COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53H
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JANVIER 2016
R.G. N° 14/03730
AFFAIRE :
SA LIXXBAIL SA au capital de 59 201 399,57 €, RCS NANTERRE
C/
[U] [K] Es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EURELOC
Société SPAZEO, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, venant aux droits de la SAS EURELOC
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Mai 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2012F01637
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 07.01.16
à :
Me Irène FAUGERAS-CARON,
Me Emmanuel JULLIEN,
TC NANTERRE.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA LIXXBAIL SA au capital de 59 201 399,57 €, RCS NANTERRE
N° SIRET : 682 03 9 0 788
[Adresse 1]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 14/04640 (Fond)
Représenté(e) par Maître Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 - N° du dossier 418454
APPELANTE
****************
Maître [U] [K] Es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EURELOC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté(e) par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI JRF AARPI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140427 et par Maître C.DULON , avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIME
****************
- Société SPAZEO, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, venant aux droits de la SAS EURELOC
[Adresse 3]
- SELARL VINCENT MEQUINION, RCS TOULOUSE 483285698, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux, Es-qualités de Commissaire à l'exécution du plan de la SAS SPAZEO
[Adresse 4]
Représentées par Maître Emmanuel JULLIEN de l'AARPI JRF AARPI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140427 et par Maître C.DULON , avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Novembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
Selon la société Lixxbail, venant aux droits du Crédit agricole leasing, le Crédit
agricole leasing a conclu, le 7 octobre 2005, avec la société Aero liaisons 5 (ci-après 'Aero') un contrat de crédit-bail portant sur un avion, préalablement acquis par le Crédit agricole leasing auprès de Aero pour la somme de 510.000 € HT, suivant facture du 13 mai 2005.
La société Eureloc, aux droits de laquelle vient la société Spazeo, a conclu avec Aero un contrat de location d'une turbine dont elle s'estime propriétaire et constituant le moteur droit de l'avion loué par Aero. Ce contrat a pris effet du 1er juillet 2008 au 31 juin 2012, avec un loyer de 25.000 €, puis douze loyers mensuels de 5.210 € puis de 4.875 €, de 4.575 € et de 3.861 €, soit un montant total de loyers de 190.664,05 € TTC.
Aero a cessé ses paiements à Eureloc en mars 2009 et Eureloc a obtenu une
ordonnance d'injonction de payer, en date du 19 juin 2009, enjoignant Aero de lui payer la somme de 15.630 € au titre des loyers impayés. Par jugement du 7 avril 2010 et sur assignation de Eureloc, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la résiliation du contrat de louage, condamné Aero à payer diverses sommes dues au titre de la location, dont 25.715 € à titre de loyers impayés, et à restituer à Eureloc la turbine.
La liquidation judiciaire de Aero a été prononcée le 26 avril 2010 et clôturée pour insuffisance d'actif le 25 mars 2011.
En février 2011 et au vu de « l'inscription prise sur cet avion » par Eureloc, Lixxbail s'est manifestée auprès de Eureloc et lui a demandé de lui communiquer les factures réglées faisant apparaître le numéro de série du moteur, le montant de ses factures et les prestations effectuées, et ce en vue de la revente de l'avion.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2011, Eureloc a vainement demandé à Lixxbail paiement de la somme de 190.664,05 € puis a assigné Lixxbail et le Crédit agricole leasing devant le tribunal de commerce de Nanterre par acte des 27 et 28 février 2012.
Le redressement judiciaire de Eureloc a été prononcé le 18 octobre 2012, Me [K] étant désignée mandataire judiciaire et Me [M] administrateur judiciaire. Le 10 juillet 2014, Me [M] a été nommé commissaire à l'exécution du plan de redressement et le 18 juin 2015 Eureloc a été radiée à la suite de la fusion-absorption par Spazeo.
