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10/12/2015 | FRANCE | N°13/08382

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 décembre 2015, 13/08382


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



1re chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 DECEMBRE 2015



R.G. N° 13/08382



AFFAIRE :



SA AXA FRANCE IARD



C/







SA COVEA RISKS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 06

N° Section :

N° RG : 12/00620


>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



- Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES







REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DIX DECEMBRE DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 DECEMBRE 2015

R.G. N° 13/08382

AFFAIRE :

SA AXA FRANCE IARD

C/

SA COVEA RISKS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 06

N° Section :

N° RG : 12/00620

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation dans l'affaire entre :

SA AXA FRANCE IARD

inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro B 722 057 460

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

- Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 13000538

Représentant : Me Jean-Pierre KARILA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0264

APPELANTE

****************

SA COVEA RISKS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro B 378 716 419

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Alain CLAVIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240 - N° du dossier 143246

Plaidant par Maitre BERNARD membre de la SCP BERNARD - HUGUES- JEANNIN-PETIT, avocat au barreau d'Aix en Provence

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Octobre 2015, Madame Anne LELIEVRE, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu le jugement rendu le 25 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- déclaré la société Axa France Iard SA irrecevable en son action,

- condamné la société Axa France Iard SA à payer la somme de 3.500€ à la société Covéa Risks au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Axa France Iard SA aux dépens,

- rejeté la demande formée sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Maria Bonon, avocat non postulant devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Vu l'appel de cette décision relevé le 13 novembre 2013 par la société Axa France Iard qui, par ses dernières conclusions du 17 juillet 2014, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la compagnie Axa France Iard en son appel et en l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement rendu par la 6ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre, le 25 octobre 2013 en toutes ses dispositions,

- dire que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'a pu s'achever avant le 10 novembre 2008,- date du jugement de validation de la saisie-arrêt dénoncée par la société Sacipec-, terme de la convention de séquestre contractée par ladite SCP avec Axa France Iard, accessoirement à son mandat ad litem,

- dire que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'a pu s'achever pour le moins avant le 18 janvier 2006, date du conseil donné à Axa France Iard de ne pas donner suite à la demande de règlement de la SCP [C], et de la recommandation faite à Axa d'informer la SCP [C] du réglement précédemment effectué au profit de la SCI Les Gradines,

- dire que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'a pu s'achever en tout état de cause avant le 4 janvier 2006, date de la reddition des comptes de ladite SCP à Axa France Iard,

En conséquence,

- dire recevable l'action directe de la compagnie Axa France Iard introduite le 10 janvier 2012 à l'encontre de Covéa Risks, assureur de responsabilité civile de la SCP De Saint Ferreol et Touboul,

- dire que la SCP De Saint Ferreol et Touboul a commis une faute dans l'exercice de sa mission de séquestre conventionnel, en se dessaisissant des fonds objet de la saisie-arrêt pratiquée par la société Sacipec, avant le jugement de validation intervenu le 10 novembre 2008,

-dire que la SCP De Saint Ferreol et Touboul a commis une faute dans l'exercice de ses devoirs de diligence et de conseil, dans le cadre des missions qui lui avaient été confiées par la compagnie Axa France Iard,

- dire que la compagnie Axa France Iard a subi un préjudice certain né et actuel dont le montant s'élève à la somme de 1.605.065,39€,

- dire que le préjudice subi par la compagnie Axa France Iard est directement lié aux fautes commises par la SCP De Saint Ferreol et Touboul, démontrant ainsi l'existence d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice subi,

En conséquence,

- débouter la société Covéa Risks de l'ensemble de ses demandes,

- dire fondée l'action directe de la compagnie Axa France Iard à l'encontre de Covéa Risks, assureur de responsabilité civile professionnelle de la SCP De Saint Ferreol et Touboul,

- dire que l'assiette de l'action directe d'Axa France Iard à l'encontre de Covéa Risks sera néanmoins limitée à la somme de 1.565.065,39€ en suite du plafond de garantie de première ligne,

