COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
14e chambre
ARRÊT N°
contradictoire
DU 21 JANVIER 2016
R.G. N° 14/08744
R.G. N° 15/06603
AFFAIRE :
LE DÉPARTEMENT DES HAUTS DE SEINE
C/
SAS SEQUALUM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 21 Novembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° RG : 14R01153
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice HONGRE-
BOYELDIEU
Me Bertrand ROL
Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
LE DÉPARTEMENT DES HAUTS DE SEINE pris en la personne du Président du Conseil Général des Hauts de Seine dûment autorisé (délibération 11.28 du 15/04/2011 du Conseil Général des Hauts de Seine portant délégation de pouvoir)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 - N° du dossier 002056
SAS SEQUALUM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 627 - N° du dossier 15373
assistée de Me Edouard FABRE, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
LE DÉPARTEMENT DES HAUTS DE SEINE pris en la personne du Président du Conseil général des Hauts de Seine dûment autorisé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 - N° du dossier 002496
SA CRÉDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 304 187 701
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 14/08637
Représentée par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 617 - N° du dossier 20140951
assistée de Me Gaëlle CHOTARD DE KEGHEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Décembre 2015, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,
Madame Véronique CATRY, conseiller,
Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE
FAITS ET PROCÉDURE
Le 23 mars 2008, le département des Hauts de Seine (le département) a conclu une convention de délégation de service public (la DSP) pour l'installation et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques à très haut débit avec la société Sequalum (la société), issue d'un groupement d'entreprises composé des sociétés Eiffage, SFR et Numéricable.
La DSP prévoyait en son article 38 que le délégataire fournisse au département une garantie à première demande couvrant, dans la limite de 10 millions d'euros, les sommes éventuellement dues par la société au titre des pénalités de retard prévues à l'article 43.2 du contrat.
La garantie a été donnée par la société Crédit agricole corporate and investment bank (la banque).
Le 7 avril 2014, le département a mis la société en demeure de combler ses retards dans le déploiement du réseau.
Le 28 juillet 2014, le département a informé la société qu'il entendait lui appliquer les pénalités de retard à hauteur de 45 076 000 euros et lui a notifié le 7 août 2014 un avis de mise en recouvrement.
La société a contesté les pénalités de retard devant le tribunal administratif de Cergy- Pontoise. Le contentieux est toujours en cours.
Après avoir fait établir un certificat de non-paiement, le département a sollicité la banque pour la mise en oeuvre de la garantie.
Par lettre du 26 septembre 2014, la banque a refusé de fournir cette garantie.
Le 17 octobre 2014, la DSP a été résiliée par le département à effet du 30 juin 2015,
Le 23 octobre 2014, le département a fait assigner en référé la banque devant le président du tribunal de commerce de Nanterre pour la voir condamner au paiement de la somme de 10 millions d'euros au titre de la garantie.
La société est intervenue volontairement à la procédure.
Par une ordonnance du 21 novembre 2014, le juge des référés a dit recevable l'intervention volontaire de la société et a dit n'y avoir lieu à référé au motif essentiel qu'il existait des contestations sérieuses, tenant notamment à ce que seul le juge du fond pouvait interpréter la volonté des parties afin de déterminer si le retard dans l'avancement des travaux impliquait un retard à l'achèvement justifiant alors un appel de la garantie.
Le 21 novembre 2014, le département a relevé appel de l'ordonnance.
Le 5 mai 2015, le département a mis en demeure la société de lui payer la somme de 51 640 800 euros au titre des retards à la fin de l'année 5 dans l'achèvement des travaux de construction du réseau.
Le 18 juin 2015, il a appelé à nouveau la garantie donnée par la banque.
Le 2 juillet 2015, la société a fait assigner en référé le département et la banque pour qu'il soit fait interdiction à la banque, à titre conservatoire, de payer au département toute somme de 10 millions d'euros au titre de la garantie.
Par une seconde ordonnance du 15 septembre 2015, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.
