COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
1re chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 JANVIER 2016
R.G. N° 14/04506
AFFAIRE :
[U], [Z], [D] [F]...
C/
[P] [F] épouse [F]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Février 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
Pôle famille
N° Section : 03
N° RG : 12/04206
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES,
Me Jean-Luc BLANCHON, avocat au barreau deS HAUTS-DE-SEINE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [U] [Z] [D] [F]
né le [Date naissance 2] 1951 à[Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22852
Représentant : Me Jacqueline LEVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,
Madame [G] [H] [I] [F] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22852
Représentant : Me Jacqueline LEVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,
APPELANTS
****************
Madame [P] [F] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1952 à[Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Jean-Luc BLANCHON, avocat postulant et plaidant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 16
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 novembre 2015, Monsieur Dominique PONSOT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Odile BLUM, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 14 février 2014 ayant, notamment :
- ordonné les opérations de partage judiciaire de la succession d'[O] [F] décédée le [Date décès 1] 2010 à [Localité 4] (Hauts-de-Seine),
- désigné un notaire,
- sursis à statuer sur les demandes entre héritiers sur les rapports à succession et sur la licitation des immeubles en dépendant,
- dit valable le testament olographe de [A] [M] du 21 novembre 1999 déposé au rang des minutes de Me [Y] [E], notaire à [Localité 7], selon procès-verbal du 25 janvier 2013, qui institue [P] [F] légataire à titre particulier de l'immeuble de [Localité 6],
- ordonné la délivrance à [P] [F] de l'immeuble de [Localité 6] objet du legs testamentaire, les fruits et revenus du biens lui étant acquis depuis le [Date décès 1] 2010, dans un délai de huit jours à compter de la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- dit que l'exécution provisoire n'est pas nécessaire,
- dit que les dépens liés à la demande en délivrance sont à la charge de la succession,
- fait masse des autres dépens qui seront employés en frais privilégiés de partage, chacune des parties étant condamnée à les payer à proportion de ses droits dans le partage,
- condamné [P] [F] à payer à Me [Y] [E] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu la déclaration du 13 juin 2014 par laquelle M. [U] [F] et Mme [J] [F] épouse [F] ont formé à l'encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 octobre 2015, aux termes desquelles M. [U] [F] et Mme [G] [H] [F] épouse [F] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- ordonné les opérations de partage judiciaire de la succession de [T] [F] décédée le [Date décès 1] 2010 à [Localité 4],
- sursis à statuer sur les demandes entre héritiers sur les rapports à succession et licitation des immeubles en dépendant ;
- désigné Me [X], remplacé depuis par Me [K] [V], notaire à [Localité 4], pour procéder aux opérations de compte liquidation partage de la succession de [T] [F] née [F] ;
- l'infirmer sur les autres chefs du dispositif et jugeant à nouveau,
A titre principal,
- désigner un commissaire-priseur, pour procéder à l'estimation des meubles et objets dépendant de l'indivision, et à la constitution de lots en vue du tirage au sort entre héritiers ou à défaut, de leur vente,
- dire et juger que le notaire désigné sera autorisé à se faire communiquer tous renseignements et documents utiles auprès de la Direction générale des finances publiques par l'intermédiaire du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA), ainsi qu'auprès des établissements notamment bancaires et de crédit concernés, relativement aux parties, ainsi qu'à [T] [F] [P] et à [A] [M] [F] et à consulter l'association pour la gestion du risque en assurance (AGIRA), sans que le secret professionnel lui soit opposé.
- dire et juger que le document signé le 21 novembre 1991 par [A] [M] [F] est nul et de nul effet, notamment en tant que testament, que par conséquent, [P] [P] [F]n'est pas légataire particulier de l'immeuble sis à [Localité 6], et que ledit immeuble constitue un actif de la succession de [T] [F] [P],
- condamner Mme [F] [F] à leur régler ou rembourser :
.sa part de charges et dettes dans l'indivision successorale,
.sa part de charges de copropriété (part récupérable sur l'occupant) ressortant de son occupation privative de l'appartement du [Adresse 2], à concurrence des sommes payées de ces chefs et à titre conservatoire par M. [U] [F] et Mme [G] [P][F],
- condamner Mme [F] [F] à payer l'indemnité d'occupation au titre de son occupation de l'appartement du 20 rue du 22 septembre à [Localité 4], laquelle indemnité sera fixée dans le cadre des comptes de l'indivision successorale à faire par Me [V], notaire.
