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01/03/2016 | FRANCE | N°11/09911

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 mars 2016, 11/09911


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES



Code nac : 30A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 1ER MARS 2016

R. G. No 14/04208

AFFAIRE :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE



C/
SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 05 Juillet 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : 03
No Section :
No RG : 11/ 09911



LE PREMIER MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant

dans l'affaire entre :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE
No SIRET : 442 66 0 2 05
129 Rue de l'Université
75007 PARIS
Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 30A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 1ER MARS 2016

R. G. No 14/04208

AFFAIRE :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE

C/
SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 05 Juillet 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No Chambre : 03
No Section :
No RG : 11/ 09911

LE PREMIER MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL SOCIETE IMMOBILIERE LA COMETE
No SIRET : 442 66 0 2 05
129 Rue de l'Université
75007 PARIS
Représentant : Me Elisa GUEILHERS de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129- No du dossier 265/ 11
Représentant : Me Jehan-denis BARBIER de la SELARL BARBIER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0987-
Représentant : Me Frédéric PLANCKEEL, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

APPELANTE
****************

SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE
No SIRET : 695 721 902
14-16 rue Marc Bloch
92110 CLICHY
Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C. 26- No du dossier 15763
Représentant : Me Jean-pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0441-

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé des 31 octobre et 6 novembre 1961, la société civile SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE, aujourd'hui devenue société à responsabilité limitée, a donné à bail à la société à responsabilité limitée SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU SUPERMARCHÉ DE SEINE ET OISE, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société par actions simplifiée AUX GALERIES DE LA CROISETTE, exploitant un commerce à l'enseigne MONOPRIX, des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble sis 79 à 89, rue du Général de Gaulle et 1, boulevard Devaux à Poissy, pour une durée de trente ans à compter du 1er novembre 1961 comprenant la clause LOYER suivante :
Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel de 158. 525 NF (...), pour la période du 1er novembre 1961 au 31 décembre 1963. Ce loyer sera réglé par trimestres civils et à terme échu, le 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année et pour la première fois le 1er janvier 1962.
À compter du 1er janvier 1964, il sera substitué à ce loyer un loyer variable, qui sera égal à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux loués par la société preneuse.
Ce pourcentage sera déterminé de façon définitive et pour tout le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels, selon le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui aura été réalisé par le preneur dans les lieux loués au cours de l'année civile 1963 et le loyer de 158. 525 NF, affecté du coefficient 0, 72 et résultera en conséquence de la formule ci-après :
158. 525 x 0. 72
------------------------------------- = X %
chiffre d'affaires 1963 x 100
Ce loyer sera réglé à partir du 1er janvier 1964 par trimestres et à terme échu dans les vingt jours suivant la fin de chaque trimestre sur la base du chiffre d'affaires du trimestre correspondant, affecté d'un coefficient déterminé définitivement comme ci-dessus.
Un loyer minimum annuel égal au loyer antérieur au 1er janvier 1964, soit 158. 525 NF est garanti au bailleur par le preneur.
En conséquence, si pour une année civile donnée, le loyer variable déterminé ci-dessus, se trouvait inférieur au loyer minimum garanti, l'insuffisance serait comblée par un versement supplémentaire effectué par le preneur ; au règlement du dernier des quatre trimestres de l'année civile considérée.
Le chiffre d'affaires qui servira de base à l'exécution des clauses ci-dessus s'entendra déduction faite :

- des taxes grevant ou pouvant grever ce chiffre d'affaires à l'exception toutefois de la TVA au cas où le chiffre d'affaires de la Société preneuse en serait grevé,
- du produit de la vente du sucre en morceaux,
- de la valeur des marchandises de mauvaise vente cédées à perte ou à prix coûtant par la Société preneuse à d'autres Sociétés affiliées à la Société Centrale d'achats, à charge de revanche.