Le 18 septembre 2015, la société a relevé appel de l'ordonnance.
La cour se trouve saisie des appels formés contres les ordonnances de référé des 21 novembre 2014 et 15 septembre 2015.
Il est de bonne justice de juger ensemble les instances enregistrées sous les n° RG14-08744 et RG15-06603 qui seront jointes par application de l'article 367 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,
I - Dans l'affaire enregistrée sous le n°RG14-08744
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 18 novembre 2014, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, le département demande à la cour :
- d'annuler et réformer l'ordonnance ;
- d'ordonner la mise en oeuvre de la garantie ;
- de condamner la banque à lui payer la somme de 10 000 000 euros, outre intérêts de retard au taux légal à compter du 26 septembre 2014 ;
- de condamner solidairement la banque et la société à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé que la garantie souscrite par la société est une garantie autonome, le département expose essentiellement que le juge des référés a commis des erreurs de fait et de droit et considère que les conditions posées pour la mise en oeuvre de la garantie étaient en l'espèce réunies.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 24 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la société demande à la cour :
- de déclarer l'appel irrecevable en tous les cas mal fondé ;
- de confirmer l'ordonnance ;
- de condamner le département à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La société expose essentiellement que l'appel de la garantie était irrégulier, en raison de l'absence de mise en demeure et de l'absence de certificat conformes aux termes de la garantie. Elle ajoute que la garantie ne couvre pas les pénalités alléguées par le département et que l'appel de celle-ci était en l'espèce manifestement abusif.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 24 avril 2014, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la banque demande à la cour:
- de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
- de condamner le département au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La banque explique principalement qu'il existe des contestations sérieuses tenant à la nécessité d'interpréter la garantie et considère que l'appel de cette garantie était irrégulier.
II - Dans l'affaire enregistrée sous le N°RG15-06663
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 24 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la société demande à la cour:
- d'infirmer l'ordonnance ;
- de faire interdiction à titre conservatoire à la banque de payer au département toute somme au titre de sa garantie à première demande dans l'attente d'une décision 'définitive' au fond à intervenir ;
- de condamner le département à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société expose essentiellement que le juge des référés a commis un déni de justice et que le nouvel appel de la garantie est manifestement abusif et frauduleux.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 19 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, le département demande à la cour :
- de débouter la société de ses demandes ;
- d'ordonner la mise en oeuvre de la garantie à première demande souscrite par la société auprès de la banque et de condamner la banque à lui payer la somme de 10 000 000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 octobre 2015 ;
- de condamner solidairement la société et la banque à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le département soutient principalement que l'appel de la garantie n'est ni abusif ni frauduleux, que le premier juge n'a commis aucun déni de justice et que les conditions de mise en oeuvre de la garantie étaient réunies.
Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 16 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la banque demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour ;
- de débouter le département de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
I - la garantie fournie par la banque
L'article 38 de la DSP du 13 mars 2008 prévoit que le délégataire s'engage à souscrire au profit du département une garantie bancaire prenant la forme d'une garantie à première demande d'un montant de 10 millions d'euros jusqu'au terme de la phase 2 du déploiement du réseau.
La garantie fournie par la banque le 15 octobre 2012, intitulée ' garantie à première demande relative à la construction et à l'exploitation du réseau de communications électroniques à très haut débit', rappelle les termes de la DSP faisant obligation au donneur d'ordre de 'remettre au bénéficiaire une garantie à première demande garantissant le paiement
(i) des pénalités de retard prévues à l'article 43.2 de la convention de concession de service public en ras de retard du donneur d'ordre dans l'achèvement des travaux de construction du réseau et pour la remise en service du réseau et ce, en cas de non-règlement de celles-ci par le donneur d'ordre après mise en demeure de les régler restée sans effet pendant 1 mois.
(...)'.