- dire et juger que tous encaissements faits par le notaire sur le compte de l'indivision (notamment loyers ou indemnités d'occupation du pavillon [Localité 5]) seront utilisés pour régler les dettes incombant à l'indivision successorale,
- condamner Mme [F] [F] à les garantir de tous intérêts, majorations, pénalités fiscales, résultant de l'impossibilité de déférer à la mise en demeure du 9 septembre 2014 de procéder à la déclaration fiscale de la succession de Mme [T] [F] [P],
A titre complémentaire,
- ordonner en l'état et à titre provisionnel le rapport par Mme [F] [F] à la succession de [T] [P] d'une somme globale de 228.818 euros, à parfaire durant les opérations de comptes liquidations partage, en application des articles 843, 851, et 853 du code civil,
- faire droit à leur action en réduction en application de l'article 921 alinéa 1 du code civil si la quotité disponible est dépassée par Mme [F] [F],
A titre subsidiaire,
- dire et juger que Mme [F] [F] a renoncé au legs dont elle se prévaut, et par conséquent, la débouter de sa demande de délivrance de ce legs,
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour jugeait Mme [F] [F] recevable et fondée en sa demande de délivrance du legs,
- dire et juger que les fruits et revenus du legs ne seraient acquis - avec ses charges - à Mme [F] [F] qu'à compter du 25 janvier 2013, date de son assignation en délivrance du legs,
- condamner Mme [F] [F] à leur payer toutes les charges et dettes afférentes au legs et à ses accessoires qu'ils ont respectivement acquittées à titre conservatoire aux lieu et place de Mme [F] [F],
- fixer la créance d'indemnisation de l'indivision successorale (succession de [T] [P]) à l'encontre de Mme [F] [F] à un montant de 16.160 euros sauf à parfaire du fait du surplus de droits d'enregistrement réglés indûment par [T] [F] sur la succession de sa mère, [A] [M], ce en application des articles 1235 et 1377 du code civil, et subsidiairement à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- condamner Mme [F] [F] au paiement de cette somme de 16.160 euros, sauf à parfaire.
- dire et juger que Mme [F] [F] se libérera de cette dette par imputation et si nécessaire par règlement effectif à ses cohéritiers au jour du partage en application de l'article 864 du code civil,
- condamner Mme [F] [F] à payer :
- à Mme [J] [P] [F] une somme de 13.056 euros,
- et à M. [U] [F] une somme de 13.666 euros,
en application des articles 1235 et 1377 du code civil, et subsidiairement en application de l'article 1382 dudit code, du chef des droits d'enregistrement qu'ils ont indûment payés sur la succession de leur mère Mme [T] [F] ;
- dire et juger que Mme [F] [F] se libérera de cette dette par imputation et si nécessaire par règlement effectif à ses cohéritiers au jour du partage en application de l'article 864 du code civil;
- condamner Mme [F] [F] à payer :
- à Mme [F] [F] une somme de 10.000 euros,
- à M. [U] [F] une somme de 10.000 euros,
à titre d'indemnisation du préjudice subi en raison de la perte de chance (art. 1382 du code civil) de bénéficier de dispositions de leur mère aux fins de rétablir la situation successorale de ses enfants, après sa mort.
En toute hypothèse,
- dire et juger Mme [F] [F] irrecevable et non fondée en son appel incident et en l'ensemble de ses demandes, fins et moyens contenues dans ses conclusions d'intimée. Par conséquent, l'en débouter.