Par avenant du 12 juin 1962, les parties ont convenu de substituer au loyer ci-dessus et ce à compter rétroactivement du 1er novembre 1961, un loyer annuel de 162. 350, 00 NF pour la période du 1er novembre 1961 au 31 décembre 1963.
A compter du 1er janvier 1964, il sera substitué à ce loyer un loyer variable qui sera égal au pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux par la société preneuse. Ce pourcentage sera déterminé de façon définitive et tout le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels, selon le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui aura été réalisé par le preneur dans les lieux loués au cours de l'année civile 1963 et le loyer de 162. 350, 00 NF affecté du coefficient 0, 72 et résultera en conséquence la formule ci-après :
(162. 350 NF x 0, 72)/ (C. A. 1963 x 100) = X/ 100
Le loyer minimum annuel égal au loyer antérieur au 1er janvier 1964 soit 162. 350, 00NF est garanti au bailleur par le preneur, les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées.

Maître Jérôme Z..., notaire à la résidence de Paris, a reçu par acte authentique du 28 mai 1964 le dépôt du bail et de cet avenant.

Un nouvel avenant conclu entre les parties le 4 juillet 1968 a modifié l'assiette et le taux de la redevance indiquant que, à dater du 1er janvier 1968, l'assiette du calcul de la redevance sera constituée par le montant du chiffre d'affaires brut total, y compris les ventes de sucre et taxe à la valeur ajoutée, réalisé par la Société preneuse dans le fonds de commerce donné à bail et que le taux hors taxe de la redevance sera de 0, 89 %, la taxe à la valeur ajoutée à 16 2/ 3 devant être facturée en sus à son taux réel de 20 %, soit un taux de redevance, taxe à la valeur ajoutée comprise de 1, 068 %, toutes les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées.

Suite à une demande de révision du loyer de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE, par arrêt du 4 mars 1992, la cour de cassation a rejeté le pourvoi qu'elle avait formé contre l'arrêt du 22 mars 1990 de la cour d'appel de Versailles, en indiquant que mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le bail n'imposait à la société locataire aucune obligation d'avoir à maintenir un rayon d'alimentation, n'a constaté ni que le loyer n'était plus déterminé ni déterminable, ni que la clause recettes, dont elle a reconnu la validité, n'était plus applicable, qu'elle en a exactement déduit que le loyer ne pouvait pas être révisé en application des dispositions du décret du 30 septembre 1953.

Suite à la délivrance d'un congé avec offre de renouvellement le 25 septembre 1989 par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE pour le 1er novembre 1991 et sa demande de fixation de loyer à la valeur locative par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Versailles, à laquelle il a été fait droit, par jugement du 26 septembre 1995, et à l'infirmation de ce jugement par arrêt du 16 octobre 1997 de la cour d'appel de Versailles, la cour de cassation, saisie par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE d'un pourvoi formé contre cet arrêt, a, par arrêt du 29 septembre 1999, dit que mais attendu qu'ayant constaté que, dans le bail et ses avenants, avait été stipulé à compter du 1er janvier 1964 un loyer variable égal au pourcentage du chiffre d'affaires du preneur avec un minimum garanti, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail devait s'opérer conformément à la convention des parties.

Saisi par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE en requalification du contrat signé avec la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE, le tribunal de commerce de Paris, a, par jugement du 2 octobre 2001, rejeté sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une société de fait entre les parties, les statuts de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE excluant toute activité commerciale et par voie subséquente toutes les demandes de cette dernière notamment celle tendant à dire que la clause dite de loyer qui figure dans l'acte et ses avenants constitue une clause léonine qui doit être réputée non écrite.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier du 25 juin 2010, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE a donné congé à la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE pour le 31 décembre 2010 avec offre de renouvellement du bail moyennant un loyer de 265. 000 euros.

Par courrier du 27 mai 2011, le représentant de la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE a indiqué : nous vous confirmons par la présente note notre accord pour renouveler le bail commercial aux mêmes clauses et conditions que le bail initial et en conséquence nous maintenons les conditions financières actuelles.