Au titre de l'engagement du garant, la garantie énonce :
' 1- Engagement du garant
Conformément à l'article 2321 du code civil, le garant s'engage à payer au bénéficiaire à compter du 16 octobre 2012, sans que le garant puisse opposer aucune exception tenant aux rapports entre le bénéficiaire et le donneur d'ordre, toute somme réclamée dans la limite maximum d'un montant égal à 10 millions d'euros, selon les conditions prévues au point 2 ci-après.
2- Modalités de mise en oeuvre de la garantie
Le bénéficiaire devra adresser sa demande en paiement au garant par lettre recommandée avec accusé de réception en indiquant la référence à la présente et le montant demandé.
La demande de paiement des sommes prévues au (i) ci-dessus devra obligatoirement être accompagnée, dans le cas du non-paiement de pénalités :
- d'une copie de la mise en demeure adressée au donneur d'ordre de régler le montant des pénalités prévues à l'article 43.2 de la convention de concession en cas de retard du donneur d'ordre dans l'achèvement des travaux de construction du réseau ou pour la remise en service du réseau,
- d'un certificat administratif attestant que lesdites pénalités n'ont pas été réglées malgré l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure adressée au donneur d'ordre conformément aux stipulations de la convention de concession.
(...)
3. Exécution de l'engagement par le garant
Le garant s'engage à procéder au paiement des sommes demandées par le bénéficiaire dans un délai de 15 jours suivant la réception de la demande du bénéficiaire établie conformément aux modalités décrites ci-dessus et comportant tous les éléments indiqués ci-dessus.
4. Indépendance et autonomie de la garantie
Les engagements du garant au titre de la présente garantie sont indépendants et autonomes.
(...)'
L'engagement souscrit par la banque se réfère expressément aux dispositions de l'article 2321 du code civil qui définit la garantie autonome comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme à première demande.
L'article 2321 précise que le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre et que le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie.
Le caractère autonome de la garantie, qui résulte de la référence à ce texte et des stipulations selon lesquelles le garant, dans la limite d'un montant déterminé, s'engage à payer sans pouvoir différer le paiement ni soulever d'exception, n'est en l'espèce pas contestée.
Si l'appel de la garantie autonome n'est soumis à aucune forme particulière, cette souplesse et les conséquences de la mise en oeuvre de la sûreté impliquent que la régularité de l'appel de la garantie soit subordonnée au strict respect des prévisions contractuelles, qu'il s'agisse des règles de forme qui y sont prescrites ou du champ de la garantie.
Au cas d'espèce, les modalités de mise en oeuvre de la garantie prévoient :
1° que la demande doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
2° que doivent être joints à la demande une copie de la mise en demeure et un certificat administratif de non-règlement des pénalités.
Le champ de la garantie est le retard du donneur d'ordre dans l'achèvement des travaux de construction du réseau ou pour la remise en service du réseau.
II - Sur la demande de mise en oeuvre de la garantie à première demande effectuée le 11 septembre 2014
Selon l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut accorder une provision au créancier.
Le département sollicite à ce titre la condamnation de la banque au paiement de la somme de 10 millions d'euros.
Par lettre du 7 avril 2014, le département a mis en demeure la société de combler ses retards sous peine de se voir appliquer des pénalités d'un montant de 55 729 200 euros.
Le 28 juillet 2014, il a informé la société du montant des pénalités s'élevant à la somme de 45 076 000 euros.
Le 7 août 2014, le département a notifié à la société un titre de recettes émis le 29 juillet 2014 d'un montant de 45 076 000 euros, lui impartissant un délai de paiement de 30 jours.
Le 8 septembre 2014, le payeur départemental a établi un certificat administratif de non-paiement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 septembre 2014, le département a sollicité auprès de la banque la mise en oeuvre de la garantie à première demande.
La lettre du 28 juillet 2014 et le certificat administratif de non-paiement ont été joints à cette demande.
Il sera d'abord constaté que la demande à bien été faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et qu'il a été annexé à cette demande une attestation de non-paiement du 8 septembre 2014 émanant du payeur départemental des Hauts-de-Seine, qui se réfère au titre émis le 29 juillet 2014, conformément aux termes de la garantie.