- condamner en conséquence Covéa Risks à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 1.565.065,39€ avec intérêts de droit à compter du 10 janvier 2012 date de la délivrance de l'exploit introductif d'instance,

- condamner en outre Covéa Risks à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 20.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil en raison des frais et honoraires non-compris dans les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du 7 février 2014 de Covéa Risks qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action directe initiée par la compagnie Axa France Iard contre la compagnie Covéa Risks et en ce qu'il a condamné la compagnie Axa France Iard à porter et payer à la compagnie Covéa Risks la somme de 3.500€ à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et en ce qu'il a condamné la compagnie Axa France Iard aux dépens,

- condamner la compagnie Axa France Iard à porter et payer à la compagnie Covéa Risks la somme de 10.000€ à titre d'indemnité complémentaire pour frais irrépétibles d'appel et la condamner encore aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Alain Clavier, avocat postulant près de la Cour d'appel de Versailles, qui affirme y avoir pourvu,

Subsidiairement,

- débouter Axa France Iard de son action directe, la responsabilité de la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'étant pas susceptible d'être démontrée dès lors que l'obligation faite au tiers saisi de ne pas se dessaisir ne reposait pas sur elle mais sur le groupe Drouot, lequel a commis une faute dont Axa France Iard (qui vient aux droits du groupe Drouot) doit seule, et intégralement supporter la charge,

- débouter Axa France Iard de toute demande excédant le montant de 904.075,95€ correspondant à la dette en principal et intérêts dont le groupe Drouot a été reconnu débiteur vis-à-vis de la SCI Les Gradines, Axa France Iard ayant réglé indûment à l'huissier des intérêts qui n'étaient pas susceptibles de majorer la limite de son propre engagement comme tiers saisi,

- dire encore, si par impossible une condamnation était prononcée, que les intérêts de droit sur la condamnation ne sauraient s'appliquer qu'à compter de la décision à intervenir, la décision étant constitutive de droits et non déclarative de droits,

- dire encore, si par impossible une condamnation était prononcée dépassant le plafond fixé pour la première ligne d'assurance, soit 1.525.000€, que Covéa Risks ne pourrait être condamnée pour le surplus qu'à concurrence de 50% , la compagnie Axa France Iard étant elle-même co-assureur en seconde ligne à hauteur des 50 autres pour cent et devant en conséquence couvrir sa propre réclamation à hauteur de sa participation et selon les termes de la coassurance,

- plus subsidiairement encore, faisant droit à la demande reconventionnelle formée à titre subsidiaire, dire et juger, si par impossible une condamnation était prononcée dépassant le plafond fixé pour la première ligne d'assurance et mise entièrement à la charge de Covéa Risks, que Covéa Risks serait alors fondée à être relevée et garantie à hauteur de 50% de la fraction de la condamnation excédant le plafond de la première ligne par la compagnie Axa France Iard, cette dernière étant elle-même co-assureur en seconde ligne à hauteur des 50 autres pourcent et condamner Axa France Iard au paiement de 50% de la franction de la condamnation excédant le plafond de la première ligne envers Covéa Risks, cette dernière n'étant assureur du risque qu'à hauteur des 50 autres pourcent en seconde ligne,

- condamner Axa France Iard, ainsi que tout succombant, en tous les dépens au profit de Maître Alain Clavier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a, par jugement du 24 septembre 1991, condamné la société Groupe Drouot, aux droits de laquelle vient la société Axa France Iard, assureur dommage-ouvrage, à payer à la SCI Les Gradines, maître de l'ouvrage, la somme de 5.879.462,84 Francs (soit 896.318,32€) ; que ce jugement a été entièrement confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 8 juin 1995 ;