Par acte d'huissier du 21 octobre 2011, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE a alors fait assigner devant le tribunal de grande instance de Versailles la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE aux fins de voir :
À titre principal,
- constater, dire et juger que le bail de renouvellement à effet du 1er janvier 2011 est dépourvu de cause,
- prononcer la nullité du bail de renouvellement,
- prononcer l'expulsion de la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE ainsi que de toute personne qu'elle aurait introduit dans les lieux avec, si besoin, le concours de force publique et moyennant une astreinte de 1. 000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,
- condamner la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE à une indemnité d'occupation de 265. 000 euros annuels hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2011 et jusqu'à complète libération des lieux,
- dire que la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE devra un intérêt au taux légal sur la différence entre l'indemnité d'occupation et le loyer versé et que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts en application des articles 1154 et 1155 du Code civil,
À titre subsidiaire,
- fixer le loyer de renouvellement à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 265. 000 euros,
- condamner la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE au paiement d'un loyer de 265. 000 euros hors taxes et hors charges annuel, à compter du 1er janvier 2011,
- dire que la somme représentant la différence entre le loyer fixé et le loyer réglé depuis le 1er janvier 2011 porterait intérêts au taux légal et que les intérêts porteraient eux-mêmes intérêts en application des dispositions des articles 1154 et 1155 du Code civil,
En tout état de cause,
- condamner la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE à une indemnité de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE à tous les dépens de l'instance avec faculté de recouvrement direct en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société AUX GALERIES DE LA CROISETTE, par dernières conclusions au fond signifiées le 12 mars 2012 demandait au tribunal de :
- juger que les demandes de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE tendant à voir juger que le bail en renouvellement au 1er janvier 2011 serait dépourvu de cause, prononcer la nullité du dit bail, prononcer l'expulsion de la concluante et condamner celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation, outre intérêts, sont atteintes par la prescription et se heurtaient à l'autorité de la chose jugée et à la règle selon laquelle nul ne peut se contredire aux dépens d'autrui,
- juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE était dépourvue d'intérêt à agir pour soutenir ces demandes,
- déclarer ces demandes irrecevables et, en tant que de besoin, en débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE,
- débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de ses autres demandes,
- la condamner aux dépens, devant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement de la somme de 6. 000 euros au titre de l'article 700 du même code.

Le tribunal, saisi alors par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les termes suivants : l'article L. 145-33 du Code de commerce, tel qu'interprété par la Cour de cassation, qui lui donne un caractère supplétif de volonté, ne porte-t-il pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, de 1789 ? aux fins de transmission à la Cour de cassation a, par jugement du 5 juillet 2012 :
- Rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité,
- Condamné la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à payer à la SOCIÉTÉ AUX GALERIES DE LA CROISETTE une indemnité de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Dit que l'affaire serait rappelée à l'audience de mise en état du 17 octobre 2012 pour réplique au fond de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE,
- Condamné la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE aux dépens liés à la question prioritaire de constitutionnalité, pouvant être recouvrés par la SELARL BVK ASSOCIES conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par jugement entrepris du 27 mars 2014 le tribunal de grande instance de Versailles a :
Déclaré irrecevable la demande de la SARL SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE en nullité de l'acte de renouvellement,
Rejeté la demande subsidiaire de la SARL SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE en fixation du loyer de renouvellement et ses demandes subséquentes,

Condamné la SARL SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à verser à la SAS AUX GALERIES DE LA CROISETTE la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
Condamné la SARL SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE aux dépens dont distraction au profit de la SELARL BVK ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 3 juin 2014 par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE ;

Vu les dernières écritures en date du 17 novembre 2015 par lesquelles la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE demande à la cour de :

A titre principal,
Vu les articles 1131 et 1134 du Code civil,
Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles le 27 mars 2014, et statuant à nouveau :
Dire et juger recevables les demandes de la Société Immobilière de la Comète,
Constater, dire et juger que le bail de renouvellement à effet du 1er janvier 2011 est dépourvu de cause ;
Prononcer la nullité du bail de renouvellement ;
Prononcer l'expulsion de la SAS Aux Galeries de la Croisette ainsi que de toute personne qu'elle aurait introduit dans les lieux avec, si besoin, le concours de force publique et moyennant une astreinte de 1. 000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;
Condamner la SAS Aux Galeries de la Croisette à une indemnité d'occupation de 265. 000 euros annuels hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2011 et jusqu'à complète libération des lieux ;
Dire que la SAS Aux Galeries de la Croisette devra un intérêt au taux légal sur la différence entre l'indemnité d'occupation et le loyer versé et que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts en application des articles 1154 et 1155 du Code civil ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne prononcerait pas la nullité du bail renouvelé
Vu les articles 1722 et 1741 du Code civil
Constater, dire et juger que le bail est résilié de plein droit pour perte de la chose louée,