Ont été par ailleurs joints à la demande du 11 septembre 2014, la lettre du 7 avril 2014, celle du 28 juillet 2014, le titre exécutoire du 29 juillet 2014 et sa notification du 7 août 2014.
La lettre du 7 avril 2014, signifiée le 8 avril 2014, enjoint à la société de remédier aux manquements dénoncés, sous peine de voir appliquées des pénalités dont le montant est précisé.
A l'évidence, elle ne constitue pas la mise en demeure de régler le montant des pénalités prévu au point 2 de la garantie.
Le département ne soutient d'ailleurs pas que cette mise en demeure d'exécuter une obligation de faire serait la mise en demeure de payer exigée par la garantie.
De la même façon, il ne prétend pas que les lettres des 7 avril et 28 juillet 2014 pourraient valoir mise en demeure au sens de la garantie.
Le département considère que la mise en demeure résulte de la notification faite le 7 août 2014 du titre exécutoire du 29 juillet 2014.
Certes, la demande de mise en oeuvre de la sûreté du 11 septembre 2014 qualifie ce titre exécutoire de mise en demeure.
Mais elle vise également 'la mise en demeure du 7 avril 2014", annexée à la demande comme le titre de recettes.
Ensuite, il sera rappelé qu'un titre exécutoire ne saurait être confondu avec sa notification.
En troisième lieu, une mise en demeure constitue, selon l'article 1139 du code civil, un acte dont il ressort une interpellation suffisante du débiteur, laquelle est en général préalable à la recherche ou à la délivrance d'un titre exécutoire et non un préalable à l'exécution d'un titre.
Enfin, la lettre du 7 avril 2014 mentionne expressément en objet ' Mise en demeure au titre de l'article 43-1 de la convention' et celle du 28 juillet 2014 'suites de notre mise en demeure en date du 7 avril 2014', ce qui laisse penser qu'aux yeux du département, cet acte constituait bien la mise en demeure prévue par la garantie.
Il s'ensuit que les contestations de la société et de la banque portant sur le respect du formalisme de la garantie, en ce que celle-ci prévoit que la demande doit être accompagnée d'une copie de la mise en demeure, sont sérieuses et échappent au juge des référés.
De la même façon, il existe une contestation sérieuse s'agissant du champ de la garantie autonome.
On rappellera à cet égard que celle-ci vise le retard du donneur d'ordre dans l'achèvement des travaux de construction du réseau ou pour la remise en service du réseau.
Or, ainsi que l'a très justement relevé le premier juge, il existe une contestation sur le point de savoir si la garantie s'étend à de simples retards dans l'avancement des travaux. Cette contestation, qui revêt un caractère sérieux, ne peut être tranchée que par le juge du fond saisi du litige.
L'ordonnance du 21 novembre 2014, qui a dit en conséquence n'y avoir lieu à référé, sera confirmée en toutes ses dispositions.
III - Sur les demandes relatives à la mise en oeuvre de la garantie effectuée le 18 juin 2015
La demande de la société tend à voir interdire à la banque d'exécuter la garantie à première demande, celle du département tend à nouveau à obtenir de la banque le paiement d'une somme de 10 millions d'euros en exécution de cette garantie.
A - Sur la demande d'interdiction de payer de la société
Selon l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il n'est pas rapporté la preuve ni même allégué par la banque l'existence d'un dommage imminent ni d'un préjudice difficile à réparer.
Le caractère manifestement illicite du trouble résultant de l'appel de la garantie suppose que l'appel de cette garantie soit lui-même manifestement irrégulier ou qu'il résulte d'une fraude ou d'un abus manifeste de nature à faire obstacle à l'exécution des engagements à première demande, au sens l'article 2321 du code civil.
Au cas présent, après avoir résilié la DSP le 17 octobre 2014, à effet du 30 juin 2015, le département a, le 10 décembre 2014, mis à nouveau la société en demeure de combler les retards au terme de l'année 5 de déploiement, sous peine de se voir appliquer des pénalités de retard.