- condamner Mme [F] [F] à leur payer, chacun, une somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral du fait des énonciations contenues dans ses écritures d'intimée portant atteinte à la mémoire de leur mère, et du fait des énonciations infamantes contenues dans ces écritures tant vis-à-vis de leur mère que vis-à-vis d'eux-mêmes, en application de l'article 1382 du code civil,
- condamner Mme [F] [F] à leur payer, chacun, une somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2015, aux termes desquelles Mme [P] [F] épouse [F] demande à la cour de :
Recevant l'action des appelants, la dire non fondée ;
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris, sauf à préciser ou à ajouter ce qui suit en remplacement de toute disposition contraire :
- lui donner acte que le notaire [E] défendeur devant le tribunal de grande instance de Nanterre est hors de la cause devant la cour à la suite du double désistement d'instance et d'action, signé entre les parties concernées,
- ordonner les opérations de partage judiciaire de la succession de [T] [F] décédée le [Date décès 1] 2010 à [Localité 4] 92,
- désigner pour procéder aux opérations de partage Maître [V], notaire à [Localité 4] [Adresse 1], ou tout autre notaire [Localité 4], dire qu'il pourra se faire assister d'un expert immobilier afin d'établir les évaluations, déterminer la possibilité d'un partage en nature selon 3 lots, calculer les indemnités d'occupation depuis le décès et évaluer en tant que de besoin les montants des mises à prix en cas de vente par licitation,
- constater qu'aucun compte de rapport à la masse successorale ni a fortiori aucun compte de détournement n'est justifié sérieusement par les appelants à son encontre, en conséquence rejeter toute demande à ces titres,
- autoriser le notaire à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l'intermédiaire du fichier central des comptes bancaires et assimilés, (FICOBA) et à consulter l'association pour la gestion du risque en assurance AGIRA,
- ordonner qu'il lui sera fait délivrance, dans la huitaine de la signification de l'arrêt à intervenir, du legs particulier consistant en un bien immobilier sis à [Adresse 5] cadastré section B n° [Cadastre 1]pour 4 a et 10 ca dont le testament dispose en sa faveur; étant précisé que ce bien appartenait à l'auteur du legs en sa totalité pour l'avoir recueilli partie dans la succession de ses parents, et partie au terme d'une vente de ses soeurs à son profit,
- ordonner que la délivrance à la légataire inclura les accessoires, dépendances et les fruits du legs échus à compter du [Date décès 2] 1999, date du décès de la de cujus,
- dire cependant que le notaire chargé de la succession fera les comptes de fruits et des charges du legs en tenant compte de la prescription quinquennale, c'est-à-dire en les comptant dans la limite des 5 années précédant le décès de la de cujus [T] [F] jusqu'à la mise à disposition effective du legs,
- dire que la SCP [B] [W] notaire des appelants, à ce jour dépositaire de loyers et charges lui appartenant, devra donner le compte certifié exhaustif des encaissements et des emplois effectués par son étude et se dessaisira du solde éventuel auprès de son confrère désigné par la cour pour lui succéder, à première demande,
- faute par les appelants cohéritiers de faire délivrance dans le délai fixé et celui-ci passé, les condamner à payer à la requérante la somme de 300.000 euros représentant la valeur dudit legs en principal et accessoires, le tout sous astreinte journalière de 150 euros par jour de retard à moins qu'il ne plaise mieux à la cour dire que l'arrêt à intervenir tiendra lieu de délivrance,
- condamner les appelants conjointement et solidairement à la garantir de toutes pénalités fiscales qui seraient dues au Trésor Public au titre de l'absence de déclaration de succession,
- condamner les appelants conjointement et solidairement à lui payer 8.000 euros à titre de dommages intérêts correspondant au préjudice moral et financier résultant du retard à entrer en possession du legs du fait de leur contestation abusive et 9.180 euros TTC au titre du remboursement de ses frais d'avocat devant la cour par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les appelants conjointement et solidairement aux dépens d'appel dont distraction ;
SUR CE, LA COUR