Par jugement du 6 mai 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- mis hors de cause le Crédit agricole leasing et factoring,
- condamné Lixxbail à payer à Me [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de Eureloc la somme de 190.664,05 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2011,
- condamné Lixxbail à payer à Me [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de Eureloc la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Lixxbail a fait appel le 16 mai 2014 et, par dernières conclusions signifiées le 17 septembre 2015, elle demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
- de déclarer Me [U] [K] ès qualités irrecevable en toutes ses demandes à son encontre et de l'en débouter, et de déclarer irrecevables les demandes formulées par Eureloc intervenante volontaire devant la cour, en l'absence de son administrateur judiciaire, et de l'en débouter,
- au fond, de débouter Spazeo venant aux droits de Eureloc de toutes ses demandes,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que Lixxbail n'est pas le propriétaire des turbines, de condamner Spazeo venant aux droits de la société Eureloc à lui verser la somme de 280.254,76 € TTC à titre de dommages et intérêts et d'ordonner la compensation entre toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre et la condamnation de Spazeo,
- en tout état de cause, de condamner Spazeo à lui verser la somme de 8.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Lixxbail fait valoir que seules Eureloc et Me [K], mandataire judiciaire de
Eureloc, sont intervenues en première instance alors qu'en application des articles L. 622-1 et L. 622-23 du code de commerce une telle action est exclusivement dévolue à l'administrateur judiciaire et au débiteur, de sorte que à défaut de qualité à agir Me [K] doit être déclarée irrecevable en ses demandes et que les demandes de Eureloc, qui ne peut agir seule, sont irrecevables.
Sur le fond, Lixxbail soutient :
- qu'elle est la légitime propriétaire de l'avion qu'elle a acquis avec les moteurs composés des turbines le 13 mai 2005 auprès de Aero, comme en attestent la facture d'acquisition de l'avion, le certificat de maintenance des moteurs établi le 11 novembre 2008 et le certificat d'immatriculation de l'aéronef,
- que Eureloc, qui, en sa qualité de demandeur doit démontrer son prétendu droit de propriété, ne rapporte pas la preuve de sa qualité de propriétaire de la turbine, que le contrat conclu le 1er juillet 2008 entre Eureloc et Aero ne constitue pas un acte de propriété, a été conclu après son acquisition intervenue en mai 2005 et ne lui est pas opposable car elle n'y est pas partie, que le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 7 avril 2010 qui condamne Aero à restituer à Eureloc la turbine lui est inopposable car elle n'était pas partie à la procédure, que la facture du 21 juillet 2008 émise par la société Salba aviation et produite par Eureloc est une facture de réparation de la turbine et non d'acquisition et ne constitue pas une preuve de propriété de la turbine par Eureloc, que Eureloc a financé auprès de Aero la réfection d'un moteur, ce que Eureloc elle-même reconnaît dans ses conclusions en indiquant que 'la repose d'un moteur neuf' est 'une remise à neuf complète de la turbine obsolète', que, dans un courrier du 23 juillet 2008, Eureloc donne son accord à Salba aviation 'pour la remise à niveau de deux turbines (...) pour la Aero' que la repose d'un moteur neuf ne signifie pas qu'il s'agirait d'une nouvelle turbine car la turbine a conservé le même numéro de série, que c'est elle et non Eureloc qui est en possession des documents techniques des moteurs, que l'attestation du gérant de Aero produite par Eureloc est dénuée de caractère probant faute de précision sur la date et le montant de l'éventuelle vente, que le faible prix d'acquisition de l'avion s'explique par le fait que l'avion et ses moteurs n'étaient pas neufs,
- que Eureloc tente d'obtenir le paiement de 190.664,05 € en contrepartie de la mainlevée d'une inscription dont elle ne justifie pas l'existence et qui est, en tout état de cause, caduque dès lors que le procès-verbal de saisie vente du 17 novembre 2008 n'a pas été suivi d'une assignation devant le tribunal de grande instance comme l'impose l'article R.123-3 du code de l'aviation civile,
- que Eureloc ne dispose d'aucune créance à son encontre dès lors qu'aucun accord n'est intervenu entre les parties, qu'elle s'est seulement assurée auprès de Eureloc que la facture impayée correspondait à une facture de réparation des moteurs commandée par Aero et a demandé la confirmation de la mainlevée de l'inscription en cas de paiement de la somme réclamée par Eureloc, qu'elle n'a pas offert à Eureloc le versement de cette somme en contrepartie de la mainlevée de la mesure conservatoire ni accepté la vente d'un matériel qui lui appartenait déjà ni accepté de régler la somme au titre de la réfection des moteurs qu'elle n'a pas commandée et qui concerne les seuls rapports contractuels entre Aero et Eureloc;
- que, contrairement à ce que prétend Eureloc à titre subsidiaire, Eureloc ne saurait affirmer que la dépense induite par la réfection de la turbine était vaine dès lors que Aero était débitrice à son égard de loyers en vertu du contrat de location.
