La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2016 | FRANCE | N°14/00536

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 mars 2016, 14/00536


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

1re chambre 1re section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 10 MARS 2016

R.G. No 14/00536

AFFAIRE :

COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS (CNO SF)

C/

SAS BUSHNELL OUTDOOR PRODUCTS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No Chambre : 01

No Section :

No RG : 10/10507

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à

:

Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

1re chambre 1re section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 10 MARS 2016

R.G. No 14/00536

AFFAIRE :

COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS (CNO SF)

C/

SAS BUSHNELL OUTDOOR PRODUCTS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No Chambre : 01

No Section :

No RG : 10/10507

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS (CNOSF)

association constituée et déclarée sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 et reconnue comme Etablissement d'utilité publique par décret du 6 avril 1922, sise 1 avenue Pierre de Coubertin

75640 Paris

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

Représentant : Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM et ASSOCIES, avocat postulant et plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : P0305

APPELANTE

****************

SAS BUSHNELL OUTDOOR PRODUCTS

immatriculée au R.C.S. de Nanterre sous le noB 413.368.101,

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis

23 bis rue Edouard Nieuport 92150 SURESNES

Représentant :SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, agissant par Maitre Martine DUPUIS, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1452795 et plaidant par Maitre Henri LLACER, avocat au barreau de LYON.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 janvier 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 21 novembre 2013 ayant, notamment :

- débouté le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Bushnell de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné le CNOSF à payer à la société Bushnell la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le CNOSF aux entiers dépens dont distraction ;

Vu la déclaration du 21 janvier 2014 par laquelle le CNOSF a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juin 2014, aux termes desquelles le CNOSF demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Bushnell la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens,

- le dire recevable et bien fondé en son action,

- débouter la société Bushnell de toutes ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions,

- dire qu'en exploitant sans autorisation dans le domaine sportif la dénomination "J.O", notamment au sein du titre du jeu-concours ("Concours Bollé -J.O Vancouver"), la société Bushnell a violé les dispositions de l'article L.141-5 du Code du sport,

A titre subsidiaire,

- dire qu'en exploitant la dénomination notoire "J.O" pendant les Jeux Olympiques de VANCOUVER 2010, accompagnée ou non de la mention "VANCOUVER 2010", la société Bushnell s'est rendue coupable d'actes de parasitisme à son préjudice, sanctionnés sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil,

- dire et juger qu'en organisant, durant la période des Jeux Olympiques de VANCOUVER 2010, un Jeu-Concours intitulé "Concours Bollé - J.O Vancouver", la société Bushnell s'est rendue coupable d'actes de parasitisme à son préjudice, sanctionnés sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil,

- interdire à la société Bushnell d'utiliser dans un cadre commercial les signes et symboles Olympiques et, de façon générale, de faire implicitement ou explicitement référence à l'Univers des Jeux Olympiques, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- par infraction, la cour voudra bien entendre chacune des simples constatations matérielles, par tout moyen, de toute apposition ou utilisation desdits signes et/ou symboles Olympiques et/ou références à l'univers des Jeux Olympiques, sur quelque support que ce soit,

- condamner la société Bushnell à lui verser la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice,

- ordonner la diffusion de l'arrêt sous 8 jours à compter de sa signature et pendant 1 mois, en entier ou par extraits, au choix du CNOSF, sur la page d'accueil des sites Internet de la société Bushnell accessibles aux adresses www.bushnelloutdoorproducts.net/fr et www.bolle- europe.fr, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- ordonner que cette publication intervienne en partie supérieure de ces pages d'accueil et en toute hypothèse au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police de caractères "Times New Roman", de taille "12", droits, de couleur noire et sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 120 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre "COMMUNIQUE JUDICIAIRE" en lettres capitales de taille 14, la cour se réservera la liquidation des astreintes,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en entier ou par extraits au choix du CNOSF, dans trois journaux maximum, au choix du CNOSF, mais aux frais avancés de l'intimée, sans que le coût global de l'ensemble de ces publications n'excède la somme de 50.000 euros hors taxes à la charge de la société Bushnell,