En conséquence, prononcer l'expulsion de la SAS Aux Galeries de la Croisette ainsi que de toute personne qu'elle aurait introduit dans les lieux avec, si besoin, le concours de force publique et moyennant une astreinte de 1. 000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;
Condamner la SAS Aux Galeries de la Croisette à une indemnité d'occupation de 265. 000 euros annuels hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2011 et jusqu'à complète libération des lieux ;
Dire que la SAS Aux Galeries de la Croisette devra un intérêt au taux légal sur la différence entre l'indemnité d'occupation et le loyer versé et que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts en application des articles 1154 et 1155 du Code civil ;
A titre subsidiaire, désigner tel Expert qu'il plaira à la Cour aux fins de donner son avis :
¿ Sur la nature et le coût des travaux de toiture nécessaires pour remettre l'immeuble en bon état
¿ Sur la valeur vénale actuelle des locaux appartenant à la Société Immobilière de la Comète
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne prononcerait pas la nullité du bail renouvelé ni ne constaterait la résiliation du bail
Vu l'article L. 145-33 et les articles R. 145-2 et suivants du Code de commerce, ensemble les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Versailles le 27 mars 2014, et statuant à nouveau :
Fixer le loyer de renouvellement à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 265. 000 euros ;
Condamner la SAS Aux Galeries de la Croisette au paiement d'un loyer de 265. 000 euros hors taxes et hors charges annuel, à compter du 1er janvier 2011 ;
Dire que la somme représentant la différence entre le loyer fixé et le loyer réglé depuis le 1er janvier 2011 portera intérêts au taux légal et que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application des dispositions des articles 1154 et 1155 du Code civil ;
En tout état de cause,
Ordonner si nécessaire une mesure d'expertise judiciaire aux fins de détermination de la valeur locative au 1er janvier 2011,
Débouter la SAS Aux Galeries de la Croisette de toutes ses demandes, moyens et fins de non-recevoir,

Condamner la SAS Aux Galeries de la Croisette à une indemnité de 20. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SAS Aux Galeries de la Croisette à tous les dépens de l'instance avec faculté de recouvrement au profit de Me GUEILHERS

Vu les dernières écritures en date du 18 novembre 2015 au terme desquelles la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE demande à la cour de :

Vu les articles 1131, 1134, 1304, 1351, 1722, 1741 et 2224 du code civil,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Sur les demandes formées par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à titre principal :
Juger que les demandes de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE tendant à voir juger que le bail en renouvellement au 1er janvier 2011 serait dépourvu de cause, prononcer la nullité du dit bail, prononcer l'expulsion de la concluante et condamner celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation, outre intérêts, sont atteintes par la prescription et se heurtent à l'autorité de la chose jugée ainsi qu'à la règle selon laquelle nul ne peut se contredire aux dépens d'autrui,
Déclarer ces demandes irrecevables pour ces motifs,
A titre subsidiaire, juger frauduleux le congé du 25 juin 2010 et en prononcer l'annulation,
A titre plus subsidiaire :
Juger que l'existence de la cause de l'obligation de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE d'assurer à la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE la jouissance des locaux loués, moyennant un loyer dont elle prétend qu'il serait vil, doit s'apprécier non pas à la date du renouvellement intervenu le 1er janvier 2011, mais à la date du bail des 31 octobre et 6 novembre 1961 et de ses avenants, dès lors que la clause recette qu'ils contiennent stipule qu'elle s'appliquera lors des renouvellements du bail,
Juger que le bail renouvelé au 1er janvier 2011 est un contrat aléatoire, de sorte que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE est mal fondée à alléguer la vileté de son loyer,
Juger que la preuve de la vileté du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2011 n'est pas rapportée,
Juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE ne justifie pas de la valeur locative des locaux loués,

Débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de ses demandes,
Sur les demandes formées par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à titre subsidiaire pour le cas où la Cour ne prononcerait pas la nullité du bail renouvelé :
Déclarer la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE irrecevable en sa demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail pour perte de la chose louée, s'agissant d'une demande nouvelle qui n'a pas été soumise au tribunal,
A titre subsidiaire, juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE a contractuellement renoncé à invoquer les dispositions de l'article 1722 du code civil,
A titre plus subsidiaire, juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE ne justifie pas de la valeur vénale et de la valeur locative des locaux loués, non plus de la quote-part de travaux pouvant lui incomber au titre de travaux relatifs aux étanchéités des terrasses,
Juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE ne rapporte pas la preuve de la perte totale de la chose louée au sens des articles 1722 et 1741 du code civil,
Débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de ses demandes,
Sur les demandes formées par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à titre subsidiaire pour le cas où la Cour la Cour ne prononcerait pas la nullité du bail ni ne constaterait la résiliation de celui-ci :
Juger que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE est mal fondée à invoquer les articles L. 145-33 et R. 145-2 et suivants du code de commerce, les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour demander la fixation du loyer de renouvellement à la somme annuelle de 265 000 euros hors taxes et hors charges,
Débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de ses demandes,
En tout état de cause
Débouter la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de ses demandes,
Condamner la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE aux dépens, qui seront recouvrés par la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du même code.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE aux demandes de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE formées à titre principal :

Aux demandes de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de voir prononcer, d'une part la nullité du bail de renouvellement pour absence de cause, du fait d'un loyer devenu dérisoire au profit du locataire et au détriment du bailleur, et, d'autre part l'expulsion de la locataire avec paiement d'une indemnité d'occupation, la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE oppose la prescription, l'autorité de la chose jugée et le principe de l'estoppel.

S'agissant de la prescription, la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE estime, en effet, que c'est à bon droit que le tribunal a retenu qu'en l'absence de nouvel échange de consentement entre les parties sur les clauses et conditions de la location, et en particulier sur le montant du loyer, le bail s'est renouvelé au 1er janvier 2011 aux clauses et conditions antérieures, en application de l'article L. 145-8 du code de commerce, de sorte que c'est nécessairement au jour du bail initial qu'il convenait de se placer pour apprécier si les conditions de formation du contrat étaient réunies, dont la cause de l'obligation de chaque partie, et par suite que c'est également de ce jour que part la prescription de l'action en annulation pour absence de cause.

La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE maintient, quant à elle, que c'est bien à la date du bail renouvelé, le 1er janvier 2011, que doit s'apprécier le point de départ de la prescription quinquennale, édictée par l'article 1304 du code civil, et non à celle de l'avenant, du 4 juillet 1968, au bail de 1961.

Elle fait valoir à cet égard qu'elle n'aurait pu agir en nullité pour vil prix dans les cinq ans de cet avenant, à raison de la disproportion constatée par rapport à la valeur locative, au 1er janvier 2011, plus de 40 ans après.

Arguant du principe du consensualisme, elle soutient que le renouvellement d'un bail arrivé à échéance est la rencontre de deux volontés, à tout le moins sur le principe du renouvellement et qu'en l'espèce, la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE a confirmé son accord au renouvellement par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mai 2011.

Mais la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE précise elle-même que, dans ce courrier du 27 mai 2011, la locataire a donné son accord pour renouveler le bail commercial aux mêmes clauses et conditions que le bail initial et ainsi déclaré vouloir maintenir les conditions financières actuelles, celles-là mêmes qu'elle dénonce pour être dépourvues de cause et conduire à lui allouer un loyer à vil prix.