Considérant que [A] [M] est décédée le [Date décès 2] 1999 à [Localité 3] laissant pour lui succéder sa fille [T] [F], selon l'acte de notoriété établi le 15 décembre 1999 par Me [E], notaire ;
Que [T] [F] est à son tour décédée le [Date décès 1] 2010 laissant pour lui succéder ses trois enfants issus de son union avec [R] [F] pré-décédé : [U] [F], [P] [F] épouse [F] et [G] [F] épouse [F], selon l'acte de notoriété établi le 16 juin 2011 par Me [B], notaire. ;
Que par jugement du 13 octobre 2005, le juge des tutelles de Courbevoie a placé [T] [F] sous sauvegarde de justice et a nommé [G] [F] épouse [F] en qualité de mandataire spécial le 18 novembre 2005 ; que le 3 janvier 2006, [T] [F] a été placée sous curatelle renforcée, [G] [F] épouse [F] étant désignée curatrice ; qu'enfin, elle a été placée sous tutelle le 8 décembre 2008 jusqu'à son décès, sa fille [G] devenant administratrice légale sous contrôle judiciaire ;
Que l'actif successoral se compose d'une maison à [Localité 6] (93), d'une maison et de deux appartements à [Localité 4] (92), des prorata d'arrérages de retraite à la CNAVTS et de plusieurs comptes ouverts au Crédit Lyonnais ;
Que par acte du 27 mars 2012, [U] [F] et [G] [F] épouse [F] ont fait assigner [P] [F] épouse [F] au fin de voir ordonner les opérations de partage judiciaire de la succession de [T] [F] ;
Que par acte du 25 janvier 2013, [P] [F] épouse [F] a fait assigner [U] [F], [G] [F] épouse [F] et Me [E], notaire, afin d'obtenir, notamment, la délivrance du legs que lui a consenti [A] [M] aux termes d'un testament olographe rédigé le 21 novembre 1991 ; que les deux instances ont été jointes ;
Sur le rapport des donations
Considérant que [U] [F] et [G] [F] épouse [F], appelants, soutiennent que leur s'ur a bénéficié, de façon régulière, de nombreux règlements de la part de leur mère, identifiés à ce jour à la somme de 48.971 euros, ainsi que du règlement des charges de copropriété de l'appartement qu'elle occupait à [Localité 4] et d'autres règlements ponctuels ; qu'ils sollicitent en conséquence un rapport minimum provisionnel à la succession de 96.000 euros ;
Qu'ils soutiennent également que [P] [F] épouse [F] a bénéficié d'une donation de sa mère de la somme de 45.734 euros pour lui permettre d'acquérir le 25 mars 1993, les parts sociales de la société El Medina ; que les appelants sollicitent par conséquent le rapport de cette donation en application de l'article 852 du code civil ; qu'enfin, les appelants font valoir que l'intimée aurait bénéficié d'une donation de 38.112 euros déguisée sous couvert d'un prêt, dont ils sollicitent également le rapport ;
Qu'en réponse [P] [F] épouse [F] soutient qu'elle n'a jamais reçu de sommes pour l'acquisition des titres de société, les versements n'étant d'ailleurs pas prouvés, et que [T] [F] a fait bénéficier M. [N], qui exploitait seul le fond de commerce, de donations indirectes en toute discrétion fiscale car elle entretenait une liaison sentimentale avec lui ; que concernant les autres rapports sollicités, [P] [F] épouse [F] soutient que les versements ne sont pas prouvés car la seule souche des chèques, en l'absence de relevés bancaires qui révéleraient les versements réalisés aux autres enfants, n'est pas probante de l'existence du chèque correspondant, qu'elle soutient que les versement ne sont en réalité que de simple cadeaux d'usage ; que, par ailleurs, l'intimée fait valoir qu'elle était en situation de dépendance financière vis à vis de sa mère mais qu'au vu des revenus de cette dernière, les sommes qui lui ont été versées n'étaient pas disproportionnée et constituaient l'expression d'un devoir réciproque de solidarité familiale aux termes de l'article 852 du code civil ; qu'en outre, l'intimée soutient qu'il n'est dû aucun rapport à la masse successorale au titre des charges de copropriété qui font partie de l'hébergement gratuit de l'enfant certes majeur, mais bénéficiaire du RSA, et que les appelants bénéficiaient d'avantages équivalents ;
*
Considérant qu'il sera rappelé que le jugement entrepris ne s'est pas prononcé sur la question du rapport des libéralités reçues par [P] [F], mais a sursis à statuer dans l'attente de l'établissement des comptes par le notaire ;
Considérant, en premier lieu, que [P] [F] ne conteste pas avoir bénéficié d'un soutien financier de la part de sa mère ; que les talons de chèques produits aux débats font apparaître que [P] [F] a reçu périodiquement des sommes de montants variables entre mai 1988 et juillet 2003 ; que dans quelques cas, des rapprochements peuvent être faits entre des dépenses, telles que des charges de copropriété ou des factures d'électricité, et les talons de chèques ;