A titre subsidiaire, Lixxbail prétend qu'elle était fondée à vendre l'aéronef dont elle était propriétaire, que le prix de vente a été fixé à la somme de 35.000 € parce que l'acquéreur a pris en charge une facture de révision des moteurs à hauteur de 315.254,76 €, travaux que Aero avait commandés le 18 avril 2008, que, cette charge incombant au propriétaire et non à Aero, Eureloc doit, si sa qualité de propriétaire de la turbine est reconnue, lui rembourser le prix de la révision des turbines déduction faite du prix de revente de l'avion, et ce sur le fondement de l'enrichissement sans cause et dès lors qu'elle-même a agi de bonne foi en se considérant comme propriétaire de l'avion,
Par dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2015, Me [U] [K] ès qualités, Spazeo venant aux droits de Eureloc et la selarl [S] [M] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de Spazeo demandent à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à rectifier la dénomination du demandeur en première instance, soit Spazeo venant aux droits de Eureloc représentée par son gérant M. [R] et non Me [U] [K] ès qualité de liquidateur judiciaire de Eureloc,
- à titre subsidiaire, si la cour était amenée à juger que Lixxbail est propriétaire de la turbine litigieuse, de condamner Lixxbail sur le fondement de l'enrichissement sans cause à verser à Spazeo la somme de 190.664,05 €,
- en tout état de cause, de condamner Lixxbail à verser à Spazeo la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Me [K], Me [M] et Spazeo soutiennent que le tribunal a commis une erreur matérielle en désignant Me [K] comme liquidateur judiciaire de Eureloc et en prononçant les condamnations de Lixxbail au profit de Me [K] en cette qualité de liquidateur, alors que Eureloc n'a pas été mise en liquidation. Ils prétendent que la selarl [M] a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec une simple mission d'assistance de sorte que, conformément aux articles L. 622-1 et L. 622-23 du code de commerce, Eureloc, représentée par son gérant, avait qualité pour agir devant le tribunal et devant la cour, que Spazeo a qualité pour poursuivre la procédure puisque Eureloc a été radiée le 18 juin 2015 par suite d'une fusion-absorption par Spazeo ayant emporté transmission universelle du patrimoine, et que Spazeo ayant été placée en redressement judiciaire le 10 juillet 2014 et la selarl [M] nommée commissaire à l'exécution du plan l'intervention volontaire de cette dernière est justifiée.
Sur le fond, ils soutiennent :
- que Lixxbail n'était pas propriétaire de l'avion au jour de l'acquisition par Eureloc de la turbine litigieuse, que la propriété d'un aéronef ne peut en effet être prouvée que par son inscription au registre d'immatriculation tenu par le ministère chargé de l'aviation civile, que Lixxbail ne produit pas ce registre ni ne fournit aucun titre de propriété, que la facture dont elle se prévaut et dont le paiement n'est pas justifié ne précise pas si la vente de l'avion comprend celle des turbines, que comme l'a relevé le tribunal le registre d'immatriculation fait apparaître que l'avion n'est devenu la propriété de Lixxbail qu'à compter du 14 juin 2012, le précédent propriétaire étant Aero,
- que Lixxbail n'a jamais été propriétaire de la turbine litigieuse, le certificat de maintenance dont elle se prévaut étant postérieur au contrat de location, la documentation technique qu'elle produit étant illisible et irrecevable car en langue anglaise, que, si cette documentation a pour objet d'identifier les moteurs intégrés à l'avion, elle ne donne pas d'information sur l'identité du propriétaire des turbines, que ces documents ont été transmis à Lixxbail lors de la vente de l'avion par Aero, intervenue le 14 juin 2012, qui avait l'usage de la turbine en qualité de locataire,
- que Eureloc était propriétaire de la turbine, que la révision de la turbine commandée le 18 avril 2008 dont fait état Lixxbail a été financée par Eureloc en règlement de l'acquisition de cette turbine, que sa qualité de propriétaire est démontrée par le contrat de location de la turbine qui est antérieur au transfert de propriété de l'avion et au certificat de maintenance du 11 novembre 2008, que ce contrat ayant été résilié à compter du 1er septembre 2009 Aero ne pouvait avoir transmis la propriété de la turbine litigieuse à la date du 11 novembre 2008;
