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10/03/2016 | FRANCE | N°14/00519

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 mars 2016, 14/00519


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 75B



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MARS 2016



R.G. N° 14/00519



AFFAIRE :



[A] [I] veuve [W]





C/





[K] [S]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 06

N° Section :

N° RG : 12/09668



Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES





- Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MARS DEUX MILLE SEIZE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 75B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MARS 2016

R.G. N° 14/00519

AFFAIRE :

[A] [I] veuve [W]

C/

[K] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 06

N° Section :

N° RG : 12/09668

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

- Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [A] [I] veuve [W]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

- Représentant : Me Christophe DEBRAY, vestiaire : B0864 Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 14000007

Représentant : Me [A] DE MONTBRIAL, substitué par Maitre SAMSON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS vestiaire B 0864

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [S]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 3] (56)

[Adresse 2]

[Localité 4]

- Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 14000036

Représentant : Me Paul PIGASSOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0042

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 janvier 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 6 décembre 2013 ayant, notamment :

- ordonné que soient supprimés des écritures de Mme [I] les paragraphes suivants, figurant en page 5 de ses conclusions responsives et récapitulatives après remise au rôle N°2 :

« Or, pour accréditer se thèse selon laquelle il serait créancier de son preneur à bail, M. [S] n'a fourni, à l'appui de sa déclaration de créance, que le bail emphytéotique et a opportunément dissimulé les éléments qui auraient attesté de ce que l'obligation essentielle d'avoir à effectuer les travaux avait été exécutée pendant toute la durée d'exécution du bail. En raison du caractère frauduleux de cette déclaration, le gérant de la SCI de l'époque, M. [A], a refusé, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, de valider le principe et le quantum de la déclaration régularisée par le requérant, en vain »,

- dit les demandes de M. [K] [S] recevables,

- condamné Mme [A] [I] veuve [W] à payer à M. [K] [S] la somme de 482.927,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2007,

- condamné Mme [A] [I] veuve [W] à payer à M. [K] [S] la somme de 108.070 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- dit que les intérêts dus pour une année entière à compter du 24 avril 2007 porteront intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2008,

- condamné Mme [A] [I] veuve [W] à payer à M. [K] [S] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [A] [I] veuve [W] aux dépens ;

Vu la déclaration du 20 janvier 2014 par laquelle Mme [A] [I] veuve [W] a formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 août 2014, aux termes desquelles Mme [A] [I] veuve [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

A titre principal,

1) Sur les demandes formulées par M. [S] sur le fondement de la qualité d'associée de la SCI de Mme [W] :

- constater qu'elle a cédé ses parts sociales détenues dans la SCI [Adresse 3] à la société Macurie Investments Ltd suivant acte du 10 septembre 1996,

- constater que M. [S] a eu connaissance de la cession de parts sociales ainsi consentie au profit de la société Macurie Investments Ltd,

- déclarer irrecevable M. [S] de l'ensemble de ses demandes ayant pour fondement la qualité d'associée de la SCI [Adresse 3] à son égard et l'en débouter,

2) Sur les demandes formulées par M. [S] sur le fondement des charges et conditions du bail :

* Sur l'irrecevabilité de M. [S] :

- constater la forclusion de M. [S] quant aux sommes non mentionnées dans sa déclaration de créance du 17 décembre 2004,

- déclarer M. [S] irrecevable en ses demandes ayant pour fondement des sommes non contenues dans ladite déclaration de créance,

* Sur l'absence de toute créance de M. [S] sur le fondement du bail emphytéotique :

- dire qu'elle ne peut revêtir la qualité de bénéficiaire du bail emphytéotique conclu entre le requérant et la SCI [Adresse 3],

- dire que la SCI [Adresse 3] était seul bénéficiaire dudit bail,

- dire que le preneur a intégralement respecté les engagements qui lui incombaient au titre dudit bail,

- dire que M. [S] ne peut se prévaloir des conditions du contrat de sous location envers elle,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes de condamnation formulées à son encontre sur le fondement du bail emphytéotique,

* Sur la parfaite exécution des obligations contractuelles invoquées par le requérant :

- dire que les obligations contractuelles invoquées par M. [S] pour justifier de sa créance ont été largement exécutées par le preneur à bail,

- débouter M. [S] de ses demandes de condamnation formulées à son encontre sur le fondement du bail emphytéotique,

* Sur l'absence de propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions responsives et récapitulatives après remise au rôle n°2 (page 5) du 8 janvier 2013 :