La société AUX GALERIES DE LA CROISETTE fait justement observer, que le principe jurisprudentiel selon lequel un bail renouvelé constitue un nouveau bail ne peut justifier la réouverture, à compter de la date du renouvellement, de la prescription d'une action en nullité fondée sur le caractère prétendument dérisoire du loyer dont le montant résulte d'une clause du bail initial fixant les modalités de calcul du loyer de façon définitive et pour tout le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels.

Dans le même sens expose-t-elle justement que le renouvellement du bail ne résulte donc pas d'un nouvel accord des parties, mais du droit au renouvellement aux clauses et conditions antérieures que le locataire tient de l'article L. 145-8 du code de commerce ; que le bail renouvelé est donc d'une nouveauté toute relative, puisque les clauses et conditions ne peuvent être modifiées par rapport au bail antérieur ; que le caractère nouveau du bail renouvelé a une portée nécessairement limitée, en ce qu'elle ne peut conduire à remettre en cause les stipulations du bail initial.

Or, en l'espèce, ce sont bien les stipulations du bail initial, relatives aux modalités de fixation du loyer lors de ses renouvellements, que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE remet en cause au motif que leur application aboutirait à un loyer, selon elle, dérisoire.

La clause de fixation du loyer a été voulue par les parties dans le cadre de la liberté contractuelle qu'érige l'article 1134 du code civil et que les dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux ne viennent, en l'occurrence pas restreindre. Le fait que son application dans un temps, que les parties ont délibérément voulu très long, puisque le bail initial a été conclu en 1961 pour une durée de trente ans, aboutisse à un état qualifié aujourd'hui par le bailleur de loyer à vil prix, ne saurait remettre en question, au-delà du délai de prescription de l'action en nullité, la cause qui a conduit ces mêmes parties à agir ainsi.

La cour confirmera ainsi le tribunal en ce qu'il a jugé prescrite l'action de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE en nullité du bail renouvelé, assortie de ses demandes d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE à la demande de résiliation du bail formée à titre subsidiaire par la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE :

En cause d'appel, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE forme une demande résiliation du bail pour perte de la chose louée, sur le fondement de l'article 1722 du code civil, à laquelle la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE lui oppose, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, une irrecevabilité tirée du caractère nouveau de cette demande devant la cour, dont il est constant qu'elle n'a pas été soutenue devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Au visa de l'article 565 du code de procédure civile, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE estime être parfaitement recevable en sa prétention, puisqu'elle tendrait aux mêmes fins que l'action en nullité du bail, à savoir mettre fin au bail et obtenir l'expulsion du preneur.

Mais outre le fait que l'action en nullité du bail a pour fin d'anéantir l'existence du contrat depuis sa formation et de remettre les parties en l'état dans lequel elles se trouvaient au moment de sa formation, alors que l'action en résiliation n'a pour fin que de faire cesser le contrat pour l'avenir, cette dernière action, dont le texte de l'article 1722 du code civil dit qu'elle n'est ouverte qu'au preneur lorsque la chose n'est détruite qu'en partie, comme le soutient en l'espèce la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE, trouve à s'appliquer lorsque est en cause un événement extérieur à la volonté des parties, alors que l'action en nullité telle qu'elle est soumise à la cour, vise la remise en question de l'accord des parties lors de la formation du contrat.

Ainsi, bien que les conséquences que la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE tire de ces deux demandes soient l'expulsion du locataire et le paiement d'une indemnité d'occupation, la cour considère que par ces deux fondements juridiques différents, elle poursuit deux actions qui tendent à des fins différentes et que donc, la demande aux fins de résiliation du bail est nouvelle devant elle et, partant, irrecevable.

Sur la demande de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE de fixation du loyer à la valeur locative :

À titre subsidiaire, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE forme une demande de fixation du loyer à la valeur locative par application de l'article L. 145-33 du code de commerce, qui dispose que : Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.