- que Eureloc a acquis la turbine courant juillet 2008 auprès de Aero, alors propriétaire de l'avion et de ses moteurs, comme l'attestent le registre d'immatriculation et les pièces judiciaires produites par ses partenaires contractuels dans le cadre de procédures intentées à son encontre, et que la propriété de la turbine est démontrée par la convention de louage de la turbine du 6 juin 2007 signée par Aero, l'attestation du gérant de Aero reconnaissant Eureloc comme propriétaire de la turbine, le libellé de la facture de Salba aviation du 21 juillet 2008 et d'un montant de 190.664,05 € relative à l'entretien de la turbine, l'ordonnance d'injonction de payer du 19 juin 2009, le jugement du 7 avril 2010 ordonnant la restitution de la turbine à Eureloc et qui est antérieur à l'acquisition de l'avion par Lixxbail,
- que Lixxbail s'est engagée à procéder au paiement de la somme de 190.664,05 € contre mainlevée de l'inscription prise, que cette offre a été expressément acceptée par Eureloc, comme cela résulte d'un échange de courriels intervenu les 15 et 16 février 2011, qu'il y a donc eu accord sur la chose et le prix et que Eureloc est bien fondée à solliciter l'exécution forcée de ce contrat, la caducité de l'inscription étant indifférence dans la mesure où l'objet principal de l'accord demeurait le transfert de propriété de la turbine,
- sur la demande subsidiaire de Lixxbail, que Lixxbail ne produit pas la facture de révision des moteurs, qu'en tout état de cause cette facture aurait été due par Aero, alors propriétaire de l'avion, que Lixxbail a agi à ses risques et périls en vendant l'avion de sorte que son action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut prospérer, qu'elle-même n'est tenue à aucun engagement à l'égard de Lixxbail puisqu'il est incontestable qu'elle a financé la remise à neuf de la turbine litigieuse,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la turbine litigieuse est la propriété de Lixxbail, que les dépenses de Eureloc liées à la réfection de la turbine sont sans cause, qu'elle n'avait aucun intérêt personnel à une telle dépense tandis que Lixxbail aurait directement tiré avantage de la révision de la turbine; qu'elle s'est ainsi appauvrie du montant de la facture acquittée à Salba aviation, soit 190.664,05 €.
SUR CE,
Sur la recevabilité de Me [K] et de la société Eureloc en leurs demandes :
Considérant que Eureloc a introduit son action à l'encontre de Lixxbail et du
Crédit agricole leasing et factoring par actes des 27 et 28 février 2012, soit antérieurement au prononcé de son redressement judiciaire intervenu le 18 octobre 2012, de sorte qu'elle avait alors qualité pour agir seule ;
Considérant qu'en cours d'instance, par jugements du 18 octobre 2012, Me [K] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la selarl [S] [M] en qualité d'administrateur judiciaire de Eureloc et de Spazeo puis, à compter du 10 juillet 2014, Me [M] a été nommé commissaire à l'exécution des plans de redressement de Eureloc et de Spazeo; que Eureloc a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 juin 2015 par suite d'une fusion-absorption avec Spazeo ;
Considérant que devant le tribunal seule Me [K] est intervenue volontairement; que le défaut d'intervention en première instance de l'administrateur judiciaire constitue une fin de non-recevoir de l'action de Eureloc, une telle intervention étant imposée même lorsque l'administrateur a une mission d'assistance ; que toutefois une telle situation est susceptible d'être régularisée et l'irrecevabilité doit être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, y compris en cause d'appel; que Lixxbail a fait appel le 16 mai 2014 et que, devant la cour, Spazeo, dont il n'est pas contesté qu'elle vient aux droits de Eureloc, est intervenue volontairement de même que Me [M] en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de Spazeo de sorte que le défaut de mise en cause de l'administrateur judiciaire de Eureloc a été régularisé et qu'au jour où la cour statue il est incontestable que Spazeo a qualité pour poursuivre l'action initiée par Eureloc, en présence de Me [M] en sa qualité de commissaire à l'exécution de son plan de redressement;
Considérant que les fins de non-recevoir soulevées par Lixxbail doivent être écartées; qu'il convient de mettre hors de cause Me [K] et de statuer sur l'appel de Lixxbail dirigées à l'encontre de demandes désormais formées devant la cour par Spazeo venant aux droits de Eureloc ;