- dire que les propos contenus en page 5 des conclusions responsives et récapitulatives après remise au rôle n° 2 : « Or pour accréditer sa thèse selon laquelle il serait créancier de son preneur à bail, M. [S] n'a fourni, à l'appui de sa déclaration de créance, que le bail emphytéotique et a opportunément dissimulé les éléments qui auraient attesté de ce que l'obligation essentielle d'avoir à effectuer les travaux avait été exécutée pendant toute la durée d'exécution du bail. En raison du caractère frauduleux de cette déclaration, le gérant de la SCI de l'époque, M. [A], a refusé dans le cadre de la procédure de vérification des créances, de valider le principe et le quantum de la déclaration régularisée par le requérant, en vain », ne caractérisent pas la diffamation,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à son encontre sur le fondement de propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions du 8 janvier 2013,

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise judiciaire relative aux travaux effectués par le preneur à bail dans le cadre du bail emphytéotique,

En toute hypothèse,

- débouter M. [K] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2015, aux termes desquelles M. [K] [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* ordonné la suppression dans les conclusions de Mme [W], les deux paragraphes suivants :

« Or, pour accréditer sa thèse selon laquelle il serait créancier de son preneur à bail, M. [S] n'a fourni, à l'appui de sa déclaration de créance, que le bail emphytéotique et a opportunément dissimulé les éléments qui auraient attesté de ce que l'obligation essentielle d'avoir à effectuer les travaux avait été exécutée pendant toute la durée d'exécution du bail. En raison du caractère frauduleux de cette déclaration, le gérant de la SCI de l'époque, M. [A], a refusé, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, de valider le principe et le quantum de la déclaration régularisée par le requérant, en vain (pièce 73) »,

* déclaré que Mme [A] [I] veuve [W], tenue en sa qualité d'associée de la SCI [Adresse 3] à payer 96% de la créance déclarée à la liquidation judiciaire de la SCI [Adresse 3],

* condamné Mme [A] [I] veuve [W] en sa qualité d'associée du Château [Établissement 1] à lui payer la somme de 482.927,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2007, avec capitalisation des intérêts écoulés depuis plus d'un an,

* déclaré Mme [A] [I] veuve [W] occupant sans droit ni titre du château [Établissement 1] et de ses dépendances,

- infirmer le jugement sur le montant de l'indemnité due par Mme [A] [I] veuve [W] en sa qualité d'occupant sans droit ni titre du Château [Établissement 1] et de ses dépendances et la condamner à lui payer la somme de 339.955,33 euros,

- condamner en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 Mme [W] à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner Mme [A] [I], veuve [W], aux intérêts sur les intérêts qui seront échus sur l'ensemble de ces sommes depuis plus d'un an à compter du 8 janvier 2013,

- ordonner le retrait des débats de la lettre de Me [J] [V] du 6 avril 2001 (pièce adverse n°96),

- condamner Mme [A] [I], veuve [W], aux entiers dépens dont distraction y compris les frais d'inscription d'hypothèque provisoire, ainsi qu'à la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que par acte authentique du 13 octobre 1989 conclu avec la société civile Oliben et associés, M. [K] [S] a donné à bail emphytéotique pour une durée de 20 années et deux mois une propriété lui appartenant, située commune de [Localité 5] (Loir-et-Cher), composée d'un château dénommé « Château [Établissement 1] », d'une maison appelée « maison solognote », ainsi que de parties communes et de dépendances, pour une surface totale de 27 hectares 9 ares et 12 centiares ;

Que le preneur s'est, aux termes du bail, engagé à verser un loyer annuel de 10.000 francs (1 524,49 euros) et à réaliser des travaux de modernisation et d'amélioration pour un montant minimum de 150.000 francs TTC par an, et des travaux d'entretien et de réparation ;

Que par acte sous seing privé daté du 4 septembre 1996, Mme [I] veuve [W] a acquis 96 parts de la société civile Oliben et associés, devenant ainsi associée majoritaire de cette société ;

Que courant 1996, mettant en cause le respect de ses obligations par le preneur, M. [S] a sollicité en référé la désignation d'un expert judiciaire, pour contrôler la réalité des travaux effectués ; que le technicien a déposé son rapport le 16 mai 1997 ;

Que par décision d'assemblée générale extraordinaire du 24 juin 1998, la société civile Oliben et associés a changé de dénomination sociale, devenant ainsi la SCI [Adresse 3] ;