Elle estime impérative la fixation du loyer à la valeur locative prévue par cet article et conteste le fait que la cour de cassation lui donne une valeur supplétive de volontés, dans une tendance qu'elle a pu avoir à un élargissement du champ de la liberté contractuelle, ôtant à cet article tout caractère d'ordre public, alors même que dans d'autres occasions, elle a fait une application extensive des dispositions d'ordre public enserrées dans l'article L. 145-15 du code de commerce, en déclarant telles les dispositions d'autres articles n'y figurant pas expressément, tels l'article L. 145-9 ou l'article L. 145-10 en ce qui concerne le recours à des actes extrajudiciaires pour donner congé ou faire une demande de renouvellement.

A la motivation du tribunal, qui, pour rejeter sa question prioritaire de constitutionnalité, lui a objecté la clarté des dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE vient opposer que son alinéa 1 pose le principe de la valeur locative et son alinéa 2 en fixe les modalités ; que cet article s'applique tout autant au loyer renouvelé qu'au loyer révisé, alors que ce dernier est d'ordre public, au terme de l'article L. 145-37 du code de commerce, expressément visé par l'article L. 145-15 du même code et que ce texte ne saurait donc instaurer deux régimes différents selon qu'il s'agit d'un renouvellement ou d'une révision.

En toute hypothèse, fait-elle valoir que l'article L. 145-33 doit être interprété comme impératif sous peine de permettre, par la stipulation d'un loyer-recettes éternellement applicable, la fixation par les parties d'un loyer attentatoire au droit de propriété.

La société AUX GALERIES DE LA CROISETTE met, quant à elle, en avant la jurisprudence constante de la cour de cassation depuis l'arrêt Théâtre Saint Georges du 10 mars 1993, selon laquelle, dans l'hypothèse où les parties n'ont rien prévu à cet égard, la fixation du loyer d'un bail en renouvellement d'un bail initial comportant une clause-recettes échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux relatives à la fixation du loyer du bail en renouvellement, qui n'est régie que par la convention des parties, peu important la durée effective du bail initial.

Elle rappelle en l'espèce les stipulations expresses du bail selon lesquelles le loyer est fixé en pourcentage des recettes de la locataire pour tout le temps du bail restant à courir et des renouvellements éventuels.

Sur ce point, le tribunal a bien jugé que les dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce, avaient, en matière de fixation du bail renouvelé et dans leur ensemble, un caractère supplétif de la volonté des parties, en l'espèce librement et clairement exprimée au bail, le renouvellement de celui-ci n'affectant donc en rien, à défaut d'accord contraire exprès de ces mêmes parties, l'application de la clause-recettes qui y est stipulée et doit donc se voir reconduite.

La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE développe néanmoins un argumentaire relatif à l'atteinte au droit de propriété que constituerait la non application de la valeur locative, en référence tant à l'article 544 du code civil, qu'aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ou encore à l'article 1 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Elle estime en l'espèce qu'existe une grave altération de son droit de propriété du fait du loyer dérisoire, du montant exorbitant de l'indemnité d'éviction et de la valeur nulle de son bien, selon l'estimation qu'en a faite Michel X..., expert qu'elle a missionné. Elle ajoute ne pouvoir bientôt plus pouvoir faire face à ses charges, plus importantes que son revenu.

La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE considère ainsi constituées une atteinte au droit de tirer un revenu de son bien, mais aussi à celui d'en disposer, le montant annuel du loyer rendant son immeuble tout à fait invendable, faisant état de tentatives avortées en ce sens et du constat de l'aggravation de la situation par l'entrée en vigueur de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, le 18 décembre 2014, instaurant un droit de préemption du preneur.

Elle fait également valoir que l'indemnité d'éviction est supérieure à la valeur vénale de l'immeuble libre, respectivement de 5. 180. 000 euros et de 4. 180. 000 euros selon l'estimation de Michel X..., soulignant la critique exprimée par la doctrine, en l'occurrence par le professeur Joël Y..., d'une appréciation abstraite de la possibilité théorique d'un refus de renouvellement avec indemnité d'éviction que la cour aurait affirmée dans son arrêt du 17 février 2015 ayant rejeté la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation.