Sur la demande de Spazeo venant aux droits de Eureloc :
Considérant qu'il est constant que la turbine litigieuse est une turbine PT6A135 dont le numéro de série est PC-E-92413 ;
Considérant qu'il résulte de l'article L.121-10 du code de l'aviation civile puis, à compter du 1er décembre 2010, de l'article L.6121-1 du code des transports, que, s'agissant des aéronefs, seule l'inscription au registre français d'immatriculation vaut titre de propriété; qu'en l'espèce, selon sa fiche d'immatriculation, l'avion Beech F90 LA-141 dont l'une des turbines est l'objet du litige était la propriété de Aero à compter du 4 juillet 2005 et celle de Lixxbail à compter du 14 juin 2012; que le certificat d'immatriculation produit par Lixxbail et la désignant comme propriétaire de l'avion le confirme puisqu'il a été délivré le 14 juin 2012; que la cour relève également que le jugement du tribunal de commerce de Grenoble rendu le 6 juin 2011 et versé aux débats par Spazeo venant aux droits de Eureloc énonce que Aero, 'propriétaire' de l'avion, avait signé un contrat-cadre de location avec la société Aquitair qui devait l'exploiter et juge qu'au terme de ce contrat-cadre et en sa qualité de propriétaire de l'avion Aero avait la charge financière des réparations; que Lixxbail ne peut dès lors prétendre qu'elle était propriétaire de l'avion au moment des travaux opérés sur la turbine litigieuse et du contrat de location conclu entre Eureloc et Aero en 2008 pour revendiquer la propriété de ladite turbine ;
Considérant que la détention à ce jour par Lixxbail du certificat de maintenance de la turbine PC-E-92413 et de la documentation technique y afférente, datés du 11 novembre 2008, dont se prévaut Lixxbail, est dépourvue de tout caractère probant quant à sa qualité de propriétaire de la turbine dès lors que ce certificat ne porte aucune mention quant au propriétaire de la turbine et que Lixxbail était propriétaire de l'avion, équipé notamment de ce moteur, à compter du14 juin 2012 et devait, à ce titre, être en possession d'un tel certificat;
Considérant en revanche que Spazeo venant aux droit de Eureloc démontre être propriétaire de la turbine litigieuse, comme l'ont justement constaté les premiers juges; qu'en effet la facture du 21 juillet 2008 dont se prévaut Spazeo venant aux droits de Eureloc porte sur la dépose d'une ancienne turbine et la pose d'une nouvelle turbine comme cela résulte des termes de cette facture libellée comme suit :'dépose moteur, déséquipement/rééquipement moteur, repose du moteur neuf, réglage statique du moteur, ventile humide, ventile sèche, point fixe de contrôle avec relevé de perfo, réglage dynamique moteur (suivant devis du 8 février 2008) ; turbine PT6A135 révisée selon devis estimatif PWC'; que Lixxbail affirme sans le démontrer que la turbine était la même car disposant du même numéro de série, alors que la mention 'PT6135" porte sur le modèle de turbine et non un numéro de série; que cette turbine a fait l'objet d'un contrat de location en date du 21 juillet 2008, avec effet au 1er juillet 2008, aux termes duquel Eureloc demeure propriétaire de la turbine, et qui a été résilié judiciairement à compter du 1er novembre 2009 par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 7 avril 2010; qu'ainsi au moment où Lixxbail est devenue propriétaire de l'avion, soit le 14 juin 2012, l'aéronef était équipé d'une turbine dont Eureloc était alors propriétaire et qui devait lui être restituée en vertu du jugement du 7 avril 2010 ;
Considérant que Spazeo venant aux droits de Eureloc se prévaut d'un seul échange de courriels intervenu les 15 et 16 février 2011 entre Lixxbail et Eureloc pour soutenir que Lixxbail s'est engagée à lui payer la somme de 190.664,05 €, contre mainlevée de l'inscription prise sur l'avion et en vue d'un transfert de propriété de la turbine, que cette offre a été expressément acceptée par Eureloc et qu'il y a donc eu accord sur la chose et le prix ;