- condamner la société Bushnell à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Bushnell aux entiers dépens, dont distraction ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juin 2014, aux termes desquelles Bushnell Outdoor Products demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- dire qu'elle n'a pas méconnu les dispositions de l'article 141-5 du Code du Sport dans la mesure où :

* d'une part, elle n'a utilisé dans le cadre de son jeu concours aucun symbole olympique, non plus que les termes "Jeux Olympiques" ou "Olympiades",

* d'autre part, l'utilisation d'un vocable "J.O." ou "VANCOUVER" qui ne font l'objet d'aucune protection au titre de la propriété intellectuelle ou d'un quelconque droit privatif ne saurait constituer l'atteinte visée par les dispositions dudit article, en dehors de toute association avec les symboles protégés par les dispositions précitées,

- dire qu'elle n'a accompli aucun acte de parasitisme dans la mesure où son jeu ne participait pas d'une volonté de se glisser dans le sillage du CNOSF, dès lors que les internautes découvraient ce jeu uniquement s'ils étaient intéressés par la marque BOLLÉ et non par la thématique de l'olympisme,

- dire et juge que le CNOSF ne verse aux débats aucun élément probant établissant la réalité ou encore le quantum d'un prétendu préjudice,

- débouter en conséquence le CNOSF de l'intégralité de ses prétentions,

- dire que l'action du CNOSF participe d'une témérité blâmable et lui cause un préjudice d'image certain,

- le réformer pour le surplus,

- condamner en conséquence le CNOSF à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêt en raison du préjudice qu'elle a subi,

- condamner le CNOSF à lui payer la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- dire que le préjudice ne saurait être évalué à une somme supérieure à 10.000 euros en l'absence de tout élément probant justifiant le quantum du préjudice allégué,

- dire que la publication de l'arrêt à intervenir ne se justifie pas dans la mesure où le jeu concours s'est déroulé sur très peu de jours,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que la publication de l'arrêt à intervenir aura lieu uniquement dans la presse écrite, sans que le coup global de l'ensemble des publications n'excède la somme de 5 000 euros à sa charge,

- condamner le CNOSF aux dépens dont distraction ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que pendant le déroulement des Jeux Olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver au Canada du 12 au 28 février 2010, l'association Comité national olympique et sportif (CNOSF) a été avertie que la société Bushnell organisait un jeu concours intitulé « Concours Bolle-JO Vancouver » sur la page d'accueil de son site internet accessible aux adresses www.bushnelloutdoorproducts.net/fr et www.bolle-europe.fr offrant de gagner quotidiennement un masque de ski Nova de la marque Bollé pendant toute la durée considérée ; que le CNOSF a adressé le 26 février 2010 à la société Bushnell une lettre de mise en demeure 2010 lui demandant d'annuler le concours et de cesser tout usage de références directes ou implicites aux Jeux Olympiques ;

Que cette mise en demeure étant restée vaine, le CNOSF a, par acte du 21 juillet 2010, fait assigner la société Bushnell Outdoor Products devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui l'a débouté de ses demandes par le jugement entrepris, après avoir constaté, d'une part, que l'utilisation des termes ou abréviations "J.O.", "J.O. Vancouver" ou "Vancouver 2010" ne bénéficiaient pas de la protection instituée par l'article L. 141-5 du code du sport, et, d'autre part, que les faits allégués de parasitisme n'étaient pas caractérisés ;

Sur la violation de l'article L 141-5 du code du sport

Considérant qu'au soutien de son appel, le CNOSF rappelle que les signes et les propriétés olympiques bénéficient d'un régime de protection autonome figurant à l'article L 141-5 du code du sport ; que les termes « Jeux Olympiques », « Olympiade », « Olympique » font ainsi l'objet d'une interdiction légale d'utilisation commerciale sans nécessité de démontrer un préjudice, une exploitation injustifiée ou un risque de confusion ;

Que le dénomination JO, abréviation notoire et consacrée de jeux Olympiques, utilisée par la société Bushnell fait donc partie des propriétés olympiques et ne pouvait être utilisée par elle dans une démarche commerciale et lucrative ;

Que la société Bushnell a utilisé cet acronyme sans son autorisation et que la question du référencement est indifférente quant à l'appréciation de la violation de l'article L 141-5 du code du sport, peu importe que l'abréviation figure uniquement sur l'adresse URL ou sur l'onglet internet et non sur la page du site ;