Le 5 mai 2015, il a avisé par écrit la société de l'application des pénalités pour un montant de 51 640 800 euros, précisant que cette lettre et le titre de recettes joints valaient mise en demeure de payer sous 30 jours.
Le 15 juin 2015, un certificat de non-paiement a été établi par le payeur départemental.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 juin 2015, le département a sollicité à nouveau la mise en oeuvre de la garantie auprès de la banque. La lettre a également été signifiée le 19 juin 2015.
Les modalités de cette seconde mise en oeuvre de la garantie ne sont pas manifestement irrégulières, le département bénéficiaire ayant pris soin d'adresser à la société une mise en demeure de régler les pénalités de retard conforme et ayant joint à sa demande les documents requis par la garantie.
L'appel de la garantie ne peut être manifestement abusif du seul fait qu'il subsiste un différend sur l'exécution du contrat de base, au risque de priver de son caractère autonome la garantie à première demande.
Le moyen de la société selon lequel l'appel serait fondé sur de prétendus retards ne tenant pas compte des accords intervenus entre les parties est dès lors inopérant et ne sont pas susceptibles d'apporter la preuve d'une fraude ou d'un abus manifeste dans l'appel de la garantie.
Pour la société, le département a procédé à un appel abusif de la garantie en sollicitant à nouveau sa mise en oeuvre, après le prononcé de la première ordonnance de référé, au mépris de 'l'autorité relative de chose jugée' qui s'attacherait à cette décision.
Toutefois, l'appel de garantie du 18 juin 2015 se réfère à la lettre du 5 mai 2015, laquelle met en demeure la société de régler les pénalités de retard au titre du non-achèvement des travaux pour les prises raccordables et raccordées en fin d'année 5.
Elle ne concerne dès lors pas la même créance que celle ayant fait l'objet du premier appel en garantie.
Le département s'est efforcé de prendre en compte les motifs par lesquels le juge des référés avait dit n'y avoir lieu à référé le 21 novembre 2014, afin de présenter une demande régulière.
En appelant de la sorte une seconde fois la garantie, il n'a pas manifestement agi avec une intention de nuire ou une volonté délibérée de mettre en oeuvre une sûreté qu'il savait non fondée.
Faute de démontrer l'existence d'un trouble manifestement illicite, la demande de la société ne peut dès lors qu'être rejetée. L'ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à référé sera confirmée.
Enfin, en disant n'y avoir lieu à statuer, le juge des référés ne refuse pas de juger et ne commet aucun déni de justice. Il se borne à vérifier l'étendue des pouvoirs que la loi lui confère.
B - Sur la demande en paiement du département
Devant le juge des référés, cette demande ne peut prendre que la forme d'une demande de provision, laquelle ne peut être accueillie que si le créancier démontre que son obligation n'est pas sérieusement contestable, conformément à l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile.
Si la demande en paiement du département a bien été adressée à la banque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, si une copie de la mise en demeure de régler les pénalités prévues à l'article 43-2 de la DSP et du certificat administratif de non-paiement des pénalités ont bien été joints à l'appel de la garantie, la société oppose une contestation portant sur le champ de la garantie.
Cette contestation n'est pas levée par la seule référence faite, dans les termes de l'appel de la garantie, à des retards dans l'achèvement des travaux, alors qu'il ressort de la mise en demeure jointe que la créance contractuelle alléguée par le département concerne des retards dans l'avancement de l'année 5 des travaux, et que les travaux devaient se dérouler, selon le calendrier global prévu à l'annexe 1de DSP, sur six années, pour s'achever le 20 octobre 2015.
Actuellement soumis au juge du fond, le moyen soulevé par la société revêt un caractère sérieux, de sorte que l'ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par le département sera pareillement confirmée.
Aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
ORDONNE la jonction des instances enregistrées sous les n° RG14-08744 et RG15-06603 ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du 21 novembre 2014 ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance 15 septembre 2015 ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que la société Sequalum supportera la charge qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,