Considérant que, par courriels du 15 février 2011, Lixxbail a demandé à Eureloc de lui 'confirmer [qu'elle donnera] mainlevée de l'inscription existant à [son] profit contre paiement de la somme de 190.664,05 € TTC afin de [lui] permettre de disposer de la propriété des moteurs de l'aéronef' et a demandé à Eureloc de 'confirmer que la facture [qu'elle a] réglée concerne les travaux de maintenance et/ou remise en état commandés pour l'aéronef (moteurs) loué par Unimat à la société Aero liaisons cinq'; que, par courriels du 16 février 2011, Eureloc a 'confirmé [qu'elle donnera] la mainlevée de l'inscription dès réception du paiement des 190.664,05 €' ; que les termes de ce seul échange de courriels ne permettent pas d'établir l'existence d'un engagement ou même d'une proposition contractuelle de Lixxbail, dès lors que Eureloc n'évoque pas le sort de la propriété de la turbine, alors que Lixxbail le mentionne et considère par ailleurs que Aero est locataire de l'avion, que la contrepartie du paiement est inexistante car constituée de la mainlevée d'une saisie-vente caduque, puisqu'il est constant que le procès-verbal de saisie-vente de l'avion du 17 novembre 2011 n'a pas été suivi de la saisine du tribunal de grande instance, et que Lixxbail n'a pas indiqué expressément souhaiter procéder au paiement de la somme de 190.664,05 € en cas d'acceptation de Eureloc de recevoir ce paiement; qu'ainsi Spazeo venant aux droits de Eureloc manque à démontrer l'existence d'un accord sur la chose et le prix entre Lixxbail et Eureloc ;
Considérant qu'aucun lien contractuel n'existe entre Lixxbail et Eureloc, Eureloc ayant contracté uniquement avec Aero dans le cadre du contrat de location de la turbine; que seule Aero se trouvait débitrice des loyers dus au titre de ce contrat de location, comme cela a été judiciairement constaté par le tribunal de commerce de Toulouse dans son jugement du 7 avril 2010 ;
Considérant dès lors que Spazeo venant aux droits de Eureloc doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 190.664,05 € et le jugement infirmé sur ce point;
Considérant que la cour ne jugeant pas Lixxbail propriétaire de la turbine litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire de Spazeo fondée sur l'enrichissement sans cause ;
Sur la demande de dommages-intérêts de Lixxbail :
Considérant que Lixxbail soutient avoir cédé l'avion à un prix dérisoire compte tenu de la prise en charge par l'acquéreur de factures de révision des moteurs à hauteur de 315.254,76 € et que Eureloc doit, en sa qualité de propriétaire de la turbine, lui rembourser le prix de la révision des turbines déduction faite du prix de revente de l'avion, et ce sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
Considérant que Eureloc est, comme il a été dit, propriétaire de la turbine PT6A135 dont le numéro de série est PC-E-92413; que Lixxbail ne produit aucune pièce démontrant que Eureloc est également propriétaire de la seconde turbine PT6A135 dont le numéro de série est PC-E-92381; qu'il est constant, comme cela résulte de la fiche d'immatriculation de l'aéronef, que Eureloc n'a jamais été propriétaire de l'avion; que Lixxbail a cédé l'aéronef équipé de ses deux turbines PC-E-92381 et PC-E-92413 ;
Considérant que, comme le fait valoir Spazeo venant aux droits de Eureloc, Lixxbail ne produit aucune pièce permettant d'établir que des frais de travaux de maintenance de la seule turbine PC-E-92413 ont été avancés par elle, directement ou indirectement par une réduction du prix de vente de l'aéronef, en lieu et place de Spazeo venant aux droits de Eureloc en sa qualité de propriétaire de cette turbine; que la réponse de Lixxbail à l'offre d'achat de l'avion, en date du 20 juin 2013, fait état des deux turbines et d'un prix de cession globale de 367.105 $ TTC pour les deux turbines, le règlement des factures d'entretien et de livraison devant être opéré directement par Nakostech sarl, sans aucunement ni dater ni distinguer entre les deux turbines les travaux réalisés ; que, pareillement, les pièces judiciaires versées aux débats par Lixxbail ne distinguent nullement le sort et les travaux réalisés sur chacune des deux turbines ni ne mentionnent Eureloc ;
Considérant que, dans ces conditions, la demande de Lixxbail doit être rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société Lixxbail,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Crédit agricole leasing et factoring,
Statuant sur les chefs infirmés,
Met hors de cause Me [U] [K] ès qualités,
Déboute la société Spazeo venant aux droits de la société Eureloc de ses demandes,
Déboute la société Lixxbail de ses demandes,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Spazeo venant aux droits de la société Eureloc aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Hélène GUILLOU, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,