Qu'en réponse, la société Bushnell soutient qu'elle n'a pas utilisé les signes olympiques et que le terme Jeux Olympiques n'apparaît pas sur le site qui accueillait le jeu incriminé ; qu'elle souligne, de plus, que l'article L 141-5 du code du sport doit être d'interprétation stricte ; qu'ainsi le vocable "Vancouver 2010" n'étant pas expressément visé par le texte, son utilisation n'était pas prohibée ; que, de même, l'abréviation JO n'est pas expressément visée par le texte et il s'agit d'un vocable courant insusceptible d'appropriation et utilisé par les medias et le public ;

*

Considérant qu'aux termes de l'article L 141-5 du code du sport, le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaire de la devise, de l'hymne, du symbole olympique et des termes "jeux Olympiques" et "Olympiade" ; que le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d'imiter, d'apposer, de supprimer ou de modifier les emblèmes, devise, hymne, symbole et termes mentionnés au premier alinéa, sans l'autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L. 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu'il est constant que ni les termes "jeux Olympiques" ou "Olympiade" ni aucun symbole olympique n'ont été utilisés par la société Bushnell pour les besoins du concours incriminé ;

Qu'il n'est pas davantage contesté que les termes "Vancouver 2010" appartiennent au Comité national d'organisation de ces jeux ;

Que les dispositions susvisées du code du sport, en ce qu'elles consacrent la propriété du CNOSF sur les termes "jeux Olympiques" et "Olympiade" sans devoir satisfaire aux conditions de droit commun du droit des marques, sont d'interprétation restrictive et ne peuvent s'appliquer à l'abréviation J.O., laquelle est susceptible de désigner d'autres produits, services ou institutions, y compris publics, et ce, quand bien même cette abréviation serait combinée avec des éléments de nature à l'associer implicitement aux jeux Olympiques ;

Sur les actes de parasitisme

Considérant que le CNOSF reproche à la société Bushnell d'avoir commis un acte de parasitisme en s'associant à l'événement des jeux Olympiques et en cherchant à détourner à son profit la notoriété et les retombées médiatiques entretenues par les efforts et les investissements d'autrui afin de faire connaître ses produits et services ;

Qu'il expose également que la référence à l'univers olympique n'est pas une nécessité pour démontrer des faits de parasitisme ; qu'il soutient aussi que le jeu en ligne a bénéficié d'un référencement privilégié sur Internet grâce à l'abréviation JO ; qu'elle note que les requêtes "CONCOURS BOLLE - J.O. VANCOUVER" et "CONCOURS BOLLE" renseignées dans le moteur de recherches GOOGLE faisaient apparaître l'usage du titre "Concours Bollé - -J.O. Vancouver", ainsi qu'il résulte du constat auquel a procédé le CELOG à sa demande ;

Qu'en réponse, la société Bushnell fait valoir que le CNOSF ne peut interdire toute liberté d'expression concernant les événements olympiques et qu'il ne démontre pas qu'elle aurait associé la dénomination « Vancouver 2010 » à des symboles olympiques ;

Qu'elle fait valoir qu'elle n'a pas cherché à attirer les clients en se situant dans le sillage de l'olympisme, dès lors que le jeu n'était pas utilisé comme une accroche publicitaire et qu'il était accessible aux seuls internautes intéressés par les produits Bollé ; qu'elle observe à cet égard que la recherche proposée "Concours BOLLÉ - J.O. VANCOUVER" est inopérante car elle est le fruit d'un internaute qui connaissait préalablement l'existence du jeu ;

*

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en proposant aux internautes un jeu concours sous le slogan "A l'occasion de VANCOUVER 2010 jouez et gagnez un masque Nova par jour !", l'opération relevait d'une opération commerciale destinée à promouvoir les produits de la société Bushnell, en particulier le masque de ski "Nova" ;

Que la circonstance que la société Bushnell n'ait pas recherché le bénéfice d'un référencement privilégié et que l'accès au jeu-concours n'ait été accessible que par des internautes ayant préalablement accédé au site de la marque Bollé ou par des internautes ayant connaissance du concours n'apparaît pas déterminante ;