Que le 17 juin 1992 la société Sacipec se disant créancière de la SCI Les Gradines, agissant en vertu d'une ordonnance en date du 4 juin 1992 du 1er vice-président du tribunal de grande de Marseille, une saisie-arrêt portant sur les sommes 'qu'elle doit ou devra verser à la SCI les Gradines et notamment les sommes dues en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance d'Aix en Provence du 24 septembre 1991" étant précisé que cette saisie-arrêt avait pour but de conserver jusqu'au paiement la somme de 5.879.462,84 Francs ; que le 22 juin 1992, la société Sapicec , en règlement judiciaire assistée de son syndic, a dénoncé cette saisie-arrêt à la SCI les Gradines, qu'elle a contre dénoncée au Groupe Drouot le 24 juin 1992 ;

Que par jugement du 10 novembre 2008, rectifié le 23 mars 2009, le tribunal de grande instance de Toulon a validé la saisie-arrêt mise en oeuvre le 17 juin 1992 à hauteur de la somme de 896.318,33 €, outre la TVA et les intérêts au taux légal à compter du 13 février 1992 ;

Que parallèlement, la société Axa France Iard a entrepris de procéder à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 8 juin 1995 en adressant le 17 août 1995 à la SCP De Saint Ferreol et Touboul son avoué mandaté pour la représenter à la procédure d'appel, un chèque d'un montant de 7.323.706,26 Francs (1.116.491,80€) ; que la SCP De Saint Ferreol et Touboul s'est dessaisie de cette somme en procédant au règlement des états de frais établis par les avoués constitués dans l'intérêts des divers intimés, dont l'état de frais présenté par l'avoué de la SCI Les Gradines, pour un montant total de 6.512.182,96 Francs (992.775,88 €) ;

Que le 5 décembre 2003, la société Axa France Iard interrogeait la SCP De Saint Ferreol et Touboul sur les conditions dans lesquelles l'arrêt de la cour d'appel d'Aix avait été exécuté et réitérait sa demande par lettre du 21 décembre 2005, demandant si les fonds relatifs à la saisie-arrêt du 17 juin 1992 étaient toujours bloqués sur le compte Carpa ou, dans la négative, à qui ils avaient été transmis à cette époque ;

Que le 22 décembre 2005, l'avocat du mandataire de la société Sacipec sollicitait d' Axa France Iard le paiement de la somme de 5.879.462,84 € sous peine de son recouvrement forcé ;

Que suite à la transmission de ce courrier à la SCP De Saint Ferreol et Touboul , celle-ci répondait par télécopie du 4 janvier 2006 , qu'elle avait établi divers chèques débités entre le entre le 8 et le 18 septembre 1995, à l'ensemble des avoués de la cause, selon un décompte qu'elle fournissait, et précisait ne plus détenir à ce jour aucune somme ;

Que postérieurement à la signification du jugement de validation de la saisie-arrêt et après sommation de payer délivrée le 8 décembre 2009, Axa France Iard, adresssait courant juin 2010 au représentant de la Sacipec , un chèque de 1.605.065,39 € en paiement des causes de la saisie ;

Qu'estimant que la SCP De Saint Ferreol et Touboul avait engagé sa responsabilité pour avoir adressé la totalité de la somme qu'elle lui avait versée, aux différents avoués de la cause, notamment à l'avoué de la SCI Les Gradines, sans tenir compte de l'indisponibilité des sommes que pouvait requérir la société Sacipec à raison de la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains, la société Axa France Iard, a fait assigner, le 10 janvier 2012, l'assureur de la SCP De Saint Ferreol et Touboul, la société Covéa Risks, aux fins de voir réparer son préjudice, ce qui a donné lieu au jugement déféré, lequel a déclaré la société Axa France Iard irrecevable en son action au motif qu'elle se trouvait prescrite ;

Sur la prescription de l'action de la société Axa France Iard.