La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE soutient encore que malgré la stipulation contractuelle de fixation du loyer eu égard aux recettes du preneur, les parties n'ont à aucun moment exclu sa revalorisation à la valeur locative. Elle affirme que le consentement du propriétaire à une clause-recettes ne dispense pas le juge de contrôler la durée de l'atteinte, sa justification et sa proportionnalité, le régime de la propriété ne pouvant être démesurément déformé, même avec le consentement initial du propriétaire et de dénoncer l'imprévisibilité de la jurisprudence Théâtre Saint Georges.

Contrairement au plafonnement du loyer, dont il peut être fait exception, l'appelante critique la jurisprudence Théâtre Saint Georges qui ne permet d'écarter la stipulation contractuelle que si le locataire renonce à s'en prévaloir, le bailleur étant laissé à sa merci.

La société AUX GALERIES DE LA CROISETTE lui objecte que rien ne permet d'écarter les stipulations contractuelles, dès lors que la cour de cassation ne confère aucun caractère impératif aux dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce, ni non plus qu'en signant le bail en 1961, la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE aurait supputé que le loyer en renouvellement, trente ans plus tard, serait fixé à la valeur locative.

Elle fait valoir que cet article, anciennement inclus dans le décret du 30 septembre 1953, n'a jamais été d'ordre public et que ni le législateur, ni la jurisprudence n'ont jamais considéré la valeur locative comme devant s'appliquer à la fixation du bail renouvelé, lors même que les parties sont convenues des modalités de cette fixation.

Elle ajoute, se référant à l'article 1 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont se prévaut l'appelante, qu'en l'espèce, ce n'est pas la loi française qui porterait atteinte à son droit de propriété, mais la stipulation qui résulte d'une convention à laquelle elle a librement consentie.

Au surplus déclare-t-elle n'accorder aucun crédit aux estimations non contradictoires auxquelles à procédé l'expert Michel X..., qu'elle met aux débats.

S'il résulte des différents textes dont la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE se prévaut que la propriété est un droit inviolable et sacré, selon la formulation de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, il doit cependant être admis que nombre d'impératifs publics viennent la remettre en question dans son principe ou dans son périmètre, moyennant certes le contrôle du juge, qui doit notamment veiller à une correcte indemnisation de la personne qui en est ainsi privée.

Mais force est de constater que le litige soumis à la cour ne concerne pas des atteintes prétendument portées au droit de propriété de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE par la puissance publique et les lois qu'elle juge nécessaire à son exercice, mais par la loi des parties, consacrée par l'article 1134 du code civil, qui trouve à s'appliquer à travers les conventions qu'elles forment, pour autant qu'elles le soient légalement, c'est-à-dire sans violer un ordre public établi, que malgré ses allégations, l'appelante ne parvient pas à voir consacrer par l'article L. 145-33 du code de commerce, auquel les conventions peuvent déroger, puisqu'il n'est pas impératif.

Dès lors sa prétention à voir dire la valeur locative comme étant la seule référence possible de fixation du loyer en matière de renouvellement de bail n'est consacrée par aucun texte du code de commerce et pas davantage par l'article 544 du code civil, les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ou encore l'article 1 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ce postulat de départ, erroné, puisque la codification du décret du 30 septembre 1953 dans le code de commerce s'est faite à droit constant, ne peut donc avoir été mis à mal par la jurisprudence Théâtre Saint Georges, espèce dans laquelle la cour de cassation n'a fait qu'appliquer les règles presque bicentenaires du code civil au litige qui lui était soumis.

Il s'ensuit que c'est justement que le tribunal a rejeté la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative et que, confirmé sur ce point, il verra son jugement entièrement confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE une indemnité de procédure de 10. 000 euros. La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevables, comme étant nouvelles devant elle, la demande de la société à responsabilité limitée SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE tendant à voir prononcer la résiliation de plein droit du bail pour perte de la chose louée et les demandes subséquentes y afférent,

CONFIRME le jugement entrepris du tribunal de grande instance de Versailles du 27 mars 2014 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE à payer à la société par actions simplifiée AUX GALERIES DE LA CROISETTE la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE LA COMÈTE aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 11/09911
Date de la décision : 01/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-01;11.09911 ?
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