Que c'est à bon droit que [U] [F] et [G] [F] épouse [F] font valoir qu'en application de l'article 851 du code civil le rapport est dû de ce qui a été employé pour le paiement des dettes de leur cohéritière ; que, toutefois, il y aura lieu de déduire les frais de nourriture réglés par [T] [F] au profit de sa fille [P], qui sont dispensés du rapport en application de l'article 852 du code civil ; que les éléments produits aux débats, consistant en de simples talons de chéquiers, ne permettant pas de déterminer lesquelles des sommes concernées ressortissent du paiement des dettes de [P] [F] et lesquelles relèvent de frais de nourriture, il convient de renvoyer au notaire chargé de la liquidation le soin d'établir un relevé exhaustif des dépenses concernées ; que la cour n'est pas en mesure, au vu des pièces du dossier de fixer, même à titre provisionnel comme le demandent les appelants, le montant des sommes devant être rapportées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que [P] [F] a acquis le 25 mars 1993 de [Q] [N] 250 parts de la société El Medina, pour un prix de 300.000 francs dont le cédant lui a donné quittance ; que, toutefois, [U] [F] et [G] [F] épouse [F], qui fondent leur démonstration uniquement sur le fait que leur s'ur n'avait pas les fonds nécessaires à cette acquisition, ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que ce prix aurait été réglé au moyen d'une donation consentie par [T] [F] ; qu'en l'absence de tout éléments probants, notamment des documents bancaires permettant de retracer les mouvements de fonds, leur demande ne peut qu'être rejetée ;
Considérant en troisième lieu, que selon un document manuscrit intitulé 'reconnaissance de dette', daté du 22 juin 1994 et signé de [T] et [P] [F], la première a accordé à la seconde un prêt sans intérêt de 250.000 francs remboursable par mensualités de 4.000 francs par mois ; que la circonstance que ce prêt, dont il n'est pas allégué qu'il a été remboursé, fût-ce partiellement, a été consenti 'au profit de la société El Medina, dont elle est la gérante' ne change rien au fait que le prêt a été accordé à [P] [F] qui, seule est juridiquement engagée ; que la disparition de cette entreprise et l'impossibilité de recouvrer les avances en compte courant consenties par [P] [F] est indifférente au fait que celle-ci devra rapporter les sommes à la succession ; que l'intention libérale est caractérisée par le fait que [T] [F] entendait, en accordant ce prêt dont elle n'a jamais poursuivi le remboursement, favoriser la situation de sa fille qui y occupait un emploi, ainsi qu'elle en convient elle-même ; que c'est en vain que [P] [F] soutient que sa mère aurait eu une liaison avec le gérant de fait de cette société, cette assertion ne reposant sur aucun élément et étant vigoureusement combattue par ses contradicteurs ;
Qu'il convient de dire que [P] [F] devra rapporter à la succession la somme de 250.000 francs soit 38.112,25 euros ;
Sur la nullité du testament du 21 novembre 1991
Considérant que [U] [F] et [G] [F] épouse [F] soutiennent que [A] [M], leur grand-mère, était dans un état de faiblesse et de fragilité dont [P] [F] épouse [F] aurait indûment profité ; qu'ils reprochent également au tribunal de ne pas avoir qualifié cet acte alors que ses termes utilisés, 'donation de son vivant' et 'lettre testamentaire selon la loi', sont contradictoires et qu'il ne peut s'apparenter ni à une donation, ni à un testament, de sorte qu'il est nul et de nul effet ;
Qu'à titre subsidiaire, [U] [F] et [G] [F] épouse [F] soutiennent que la renonciation au bénéfice du legs rend irrecevable et non fondée la demande de délivrance du legs ; qu'ils font valoir, en effet, que [P] [F] épouse [F] avait connaissance dès la rédaction de l'acte de son contenu et que la fraude de [T] [F] n'est pas démontrée par conséquent, elle a volontairement accepté de renoncer au bénéfice des dispositions contenues dans ce document, la renonciation pouvant être tacite ;