Considérant que la société Axa France Iard reproche au premier juge d'avoir considéré que son action était prescrite après le 24 janvier 2006 au motif que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul s'était achevée le 24 janvier 1996 en application de l'article 420 du code de procédure civile, alors que ce texte ne concerne que la fin des missions de représentation et d'assistance en justice dans le cadre du mandat ad litem au sens strict ;

Qu'elle soutient en l'espèce que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'a pu s'achever avant le terme de sa mission de séquestre conventionnel soit au plus tôt le 10 novembre 2008, date de validation de la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains, ou à tout le moins, avant le terme de sa mission de diligence et de conseil soit le 18 janvier 2006, date à laquelle la SCP De SaintFerréol et Touboul a donné le conseil à Axa France Iard de ne pas donner suite à la demande de paiement formulée contre elle, ou encore, au plus tôt le 4 janvier 2006, date à laquelle elle a rendu compte de sa mission de gestion des fonds, distincte du mandat ad litem ;

Qu'Axa France Iard conclut à la recevabilité de son action, en application des articles 2277-1 ancien et 2225 du code civil, dès lors que celle-ci a été intentée avant le 18 juin 2013;

Que la société Covéa Risks réplique que la mission de la SCP De Saint Ferreol et Touboul s'est achevée le 24 janvier 1996, date du dernier acte d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix, marquant le point de départ du délai de prescription de 10 ans en application de l'article 2277-1 ancien du code civil et de l'article 420 du code de procédure civile, de sorte que la prescription était acquise avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et avant la délivrance de l'assignation ;

La société Covéa Risks fait valoir que le mandat initial de la SCP De Saint Ferréol et Touboul a pris fin le 19 septembre 1995 date de la transmission de son entier dossier à l'avocat à la Cour de cassation, en raison du pourvoi en cassation formé par Axa France Iard, ou au plus tard le 25 janvier 1996, date à laquelle elle a rendu compte du dernier acte découlant de son mandat, consistant dans le règlement des dépens, ou enfin le 8 juin 1996, à l'expiration du délai d'un an ayant suivi l'arrêt du 8 juin 1995, par l'effet des dispositions de l'article 420 du code de procédure civile ;

Qu'à supposer que la saisine de son assurée ait été suspendue au sort du pourvoi en cassation , dans l'hypothèse d'une cassation avec renvoi devant la même cour autrement composée, l'incertitude a été levée par l'arrêt du 14 octobre 1997 constatant le désistement d'Axa France Iard rendant irrévocable l'arrêt rendu le 8 juin 1995 ; que la prescription de 10 ans serait néanmoins acquise au plus tard le 14 octobre 2007 ;

***

Considérant qu'il est constant que l'action directe du tiers lésé prévue par l'article L 124-3 du code des assurances, exercée à l'encontre de l'assureur de responsabilité de l'auteur présumé de faits dommageables se prescrit dans le même délai que l'action de ce tiers contre le responsable desdits faits ;

Considérant que selon l'article 2277-1 ancien du code civil, l'action dirigée contre les personnes habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait, se prescrivait par 10 ans à compter de la fin de leur mission ;

Que ce délai de prescription a été réduit à 5 ans, par l'article 2225 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Qu'il résulte de l'article 2222 du code civil dans sa rédaction issue de cette même loi, qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Considérant que l'article 420 du code de procédure civile prévoit que l'avocat, et anciennement l'avoué, remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir, jusqu'à l'exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d'un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée ;

Considérant en l'espèce que la SCP De Saint Ferreol et Touboul a été chargée de l'exécution de l'arrêt rendu le 8 juin 1995 par la cour d'appel d'Aix, dans l'année ; qu'après fourniture par l'avoué le 27 juillet 1995 du décompte détaillé des sommes dues par Axa France Iard , mentionnant notamment la créance de la SCI les Gradines pour 6.444.690,50 Francs comprenant le principal et les intérêts, le service de la comptabilité d'Axa France Iard a adressé le 17 août 1995, un chèque global de 7.323.706,25 Francs à son avoué, puis un second et dernier chèque de 22.743,95 Francs en règlement des frais de Maître [D], qui a été payé par la SCP De Saint Ferreol et Touboul le 24 janvier 1996 ;