Que par acte d'huissier signifié le 8 septembre 2003, M. [S] a fait assigner la SCI [Adresse 3] devant le tribunal de grande instance de Blois, en résiliation du bail, pour non-respect par le preneur de ses obligations ;

Que la SCI [Adresse 3] a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 19 octobre 2004 ;

Que par courrier daté du 17 décembre 2004, M. [S] a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, à hauteur de la somme totale de 503.048,98 euros, somme correspondant pour 500.000 euros aux travaux et pour 3.048,98 euros aux loyers impayés pour les années 2003 et 2004 ; que cette créance a été définitivement admise au passif de la liquidation par ordonnance du juge commissaire du 13 octobre 2006 ;

Qu'auparavant, le bail emphytéotique avait été résilié par ordonnance du juge commissaire en date du 17 mai 2005, avec effet au 19 février 2005 ;

Que par acte du 13 avril 2007, M. [S] a fait assigner Mme [W] devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir ordonner sa condamnation à payer les sommes dues au titre des travaux non réalisés et des loyers impayés, sur le fondement de l'article 1857 du code civil, ainsi qu'à une indemnité d'occupation ;

Que ses demandes ont été accueillies pour l'essentiel par le jugement déféré, qui a, au préalable, déclaré inefficace une cession des parts de Mme [W] à une société immatriculée aux Îles vierges britanniques une semaine après l'acquisition de ses parts ;

Sur la validité et l'opposabilité de la cession de parts de la SCI

Considérant que Mme [W] soutient que les demandes présentées à son encontre sont irrecevables puisqu'elle a cédé ses parts de SCI le 10 septembre 1996 au profit de la société Macurie Investissements Ltd ; que c'est à tort, selon elle, que les premiers juges ont fait application d'une clause statutaire suivant laquelle la cession était soumise à la condition suspensive d'une signification à la société de l'acte de cession, pour considérer que le transfert n'était pas intervenu ; que, selon elle, cette disposition de statuts ne concerne que les modifications subséquentes devant être apportées aux statuts, lesquelles étaient effectivement soumises à la condition suspensive d'une signification ;

Que seule, par conséquent, l'opposabilité et non la validité de la cession est à apprécier ; que cette opposabilité est soumise aux dispositions de l'article 1865 du code civil qui prévoit que la cession est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 du code civil, ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société ;

Qu'en l'espèce, elle relève que l'acte de cession a été enregistré le 17 mai 1997 à la recette des impôts ; qu'elle convient ne pas être en mesure de produire l'acte de signification auquel, selon elle, son avocat, qui est décédé depuis 15 ans, a dû faire procéder conformément à l'article 1690 du code civil ; qu'elle déclare ignorer les raisons pour lesquelles l'acte de cession n'a pas été déposé au greffe du tribunal de commerce ;

Qu'elle relève cependant que M. [S] convient lui-même que les statuts mis à jour consécutivement à la cession ont été déposés au greffe du tribunal de commerce le 20 janvier 2002  ; qu'elle indique qu'il y aurait une erreur de date dans la mesure où la date de modification des statuts est le 24 juin 1998 et non le 20 janvier 2002 ;

Qu'elle soutient que, selon la jurisprudence, un acte de cession de parts de société civile est opposable à un tiers, même si l'acte de cession n'a pas été déposé au greffe du tribunal de commerce, dès lors que ce tiers a personnellement connaissance de la cession ou qu'ont été publiés au greffe les statuts mis à jour constatant cette cession ;

Qu'en réponse, M. [S] conteste tout d'abord la régularité de l'acte de cession à la société Macurie Investments Ltd en relevant qu'aucun document ne justifie de la qualité du signataire représentant cette société et ne permet de l'identifier ; qu'il relève, en outre que, alors que l'acte de cession est daté du 10 septembre 1996, Mme [W] apparaît toujours comme associée dans le procès-verbal de l'assemblée générale de la SCI tenue le 26 septembre 1996 ; que, de la même manière, les statuts mis à jour le 2 janvier 1997 et déposés au greffe le 7 février 1997 font toujours apparaître Mme [W] comme associée et propriétaire de 96 parts ;

Qu'il constate que l'acte de cession n'a pas été signifié à la société comme il aurait dû l'être en application de l'article 1865 du code civil, les statuts de la SCI prévoyant eux-mêmes que la cession est rendue opposable à la société par la voie, soit d'une signification par acte extra-judiciaire, soit par son acceptation par la société dans un acte authentique ; qu'il constate également que la formalité de publication, qui conditionne l'opposabilité de la cession aux tiers, n'a pas été effectuée, en contravention avec l'article 1865, alinéa 2, précité ; qu'il rappelle que conformément à l'article 52 du décret du 3 juillet 1978, la publication consiste dans le dépôt au greffe de deux originaux de l'acte de cession sous seing privé ;