Qu'à titre infiniment subsidiaire, [U] [F] et [G] [F] épouse [F] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que les fruits et revenus du bien sont acquis à [P] [F] épouse [F] depuis le [Date décès 1] 2010 alors qu'elle ne sollicitait les fruits et revenus du legs revendiqué qu'à compter de la date de sa demande de délivrance faite par lettre recommandée le 29 octobre 2012 ; qu'ils soutiennent qu'en jugeant ainsi, le tribunal a statué ultra petita et a porté atteinte au principe du contradictoire et des droits de la défense ; qu'ils sollicitent que les fruits et revenus ne soient acquis qu'à compter du 25 janvier 2013 soit à la date de l'assignation de [P] [P][F] en délivrance du legs, en application des articles 1014 et 1015 du code civil, car cette dernière n'était pas l'héritière de la testatrice et n'a donc pas pu être légalement saisi au sens de l'article 724 du code civil ;
Qu'enfin, pour le cas où la cour confirmerait le jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance de ce legs, les appelants sollicitent de la cour qu'elle constate que l'indivision successorale est créancière d'une indemnisation équivalente au surplus des droits d'enregistrement ou autres taxes réglés à l'administration fiscale par [T] [F] ; qu'ils sollicitent également que [P] [P] [F] soit condamnée à les indemniser du préjudice subi en raison de la perte de chance à bénéficier des dispositions de leur mère aux fins de rétablir la situation successorale de ses enfants après sa mort qu'ils chiffrent à la somme de 10.000 euros chacun, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en réponse, [P] [F] soutient que le testament ne saurait être sérieusement contesté ; qu'il n'existe, selon elle, aucune ambiguïté sur la forme intrinsèque du testament ; que l'aptitude et les capacités de [A] [M] à tester à la date de la rédaction de l'acte ne sauraient, selon elle, être contestées ; que le fait qu'elle se soit prévalue tardivement du legs n'a pas pour effet de rendre le testament contestable, dès lors que la renonciation doit résulter d'un acte sans équivoque dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce ; que concernant l'attribution des fruits et des legs, [P] [F] entend revendiquer la totalité de ses droits devant la cour, en réponse aux prétentions adverses, dès lors cela ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code civil ; qu'elle soutient que les fruits et loyers lui étaient dus depuis le [Date décès 2] 1999 en application de l'article 1015 du code civil, car les loyers lui sont expressément légués dans le testament, même si elle ne revendique pas les loyers au-delà de cinq années avant le décès du de cujus en raison de la prescription quinquennale ; que s'agissant des droits d'enregistrements acquittés par la succession, [P] [F] soutient qu'elle n'a commis aucune faute et que la preuve du préjudice n'est pas rapportée ;
*
Considérant, en premier lieu, que selon l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme ;
Considérant, à cet égard, que l'impropriété de certains des termes utilisés par [A] [M] dans l'acte du 21 novembre 1991 ne suffit à priver d'effet le testament litigieux, qui manifeste clairement la volonté de la disposante de léguer sa maison de Livry-Gargant à sa petite fille [P] [F] ; qu'en effet, l'expression fait donation de son vivant ne signifie nullement que [A] [M] a entendu transmettre immédiatement le bien à la gratifiée, ce qui aurait nécessité un acte notarié et l'acceptation de cette dernière, mais seulement, qu'elle a pris, de son vivant, la décision de lui transmettre ce bien lors de son décès, ce que confirme l'expression Lettre testamentaire selon la loi ;
Qu'en outre, cet acte a été placé dans une enveloppe sur laquelle figure la mention 'Maître [E]' suivie de 'à ouvrir en temps voulu' ; que ces éléments extrinsèques viennent confirmer que l'acte était destiné au notaire devant régler la succession de la disposante, et ne devait produire ses effets qu'à l'ouverture de la succession ;
Considérant, en second lieu, que le fait que [A] [M], alors âgée de 87 ans, a été opérée d'une coxarthrose au mois d'avril 1991, soit plus de 6 mois avant le testament litigieux, ne suffit, en l'absence de tout autre élément, à démontrer qu'elle ne disposait pas des facultés mentales lui permettant de tester ; que c'est par ailleurs en vain que les appelants invoquent le fait qu'en mai 1995, [A] [M] a souscrit sans nécessité deux prêts personnels, ce fait, à le supposer révélateur d'une dégradation de l'état mental de l'intéressée, s'étant produit trois ans et demi après le testament litigieux ;
