le montant de la rente souhaitée et procédé, ensuite, au calcul du salaire nécessaire pour atteindre ce niveau ;
Considérant que les primes ont été appelées et payées en conséquence ;
Considérant que Monsieur [H] a commis à tout le moins une faute de gestion en sa qualité de membre du directoire en laissant procéder à des calculs d'appels de primes et à la constitution d'un passif social sur la base de rémunérations majorées ;
Considérant que la société s'est dessaisie de ces sommes ; qu'elle ne bénéficie, comme l'indique la société Quatrem, que d'un intérêt de 1% ;
Considérant qu'elle aurait pu les placer, sans risque, au taux Euribor variant, durant la période, de 3, 5% à 5,5% ;
Considérant que le calcul de son préjudice consistant en la différence entre ces deux taux appliquée aux sommes trop versées compte tenu de la rémunération retenue pour Monsieur [H] est justifié ; que sa demande sera accueillie ;
Sur la demande en paiement de la somme de 7.566,87 euros
Considérant que cette somme correspond à des dépenses effectuées par Monsieur [H] au moyen de fonds sociaux ;
Considérant qu'elles sont afférentes, pour l'essentiel, à des achats de sacs à main, bijoux, foulards, cosmétiques ou cigares et à des notes de restaurant ;
Considérant qu'il appartient à Monsieur [H] en sa qualité de dirigeant social de justifier que ces dépenses ont été faites dans l'intérêt de la société ;
Considérant qu'il ne verse aux débats aucune pièce en ce sens ;
Considérant que l'absence de contestation de ces frais par Monsieur [V] ne peut, compte tenu des relations existant entre eux, valoir validation par la société de ces dépenses ;
Considérant que Monsieur [H] sera donc condamné au paiement de cette somme ;
Sur les conséquences
Considérant que Monsieur [H] devra payer à la société Bayer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Contradictoirement,
Rejette les demandes de sursis à statuer et de jonction,
Condamne Monsieur [H] à payer à la société Bayer SAS les sommes de :
174.150 euros au titre de l'abondement excessif
7.566, 87 euros de ses dépenses personnelles
8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur [H] aux dépens,
Autorise la Selarl Lexavoue Paris-Versailles à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur James BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier f.f., Le Président,