Qu'en tout état de cause, il relève que l'acte de cession du 10 septembre 1996 prévoyait expressément que la modification des statuts en résultant était sous condition suspensive de la réalisation de cette cession et de sa signification à la société ; que la signification n'ayant pas été réalisée, la cession de parts est non seulement inopposable, mais également inexistante ;

*

Considérant, selon l'article 1857 du code civil, qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ;

Considérant que le jugement déclaratif ouvrant une procédure collective à l'encontre de la SCI [Adresse 3] a été rendu le 19 octobre 2004 ; qu'il n'est pas allégué que cette décision, qui n'est pas produite aux débats, aurait fixé la date de cessation des paiements à une date antérieure ;

Considérant qu'il est constant que les statuts mis à jour et mentionnant la société Macurie Investments Ltd comme associé unique ont été publiés au plus tard le 2 juillet 2002 ; qu'il s'ensuit qu'à la date de la cessation des paiements et, a fortiori à la date à laquelle M. [S] a déclaré sa créance, soit le 17 décembre 2004, ou celle à laquelle cette créance a été définitivement admise par le juge commissaire, soit le 13 octobre 2006, la consultation des statuts de la SCI au greffe du tribunal de commerce en vue d'engager la responsabilité des associés sur le fondement de l'article 1857 susvisé ne pouvait que révéler la présence de la société Macurie Investments Ltd en tant qu'associé unique ;

Qu'il sera, par ailleurs, noté que l'acte de cession a été enregistré le 17 mai 1997 à la recette des impôts ce qui a pour effet de lui donner date certaine au jour de la réalisation de cette formalité ;

Que c'est en vain que M. [S] se prévaut de l'absence de signification à la société de l'acte de cession des parts de Mme [W] à la société Macurie Investments Ltd ou de l'absence de dépôt au greffe de l'original de cet acte, la publication des statuts mis à jour au greffe du tribunal de commerce suffisant, en l'espèce, à lui rendre opposable cette cession ;

Que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la cession avait été consentie sous condition suspensive de sa signification à la société et qu'ils en ont tiré la conséquence que la cession de parts n'était pas intervenue ; qu'en effet, seule la modification des statuts était, selon la clause concernée, suspendue à la signification de l'acte de cession, ce dont il n'appartient pas à M. [S], tiers à la transaction et à la société, de se prévaloir, la publication de statuts modifiés laissant présumer que la condition a été satisfaite ;

Que le jugement sera, en conséquence, infirmé et M. [S] déclaré irrecevable à agir à l'encontre de Mme [W] sur le fondement de l'article 1857 du code civil ;

Sur la demande d'indemnité d'occupation

Considérant que faisant partiellement droit aux demandes présentées par M. [S], les premiers juges ont condamné Mme [W] à lui verser la somme de 108.070 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période comprise entre le 19 février 2005, date d'effet de la résiliation judiciaire du bail prononcée par le tribunal de grande instance de Nanterre le 17 mai 2005, et le 6 juin 2005, date de départ effectif des lieux ;

Qu'en cause d'appel, M. [S] entend remettre en cause la période concernée et que les premiers juges ont, à tort selon lui, fait débuter au 19 février 2005 ; qu'il estime que les accords de sous-location passés entre la SCI et Mme [W] ne lui étant pas opposable, il est en droit de demander une indemnité d'occupation pour la totalité de la période comprise entre le mois d'octobre 1996 et le 6 juin 2005 ; que s'agissant du montant de l'indemnité d'occupation, il considère que celui-ci doit être calculé en prenant en considération la différence entre le montant auquel Mme [W] a été condamnée en sa qualité d'associée de la SCI, soit 482.927,02 euros, et le montant de sa créance actualisée en fonction de l'indice BT 01 au jour de l'assignation introductive d'instance, soit 688.822,30 euros x 875,3/732,7 = 822.882,35 euros ; qu'il considère, en conséquence, que l'indemnité d'occupation s'établit à 822.882,35 - 482.927,02 = 339.955,33 euros ;

Qu'en réponse, Mme [W] fait valoir que M. [S] ne peut présenter une demande d'indemnité d'occupation qui se cumule avec les demandes pour lesquelles il a, par ailleurs, fait une déclaration de créance entre les mains du liquidateur et obtenu que celle-ci soit admise, dans des conditions qu'au demeurant elle conteste ;