Considérant, en revanche, et en dernier lieu, que c'est à bon droit que les appelants font valoir qu'en ne se prévalant pas pendant plus de 20 ans de ce testament dont elle avait connaissance, en particulier en laissant le bien légué entrer dans le patrimoine de sa mère au décès de la disposante, puis en ne s'en prévalant pas au moment du décès de [T] [F] mais deux ans plus tard, [P] [F] a tacitement renoncé au legs institué en sa faveur ; qu'en effet, loin de lui avoir été dissimulée par sa mère, [T] [F], pour frauder à ses droits, l'existence de ce testament était connue de [P] [F] du vivant même de la disposante, [A] [M], décédée le [Date décès 2] 1999 ; que ceci résulte de ses propres écritures de première instance, dans lesquelles elle indique que ce document lui avait été confié sous enveloppe par sa grand-mère en 1991 lors de sa signature, à charge pour elle de le remettre à sa mère immédiatement ce qu'elle indique avoir fait, ajoutant ensuite avoir retrouvé ce testament chez sa mère quelques années avant son décès ; que l'acte de dépôt du testament reçu par Me [E], notaire, le 25 janvier 2013 ne mentionne pas que l'enveloppe ait été cachetée ;
Qu'il convient, en conséquence, de constater que [P] [F] a tacitement renoncé au testament institué en sa faveur par sa grand-mère [A] [M] ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné la délivrance du legs ;
Que par voie de conséquence, les loyers encaissés à raison de la location de cet immeuble reviendront à l'indivision et pourront être utilisés pour procéder au règlement des dettes de l'indivision ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant, en premier lieu, que [U] [F] et [G] [F] épouse [F] soutiennent que [P] [P] [F] leur a causé un préjudice moral du fait de ses allégations portant atteinte à la mémoire de leur mère et de ses insinuations mensongères contre son frère et sa s'ur ; qu'ils sollicitent, en conséquence, la condamnation de l'intimée à leur verser la somme de 1.500 euros chacun en réparation de ce préjudice ;
Mais considérant que les appelants ne démontrent pas la réalité des préjudices dont ils demandent réparation ; qu'il convient de les débouter de leurs demandes ;
Considérant, en second lieu, que [P] [F] soutient que son frère et sa s'ur sont de mauvaise foi et que l'appel est un moyen de pression illégitime ; qu'elle sollicite, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, leur condamnation à 8.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Mais considérant que l'appel formé par [U] et [G] [F] étant partiellement accueilli, il en résulte que l'exercice de cette voie de recours ne présente pas un caractère abusif ; qu'il convient de débouter [P] [F] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Sur les indemnités d'occupation
Considérant que [U] et [G] [F] demandent, dans le dispositif de leurs conclusions, que leur s'ur soit condamnée à payer l'indemnité d'occupation au titre de son occupation de l'appartement du [Adresse 2], laquelle indemnité sera fixée dans le cadre des comptes de l'indivision successorale à faire par Me [V] notaire ;
Que [P] [F] ne s'exprime pas sur cette demande sinon en demandant que la cour prévoie que le notaire pourra se faire assister d'un expert immobilier afin d'établir les évaluations, déterminer la possibilité d'un partage en nature selon trois lots et calculer les indemnités d'occupation depuis le décès, et d'évaluer en tant que de besoin les montants des mises à prix en cas de vente par licitation ;
Considérant que les appelants ne consacrent, dans le corps de leurs écritures, aucun développement à cette demande qu'ils n'avaient, au demeurant, pas présentée en première instance ; que la cour n'étant, en l'état des éléments portés à sa connaissance, pas en mesure de déterminer quelles sont les occupations privatives des biens dépendant de la succession pouvant ouvrir droit à une indemnité d'occupation, il convient de renvoyer au notaire le soin d'examiner s'il y a lieu de mettre respectivement à la charge des parties une indemnité d'occupation et d'en proposer un montant, à charge pour les parties de saisir le tribunal en cas de contestation sur le principe et le montant de cette indemnité ; qu'il sera précisé au dispositif du présent arrêt que le notaire pourra, en tant que de besoin, se faire assister d'un expert immobilier à cette fin ;