Qu'il suffit de constater que l'image positive attachée aux jeux Olympiques a été utilisée sans autorisation par la société Bushnell auprès des internautes ayant consulté le site de la marque Bollé, dans le but de renforcer leur intérêt pour ses produits en les associant avec l'événement constitué par la tenue simultanée des jeux Olympiques de Vancouver ;

Qu'à cet égard, il y a lieu de relever, au vu du constat établi par le CELOG et des copies d'écran dont la valeur probante n'est pas contestée, que les pages du site invitaient les internautes à participer au jeu-concours "à l'occasion de Vancouver 2010", "Vancouver 2010" étant l'expression contractée de "jeux Olympiques d'hiver de Vancouver 2010" communément utilisée dans la presse et les media ; que les questions du jeu-concours litigieux portaient pour bon nombre d'entre elles sur l'univers des jeux Olympiques d'hiver, qu'il s'agisse des concurrents ayant remporté des épreuves lors de précédentes olympiades, des étapes marquantes de l'histoire des jeux ou les événements olympiques à venir ;

Que, pareillement, il existe un parfaite concomitance entre l'organisation des jeux Olympiques de Vancouver et le jeu-concours Bollé, l'un et l'autre ayant débuté le 12 février 2010 pour s'achever le 28 février suivant, les pages du jeu-concours n'étant du reste consultables que pendant cette période ;

Que le CNOSF note avec raison que la page du site consacrée au jeu-concours comportait une rubrique "News" sur laquelle apparaissait un titre unique "Un podium pour l'une des plus jeunes athlètes Bollé, Taïna X...", ce qui pouvait laisser à penser que l'un des "athlètes Bollé" avait gagné une médaille à l'occasion des jeux Olympiques de Vancouver, alors qu'il s'agissait, ainsi que le précisait immédiatement après le site, d'un résultat enregistré en Autriche en décembre 2009, dans le cadre de la Coupe du Monde ; qu'en créant ce risque de confusion entre les deux événements sportifs, la société Bushnell a cherché à bénéficier du surcroît de notoriété attaché aux épreuves olympiques ;

Qu'il en résulte qu'en procédant comme elle l'a fait, la société Bushnell a, de manière fautive, contrevenu aux usages loyaux du commerce en cherchant à tirer un profit indu du travail et des investissements réalisés par le CNOSF en tentant d'y associer, sans autorisation et sans droit sa propre activité commerciale, commettant ainsi un acte de parasitisme ;

Que le jugement sera réformé ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que le CNOSF invoque un préjudice tiré du trouble commercial causé par les actes déloyaux commis par la société Bushnell ;

Qu'il expose que ses ressources marketing assurent prés de 60% de son financement, et que sans ces revenus en complément des fonds de l'État, il ne serait plus en mesure de remplir l'ensemble de ses missions ; qu'en contrepartie de leur soutien financier au mouvement sportif, les partenaires officiels du CNOSF doivent pouvoir bénéficier du droit d'associer leur image à celle des jeux Olympiques ; que la stabilité financière du Mouvement Olympique et la pérennité des Jeux Olympiques sont liées à sa capacité à protéger les propriétés Olympiques ;

Que le CNOSF précise que pour les jeux Olympiques de Vancouver 2010, ses partenaires officiels étaient au nombre 8, et que le montant moyen des redevances s'élevait à 500.000 euros par an, étant observé que certains partenaires investissent jusqu'à 23 millions d'euros sur une période de quatre ans ;

Qu'elle évalue, en conséquence, son préjudice à 100.000 euros et souligne que la société Bushnell revendique un statut de leader mondial en matière d'optique de sport ;

Qu'elle sollicite, par ailleurs, une mesure de publication de la décision à intervenir sur les sites Internet de la société Bushnell ainsi que dans trois journaux, ainsi qu'une mesure d'interdiction ;

Qu'en réponse, la société Bushnell estime que le CNOSF ne verse à l'appui de ses demandes indemnitaires aucun élément tangible ni concret ; que, selon elle, le CNOSF ne peut se prévaloir d'aucune perte d'image ou d'un avantage concurrentiel ni d'une gène dans ses initiatives commerciales, la qualité de l'image véhiculée par la marque Bollé ne présentant aucun risque à cet égard ;