Qu'elle estime d'autre part, que le tribunal a commis une erreur en la considérant comme sans droit ni titre pour la période comprise entre le 19 février et le 6 juin 2005 ; que le tribunal a, selon elle, confondu les relations contractuelles existant entre M. [S], la SCI et elle-même, en reconnaissant au profit de M. [S] une action directe à son encontre, dont il ne bénéficiait pas ; qu'elle observe qu'elle n'était pas partie à la procédure de résiliation judiciaire du bail emphytéotique, et n'a eu connaissance du jugement rendu le 17 mai 2005 avec effet rétroactif au 19 février 2005 que le 6 juin, date à laquelle elle ne s'est plus maintenue dans les lieux ;

Qu'en tout état de cause, le tribunal ne pouvait, selon elle, fixer l'indemnité d'occupation en prenant pour référence le montant auquel la SCI proposait le château sur le site Demeures de France ; que, d'une part, l'indemnité d'occupation a seulement une vocation réparatrice ; que, d'autre part, l'annonce concernait une location saisonnière dans laquelle le bailleur recherche une rentabilité optimale pour une courte durée, et non la pérennisation de la location ; qu'elle ajoute qu'elle n'occupait qu'une très petite partie du château et, qu'enfin, M. [S] ne subit aucun préjudice sur la période du 19 février au 6 juin 2005, puisque la propriété était louée à la SCI [Adresse 3] et qu'il se trouvait donc dans l'impossibilité de louer son bien ou d'en disposer, a minima jusqu'au 17 mai 2005, date de la résiliation judiciaire du bail emphytéotique ;

*

Considérant, en premier lieu, que le bail ayant été résilié à compter du 19 février 2005, l'occupation du château par Mme [W] n'est susceptible d'être intervenue sans droit ni titre qu'à compter de cette date ; que M. [S] n'est donc pas fondé à demander à être indemnisé à compter du mois d'octobre 1996, ayant, au demeurant, obtenu la condamnation de la SCI [Adresse 3] à raison de l'inexécution de ses obligations pendant la toute la durée du bail, et ne pouvant obtenir deux fois réparation ;

Que Mme [W] ne conteste pas avoir occupé les lieux, peu important qu'elle ne les ait occupés que partiellement ainsi qu'elle le prétend sans en rapporter la preuve, dès lors que cette sous-location est inopposable à M. [S] ; qu'il suffit de constater que M. [S] n'a recouvré la libre disposition de son bien qu'au départ de Mme [W] le 6 juin 2005 ;

Que le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a retenu qu'une indemnité d'occupation était due pour la période comprise entre le 19 février et le 6 juin 2005 ;

Que s'agissant, en second lieu, du montant de l'indemnité d'occupation due, c'est tout d'abord en vain que M. [S] entend voir fixer ce montant en considération du préjudice né de l'inexécution d'un bail emphytéotique auquel Mme [W] n'était pas partie ;

Qu'au demeurant, à s'en tenir à l'économie du bail emphytéotique, il doit être constaté que celui-ci avait été consenti en contrepartie d'un loyer de 10.000 francs par an outre l'obligation de réaliser des travaux d'amélioration d'un montant de 150.000 francs par an et celle de pourvoir aux dépenses d'entretien ; qu'il en résulte que, hors dépenses d'entretien, l'engagement souscrit par le preneur s'établissait annuellement à 160.000 euros soit 24.390 euros par an, soit environ 2.000 euros par mois ; que même en supposant que les dépenses d'entretien aient correspondu à 2 fois ce montant, ce que reflète le rapport entre dépenses d'amélioration et dépenses d'entretien tel qu'il résulte de la ventilation de la créance dont M. [S] a réclamé la fixation devant le tribunal de grande instance de Blois, il apparaît que la valeur locative du château telle que M. [S] l'estimait lui-même en 1989, lors de la conclusion du bail emphytéotique, était très inférieur au montant des prétentions dont il saisit à présent la cour ;

Que, pour le reste, il sera rappelé que les premiers juges ont, pour fixer le montant de l'indemnité d'occupation, pris en considération le montant auquel la SCI proposait elle-même le château à la location pour de courtes périodes, le tribunal ayant, à cet égard, fait une moyenne entre les tarifs en haute et basse saisons pour retenir un montant mensuel de 30.000 euros ; que c'est cependant avec raison que Mme [W] fait valoir qu'un tel montant, calculé à partir du montant d'offres saisonnières dont l'objectif est une rentabilisation optimale, n'est pas pertinent s'agissant de fixer le montant de l'indemnité d'occupation ; qu'en effet, l'indemnité d'occupation, qui présente un caractère compensatoire et indemnitaire, ne peut toutefois inclure des charges qui, telles des dépenses d'énergie, de consommables ou de personnel, n'ont pas été exposées ;