Qu'Axa France Iard prétend, pour réfuter cette date comme point de départ de la prescription de 10 ans, que la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'a pu achever sa mission sans en rendre compte, ce qu'elle n'a fait que le 4 janvier 2006 ; qu'en outre en lui donnant le conseil, le 18 janvier 2006, de ne pas donner suite à la demande de paiement présentée par Maître [C], représentant le mandataire de la société Sacipec, elle a poursuivi sa mission ; qu'enfin, la SCP De Saint Ferréol et Touboul a été investie d'une mission de séquestre conventionnel des fonds litigieux qui lui avaient été remis sous réserve de les remettre à son tour au bon destinataire, compte tenu de l'existence de la saisie-arrêt pratiquée par la Sacipec ; qu'elle n'a pu être libérée de cette mission avant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon validant ladite saisie-arrêt le 10 novembre 2008 ;

*

Mais considérant que le mandat de représentation et d'assistance en justice est un mandat spécial régi par les dispositions des articles 411 et suivants du code de procédure civile lesquelles ne font pas obligation à l'avocat ou à l'avoué de rendre systématiquement des comptes relatifs à l'exécution d'une décision, acte par laquelle sa mission prend fin , même s'il peut y être invité, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'en effet Axa France Iard a attendu le 5 décembre 2003, pour demander à la SCP De Saint Ferreol et Touboul de ' bien vouloir ressortir cet ancien dossier classé depuis quelques années' afin de connaître les conditions dans lesquelles l'arrêt avait été exécuté et plus exactement, à qui les fonds remis en 1995, avaient été transmis ; qu'à supposer que cette demande s'analyse en une demande de comptes, la réponse donnée à celle-ci par la SCP De Saint Ferreol et Touboul ne saurait pour autant constituer le point de départ du délai de prescription précédemment énoncé, le dernier acte d'exécution de l'arrêt étant constitué par le paiement effectué par la SCP De SaintFerréol et Touboul le 24 janvier 1996, en tous points conforme au décompte détaillé préalablement fourni par elle à Axa France Iard ; qu'il sera en outre relevé que la SCP De Saint Ferreol et Touboul a répondu par courrier du 4 janvier 2006 pour fournir toutes précisions utiles sur la destination des sommes qui lui avaient été remises ; qu'à cette date la prescription n'était pas acquise ;

Considérant en second lieu que le fait pour l'étude d'avoué d'exprimer à la compagnie Axa France Iard qu'elle ne devait pas donner suite à la demande de paiement formée par Maître [C] au motif que celui-ci était le conseil de la SCI les Gradines, laquelle était déjà réglée, ne saurait s'analyser en la poursuite de sa mission de conseil, laquelle s'est achevée le 24 janvier 1996 ; qu'au demeurant la SCP De Saint Ferreol et Touboul indiquait également 'ceci étant, le règlement de la créance de la SCI les Gradines n'est pas libératoire à l'égard de la société saisissante et la SA Sacipec serait fondée à poursuivre l'exécution de la saisie-arrêt ' ; que ce double constat a priori contradictoire, procédait du fait que maître [C], initialement le conseil de la SCI les Gradines, était devenu celui du mandataire de la SA Sacipec ;

Qu'Axa France Iard ne peut sérieusement soutenir que la SCP De Saint Ferreol et Touboul dont, à cette date, les intérêts divergeaient des siens, compte tenu de la contestation née ou susceptible de naître, portant sur l'utilisation des sommes qu'elle lui avait remises en exécution de l'arrêt, aurait encore été investie d'une mission de conseil ou d'assistance à son égard ;

Considérant enfin que si des éléments ont été fournis à la SCP De Saint Ferreol et Touboul relativement à la saisie-arrêt pratiquée à titre conservatoire, sur la créance non encore déterminée de la société Sacipec, sur laquelle Axa France Iard avait attiré son attention lors de l'exécution de l'arrêt, il ne peut qu'être constaté que cet assureur, entre les mains duquel ladite saisie-arrêt avait été pratiquée, s'est lui-même volontairement dessaisi de la créance bloquée, aux fins de payer son propre créancier, la SCI les Gradines ;