Qu'à titre subsidiaire, elle estime que le montant des dommages-intérêts ne devrait pas être supérieur à 10.000 euros, montant retenu en moyenne par les juridictions en l'absence d'élément tangible permettant d'évaluer avec précision le quantum du préjudice allégué ;

Qu'elle s'oppose, par ailleurs, aux mesures de publications sollicitées ;

*

Considérant que le CNOSF, qui justifie qu'une partie significative de ses ressources provient de partenariats commerciaux conclus avec un nombre limité d'annonceurs vis-à-vis desquels elle se doit de protéger les propriétés olympiques, démontre subir du fait des agissements parasitaires de la société Bushnell un préjudice ;

Qu'il convient, toutefois de tenir compte de la brièveté de la période concernée par ces agissements et du fait que l'absence de référencement privilégié du jeu-concours en a limité l'impact ; que le préjudice sera, en conséquence, évalué à 20.000 euros ;

Que les faits étant anciens et les pages litigieuses du site Internet de la société Bushnell n'ayant plus été accessibles dès la fin du jeu-concours, il n'y a pas lieu d'ordonner les mesures de publication et d'interdiction sollicitées ;

Que la responsabilité de la société Bushnell étant retenue au titre des agissements parasitaires, il en résulte que cette dernière ne peut qu'être déboutée de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts qu'elle forme pour procédure abusive ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que la société Bushnell, succombant dans ses prétentions, doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel au CNOSF une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 21 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre ;

STATUANT à nouveau,

- DIT qu'en organisant sur le site Internet de la marque Bollé le jeu-concours intitulé JO Vancouver 2010, la société Bushnell Outdoor Produits a commis un acte de parasitisme au préjudice du Comité national Olympique et sportif français ;

- CONDAMNE la société Bushnell Outdoor Products à verser au Comité national Olympique et sportif français la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme ;

CONDAMNE la société Bushnell Outdoor Products à verser au Comité national Olympique et sportif français la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande des parties,

CONDAMNE la société Bushnell Outdoor Products aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/00536
Date de la décision : 10/03/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

1ère Chambre 1ère Section, 10 mars 2016, RG n° 14/00536 1°SPORTS - Organisation des activités physiques et sportives - Comité national olympique et sportif français - Signes et emblèmes olympiques - Protection autonome L'article L. 141-5 du code du sport institue un régime de protection autonome des signes et emblèmes olympiques qu'il énumère. Ces dispositions, en ce qu'elles consacrent la propriété du Comité national Olympique et sportif français (CNOSF) sur les termes 'jeux Olympiques' et 'Olympiade' sans devoir satisfaire aux conditions de droit commun du droit des marques, sont d'interprétation restrictive et ne peuvent s'appliquer à l'abréviation « J.O. », laquelle est susceptible de désigner d'autres produits, services ou institutions, y compris publics, et ce, quand bien même cette abréviation serait combinée avec des éléments de nature à l'associer implicitement aux jeux Olympiques comme dans l'intitulé litigieux de l'espèce : « JO Vancouver 2010 ». 2° CONCURRENCE DÉLOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale. - Faute. - Parasitisme. - Jeu concours cherchant à tirer un profit indu du travail et des investissements réalisés par le Comité national olympique et sportif français en tentant d'y associer, sans autorisation et sans droit, sa propre activité commerciale. En organisant sur internet un jeu concours se déroulant à l'occasion de « VANCOUVER 2010 », débutant et se terminant aux mêmes dates que les jeux Olympiques ainsi communément désignés, comportant de nombreuses questions sur l'univers des jeux Olympiques, insérant dans la rubrique « news » l'annonce d'un podium pour une athlète sponsorisée par la société de manière à créer un risque de confusion avec un résultat antérieur en Coupe du monde, et permettant de gagner chaque jour un produit qu'elle distribue, la société a, de manière fautive, contrevenu aux usages loyaux du commerce en cherchant à tirer un profit indu du travail et des investissements réalisés par le CNOSF en tentant d'y associer, sans autorisation et sans droit sa propre activité commerciale, commettant ainsi un acte de parasitisme .


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2016-03-10;14.00536 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award