Qu'au vu des éléments que la cour a en sa possession, il convient de fixer à 10.000 euros le montant mensuel de l'indemnité d'occupation et de ramener ainsi le montant total de cette indemnité à 10.000 euros x 107 jours/30 jours = 35.666 euros pour la période comprise entre le 19 février et le 6 juin 2005 ;

Que le jugement sera réformé en ce sens ;

Que l'indemnité d'occupation portera intérêts au taux légal à compter de la demande en paiement du 13 avril 2007 ; que ces intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Sur le caractère injurieux des propos tenus par Mme [W] dans ses conclusions du 8 janvier 2013

Considérant que M. [S] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la suppression de propos injurieux et diffamatoires contenus dans les conclusions de première instance de Mme [W], mais demande son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires, pour lesquelles il sollicite à nouveau l'allocation d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il estime que Mme [W] a dépassé le simple seuil de la suggestion et de l'hypothèse et que les propos litigieux font référence à l'article 313 du code pénal en suggérant qu'il s'est rendu coupable d'escroquerie au jugement lors de sa déclaration de créance au mandataire judiciaire ; qu'il note que ces accusations ont donné lieu au dépôt, par Mme [W], d'une plainte classée sans suite, puis d'une constitution de partie civile, laquelle a abouti à une décision de non-lieu confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2012 ;

Qu'en réponse, Mme [W] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les propos qu'elle avait tenus dans ses conclusions notifiées le 8 janvier 2013 présentaient un caractère injurieux et devaient être supprimés ;

Qu'elle considère que les propos litigieux sont protégés par l'immunité de l'article 41 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881, qu'ils ne sont pas injurieux ou diffamatoires mais produits dans l'intérêt de sa défense ; qu'elle demande que M. [S] soit débouté de l'ensemble des demandes de condamnations formulées son encontre sur ce fondement ;

Que, subsidiairement, elle conclut au débouté des demandes indemnitaires présentées par M. [S] ;

*

Considérant que les conclusions notifiées par Mme [W] le 8 janvier 2013 au cours de la procédure de première instance comportaient le passage suivant :

« Or, pour accréditer sa thèse selon laquelle il serait créancier de son preneur à bail, M. [S] n'a fourni, à l'appui de sa déclaration de créance, que le bail emphytéotique et a opportunément dissimulé les éléments qui auraient attesté de ce que l'obligation essentielle d'avoir à effectuer les travaux avait été exécutée pendant toute la durée d'exécution du bail. En raison du caractère frauduleux de cette déclaration, le gérant de la SCI de l'époque, M. [A], a refusé, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, de valider le principe et le quantum de la déclaration régularisée par le requérant, en vain » ;

Considérant que les propos ainsi tenus, même s'ils révèlent une certaine inélégance et reposent sur une présentation personnelle des faits, ne dépassent pas le seuil admissible des propos pouvant être tenus pour les besoins de l'exercice de la défense dans une procédure judiciaire, au regard de l'immunité prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ; que la cour constate qu'il n'est pas allégué que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme [W] à l'encontre de M. [S] du chef d'escroquerie aurait donné lieu à des poursuites pour dénonciation calomnieuse ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression des propos litigieux ; que, par voie de conséquence, M. [S] sera débouté de ses prétentions indemnitaires ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que M. [S] succombant principalement dans ses prétentions, doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 6 décembre 2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre, sauf en ce qui concerne le principe et la période de référence de l'indemnité d'occupation ;

STATUANT à nouveau,

-DÉCLARE irrecevable l'action exercée par M. [K] [S] à l'encontre de Mme [A] [I] veuve [W] sur le fondement de l'article 1857 du code civil ;

-CONDAMNE Mme [A] [I] veuve [W] à verser à M. [K] [S] la somme de 35.666 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période comprise entre le 19 février et le 6 juin 2005, avec intérêts au taux légal à compter du 13 Avril 2007 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

-REJETTE la demande tentant à la suppression de certains passages des conclusions de première instance de Mme [W] ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [S] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 14/00519
Date de la décision : 10/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°14/00519 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-10;14.00519 ?
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