Que s'agissant des charges de copropriété afférentes à chacun des immeubles concernées, elles seront récapitulées par le notaire dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision, lequel précisera qui les a acquittées et qui en est, le cas échéant, redevable envers l'indivision ;
Sur les demandes diverses
Considérant que les parties demandent en premier lieu que le notaire soit autorisé à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l'intermédiaire du fichier central des comptes bancaires et assimilés (FICOBA), et à consulter l'association pour la gestion du risque en assurance (AGIRA) ;
Mais considérant qu'il a déjà été fait droit à cette demande par le jugement entrepris ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Considérant, en deuxième lieu, que [U] et [G] [F] demandent à la cour de désigner un commissaire-priseur, pour procéder à l'estimation des meubles et objets dépendant de l'indivision, et à la constitution de lots en vue du tirage au sort entre héritiers ou à défaut, de leur vente ;
Considérant que les appelants ne fournissent aucune indication sur la consistance du mobilier que comporte la succession ; que l'utilité de procéder à la désignation d'un commissaire-priseur n'apparaît, en conséquence, pas justifiée ; que toutefois, il sera précisé que le notaire pourra, en tant que de besoin, recourir à un commissaire-priseur pour ce faire ;
Considérant, en troisième lieu, que les parties demandent respectivement à leur adversaire de les garantir des pénalités fiscales qui seraient dues au Trésor public en raison de l'absence de déclaration de succession ;
Mais considérant que les éléments produits aux débats ne permettant pas d'imputer plus particulièrement à certains des héritiers les retards intervenus dans la déclaration de succession, il convient de les débouter de leurs demandes à ce titre ;
Considérant, en quatrième lieu, que [U] et [G] [F] demandent qu'il soit fait droit à leur action en réduction si la quotité disponible est dépassée par leur s'ur [P] [F] ;
Mais considérant qu'en l'état des comptes restant à effectuer, toute demande de réduction des libéralités reçues par les cohéritiers, et notamment par [P] [F], apparaît prématurée, étant observé que le présent arrêt, en ce qu'il infirme le jugement concernant l'envoi en possession du legs consenti par [A] [M], a pour effet d'augmenter la masse successorale de la succession de [T] [F] ;
Considérant, cinquième et dernier lieu, que [P] [F] demande qu'il lui soit donné acte de son désistement à l'égard de Me [E] ;
Mais considérant que Me [E] n'ayant pas été intimé devant la cour, la demande présentée par [P] [F] est dépourvue d'objet ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que les dépens seront employés en frais privilégiés du partage ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 14 février 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre, sauf en ce qui concerne le rapport des libéralités dû par [P] [F] et le legs consenti par [A] [M] ;
STATUANT à nouveau,
-DIT que [P] [F] devra rapporter à la succession la somme de 250.000 francs soit 38.112,25 euros ;
-CONSTATE que [P] [F] a renoncé au legs consenti à son profit par [A] [M] le 21 novembre 1991 ;
-DIT n'y avoir lieu à envoi en possession ;
-DIT que les fruits et revenus perçus de l'immeuble de [Localité 6] (93) resteront la propriété de l'indivision successorale et pourront être employés pour procéder au règlement des dettes de l'indivision ;
Y AJOUTANT
-DIT que le notaire commis pourra se faire assister par un expert immobilier à l'effet d'évaluer les biens immobiliers dépendant de la succession, déterminer la possibilité d'un partage en nature selon 3 lots, calculer les indemnités d'occupation depuis le décès et évaluer en tant que de besoin les montants des mises à prix en cas de vente par licitation ;
-DIT que le notaire pourra se faire assister d'un commissaire-priseur pour procéder à l'estimation des meubles et objets dépendant de l'indivision, et à la constitution de lots en vue du tirage au sort entre héritiers ou à défaut, de leur vente ;
-DIT que le notaire commis devra récapituler le montant des charges de copropriété afférentes à chacun des immeubles concernés s'il y a lieu, déterminer qui les a acquittées, et faire les comptes entre les parties ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés du partage ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,