Qu'Axa France Iard ne saurait se prévaloir d'une mission de séquestre conventionnel donnée à la SCP De Saint Ferreol et Touboul ; qu'en effet, le séquestre conventionnel est, selon l'article 1956 du code civil, le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir une fois la contestation terminée ;

Que toutefois, la remise de fonds, fût-ce à un professionnel du droit, ne saurait entraîner la constitution d'un séquestre, que sous réserve de ce que l'existence d'une telle convention soit caractérisée entre le remettant et le dépositaire, qui doit résulter d'une convention claire, faisant apparaître la commune intention des parties ; qu'en l'espèce, Axa France Iard qui s'est libérée entre les mains de son avoué de la totalité des sommes constituant les causes de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix n'a pas expressément demandé à la SCP De Saint Ferreol et Touboul de conserver pour son compte les sommes correspondant à sa propre condamnation vis à vis de la SCI les Gradines ;

Que les instructions données à son avoué étaient vagues et imprécises, puisqu'énoncées en ces termes 'il ne faudra pas perdre de vue la saisie-arrêt dont nous avons fait l'objet de la part du syndic de Sacipec, tel que rappelé dans notre lettre du 11 juillet dernier, merci d'y veiller '; que la lettre d'Axa France Iard du 11 juillet 1995 faisait état de la saisie , 'dont nous nous devons de tenir compte aujourd'hui quant au destinataire de notre règlement';

Que la société Sacipec, auteur de la saisie, ne disposait d'aucun titre résultant de la décision à exécuter, de sorte que si Axa France Iard avait voulu constituer son avoué comme séquestre conventionnel du montant de la saisie opérée jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur le sort de cette saisie, encore aurait-il fallu qu'elle l'institue expressément ; que la seule dénonciation à la SCP De Saint Ferreol et Touboul et la référence à la saisie opérée lors de la remise du chèque global, qui avait certes un effet conservatoire mais vis à vis d'Axa France iard seulement, à laquelle elle interdisait de se dessaisir des sommes dues à la SCI les Gradines, étaient insuffisantes et équivoques et ne saurait s'analyser, comme le demande la compagnie d'assurance appelante, en une demande de conservation de la somme due, pour son compte ; qu'un délai de plus de huit ans s'est écoulé entre la remise des fonds à la SCP De Saint Ferreol et Touboul et la lettre que lui a adressée Axa France Iard le 5 décembre 2003 afin de l'interroger sur l'usage des fonds remis ; que le fait enfin qu'Axa France Iard demande à son avoué de ressortir cet ancien dossier 'classé depuis quelques années ' témoigne de ce qu'aucune convention de séquestre n'avait été convenue entre les parties, dont aucun compte ne lui avait jamais été demandé ; qu'il sera remarqué que l'importance de la somme remise n'aurait pas manqué de justifier une stipulation d'intérêts au profit d'Axa France Iard , laquelle n'a jamais été envisagée ;

Qu'il en résulte que la SCP De Saint Ferreol et Touboul n'ayant reçu d'autre mission que celle d'assistance et de représentation d'Axa France Iard dans le cadre du procès ayant abouti à la décision de 1995 , dont l'exécution s'est achevée le 24 janvier 1996 au sens de l'article 420 du code de procédure civile, la prescription alors de 10 ans s'est trouvée acquise le 24 janvier 2006, et donc avant l'introduction de l'instance le 10 janvier 2012 ; qu'en effet , aucun acte tel que ceux visés par les articles 2242 et suivants du code civil dans leur ancienne rédaction n'est venu interrompre le délai de 10 ans ; que les différents courriers échangés avec la SCP De Saint Ferreol et Touboul évoquant sa possible responsabilité ne sauraient se voir reconnaître un tel effet interruptif de prescription au sens de ces textes ;

Qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a accueilli cette fin de non-recevoir, et déclaré irrecevable l'action d'Axa France Iard ;

Que le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'Axa France Iard, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'en cause d'appel, l'équité commande d'allouer à la SA Covéa Risks la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SA COVÉA RISKS la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odile BLUM, Président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 13/08382
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°13/08382 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;13.08382 ?
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